Si les parents sont heureux de voir leurs enfants assumer des responsabilités plus importantes, il arrive un moment où ces derniers aspirent également à plus d’autonomie. Le problème est que les enfants n’apprennent pas toujours à assumer leurs responsabilités aussi rapidement que les parents le souhaiteraient. En effet, leurs priorités sont différentes selon l’étape de vie à laquelle ils se trouvent.
Ce schéma se reproduit dans chaque famille, mais les enjeux sont plus importants pour les familles à valeur nette élevée ou très élevée. Il ne s’agit pas seulement de se demander si les enfants peuvent mener une vie indépendante, mais aussi s’ils sont suffisamment préparés, financièrement et mentalement, à gérer un patrimoine générationnel.
C’est le genre de défi que Shelley Forsythe, directrice générale, Planification d’entreprise familiale à BMO Gestion privée, et Rebecca Clark, directrice générale, Planification de patrimoine à BMO Gestion de patrimoine, relèvent avec les familles qui font face à ce type de situation. Habituellement, le processus consiste à sensibiliser les différents membres de la famille afin qu’ils sachent quelles questions poser et comment exprimer leur point de vue, et à s’assurer que chacun comprend bien les objectifs et la vision de la famille en matière de patrimoine.
Voici quelques-unes des façons dont elles soutiennent la prochaine génération dans la protection et la croissance du patrimoine familial.
Établir une vision commune
Les chances de réussite sont meilleures lorsqu’il est possible de cocréer une vision commune. Mme Forsythe rencontre souvent plusieurs générations d’une même famille pour parler de la façon dont elles peuvent partager et préserver le patrimoine accumulé au fil des générations. Elle explique que l’aspect financier n’est qu’un des éléments, elle prend également en considération le capital humain, intellectuel, social et spirituel.
En plus des valeurs, le capital humain renforce les compétences relationnelles et la communication, tandis que le capital intellectuel consiste à partager les connaissances et à favoriser les compétences de vie et le développement personnel des membres de la famille. Le capital social, quant à lui, est idéalement axé sur la contribution de la famille à sa collectivité et à des actions caritatives, tandis que le capital spirituel met l’accent sur le sens profond des objectifs et de la vision de la famille, ainsi que sur les croyances et les considérations culturelles partagées.
Mme Forsythe souligne que le patrimoine ne se limite pas à l’argent; il s’agit avant tout de promouvoir un sentiment d’appartenance au sein de la famille et de travailler ensemble, comme une entreprise dont les unités sont cohérentes. Elle poursuit en expliquant que souvent les familles hésitent à faire participer la prochaine génération à cette conversation, car elles ne savent pas par où commencer et craignent d’élever des enfants qui tiennent l’argent pour acquis.
« Je les aide à prendre du recul et à clarifier leur relation avec l’argent », explique-t-elle. Dans le cadre de son approche, elle demande aux parents de créer un scénario avec des messages clés pour expliquer leur vision de l’objectif du patrimoine familial, ce qui les aide à déterminer les rôles et les responsabilités, ainsi que l’ensemble des compétences nécessaires pour gérer le patrimoine.
Mais la responsabilité n’incombe pas seulement aux parents, elle est partagée. Leurs enfants pourraient avoir à redéfinir leurs attentes et à faire preuve de volonté pour prendre des responsabilités, écouter et apprendre.

La communication est essentielle
Selon Mme Forsythe, l’écoute active des différents points de vue est essentielle à une communication efficace. Elle explique qu’on ne peut jamais avoir trop de communication, car il s’agit d’un processus continu. « Par exemple, si vous créez une fiducie afin que vos enfants puissent accéder au patrimoine plus tôt, cela peut constituer une autre occasion de les sensibiliser aux responsabilités liées à sa gestion.
