En tant que Canadien, il se peut que vous ignoriez que l’impôt successoral américain peut avoir des répercussions sur votre succession si vous détenez des biens situés aux États-Unis (au sens de la loi américaine) ou des biens immobiliers américains. Cet article souligne les conséquences possibles de l’impôt successoral américain sur la succession de Canadiens et suggère certaines stratégies pouvant aider les Canadiens à minimiser cet impôt. Les stratégies décrites dans cet article concernent les résidents du Canada aux fins de l’impôt, qui n’ont pas de citoyenneté américaine ou qui ne sont pas considérés comme des ressortissants des États-Unis. Toutes les sommes indiquées dans cet article sont en dollars US.
Comment les Canadiens peuvent-ils être assujettis à des droits de succession aux États-Unis?
L’impôt successoral américain peut s’appliquer à la succession d’un Canadien propriétaire de biens aux États-Unis (US situs property) au moment de son décès, y compris de placements dans des comptes enregistrés, comme les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER), les fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR) et les comptes d’épargne libre d’impôt (CELI). Les biens aux États-Unis que peuvent détenir des Canadiens sont le plus souvent des biens immobiliers (c.-à-d. une résidence secondaire) ou des actions de sociétés américaines. L’Annexe A fournit une liste d’autres biens américains courants. Par exemple, la succession d’un Canadien qui, à son décès, était propriétaire de biens immobiliers aux États-Unis peut être assujettie à la fois à un impôt sur les gains en capital au Canada (conformément à la règle canadienne de la disposition présumée de tous les biens en capital juste avant le décès), et à un impôt successoral aux États-Unis (en application de la Loi). Au Canada, l’impôt ne s’applique que sur le gain en capital constaté sur les biens, mais, aux États-Unis, l’impôt successoral s’applique sur la valeur totale des biens au moment du décès.
L’impôt successoral américain me concerne-t-il?
Il se peut que votre succession soit visée par l’impôt successoral américain si vous répondez par l’affirmative aux deux questions suivantes :
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Avez-vous des biens aux États-Unis valant plus de 60 000 $US?
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La valeur de vos biens mondiaux dépassera-t-elle le montant de l’exonération à vie pour l’année de votre décès?
Le montant de l’exonération à vie pour 2023 est de 12 920 000 $ US. Bien que l’augmentation du montant de l’exemption de 12 060 000 $ US de 2022 peut éliminer (ou réduire) l’exposition à l’impôt successoral américain pour de nombreuses successions, il importe de noter que l’augmentation du montant de l’exemption n’entrera en vigueur qu’à la fin de 2025, moment où le montant devrait être rétabli au montant indexé à l’inflation de 5 000 000 $ US.
De plus, la convention fiscale permet aux résidents canadiens de bénéficier du crédit unifié offert aux citoyens américains, et ce, proportionnellement à la valeur des actifs américains de leur succession par rapport à leurs actifs mondiaux1.
La Convention fiscale canado-américaine (la « Convention ») prévoit des crédits d’impôt dans le cas de personnes mariées ayant pris des dispositions pour que, au décès de l’une d’elles, tous les biens combinés soient dévolus au conjoint survivant. Toutefois, il est important de déterminer si la valeur combinée de vos biens dépassera le montant de l’exonération. Dans ce cas, même si la première succession n’est pas assujettie à l’impôt aux États-Unis, il se peut que, le moment venu, la succession du conjoint survivant le soit.
L’impôt successoral américain peut être réduit ou même entièrement compensé par des crédits et déductions prévus par les régimes fiscaux canadien ou américain, ou par la Convention. Mais même si aucun impôt n’est exigible, votre exécuteur (liquidateur au Québec) pourra être tenu de produire une déclaration au titre de l’impôt successoral américain.
En l’absence de cette déclaration, les avantages et les crédits prévus par la Convention pourraient être refusés. Il est également possible que la succession, les héritiers ou le copropriétaire survivant ne puissent pas vendre des biens immobiliers situés aux États-Unis sans fournir la preuve du dépôt de la déclaration exigée et, le cas échéant, du paiement de l’impôt.
Comment l’impôt successoral est-il calculé aux États-Unis? Les Canadiens ont-ils droit à des crédits?
Le calcul de l’impôt successoral américain comporte deux étapes :
Étape 1: La valeur de la masse imposable (taxable estate) de la succession, (c.-à-d. juste valeur marchande des biens aux États-Unis) est multipliée par le taux marginal d’imposition applicable, comme l’indique le tableau ci-dessous. Le taux de 40 % s’applique à une masse imposable dépassant 1 000 000 $ US.
Étape 2: – Le montant calculé à l’étape 1 est ensuite réduit d’un crédit d’impôt successoral appelé crédit unifié. Selon le Code fiscal, ce crédit unifié s’élève à 13 000 $ US au moins. La Convention permet toutefois à un résident canadien de se prévaloir du crédit unifié consenti aux citoyens américains (5 113 800 $ US en 2023) selon la proportion de ses biens mondiaux que représentent ses biens situés aux États-Unis.
