Le 28 mars 2023, la ministre des Finances Chrystia Freeland a déposé à la Chambre des Communes son troisième budget, sous le titre « Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère ».
Face au ralentissement de l’économie mondiale et à l’ampleur des taux d’intérêt et de l’inflation, le Budget 2023 vise à fournir aux Canadiens les plus vulnérables des mesures ciblées d’allègement de l’inflation, à offrir de meilleurs soins de santé, notamment dentaires, et à bâtir une économie propre, le tout dans le cadre d’un plan budgétaire responsable. Le budget anticipe un déficit de 43 milliards de dollars pour l’exercice financier 2022-2023 et une diminution progressive des déficits par la suite.
Le budget propose notamment plusieurs mesures destinées à améliorer le pouvoir d’achat des Canadiens, dont une bonification du crédit pour la TPS (« remboursement pour l’épicerie »), une réduction des « frais indésirables » (tels que les frais d’itinérance imposés par les entreprises de télécommunications), des mesures contre les prêts assortis de taux abusifs et des mesures de soutien pour les étudiants. Le gouvernement a également prévu certains assouplissements pour les régimes enregistrés; il a présenté plusieurs nouveaux crédits d’impôt à l’investissement dans les énergies propres et en a élargi d’autres, et apporté des précisions sur son projet de taxe sur les rachats d’actions.
En ce qui a trait à l’impôt des particuliers et des petites entreprises, qui constitue l’essentiel de la présente analyse, le budget ne prévoit pas de hausses d’impôts ni de modification des taux d’inclusion des gains en capital. Il apporte toutefois, comme prévu, des modifications importantes à l’impôt minimum de remplacement, qui vise à garantir que ceux qui ont les revenus les plus élevés ne puissent pas réduire artificiellement leur facture fiscale par un recours abusif aux déductions et aux crédits d’impôt. Ces mesures devraient générer 3 milliards de dollars de recettes supplémentaires sur cinq ans, à compter de 2024. Concernant les sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC), le budget propose d’instaurer des modifications fiscales destinées à faciliter la création de fiducies collectives des employés, afin d’encourager l’actionnariat des employés et d’offrir d’autres options de sortie aux propriétaires d’entreprises. Le gouvernement entend également déposer des amendements dans le but de clarifier la nouvelle réglementation fiscale visant à faciliter un véritable transfert intergénérationnel des entreprises familiales.
Comme les années précédentes, le budget prévoit un certain nombre d’autres mesures destinées à améliorer l’équité et la transparence du système fiscal; il propose notamment de modifier la loi dans le but de moderniser et de renforcer la règle générale anti-évitement (RGAE) afin qu’elle reste efficace. Fait à noter, le budget 2023 ne contient aucune mesure majeure portant spécifiquement sur les organismes de bienfaisance (on peut toutefois s’attendre à ce que les changements apportés à l'impôt minimum de remplacement (IMR) aient des répercussions sur certains donateurs).
Vous trouverez ci-dessous un résumé des principales mesures fiscales concernant les particuliers et les entreprises privées canadiennes. Veuillez noter que ces mesures ne sont à ce stade que des propositions et qu’il est toujours possible qu’elles ne soient pas adoptées. Le lecteur est invité à consulter son conseiller fiscal pour savoir dans quelle mesure il est concerné par ces propositions.
Résumé des propositions en matière d’impôt sur le revenu des particuliers
Remboursement pour l’épicerie
Le budget 2023 propose d’instaurer un « remboursement pour l’épicerie » unique dans le but d’alléger le fardeau de l’inflation pour les Canadiens à revenus modestes via le crédit pour la taxe sur les produits et services (crédit pour la TPS). La mesure, qui coûtera 2,5 milliards de dollars, sera mise en œuvre dans les plus brefs délais une fois le projet de loi adopté.
