Les structures familiales ont considérablement changé au cours des dernières années et il n’est pas rare que les gens se marient une deuxième, une troisième, voire une quatrième fois. Certaines personnes ayant vécu un divorce traumatisant peuvent décider de ne pas se marier, mais plutôt de vivre en union de fait avec leur partenaire actuel. Si l’un des conjoints ou les deux ont des enfants, la dynamique familiale peut devenir assez compliquée; il est donc important de se doter d’un plan successoral approprié.
Lorsque plusieurs familles s’unissent pour former une unité familiale, la répartition escomptée de la succession peut être source de confusion, en l’absence d’un plan successoral bien documenté. Les enfants issus de relations antérieures s’attendent peut-être à recevoir la totalité ou une grande partie de la succession de leur père ou mère, tandis que le nouveau partenaire entretient des espérances similaires. Il est important de discuter franchement et ouvertement de ces questions avec tous les membres de la famille afin d’éviter les surprises en cas de décès imprévu. Une bonne planification peut atténuer de possibles complications pour les familles recomposées au décès d’un conjoint1 ou d’un conjoint de fait.
Le présent article porte sur les problèmes et les circonstances qui, en matière de planification successorale, doivent être pris en considération en présence de familles multiples ou recomposées.
État de la relation
Dans certaines provinces et certains territoires, un mariage annule automatiquement les testaments antérieurs, sauf dans des circonstances particulières. Quoique cette règle semble de moins en moins suivie2, la disposition législative demeure en vigueur à différents endroits. Une union de fait n’a généralement pas de conséquence semblable. Voici un exemple :
Mme Veuve possède déjà un testament qui laisse le reliquat de sa succession à ses enfants. Elle épouse M. Idéal et n’apporte aucun changement à ses documents de planification successorale, les croyant toujours valides. Elle habite au Manitoba, l’une des provinces où le mariage révoque automatiquement un testament. Si elle décédait, M. Idéal et ses enfants se partageraient sa succession selon certaines proportions, en vertu des lois manitobaines régissant la succession ab intestat.
L’état des relations antérieures doit également être pris en compte dans l’établissement d’un plan successoral. Les obligations continues énoncées dans une entente de séparation ou une ordonnance de divorce doivent être respectées, y compris celles qui ont trait aux prestations alimentaires et les exigences relatives au maintien de l’assurance vie. Il n’est pas rare qu’une personne divorcée soit tenue de souscrire une police d’assurance vie dont l’ex- conjoint est le bénéficiaire. Si, par exemple, un conjoint a, avant de décéder, changé le bénéficiaire d’une assurance vie en faveur de son nouveau conjoint en violation d’une entente ou d’une ordonnance, l’ex-conjoint peut poursuivre avec succès la succession ou le nouveau conjoint. Cela pourrait entraîner des coûts et des retards supplémentaires dans l’administration de la succession.
Succession ab intestat
Dans le cas d’une famille recomposée, il est particulièrement important de s’assurer que tous les documents de planification successorale sont en règle. S’il n’y a pas de contrat de mariage et que le conjoint décédé n’a pas fait de testament (une succession ab intestat), on peut sans peine prévoir des résultats indésirables. En l’absence d’un testament, personne n’a le pouvoir d’administrer la succession; il faudra peut-être s’adresser aux tribunaux et il peut y avoir désaccord entre les différents membres de la famille quant à la personne qui agira comme « exécuteur testamentaire » (ou « liquidateur » au Québec). De plus, le plan de répartition de la succession dépendra des lois existantes de la province ou du territoire en matière de succession. Dans certains territoires, un conjoint de fait n’a pas droit à une partie de la succession, peu importe la durée de la relation. En l’absence de documents de planification successorale appropriés, on se dirige potentiellement vers une situation inconfortable où l’ex-conjoint pourrait être l’héritier légitime de la succession3. Il est également important de planifier correctement ce qu’il adviendra de la résidence familiale. Selon le territoire et l’état des conjoints ou des époux des droits spéciaux de possession du domicile familial peuvent intervenir au décès du conjoint.