Par exemple, si un résident canadien a des biens aux États-Unis qui représentent 20 % de la valeur de ses biens mondiaux, il a droit à un crédit unifié de 1 022 760 $ US (20 % du crédit unifié de 5 113 800 $ US consenti aux citoyens américains). Les résidents canadiens ont donc droit à un crédit unifié proportionnel. En 2023 la Convention protège les Canadiens dont la valeur des biens mondiaux ne dépasse pas 12 920 000 $ US.
La Convention prévoit aussi un crédit matrimonial pour les biens aux États-Unis qui sont légués au conjoint survivant. Ce crédit matrimonial est égal au crédit unifié (dans notre exemple, un montant additionnel de 20 % du crédit unifié de 5 113 800 $ US consenti aux citoyens américains serait inclus dans le calcul de l’impôt successoral américain).
Quelques suggestions pour réduire l’impôt successoral américain
1. Faites appel aux services d’un expert – avocat ou fiscaliste – connaissant parfaitement les réglementations respectives des deux pays.
Il est très important d’obtenir l’avis d’experts pour savoir dans quelle mesure vous pourriez être assujetti à l’impôt successoral américain et pour choisir l’approche la plus appropriée pour vous. Quand les deux pays sont en cause, la planification fiscale doit tenir compte d’aspects juridiques complexes qui exigent une connaissance approfondie des régimes fiscaux américain et canadien, de leurs interactions et des modalités de la Convention. Vous devrez probablement recourir aux services d’au moins deux experts, qui maîtrisent bien la fiscalité américaine et la fiscalité canadienne. L’idéal serait que les deux aient une bonne connaissance des problèmes liés aux différences de réglementation entre les deux pays.
2. Répartissez la propriété des biens entre les conjoints
La cession de certains biens entre les conjoints, de leur vivant, peut réduire ou même éliminer l’impôt successoral américain au décès du premier conjoint, en maximisant le crédit unifié proportionnel et le crédit matrimonial. Pour améliorer la situation fiscale au décès du conjoint survivant, cette formule peut être combinée à une fiducie en faveur du conjoint (traitée au point 3).
Au Canada, la cession de biens entre conjoints se fait généralement sous la forme d’un transfert en franchise d’impôt et le conjoint qui, avant la cession, déclarait les revenus provenant des biens cédés doit continuer de les déclarer. Aux États-Unis, le don au conjoint de biens immobiliers ou de biens corporels personnels situés aux États-Unis peut entraîner un impôt sur les dons. Il est donc important de tenir compte des conséquences fiscales, au Canada et aux États-Unis, de toute stratégie de réduction de l’impôt successoral américain qui repose sur la cession de biens entre conjoints.
3. Créez des fiducies réciproques pour réduire la valeur de la succession du conjoint survivant
Chaque conjoint peut créer une fiducie testamentaire en faveur de l’autre et céder à cette fiducie une partie de ses biens; cette stratégie peut – dans certaines conditions – permettre une réduction de la valeur des biens américains et mondiaux et abaisser, sinon éliminer, l’impôt successoral américain au décès du conjoint survivant. Les biens cédés à la fiducie ne seront assujettis qu’une fois à l’impôt successoral américain, au décès du premier conjoint, alors que la succession pourra probablement se prévaloir du crédit matrimonial. Avant de procéder, il serait essentiel de soumettre les dispositions de la fiducie testamentaire à un expert américain. Au Canada, cette fiducie peut aussi permettre de bénéficier du transfert en faveur du conjoint.
4. Créez une fiducie américaine QDOT
Si les biens sont cédés à une « fiducie matrimoniale admissible » (qualifying domestic trust, ou QDOT), la succession pourra se prévaloir de la déduction matrimoniale américaine pour éliminer l’impôt au décès du premier conjoint. Pour constituer une telle fiducie, il faut qu’au moins un fiduciaire soit un citoyen américain ou une banque américaine (dans certains cas, ce fiduciaire doit être une banque américaine). De plus, le conjoint survivant doit être le seul bénéficiaire sa vie durant. Au Canada, cette fiducie peut aussi permettre de bénéficier du transfert en faveur du conjoint lors du décès du premier conjoint.
Cette stratégie permet seulement de repousser le paiement de l’impôt successoral américain jusqu’au décès du conjoint survivant. Par ailleurs, comme l’augmentation éventuelle de la valeur des biens risque d’être imposée ultérieurement, il peut dans certains cas être préférable de payer l’impôt au premier décès. Cette solution peut toutefois être utile, faute de mieux, après le premier décès, en l’absence d’un plan plus efficace. Le testament du donateur peut être formulé de façon à permettre aux administrateurs de la succession de créer au besoin une fiducie QDOT. Comme on l’a vu, il serait essentiel de faire examiner les dispositions de cette fiducie QDOT par un fiscaliste américain.