Impôt minimum de remplacement
Comme il l’avait indiqué dans son programme électoral de 2021, le gouvernement libéral souhaite s’assurer que les particuliers à revenus élevés paient au moins 15 % d’impôts (au niveau fédéral) chaque année et qu’ils ne puissent pas artificiellement baisser leur revenu imposable par un recours excessif aux déductions ou aux crédits d’impôt. L’IMR est un calcul fiscal parallèle qui accorde moins de déductions, d’exonérations et de crédits d’impôt que les règles ordinaires de l’impôt sur le revenu et qui applique actuellement un taux d’imposition forfaitaire de 15 % (avec une exonération standard de 40 000 $), au lieu de la structure de taux d’imposition progressive habituelle. Le contribuable paie le plus élevé de l’IMR ou de l’impôt régulier. L’impôt supplémentaire payé en raison de l’IMR peut généralement être reporté pendant sept ans et peut faire l’objet d’un crédit sur l’impôt régulier si celui-ci dépasse l’IMR au cours des années concernées. L’IMR ne s’applique pas à l’année de décès.
Dans son budget de l’an dernier, le gouvernement avait annoncé qu’il s’engageait à étudier un nouveau régime d’impôt minimum et le budget 2023 propose plusieurs modifications à son calcul afin de cibler spécifiquement les ménages à revenus élevés. Vous trouverez ci-dessous une présentation des principales caractéristiques du nouveau régime de l’IMR, qui visent à élargir l’assiette de cet impôt, à réduire la liste des éléments permettant de bénéficier d’un traitement fiscal préférentiel (exemptions, déductions et crédits d’impôt) et d’augmenter le taux de l’IMR. Le gouvernement apportera des précisions plus tard cette année.
Gains en capital et options d’achat d’actions
Le budget 2023 propose d’augmenter le taux d’inclusion des gains en capital de l’IMR de 80 % à 100 %. Les pertes en capital reportées et les pertes au titre des placements d’entreprises admissibles s’appliqueraient en revanche à un taux de 50 %. Il est également proposé d’inclure la totalité de l’avantage associé aux options d’achat d’actions accordées aux employés dans l’assiette de l’IMR.
Exonération cumulative des gains en capital
Actuellement, les gains en capital admissibles à l’exonération cumulative des gains en capital sont inclus à hauteur de 30 % dans l’assiette de l’IMR. Le budget 2023 propose de maintenir ce traitement.
Dons de titres cotés en bourse
Actuellement, les gains en capital réalisés sur les dons de titres cotés en bourse à des donataires admissibles sont intégralement exemptés d’impôt. Le gouvernement propose d’inclure 30 % de ces gains en capital dans l’assiette de l’IMR, comme pour l’exonération cumulative des gains en capital. Ce taux d’inclusion de 30 % s’appliquerait également à l’avantage total associé aux options d’achat d’actions accordées aux employés dans la mesure où celui-ci peut faire l’objet d’une déduction puisque les titres sous-jacents sont des titres cotés en bourse qui ont fait l’objet d’un don.
Exemples de déductions et dépenses
En vertu des nouvelles règles proposées, l’assiette de l’IMR serait élargie en raison de l’abolition d’un certain nombre de déductions, dont les suivantes (liste non exhaustive) :
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les frais liés à l’emploi, autres que ceux engagés afin de gagner un revenu de commissions;
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les frais de déménagement;
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les frais de garde d’enfants;
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les frais d’intérêts et les frais financiers engagés pour gagner un revenu de biens;
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la déduction pour les pertes de sociétés en commandite d’autres années; et
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les pertes reportées autres que des pertes en capital.
Crédits non remboursables
À l’heure actuelle, la plupart des crédits non remboursables peuvent être appliqués sur l’IMR. Le budget 2023 propose toutefois que seulement 50 % de ces crédits puissent venir en déduction de l’IMR, sous réserve de certaines exceptions; le crédit d’impôt pour dividendes resterait notamment entièrement refusé, comme actuellement (et l’IMR continuerait d’utiliser la valeur au comptant, c’est-à-dire la valeur non majorée, des dividendes).
Augmentation de l’exonération de l’IMR
L’exonération est une déduction dont peuvent se prévaloir tous les particuliers (à l’exclusion des fiducies, autres que les successions assujetties à l’imposition à taux progressifs) et qui vise à mettre les particuliers à revenu faible ou modeste à l’abri de l’IMR. Le budget 2023 propose de faire passer l’exonération de 40 000 $ actuellement au premier niveau de la quatrième tranche d’imposition fédérale. Selon l’indexation prévue pour l’année d’imposition 2024, l’exemption s’établirait à environ 173 000 $ et serait indexée tous les ans en fonction de l’inflation.
Augmentation du taux de l’IMR
Le budget 2023 propose de faire passer le taux de l’IMR de 15 % à 20,5 %, ce qui correspond aux taux respectivement applicables à la première et à la deuxième tranches d’imposition fédérale.