Contrats de mariage
De nombreux couples concluent une entente qui régit le partage des avoirs au décès ou en cas de rupture de la relation. Ces ententes sont couramment appelées accords prénuptiaux, accords de cohabitation ou contrats de mariage4. Dans un contrat de mariage, un conjoint peut parfois consentir à renoncer au droit de réclamer une partie de la succession de l’autre conjoint.
Planification successorale pour les familles recomposées
Les avoirs communs, dans une famille recomposée, compliquent la planification. Les enfants d’une relation antérieure risquent parfois de ne pas être à l’aise avec un nouveau conjoint agissant à titre de liquidateur unique. Une stratégie de planification courante consiste à désigner le conjoint survivant et l’un des enfants du conjoint décédé comme coliquidateurs. Après le décès du conjoint survivant, un enfant de chaque famille peut être nommé. Ainsi, chaque famille sera représentée et l’administration de la succession sera plus transparente.
Il est courant que les conjoints ayant des enfants aient des testaments essentiellement identiques dans leurs stipulations importantes. Cette méthode de répartition peut sembler efficace pour une famille recomposée ayant des avoirs partagés, mais le conjoint survivant n’est pas tenu par la loi de la conserver dans les testaments subséquents. Dans cette situation, les enfants du premier conjoint à mourir risquent de recevoir peu ou de ne rien recevoir de la succession finale.
La préoccupation la plus importante de nombreux parents, dans les familles recomposées, consiste à s’assurer que leurs propres descendants profiteront de leurs années de travail. De nombreuses familles ont été déchirées par une planification successorale inadéquate. Veuillez examiner le scénario suivant :
Le conjoint 1 et le conjoint 2 se sont légalement mariés il y a vingt ans. Le conjoint 2 avait un enfant (enfant 1) issu d’une relation antérieure et le conjoint 1 le traitait comme s’il était le sien depuis 20 ans, même sans l’avoir officiellement adopté. Ils ont aussi eu ensemble un autre enfant (enfant 2). Supposons que le conjoint 1 et le conjoint 2 ont un accident et que le conjoint 1 décède peu de temps après le conjoint 2. Leurs testaments prévoient que le conjoint survivant reçoit le reliquat de la succession du premier conjoint et que les « enfants » reçoivent le reliquat au décès du dernier conjoint. Ces termes s’appliquent en général uniquement aux personnes apparentées par le sang ou aux enfants adoptés. Comme le conjoint 1 est le dernier à mourir dans ce scénario et que l’enfant 1 n’est pas son descendant, il se peut que cet enfant n’hérite rien de la succession, selon les termes employés dans son testament. Si le conjoint 1 décédait sans testament, il est également probable que l’enfant 1 ne reçoive pas d’héritage.
En l’absence d’un contrat de mariage confirmant le contraire, le conjoint survivant peut avoir le droit de faire une réclamation contre la succession de son conjoint. L’une des techniques courantes de planification, dans les familles recomposées, consiste à créer une fiducie au bénéfice du conjoint, en particulier lorsque les conjoints ont géré séparément une grande partie de leurs avoirs. Une fiducie au bénéfice de l’époux ou du conjoint de fait peut procurer un revenu au conjoint survivant tout en veillant à ce que le capital soit ultimement transmis aux enfants du défunt. Avec l’insertion de modalités appropriées, on pourrait réaliser un roulement au profit du conjoint et reporter l’impôt sur le revenu autrement exigible au décès du premier conjoint5.
Enjeux souvent négligés
Une procuration (ou, au Québec, un « mandat de protection ») intervient en général quand une personne, quoique vivante, est incapable de prendre des décisions au chapitre de ses soins personnels ou de ses biens. La séparation ou le divorce n’a aucune incidence sur une procuration. Par conséquent, si une procuration antérieure demeure en vigueur, un conjoint précédent peut conserver le plein pouvoir juridique sur les affaires financières ou les décisions en matière de santé d’une personne incapable. Cela peut entraîner un conflit entre le conjoint précédent, le nouveau conjoint et les enfants.