5. Souscrivez une assurance vie
Une assurance vie permettra dans certaines circonstances de financer l’impôt successoral américain. Un contrat sur la vie d’un citoyen canadien n’est pas considéré comme un bien aux États-Unis, même s’il est émis par un assureur américain. Par ailleurs, si le propriétaire du contrat n’est pas le défunt,le capital-décès peut être exclu des biens mondiaux de la succession. Il peut donc être avantageux de céder la propriété du contrat à une fiducie ou à un tiers pour éviter une réduction du crédit unifié proportionnel et du crédit matrimonial.
6. Constituez une société de portefeuille canadienne
L’attribution à une société de portefeuille canadienne de la propriété de titres émis aux États-Unis soustrait entièrement ces biens à l’impôt successoral américain puisque, au moment du décès, le propriétaire des titres n’est plus le défunt, mais la société. Les avantages de cette solution peuvent toutefois être insuffisants pour compenser les frais et les complications liés à la détention des titres par l’entremise d’une société. Les frais comprennent le coût de la constitution de la société et les frais juridiques, comptables et autres requis par la suite. En outre, il se peut que le taux d’imposition de revenus de source étrangère soit plus élevé si les titres appartiennent à une société de portefeuille, particulièrement si les revenus sont assujettis à une retenue d’impôt étrangère. L’administration de la succession sera aussi plus complexe et onéreuse. En général, la société de portefeuille est liquidée dans l’année qui suit le décès pour éviter la double imposition pouvant résulter de cette structure.
Le transfert de titres américains à une société de portefeuille canadienne peut être effectué en franchise d’impôt selon les règles canadiennes et américaines, mais les déclarations de choix requises doivent être établies et présentées par des experts. Aux États-Unis, une règle antiévitement confère aux services fiscaux américains un certain droit de regard sur les biens cédés à une société de portefeuille. Il est donc essentiel de consulter des experts avant de décider d’adopter cette stratégie.
Il pouvait autrefois être avantageux de détenir des biens immobiliers situés aux États-Unis par l’entremise d’une société de portefeuille canadienne à vocation unique, car une ancienne règle administrative de l’Agence du revenu du Canada (ARC) stipulait que les actionnaires d’une telle société ne seraient pas imposés au Canada au titre de l’avantage associé à leur utilisation des biens immobiliers appartenant à la société. Mais cette règle a changé en 2005 et, depuis, l’ARC attribue aux actionnaires l’avantage imposable lié à l’utilisation de ces biens. En conséquence, la cession à une société de portefeuille canadienne des biens immobiliers situés aux États-Unis n’est maintenant plus l’approche privilégiée en planification fiscale.
7. Participez au marché américain par l’entremise de fonds communs de placement
Des déclarations de l’IRS suggèrent que, du point de vue fiscal, les titres américains détenus par l’entremise d’un fonds commun de placement canadien ne sont pas considérés comme des biens aux États-Unis. Les placements en parts de fonds communs de placement canadiens détenant des titres américains peuvent donc présenter des avantages du point de vue de la planification successorale.
8. Contractez un emprunt hypothécaire sans recours autre que sur les biens immobiliers situés aux États-Unis
Un emprunt hypothécaire sans recours contracté sur des biens immobiliers aux États-Unis réduit d’autant la valeur des biens. L’emprunteur n’engage pas sa responsabilité personnelle et le prêteur ne peut recouvrer sa créance qu’en saisissant les biens. Un contrat de ce type peut toutefois être difficile à obtenir auprès d’un prêteur commercial et il se peut que les intérêts ne soient pas déductibles.
Pour en savoir plus, veuillez vous adresser à votre professionnel en services financiers de BMO pour une introduction à un fiscaliste transfrontalier qualifié.
Annexe A : Détermination de la valeur des biens américains et des biens mondiaux
Biens mondiaux
Les biens mondiaux comprennent tous les biens dévolus au moment du décès, qu’ils fassent ou non partie de votre succession; ils comprennent les biens situés aux États-Unis, les assurances sur la vie, les REER, les FERR, les CELI et la valeur des prestations de retraite pour le survivant. Les biens détenus en fiducie pour le défunt sont inclus dans les biens mondiaux si la fiducie est considérée comme une fiducie de donateur (grantor Trust) selon les règles applicables aux États-Unis.
Dispositions particulières applicables aux biens en copropriété
Dans le cas d’un bien détenu conjointement sans droit de réversion au copropriétaire survivant, chaque propriétaire est réputé être propriétaire de sa part. Si la propriété du bien détenu conjointement est assortie d’un droit de réversion, sa valeur totale est incluse dans les biens du défunt. La part du copropriétaire survivant ne peut être déduite que sur production d’une preuve de propriété avec la déclaration relative à l’impôt successoral américain. Ces règles s’appliquent aussi bien au calcul de la valeur des biens américains qu’au calcul de celle des biens mondiaux.
1 Pour faciliter la consultation, l’époux et le conjoint de fait seront appelés « conjoint » dans le présent article.
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