Les principales agences de presse ont annoncé la victoire de l’ancien président Trump et le contrôle du Sénat par les républicains. Bien que tous les votes ne soient pas encore comptabilisés, il est tout à fait possible que le président Trump remporte à la fois le vote populaire et les sept « États pivots ». Le contrôle de la Chambre des représentants reste toutefois incertain, mais si toutes les élections à la Chambre se terminent aux niveaux actuels (9 h, heure du Centre, le 6 novembre 2024), les républicains disposeront d’une majorité de trois sièges à la Chambre.1 Le plein contrôle du Congrès est indispensable aux républicains pour faire adopter la politique fiscale et les dépenses budgétaires. La victoire du président Trump leur permet toutefois d’exercer un contrôle quasi unilatéral sur la politique tarifaire. Rappelons aussi que le Sénat, contrôlé par les républicains, sera responsable de la confirmation des membres du Cabinet et des organismes de réglementation – des leviers et mécanismes importants pour la mise en œuvre de la politique. On pourra à tout le moins s’attendre à une réglementation moins contraignante sous le nouveau gouvernement.
Incidence sur la politique et les marchés
La possibilité d’un balayage républicain aura un effet important sur la politique fiscale. En effet, le président Trump s’efforcera de maintenir toutes les modifications fiscales prévues par la Tax Cut and Jobs Act (TCJA) de 2017. Il voudra aussi ajouter des mesures supplémentaires comme la baisse du taux d’imposition des sociétés à 15 % pour les fabricants du pays. Il reste à voir comment une telle mesure sera mise en œuvre concrètement, mais l’objectif déclaré est de ramener les emplois manufacturiers aux États-Unis.
Ces mesures de relance supplémentaires ne sont toutefois pas à sens unique. Les réductions d’impôts et les propositions de dépenses pourraient faire exploser le déficit budgétaire – déjà prévu à 6,5 % du PIB en 2025 – à 8 %, voire plus. Entre l’augmentation des déficits, les mesures tarifaires et l’intensification des mesures de relance économique, il est possible que les rendements obligataires à long terme continuent d’augmenter alors même que la Réserve fédérale abaisse les taux d’intérêt à court terme. Dans la foulée des résultats de l’élection, le rendement du bon du Trésor à 10 ans est passé d’environ 4,30 % à 4,46 %, ce qui a exercé une pression sur certains secteurs du marché sensibles aux taux d’intérêt, par exemple le logement et les actions du secteur immobilier. Si le rendement des bons du Trésor à 10 ans reste inférieur à 5 % ou proche de ce niveau, l’effet d’entraînement sur le marché des actions en général devrait être ténu. Or, une poussée importante, à 5,5 % ou au-delà, entraînerait probablement une réévaluation à la baisse des actions. Il ne s’agit pas de notre scénario de base, mais nous voyons la possibilité d’un risque extrême en cas de balayage républicain.
Les mesures tarifaires joueront assurément un rôle déterminant dans le cadre de la politique du président Trump, notamment parce qu’elles génèrent des recettes pour le gouvernement fédéral et permettent de compenser en partie les réductions d’impôts et les initiatives en matière de dépenses. Pour le président Trump, les droits de douane sont aussi le moyen par excellence de favoriser le retour des emplois manufacturiers aux États-Unis. On ne sait toutefois pas si la politique tarifaire d’une deuxième administration Trump se solderait par l’imposition généralisée d’un tarif douanier de 10 % ou de 20 % (ceci sans tenir compte de la Chine, qui serait manifestement soumise à des tarifs beaucoup plus élevés). Le 15 octobre 2024, à l’Economic Club de Chicago, l’ancien président Trump a longuement discuté des droits de douane comme moyen de « ramener les entreprises dans notre pays ». Il a précisé que « la seule façon d’y parvenir est de brandir la menace de droits de douane [...] beaucoup plus élevés que 10 % ». La stratégie de l’administration Trump en matière de droits de douane pourrait passer d’une démarche étonnamment bienveillante, consistant à conclure des accords afin de ramener des emplois aux États-Unis, à une attitude belliqueuse, fomentant des guerres commerciales et des affrontements interminables susceptibles de créer des perturbations économiques. La stratégie tarifaire du président Trump reste une source indéniable d’incertitude, tant sur le plan national que mondial, et la réaction aux résultats de l’élection américaine sur les marchés européens a été largement négative.
Les infrastructures et les valeurs financières, en revanche, réagissent favorablement aux résultats de l’élection. L’administration Trump à venir aura en effet à cœur de réduire la réglementation qui pèse sur ces secteurs et de promouvoir l’expansion de la base manufacturière, du réseau électrique et du secteur de l’énergie aux États-Unis. Nous pensons que le président Trump ne demandera que des changements limités à l’Inflation Reduction Act (IRA) du président Biden, y compris dans des domaines comme les crédits pour l’énergie propre. La dynamique des infrastructures américaines provient des dépenses publiques, des projets de loi de relance budgétaire, des dépenses du secteur privé, des dépenses liées à l’intelligence artificielle et des investissements internationaux, et devrait continuer à être un domaine d’investissement porteur.
En résumé, dans le cas d’un balayage républicain, les possibilités de modification de la fiscalité et des dépenses budgétaires sont importantes. La politique tarifaire s’inscrira probablement dans ce vaste ensemble d’initiatives, mais la stratégie du président Trump pourrait prendre différentes directions. Si le risque d’inflation lié aux droits de douane est souvent cité et pourrait freiner les baisses de taux de la Fed en 2025, nous estimons que ce risque est relativement faible. Dans un scénario optimiste, les menaces tarifaires débouchent sur la conclusion d’accords et sur un certain retour des emplois aux États-Unis. Dans un scénario combatif d’affrontement prolongé, nous risquons d’aller de ripostes en représailles. Dans un tel cas, les risques liés à la chaîne d’approvisionnement et les perturbations commerciales représentent un risque plus important pour l’économie mondiale. Le marché boursier américain a accueilli favorablement la victoire de Trump en 2016 et fait preuve d’un enthousiasme précoce semblable en ce moment. Nous pensons toujours que les conditions de marché sont globalement favorables à la prise de risque, mais une deuxième administration Trump entraîne toute une nouvelle série de facteurs à prendre en compte, une autre forme d’énergie, et un président désireux d’affronter les forces économiques.