Fait à noter, la période de report applicable à l’IMR serait maintenue à sept ans et les fiducies qui sont actuellement exemptées de l’IMR le resteraient (le gouvernement évaluera si d’autres types de fiducies devraient bénéficier elles aussi d’une exemption).
Ces changements s’appliqueraient aux années d’imposition débutant après 2023.
Autres mesures relatives à l’impôt des particuliers
Production automatisée des déclarations de revenus
Le gouvernement a également annoncé qu’à partir de l’an prochain, l’Agence du revenu du Canada (ARC) mettra à l’essai un nouveau service de production automatisée des déclarations de revenus qui permettra aux Canadiens vulnérables qui ne produisent pas leur déclaration de revenus à l’heure actuelle de recevoir les prestations auxquelles ils ont droit. Après consultation des intervenants et des organismes communautaires, l'ARC présentera en 2024 un plan pour élargir ce service.
Déduction pour les outils des gens de métier
Le budget de 2023 propose de doubler, de 500 $ à 1 000 $, la déduction maximale du revenu d’emploi pour dépenses d’outillage des gens de métier, à compter de l’année d’imposition 2023.
Mesures concernant les régimes enregistrés
Régime enregistré d’épargne-études
Le régime enregistré d’épargne-études (REEE) est un régime donnant droit à une aide fiscale, conçu pour aider les familles à épargner en prévision des études postsecondaires de leurs enfants. Lorsque le bénéficiaire d’un REEE est inscrit à un programme postsecondaire admissible, les subventions gouvernementales et les revenus de placement peuvent être retirés du régime à titre de paiements d’aide aux études (PAE - imposables) pour payer des dépenses liées aux études.
Selon ce qui est proposé dans le budget 2023, il serait désormais possible de retirer jusqu’à 8 000 $ (contre 5 000 $ précédemment) en PAE pour les 13 premières semaines consécutives d’inscription pour les bénéficiaires inscrits à temps plein et jusqu’à 4 000 $ (contre 2 500 $ précédemment) par période de 13 semaines pour les bénéficiaires inscrits à temps partiel.
Le budget 2023 propose également d’autoriser les parents divorcés ou séparés à conclure conjointement un contrat de REEE pour un ou plusieurs de leurs enfants ou à transférer un REEE existant dont ils sont cosouscripteurs auprès d’un autre promoteur. Jusqu’à présent, seuls les époux ou conjoints de fait pouvaient conclure conjointement un contrat avec un promoteur pour ouvrir un REEE.
Ces modifications entrent en vigueur immédiatement.
Régime enregistré d’épargne-invalidité
Les régimes enregistrés d’épargne-invalidité (REEI) sont conçus pour contribuer à la sécurité financière à long terme des bénéficiaires admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Le gouvernement fédéral avait précédemment élargi l’accès au REEI en permettant aux membres de la famille admissibles (parent, époux ou conjoint de fait) d’ouvrir un REEI et d’être titulaires du régime pour un adulte dont il n’est pas certain qu’il ait la capacité à conclure un contrat de REEI et qui n’a pas de représentant légal. Cette disposition a permis à de nombreuses familles de profiter du REEI, mais elle arrive bientôt à expiration.
Le budget 2023 propose donc de prolonger la mesure pour les membres de la famille admissibles jusqu’au 31 décembre 2026 et de l’élargir aux frères et sœurs adultes des bénéficiaires de REEI.
Conventions de retraite
Une convention de retraite est un type de convention parrainée par l’employeur qui permet généralement à ce dernier de fournir des prestations de retraite supplémentaires à ses employés.
Les employeurs qui ne préfinancent pas les prestations de retraite supplémentaires au moyen de cotisations à une fiducie de convention de retraite, et qui règlent plutôt les obligations de prestation de retraite à mesure qu’elles sont exigibles, peuvent généralement obtenir une lettre de crédit (ou un cautionnement) émise par une institution financière afin d’offrir une garantie à leurs employés. Les frais ou primes annuels facturés par l’émetteur font toutefois l’objet d’un impôt remboursable de 50 %.