Même si un conjoint peut se rappeler de mettre son testament et ses procurations à jour, il est tout aussi important de s’assurer que les désignations de bénéficiaires demeurent à jour dans les polices d’assurance vie et les régimes enregistrés tels que le régime enregistré d’épargne-retraite (REER).
Comme la séparation ou le divorce n’a généralement aucune incidence sur les désignations antérieures de bénéficiaires6, si celles-ci ne sont pas mises à jour après la rupture d’une relation, un conjoint précédent peut avoir droit au produit de la succession, tandis que l’impôt sur le revenu connexe pourrait être imputé à celle-ci, le cas échéant.
Dans une famille recomposée, le père ou la mère peut réserver des comptes précis à ses propres enfants dans le cadre du plan successoral. Si le compte est associé à un impôt différé (par exemple dans le cas d’un REER), cela peut avoir des conséquences fiscales immédiates au décès de cette personne. La désignation du nouveau conjoint à titre de bénéficiaire peut être avantageuse dans le cadre d’un roulement à son bénéfice, puisque l’impôt exigible est reporté jusqu’à son décès ou jusqu’au retrait des fonds.
Demander conseil
La planification successorale présente des défis uniques dans le contexte des familles recomposées. La désignation des bénéficiaires et tous les documents de planification successorale doivent être tenus à jour. Des entretiens francs avec vos proches, tenus à l’avance, peuvent favoriser une administration non conflictuelle de la succession. Comme les exigences provinciales et territoriales varient considérablement, il est important d’obtenir des conseils juridiques dans le territoire approprié pour s’assurer que le plan successoral s’harmonise aux objectifs actuels tout en tenant compte des obligations potentielles, en matière de droit fiscal et de droit de la famille. Votre professionnel en services financiers de BMO pourrait vous recommander un spécialiste des questions juridiques apte à vous aider à atteindre vos objectifs de planification successorale.
Pour en savoir plus, adressez-vous à votre professionnel en services financiers de BMO.
1Pour faciliter la consultation, l’époux, le conjoint de fait et le partenaire de même sexe seront tous appelés « conjoint » dans le présent article, sauf en cas d’indication précise à l’effet contraire dans le contexte
2En Saskatchewan et en Ontario, notamment, de récents changements législatifs entrant en vigueur respectivement le 15 mars 2020 et le 1er janvier 2022 font en sorte que le mariage n’annule plus les testamentsl.
3Par exemple, en Ontario, un conjoint séparé demeure le conjoint légal aux fins du droit successoral, même si l’autre conjoint ou les deux ont entamé une nouvelle union de fait. Si un conjoint décédait sans testament, le conjoint précédent serait bénéficiaire de la succession en vertu des lois de l’Ontario sur la succession ab intestat, tandis que le nouveau conjoint de fait serait
4Pour faciliter la consultation de la présente publication, tous ces contrats sont appelés « contrats de mariage ».
5Pour obtenir une explication détaillée des fiducies au bénéfice du conjoint et du conjoint de fait, demandez à votre professionnel en services financiers de BMO une copie de notre publication de BMO intitulée « Planification successorale pour conjoints et enfants au moyen de fiducies testamentaires ».
6Au Québec, la désignation du bénéficiaire, dans un régime enregistré, doit se faire dans un testament ou un contrat de mariage. Dans le cadre de polices d’assurance vie, la désignation du bénéficiaire peut être révocable ou irrévocable. Au Québec, à moins qu’une intention contraire ne soit exprimée, la désignation du conjoint est réputée irrévocable, mais elle est automatiquement révoquée en cas de divorce. Dans toutes les autres provinces, la désignation est révocable à moins d’indication contraire.
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