Il n’est pas idéal de se retrouver dans une situation où un membre de la famille est surpris par certains renseignements concernant le patrimoine familial, explique Mme Forsythe. Le secret peut entraîner un manque d’harmonie et mener à des suppositions ou à des perceptions, ce qui peut avoir une incidence sur votre capacité à informer les membres de votre famille sur la façon de gérer, de préserver et de faire croître le patrimoine familial. »
Elle souligne qu’il est important d’inviter les membres de la famille à participer à la conversation, tout en expliquant que leur donner la parole ne signifie pas leur accorder un droit de vote. « En les faisant participer au processus, vous favoriserez le pouvoir d’agir et, au bout du compte, le leadership. L’adhésion des enfants peut aider à établir une relation de confiance à long terme, ce qui est important si l’objectif est de faire en sorte que le patrimoine perdure au fil des générations », conclut-elle.
Surveillez vos dépenses
La passion de Mme Clark est de veiller à ce que la prochaine génération possède des connaissances financières. S’il y a une chose que les bénéficiaires potentiels doivent comprendre, c’est qu’un héritage ne doit pas être considéré comme de l’argent gratuit. Non seulement parce que cela permet de développer une relation plus saine avec l’argent, mais aussi parce qu’un héritage s’épuise parfois plus vite que prévu.
« Les enfants s’imaginent souvent que leurs parents ont plus d’argent qu’ils n’en ont réellement, explique-t-elle. Ils ne se rendent peut-être pas compte du montant dépensé au cours des dix ou vingt dernières années de leur vie.
Mme Clark dit que lorsqu’elle rencontre les membres de la prochaine génération, ceux-ci arrivent souvent avec une longue liste de projets. Elle leur présente alors un plan qui tient compte de ces projets, tout en leur montrant que l’argent risque de manquer plus tard. « Ils croient que l’argent suffira largement, explique-t-elle. Il faut donc leur expliquer que, même si cet argent pourra leur offrir un montant supplémentaire à dépenser chaque année, il existe bel et bien une limite ».
Selon Mme Clark, les dépenses excessives sont l’une des plus grandes menaces qui pèsent sur le patrimoine générationnel. Par exemple, elle a rencontré des personnes qui s’attendaient à un héritage de 2 millions de dollars et pensaient pouvoir acheter une maison d’une valeur de 2 millions de dollars tout en finançant des projets comme des voyages. Il y a aussi des impôts à payer. « C’est toujours le même argent qui est dépensé, explique Mme Clark. Il y a un certain décalage : ces personnes ne réalisent pas combien de temps cet argent leur permettra de tenir ou qu’il ne durera pas aussi longtemps qu’elles l’espèrent ».
Soyez à l’affût des pièges courants
L’une des façons d’acquérir les compétences nécessaires pour protéger le patrimoine familial est de donner aux enfants un peu d’argent pour qu’ils puissent apprendre à le gérer par eux-mêmes. Pour recevoir des conseils tout au long de ce parcours d’apprentissage, il est essentiel d’établir dès le départ une relation avec un conseiller financier ou en placement. Selon Mme Forsythe, un ami ou un membre de la famille bien informé et ayant un sens aigu des affaires peut également être de bon conseil.
Il ne s’agit pas seulement de gestion d’argent ou de préoccupations liées aux dépenses excessives, mais aussi de planification en cas de dérapage. Il faut établir un budget qui tient compte des impôts. Mais dans certains cas, il faut également tenir compte du droit de la famille. Par exemple, lorsqu’un enfant adulte divorce, une entente signée (ou l’absence d’entente) pourrait avoir une incidence sur la possibilité de préserver ces fonds au sein de la famille. Ils pourraient également les perdre dans le cadre d’un règlement.
Par exemple, supposons que l’enfant adulte utilise un héritage pour rembourser un prêt hypothécaire, puis se sépare de son conjoint. En un clin d’œil, la moitié de l’héritage pourrait être perdu, souligne Mme Clark. Pour protéger les actifs de la famille, il est essentiel de considérer les principes fondamentaux d’une entente prénuptiale comme une option de gestion des risques. Ces ententes peuvent même être signées après le mariage.
Au bout du compte, il s’agit de s’assurer que tout le monde est en mesure de partager ou de préserver le patrimoine familial. « Généralement, les parents souhaitent que leurs enfants soient financièrement responsables et autonomes avant de commencer à puiser dans leur héritage, surtout s’il existe des plans de continuité du patrimoine », explique Mme Forsythe.