Pour aider à récupérer cet impôt remboursable, le budget 2023 propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu de manière à ce que les frais ou primes payés aux fins de garantie ou de renouvellement d’une lettre de crédit (ou d’un cautionnement) pour une convention de retraite ne soient pas assujettis à l’impôt remboursable. Ce changement s’appliquerait aux frais ou primes payés à compter de la date du budget.
Le budget 2023 propose également de permettre aux employeurs de demander le remboursement d’impôts remboursables déjà versés relativement aux frais ou primes payés pour des lettres de crédit (ou des cautionnements) par les fiducies de convention de retraite. Ce changement s’appliquerait aux prestations de retraite payées après 2023.
Propositions touchant les sociétés privées canadiennes
Fiducies collectives d‘employés
Les fiducies collectives d’employés (FCE) sont une forme d’actionnariat des employés dans laquelle les actions d’une entreprise sont détenues en fiducie au profit des employés de l’entreprise. Les FCE peuvent être utilisées pour faciliter le rachat d’une entreprise par ses employés, sans qu’ils aient besoin de payer directement pour acquérir des actions. Pour les propriétaires d’entreprises, la FCE constitue une option supplémentaire de planification de la relève.
Les précédents budgets fédéraux avaient fait part de l’intention du gouvernement de mener des consultations dans le but de trouver des solutions aux obstacles existant dans la réglementation actuelle, qui ne prévoit pas de fiducie spécifique permettant d’encourager l’actionnariat des employés ou de faciliter la reprise des entreprises privées par leurs employés.
Le budget 2023 propose de nouvelles règles pour faciliter la création et l’utilisation de FCE dans le but d’acquérir et de détenir des actions d’une entreprise. Les nouvelles règles prévoiraient les conditions permettant d’être considéré comme une FCE et proposeraient des modifications à apporter aux autres règles fiscales pour faciliter la mise en place de FCE. Ces modifications entreraient en vigueur le 1er janvier 2024.
Conditions d’admissibilité
Les FCE seraient assujetties aux conditions d’admissibilité et aux règles générales suivantes :
Définitions
Une fiducie serait considérée comme une FCE s’il s’agit d’une fiducie résidant au Canada (excluant les fiducies réputées résidentes) et si elle n’a que deux objectifs. Premièrement, elle devrait détenir des actions d’entreprises admissibles au profit des employés bénéficiaires de la fiducie. Deuxièmement, elle devrait effectuer des paiements aux employés bénéficiaires admissibles, lorsque cela serait raisonnable, en fonction d’une formule de paiement qui ne pourrait tenir compte que des années de service des employés, de leur rémunération et du nombre d’heures travaillées.
Une FCE serait tenue de détenir une participation majoritaire dans une ou plusieurs entreprises admissibles. Les actifs d’une FCE doivent être entièrement ou presque composés d’actions d’entreprises admissibles.
Entreprise admissible - Une entreprise admissible devra remplir certaines conditions : elle devra notamment être une société privée sous contrôle canadien (SPCC) dont la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des actifs correspondra à des actifs utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada.
Employés bénéficiaires - Les bénéficiaires de la fiducie doivent être exclusivement des employés admissibles. Les employés admissibles incluraient toutes les personnes employées par une entreprise admissible et par toute autre entreprise admissible sous son contrôle, à l’exclusion des employés qui détiennent d’importants intérêts économiques ou qui n’ont pas terminé une période de probation d’une durée raisonnable pouvant aller jusqu’à 12 mois.
Les particuliers (et les personnes qui leur sont liées) qui détiennent, ou détenaient avant la vente à une FCE, un important intérêt économique dans une entreprise admissible de la FCE ne seraient pas non plus considérés comme des employés admissibles.
Gouvernance
Les fiduciaires, y compris les sociétés agissant à titre de fiduciaires, seraient tenus d’être des résidents canadiens (à l’exclusion des résidents réputés). Les bénéficiaires de la fiducie (âgés de 18 ans et plus) éliraient les fiduciaires au moins une fois tous les cinq ans. Lorsqu’une entreprise existante serait vendue à une FCE, les particuliers (et les personnes qui leur sont liées) qui détenaient des intérêts économiques importants dans l’entreprise existante avant la vente ne devraient pas représenter plus de 40 % :
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des fiduciaires de la FCE;
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des membres du conseil d’administration d’une société agissant à titre de fiduciaire de la FCE; ou
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des administrateurs de toute entreprise admissible de la FCE.
