Les Canadiens jouissent généralement de la liberté de tester, ce qui signifie qu’une personne peut désigner librement les héritiers de sa succession. Toutefois, des mesures doivent être prises pour permettre de subvenir aux besoins des personnes qui dépendent financièrement du défunt. Le fait de ne pas inclure ces personnes dans le plan successoral peut entraîner une réclamation fructueuse d’une partie de la succession et ainsi perturber des stratégies de planification sophistiquées.
Cet article explique les répercussions sur un plan successoral et les actifs transférés par testament qu’entraîne une réclamation faite contre une succession en raison d’une dépendance financière à l’égard d’une personne décédée.
Qu’est-ce qu’un plan successoral?
Un plan successoral est plus qu’un testament. Dans la plupart des cas, seule une partie des actifs d’une personne sera transférée par l’intermédiaire de son testament. Les actifs peuvent également être transmis par la désignation directe du bénéficiaire ou par l’intermédiaire d’une propriété conjointe avec droit de survie, et ainsi ne pas être transférés par l’intermédiaire de la succession du défunt1. Le plan successoral doit tenir compte de la structure de propriété de tous les actifs afin de déterminer la stratégie la plus appropriée en fonction des objectifs globaux de la personne. Un aspect important de la planification successorale consiste à vérifier quelles sont les personnes qui peuvent être financièrement dépendantes du défunt et à s’assurer qu’on pourvoit adéquatement aux besoins de ces personnes, que ce soit par l’intermédiaire du testament ou autrement.
Qui est une « personne à charge » ?
La plupart des provinces et des territoires du Canada utilisent le terme « personne à charge » pour décrire une personne qui peut faire une réclamation contre une succession en raison d’une dépendance financière à l’égard d’une personne décédée. Bien que la terminologie varie d’un territoire à l’autre (au Québec, par exemple, une personne à charge est appelée « créancier alimentaire »), le concept est semblable : une personne a l’obligation de subvenir aux besoins de certaines personnes dans le cadre de son plan successoral.
Ce sont les lois provinciales et territoriales qui déterminent qui sont les individus pouvant faire une réclamation à titre de personne à charge contre une succession. Les tribunaux disposent généralement d’une grande marge de manœuvre pour déterminer le recours approprié lorsque la subsistance d’une personne à charge n’a pas été assurée adéquatement. Les personnes à charge comprennent les conjoints ou conjoints de fait et les autres membres de la famille. Les créanciers et d’autres parties peuvent également présenter une réclamation contre une succession, mais cet aspect dépasse la portée du présent article.
Réclamations de conjoint ou de conjoint de fait
Selon le territoire de compétence applicable, un conjoint légalement marié peut avoir davantage de droits qu’un conjoint de fait à l’égard d’une succession. Par exemple, dans certains territoires, un conjoint légalement marié a automatiquement des droits de propriété, qui peuvent comprendre des droits spéciaux à l’égard de la résidence familiale. Dans ces territoires, un conjoint de fait peut ne pas bénéficier de ces droits. Aux fins du partage des biens, au décès d’un conjoint, il peut être considéré que les conjoints s’étaient séparés et que le conjoint survivant peut choisir l’une des options suivantes : (1) accepter ce qui serait reçu par l’intermédiaire de la succession du défunt; ou (2) accepter ce à quoi il aurait droit en vertu des lois pertinentes sur le droit de la famille. Bien que le conjoint survivant doive effectuer ce choix dans un délai de prescription, les tribunaux peuvent, dans certaines circonstances et à leur discrétion, prolonger ce délai.
Il ne faut pas confondre les droits de propriété automatiques mentionnés ci-dessus avec le droit à un soutien financier. Dans certaines provinces et certains territoires, même si un conjoint de fait n’a pas de droits de propriété, une pension alimentaire peut être réclamée à la succession du conjoint décédé si aucune mesure adéquate n’a été prise à l’égard du conjoint survivant pour lui permettre de subvenir à ses besoins. Comme les lois de chaque province et territoire sont différentes, il est important d’établir votre plan successoral conformément aux exigences locales pertinentes.
Exemple : Alex et Kim vivent en union de fait de façon engagée depuis 20 ans. Alex a des enfants issus d’un mariage précédent et Kim n’a pas d’enfants. Alex est décédé et a laissé l’ensemble de sa succession à ses enfants :
Scénario 1 : La loi de l’Ontario s’applique
Comme Alex et Kim ne sont pas légalement mariés, Kim n’a aucun droit de propriété en vertu des lois de l’Ontario. Cependant, si aucune mesure adéquate n’a été prise quant à l’assurance de sa subsistance, Kim peut présenter une réclamation d’aide de personne à charge contre la succession d’Alex, en tant que conjointe de fait de ce dernier. En vertu des lois de l’Ontario, ces mesures adéquates d’assurance de la subsistance ne se limitent pas aux actifs transférés par l’intermédiaire de la succession, et peuvent comprendre d’autres actifs reçus par Kim à la suite du décès d’Alex (p. ex., les produits de l’assurance vie et du régime enregistré d’épargne-retraite [REER] reçus dans le cadre d’une désignation directe de bénéficiaire). Si la subsistance de Kim n’a pas été assurée adéquatement, une réclamation d’aide de personnes à charge pourrait être présentée, ce qui perturberait le plan d’Alex visant à transférer ses actifs à ses enfants par l’intermédiaire de son testament.