Traitement fiscal
La FCE serait une fiducie imposable. Elle serait donc assujettie aux mêmes règles que les autres fiducies personnelles. Le revenu non réparti de la fiducie serait imposé au niveau de la FCE au taux d’imposition marginal supérieur des particuliers, tandis que le revenu distribué aux bénéficiaires de la FCE ne serait pas imposable au niveau de la fiducie, mais au niveau des bénéficiaires. Si la FCE distribuait des dividendes reçus d’entreprises admissibles, ces dividendes conserveraient leur caractère lorsqu’ils seraient distribués aux employés bénéficiaires et seraient donc admissibles au crédit d’impôt pour dividendes.
Transfert d’entreprise admissible
Un transfert d’entreprise admissible se produirait lorsqu’un contribuable procéderait à la disposition d’actions d’une entreprise admissible pour un montant ne dépassant pas la juste valeur marchande. Les actions doivent faire l’objet d’une disposition en faveur d’une fiducie admissible à titre de FCE immédiatement après la vente ou d’une société détenue à 100 % par la FCE. La FCE doit détenir une participation majoritaire dans l’entreprise admissible immédiatement après le transfert d’entreprise admissible.
Faciliter la mise en place des FCE
Afin de faciliter la mise en place et l’utilisation des FCE, certaines règles fiscales actuelles seraient modifiées :
Provision de dix ans pour gains en capital
Parce qu’il semble que le paiement du produit de la vente à une FCE pourrait être différé sur une plus longue période, le budget 2023 propose de faire passer la période du calcul de la provision pour gains en capital de cinq à dix ans pour les transferts d’entreprise admissibles à une FCE. Il faudrait inclure au moins 10 % du gain dans le revenu chaque année, si bien que la provision pourrait être réclamée sur une période maximale de dix ans. Tous les particuliers ayant procédé à la disposition d’actions dans le cadre d’un transfert d’entreprise admissible pourraient demander la réserve étendue pour gains en capital.
Exception aux règles sur les prêts aux actionnaires
Les actionnaires d’une société qui reçoivent un prêt consenti par celle-ci sont généralement tenus d’inclure le montant du prêt dans le revenu de l’année au cours de laquelle il a été obtenu, à moins que ce montant soit remboursé dans l’année. En vertu des règles actuelles, si une FCE devait emprunter auprès d’une entreprise admissible pour financer l’achat d’actions dans le cadre d’un transfert d’entreprise admissible, elle serait tenue de rembourser le montant emprunté au cours de l’année suivant la fin de l’année d’imposition de l’entreprise admissible pour éviter d’avoir à payer de l’impôt dessus.
Le budget 2023 propose donc d’instaurer une nouvelle exception pour prolonger de un à 15 ans le délai de remboursement des montants prêtés à une FCE par une entreprise admissible pour acheter des actions dans le cadre d’un transfert d’entreprise admissible
Exception à la règle des 21 ans
Pour éviter le report infini de l’impôt sur les gains en capital accumulés, certaines fiducies sont réputées avoir procédé à la disposition de leurs immobilisations à des intervalles de 21 ans. Les FCE visant à permettre aux actions d’être détenues indéfiniment au profit des employés, le budget 2023 propose de les exempter de la règle des 21 ans. Si une fiducie ne satisfait plus aux critères lui permettant d’être considérée comme une FCE, la règle des 21 ans sera rétablie jusqu’à ce que la fiducie remplisse de nouveau les critères.
Transferts intergénérationnels d’entreprises familiales
Les lois fiscales canadiennes contiennent certaines mesures anti-évitement, par exemple celles qui cherchent à prévenir le « dépouillement des surplus » des sociétés, visant à atteindre la neutralité et l’intégration dans le régime fiscal; elles veillent à ce que le revenu gagné directement par un particulier résidant au Canada soit assujetti approximativement au même niveau d’imposition que s’il était gagné par l’intermédiaire d’une société puis distribué à un individu actionnaire. Plus précisément, ces règles anti-évitement s’appliquent normalement pour convertir un gain en capital en dividende imposable (qui est assujetti à un taux d’imposition supérieur à celui d’un gain en capital et non admissible à l’exonération cumulative des gains en capital) lorsqu’un particulier transfère les actions de sa société à la société d’une personne liée. Par conséquent, l’application des règles anti-évitement a toujours entraîné un fardeau fiscal plus élevé au moment du transfert intergénérationnel d’une entreprise à un membre de la famille que dans le cas de la vente à un acheteur tiers. Compte tenu de ce déséquilibre qui dure depuis longtemps dans le traitement fiscal des ventes/transferts d’entreprises familiales, le projet de loi privé C-208 a été déposé et a reçu la sanction royale le 29 juin 2021. Cette nouvelle loi vise à limiter l’application de la règle anti-évitement ci-dessus dans le cas de certains transferts d’actions intergénérationnels par les parents vers les sociétés détenues par leurs enfants (ou petits-enfants) pour assurer un traitement fiscal favorable de gains en capital dans le cas d’un tel transfert ou vente d’actions.
Bien que l’objectif déclaré du projet de loi C-208 était de faciliter les transferts intergénérationnels d’entreprises dans les circonstances où les règles anti-évitement s’appliquaient de manière inappropriée, le gouvernement fédéral avait identifié que les règles instaurées par le projet de loi C-208 contiennaient des mesures de protection inefficaces et s’appliquaient lorsqu’il n’y avait eu aucun transfert d’une entreprise à la prochaine génération. Plus particulièrement, les modifications instaurées par le projet de loi C-208 n’exigeaient pas que :
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le parent cesse de contrôler l’entreprise sous-jacente de la société dont les actions ont été transférées;
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l’enfant s’implique dans l’entreprise;
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la participation dans la société acheteuse détenue par l’enfant continue d’avoir une valeur;
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l’enfant conserve une participation dans l’entreprise après le transfert.
En raison de ces préoccupations, le budget 2023 propose de modifier les règles instaurées par le projet de loi C-208 afin de s’assurer qu’elles ne s’appliquent que lorsqu’un « véritable » transfert intergénérationnel d’entreprise a lieu.
Un véritable transfert intergénérationnel d’actions serait le transfert des actions d’une société (la Société Transférée) par une personne (l’Auteur du Transfert) à une autre société (la Société Acheteuse) lorsque plusieurs conditions sont remplies. Les conditions existantes suivantes seraient maintenues :
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Chaque action de la Société Transférée serait une « action admissible de petite entreprise » ou une « action du capital-actions d’une société agricole ou de pêche familiale » (la définition des deux expressions étant prévue dans la Loi de l’impôt sur le revenu), au moment du transfert.
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La Société Acheteuse doit être contrôlée par une ou plusieurs personnes dont chacune est un enfant adulte de l’Auteur du Transfert (le sens d’« enfant » à ces fins comprendrait les petits-enfants, les enfants du conjoint, les conjoints des enfants, les nièces et neveux, et les petites-nièces et petits-neveux).
Afin de s’assurer que seuls les véritables transferts intergénérationnels d’actions sont soustraits de l’application des règles anti-évitement ci-dessus, il est proposé d’ajouter des conditions supplémentaires. Afin d’offrir une certaine souplesse, il est proposé que les contribuables qui souhaitent entreprendre un véritable transfert intergénérationnel d’actions puissent choisir de s’en remettre à l’une des deux options de transfert suivantes :
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Un transfert intergénérationnel d’entreprise immédiat (critère de trois ans) fondé sur des conditions de vente sans lien de dépendance.
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Un transfert d’entreprise intergénérationnel progressif (critère de cinq à dix ans) fondé sur les caractéristiques traditionnelles du gel successoral.
La règle du transfert immédiat donnerait une plus grande certitude plus tôt dans le processus, mais assortie de conditions plus strictes, alors que la règle du transfert progressif offrirait une souplesse supplémentaire.
Le budget 2023 présente les conditions proposées plus en détail pour chacune des deux options de transfert, qui tiennent toutes les deux comptes des caractéristiques d’un véritable transfert intergénérationnel d’entreprise. Le budget 2023 propose les conditions suivantes et souligne les différences entre les deux options :
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Transfert du contrôle de l’entreprise – précise à quel moment le contrôle de droit et le contrôle de fait doivent être transférés aux membres de la famille;
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Transfert des intérêts économiques dans l’entreprise – précise le calendrier de transfert des actions ordinaires et la diminution de la participation économique du parent dans l’entreprise;
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Transfert de la gestion de l’entreprise – par les parents à leurs enfants;
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L’enfant conserve le contrôle de l’entreprise – la durée pendant laquelle la prochaine génération doit conserver le contrôle de droit de l’entreprise;
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L’enfant travaille dans l’entreprise – précise la période pendant laquelle un enfant doit participer activement à l’entreprise après le transfert d’actions.