Scénario 2 : La loi de la Nouvelle-Écosse s’applique
Dans certaines provinces, les conjoints de fait ne sont pas autorisés à réclamer une pension alimentaire à la succession d’un conjoint de fait décédé. Si les lois de la Nouvelle-Écosse étaient appliquées à l’administration de la succession d’Alex et aux droits de Kim en vertu du droit matrimonial, Kim ne serait pas en mesure de réclamer une pension alimentaire à la succession d’Alex, permettant ainsi à Alex de laisser le reliquat de sa succession à ses enfants2.
Malgré l’exigence générale de subvenir aux besoins des personnes à charge, les droits du conjoint ou du conjoint de fait peuvent être modifiés par un contrat, comme un accord prénuptial ou un accord de cohabitation. Ces accords sont surtout courants chez les familles recomposées. Selon le territoire de compétence, ils peuvent avoir une incidence importante sur le plan successoral. Dans le premier scénario ci-dessus (Ontario), si Alex et Kim avaient signé un accord de cohabitation confirmant qu’ils étaient tous les deux indépendants financièrement et que le survivant renonçait à tout droit de réclamer une pension alimentaire à la succession de l’autre, le plan successoral d’Alex aurait pu demeurer intact.
Autres réclamations des personnes à charge
Les enfants et les autres membres de la famille qui dépendent financièrement du défunt peuvent présenter une réclamation à la succession si aucune mesure adéquate n’a été prise pour assurer leur subsistance. Les enfants mineurs ou adultes souffrant d’un handicap sont généralement considérés comme des personnes à charge, mais d’autres membres de la famille peuvent également être considérés comme des personnes à charge en fonction du territoire. Par conséquent, il est important de préparer un plan successoral conforme aux exigences locales. L’Alberta est l’une des provinces définissant un enfant ou un petit-enfant à charge comme étant une personne d’un certain âge maximal, tandis que d’autres provinces, comme Terre-Neuve-et-Labrador, ne précisent pas de limite d’âge, de sorte qu’un enfant de n’importe quel âge pourrait être considéré comme une personne à charge3. Certains territoires incluent d’autres membres de la famille comme personnes à charge potentielles, par exemple, les parents et les frères et sœurs.
Pour déterminer si une personne dépendait financièrement du défunt, les tribunaux examineront de nombreux facteurs, notamment l’âge de la personne, sa relation avec le défunt, sa stabilité financière, sa capacité à subvenir à ses besoins, ainsi que d’autres facteurs pertinents compte tenu des circonstances. Les tribunaux disposent généralement d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer le montant à adjuger approprié.
Limites relatives aux réclamations des personnes à charge
Il peut y avoir des délais de prescription pour la présentation d’une réclamation par une personne à charge. Par exemple, en Ontario, un conjoint légalement marié dispose de six mois à compter du décès du premier conjoint pour choisir d’accepter ce à quoi il a droit en vertu de la Loi sur le droit de la famille4 plutôt que ce à quoi il a droit en vertu du testament ou de la succession ab intestat. En Ontario, les autres personnes à charge, comme les enfants à charge, doivent présenter une réclamation dans les six mois suivant l’octroi d’un certificat de nomination à titre de fiduciaire de la succession (aussi appelé « homologation »)5. Dans certains cas, par exemple lorsque le liquidateur est un ami ou un parent qui ne connaît pas bien les affaires du défunt, il peut être prudent d’obtenir un certificat d’homologation, même si un tiers ne l’exige pas, afin que le délai de prescription puisse commencer à s’appliquer. Au Québec, par contre, le délai de prescription de six mois débute à la date du décès pour tous les créanciers alimentaires6.
Conclusion
Bien que les Canadiens jouissent d’une liberté de tester, les réclamations éventuelles des personnes à charge contre la succession doivent être prises en compte dans l’établissement d’un plan successoral. La signature de certains documents, comme un contrat de mariage, peut permettre de s’assurer qu’un plan successoral demeure intact après le décès d’un conjoint. Comme chaque province et territoire dispose de ses propres lois, il est important d’obtenir des conseils juridiques d’un avocat spécialisé dans ce domaine complexe du droit.
Pour en savoir plus, adressez-vous à votre professionnel en services financiers de BMO.
1 Habituellement au Québec, la désignation du bénéficiaire, dans un régime enregistré, doit se faire dans un testament ou un contrat de mariage. La propriété conjointe avec droit de survie « “Joint Tenants with Right of Survivorship” » n’est pas reconnue au Québec. Au Québec, la copropriété « ou tenance commune » est le seul moyen en vertu duquel plusieurs personnes peuvent devenir propriétaires d’un même bien.
2 Même si Kim ne peut pas, à titre de conjointe de fait, réclamer de pension alimentaire à la succession d’Alex en vertu des lois de la Nouvelle-Écosse, d’autres facteurs pourraient lui permettre de faire d’autres réclamations contre la succession. Par exemple, elle pourrait avoir d’autres droits contractuels ou en capital (comme un recours en fiducie constructoire) qu’elle pourrait réclamer à la succession d’Alex.
3 Wills and Succession Act, S.A. 2010, chapitre W-12.2, paragraphe 72(b), et Family Relief Act, R.S.N.L. 1990 chapitre F-3, paragraphe 2(c).
4 Loi sur le droit de la famille, L.R.O. 1990, chapitre F.3, paragraphes 6(1) et (2).
5 Loi portant réforme du droit des successions, L.R.O. 1990, chapitre S.26, article 61.
6 Code civil du Québec, article 684.
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