L’auteur du transfert et l’enfant (ou les enfants) seraient tenus de faire un choix conjoint afin que le transfert soit admissible à titre de transfert intergénérationnel d’actions immédiat ou progressif. Compte tenu du fait que les actions de l’enfant (ou des enfants) pourraient faire en sorte que le parent ne remplisse pas les conditions et qu’il fasse l’objet d’une nouvelle cotisation, l’enfant (ou les enfants) serait conjointement et solidairement responsable de tout impôt supplémentaire payable par l’auteur du transfert, en vertu de l’application de toute règle anti-évitement, concernant un transfert qui ne remplit pas les conditions énoncées ci-dessus.
De plus, il est proposé de prolonger de trois ans le délai de prescription pour établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’auteur du transfert concernant l’obligation fiscale qui pourrait survenir en raison d’un transfert d’entreprise immédiat, et de dix ans pour un transfert d’entreprise progressif, ceci, afin de permettre à l’Agence du revenu du Canada de surveiller le respect des conditions proposées pour les véritables transferts d’entreprise.
Enfin, le budget 2023 propose également de prévoir une provision pour gains en capital de dix ans pour les véritables transferts intergénérationnels d’actions qui remplissent les conditions proposées ci-dessus.
Toutes les mesures proposées s’appliqueraient aux transactions effectuées à compter du 1er janvier 2024.
Autres mesures s'appliquant aux entreprises
Réduction des frais de cartes de crédit
En appui aux petites entreprises, le gouvernement fédéral a annoncé dans le budget 2023 qu’il avait obtenu des engagements de l’industrie des cartes de paiement sur la réduction des « frais d’interchange » versés aux émetteurs de cartes de crédit.
Taxe sur les rachats d’actions
Conformément à ce qui avait été initialement annoncé dans l’Énoncé économique de l’automne 2022, le budget 2023 propose d’instaurer une taxe de 2 % sur les rachats d’actions par les sociétés publiques au Canada qui s’appliquera à compter du 1er janvier 2024 à la valeur nette annuelle des rachats d’actions par les sociétés publiques et certaines fiducies et sociétés de personnes cotées en bourse au Canada, sauf si au cours d’une année les rachats bruts d’actions sont inférieurs à 1 million de dollars.
Crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres
Le budget 2023 donne plus de précisions sur les nouveaux crédits d’impôt à l’investissement dans les technologies propres présentés à l’origine dans l’Énoncé économique de l’automne 2022, c’est-à-dire le crédit d’impôt à l’investissement dans l’hydrogène propre et le crédit d’impôt à l’investissement dans les technologies propres, bonifie le crédit d’impôt à l’investissement dans le captage, l’utilisation et le stockage du carbone présenté dans le budget 2022 et présente deux nouveaux crédits d’impôt à l’investissement :
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Le crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre – crédit d’impôt remboursable de 15 % pour soutenir et accélérer l’investissement dans l’électricité propre au Canada;
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Le crédit d’impôt à l’investissement dans la fabrication de technologies propres – un crédit d’impôt remboursable de 30 % pour les investissements relatifs à la nouvelle machinerie et aux nouveaux équipements utilisés pour fabriquer ou transformer des technologies propres clés et extraire, transformer ou recycler les principaux minéraux critiques.
Programme d’incitatifs fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental
Le Programme d’incitatifs fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RSDE) encourage les entreprises canadiennes à investir dans l’innovation qui stimule la croissance économique. Dans le budget 2022, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’examiner le programme de RS&DE pour s’assurer qu’il offre un soutien adéquat et améliore le développement, le maintien et la commercialisation de la propriété intellectuelle, incluant la considération d’adopter un régime des brevets. Le ministère des Finances a annoncé, dans le budget 2023, qu’il poursuivra ses consultations auprès des intervenants au sujet des prochaines étapes dans les mois à venir.
Autres mesures importantes
Comme dans les budgets précédents, le gouvernement continue, avec le budget 2023, de modifier la réglementation pour s’assurer que le régime fiscal fonctionne comme prévu et il présente certaines mesures destinées à assurer l’équité et l’intégrité du système fiscal, en particulier en ce qui a trait à la règle générale anti-évitement, comme suit :
Renforcer la règle générale anti-évitement
La règle générale anti-évitement (RGAÉ) a été ajoutée à la Loi de l’impôt sur le revenu en 1988 afin de prévenir les opérations abusives d’évitement fiscal. Si un stratagème d’évitement fiscal abusif est établi, la RGAÉ s’applique en vue de refuser l’avantage fiscal qui a été créé injustement. Dans les budgets précédents, le gouvernement avait exprimé le besoin de moderniser et de renforcer la RGAÉ pour en préserver l’efficacité.
Tenant compte des commentaires des parties prenantes reçus au cours de récentes consultations publiques, le budget 2023 propose de modifier la RGAÉ de la façon suivante : ajouter un préambule pour aborder les questions d’interprétation; changer la norme d’une opération d’évitement pour passer de l’« objet principal » à un critère de l’« un des objets principaux »; instaurer une règle sur la substance économique; instaurer une pénalité pour les opérations assujetties à la RGAÉ et prolonger la période de nouvelle cotisation dans certaines circonstances.
Le gouvernement a indiqué qu’il souhaitait recueillir les points de vue des parties prenantes sur ces propositions d’ici le 31 mai 2023 et qu’il avait l’intention de publier les propositions législatives révisées et d’annoncer la date d’entrée en vigueur des modifications après cette période de consultation.
Mesures annoncées antérieurement
Enfin, le budget 2023 confirme l’intention du gouvernement d’aller de l’avant avec de nombreuses mesures fiscales et connexes annoncées antérieurement, et qui ne sont pas encore en vigueur, y compris les mesures importantes suivantes touchant les particuliers et les sociétés privées canadiennes :
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Exigences en matière de déclaration pour les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et les fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR);
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Sociétés privées sous contrôle canadien en substance;
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Règles de divulgation obligatoire;
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Transmission électronique et certification des déclarations de revenus et de renseignements.
En outre, le budget 2023 a réaffirmé l’engagement du gouvernement à aller de l’avant, au besoin, avec les modifications techniques visant à accroître la certitude et l’intégrité du régime fiscal.
La Revue du budget fédéral 2023 a été préparée par les professionnels de la fiscalité du groupe Planification de patrimoine et Services-conseils de BMO Gestion privée; John Waters, Vice-président et directeur général, services-conseils en fiscalité, et Dante Rossi, Directeur, planification fiscale. Pour consulter d’autres articles, visitez le site bmo.com/espacepatrimoine
Si vous avez des questions à propos de ces propositions budgétaires, veuillez consulter votre conseiller fiscal.
Le présent document est un résumé du budget fédéral. BMO Groupe financier n’exprime aucune opinion sur les politiques fiscales présentées dans ce budget.
BMO Gestion privée est un nom de marque du groupe d’exploitation qui comprend la Banque de Montréal et certaines de ses sociétés affiliées qui offrent des produits et des services de gestion privée. Les produits et les services ne sont pas tous offerts par toutes les entités juridiques au sein de BMO Gestion privée. Les services bancaires sont offerts par l’entremise de la Banque de Montréal. Les services de gestion de placements, de planification de patrimoine, de planification fiscale et de planification philanthropique sont offerts par BMO Nesbitt Burns Inc. Et BMO Gestion privée de placements Inc. Les services de garde de valeurs ainsi que les services successoraux et fiduciaires sont offerts par la Société de fiducie BMO. Les services et les produits d’assurance sont offerts par l’intermédiaire de BMO Services conseils en assurances et planification successorale Inc., une filiale en propriété exclusive de BMO Nesbitt Burns Inc. Les entités juridiques de BMO Gestion privée n’offrent pas de conseils fiscaux. Si vous êtes déjà un client de BMO Nesbitt Burns Inc., veuillez communiquer avec votre conseiller en placement pour obtenir plus de précisions. BMO Nesbitt Burns Inc. est membre du Fonds canadien de protection des épargnants et de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières. La Société de fiducie BMO et BMO Banque de Montréal sont membres de la Société d’assurance-dépôts du Canada.
« BMO Groupe financier » et « BMO Banque de Montréal » “sont des appellations commerciales (également appelées noms commerciaux ou marques) utilisées par la Banque de Montréal.
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