C’est une éventualité que tout le monde redoute : quelqu’un convainc un être cher de prendre le contrôle de ses finances, d’investir dans son « projet » ou de lui fournir une aide « urgente », et lorsque la personne aînée réalise que quelque chose cloche, elle a perdu les économies de toute une vie. Même si cela peut arriver à n’importe qui, c’est particulièrement inquiétant lorsque la victime est âgée, car elle est considérée comme plus vulnérable.
Bien que l’abus envers les aînés se présente sous de nombreuses formes, l’une des plus insidieuses est l’abus financier. Selon le ministère de la Justice Canada, l’exploitation financière est le type d’abus envers les aînés le plus souvent signalé. Il s’agit également de l’une des formes d’abus les plus difficiles à repérer aux premiers stades.
« Les signaux avertisseurs peuvent être difficiles à repérer, car parfois, la personne âgée ne se rend même pas compte qu’elle consent à une forme d’abus financier », explique Lydia Potocnik, chef, Planification successorale et services-conseils en philanthropie, BMO Gestion privée. « Dans bien des cas, l’abus financier est commis par un membre de la famille dont l’aîné dépend, mais il peut aussi s’agir d’un aidant naturel, d’un prestataire de services ou de toute personne en position d’autorité ou avec laquelle il existe une relation de confiance. »
L’abus financier envers les aînés désigne le vol ou l’exploitation de l’argent, des biens ou des actifs d’une personne âgée – parfois par la persuasion ou la tromperie, parfois par des menaces.
Selon le rapport annuel 2022 du Centre antifraude du Canada (CAFC), les aînés canadiens (âgés de plus de 60 ans) ont effectué 17 000 signalements de fraude totalisant un montant de 137,8 millions de dollars en 2022. Ce n’est probablement que la pointe de l’iceberg, étant donné que le CAFC estime que seulement 5 % à 10 % des victimes de fraude signalent le crime.
« D’après mes recherches, l’abus financier envers les aînés est considéré comme le crime du 21e siècle parce qu’il très répandu », souligne Mme Potocnik. Voici quelques-uns des signes courants d’abus financier envers les aînés et les façons dont vous pouvez contribuer à protéger vos proches afin d’éviter qu’ils deviennent des victimes.
Changements soudains apportés au testament ou à la propriété, ou signature d’une procuration
Chaque fois qu’un être cher plus âgé apporte des changements importants à son testament, comme le retrait de tous les membres de la famille à titre de bénéficiaires ou le remplacement de tous les membres du testament par un nouveau compagnon, il s’agit d’un signal avertisseur potentiel. De même, si un être cher âgé ajoute un copropriétaire à son titre de propriété ou signe une nouvelle procuration relative aux biens, il pourrait agir sous l’influence d’une personne mal intentionnée.
« Il s’agit de la forme d’abus financier la plus courante », explique Mme Potocnik. « Je parle des cas où des documents de procuration relative aux biens sont utilisés à mauvais escient et des décisions financières sont prises au nom d’une personne. »
Les aînés devraient nommer un mandataire qu’ils connaissent bien, en qui ils ont confiance et qui agira réellement dans leur intérêt. Dans certains cas, ajoute-t-elle, il peut être judicieux de nommer deux personnes conjointement, pour un meilleur contrôle, afin de prévenir une utilisation abusive des fonds. Bien que cela puisse causer des maux de tête aux mandataires désignés, c’est un moyen de réduire les risques qu’un mandataire utilise les fonds à mauvais escient, car les deux personnes doivent s’entendre sur toutes les décisions financières ou autres qui sont prises.
Changements soudains dans les habitudes bancaires
La plupart d’entre nous sont fidèles à leurs habitudes, surtout lorsqu’ils atteignent l’âge d’or. Lorsqu’un parent âgé qui n’a jamais effectué un paiement de carte de crédit en retard omet complètement un paiement ou dit soudainement qu’il n’a pas assez d’argent pour couvrir ses dépenses, cela devrait être un signal avertisseur. Si la façon dont une personne vit ne correspond plus à son niveau de vie ou à sa qualité de vie habituels, il est temps de commencer à lui poser des questions.
Les retraits importants ou les achats inhabituels sont également des signes qu’une autre personne peut avoir le contrôle des finances d’une personne âgée ou qu’elle est forcée de donner de l’argent à quelqu’un.
« Nos professionnels de BMO sont de mieux en mieux formés pour repérer ce type de comportement et le reconnaître comme étant potentiellement préoccupant », explique Mme Potocnik. « Et nous encourageons les clients à désigner un contact de confiance pour leur compte. »
Un contact de confiance est comme une personne à joindre en cas d’urgence avec laquelle un conseiller financier peut communiquer lorsqu’il n’est pas en mesure de communiquer avec votre proche, qu’il soupçonne un abus financier ou qu’il a des préoccupations au sujet de sa capacité mentale. Veillez à ce que votre proche aîné ait désigné un contact de confiance pour profiter d’une protection supplémentaire. En effet, cette personne de confiance qui connaît ses habitudes pourra mener des entretiens difficiles sur sa situation personnelle en cas de besoin. Bien sûr, le contact de confiance n’est pas autorisé à prendre des décisions financières au nom de votre proche comme un mandataire est autorisé à le faire.
« C’est une bonne idée d’avoir un contact de confiance différent du mandataire », ajoute-t-elle. « Cela vous permet également d’avoir plus de mécanismes de contrôle en place. »
Un nouveau compagnon
Il n’y a rien de mal à ce qu’une personne ayant perdu son compagnon de vie trouve de nouveau l’amour après le décès de son conjoint, mais il y a un certain nombre de scénarios qui méritent une certaine prudence. S’il y a un écart d’âge important, que le nouveau compagnon est l’aidant naturel de votre proche ou que votre proche ne présente pas son nouveau partenaire au reste de la famille, il se peut que la relation ne soit pas fondée uniquement dans un but amoureux. C’est encore plus suspect lorsque la relation progresse rapidement.
« Souvent, les personnes âgées vivent dans l’isolement et sont seules, alors lorsque quelqu’un s’intéresse à elles, elles refusent de croire que ses sentiments ne sont pas authentiques », explique Mme Potocnik. « Cela rend la conversation difficile, même lorsque les membres de la famille et la police leur disent que leur nouveau compagnon pourrait avoir des intentions cachées. »
À l’ère des médias sociaux, la fraude amoureuse est également un problème croissant chez les Canadiens âgés. Un message Facebook spontané se transforme en échange sympathique qui peut mener à des conversations approfondies sur Messenger. Votre proche se sent valorisé par cette personne, alors lorsqu’elle lui explique pourquoi elle a besoin de milliers de dollars pour payer des soins médicaux, cela semble légitime. Malheureusement, le CAFC signale que le montant moyen que les aînés ont perdu en raison d’une fraude amoureuse en 2022 était de 67 327 $.
Changements de comportement social
Il peut être douloureux de constater qu’un être cher cesse de répondre à vos messages régulièrement ou commence à refuser des invitations à des événements sociaux, mais cela peut également être un signe que quelque chose ne va pas du tout. Les personnes mal intentionnées ont tendance à utiliser l’isolement comme moyen d’empêcher leurs victimes de raconter ce qui se passe à leur famille et à leurs amis. Les aînés peuvent également s’isoler socialement parce qu’ils sont conscients de ce qui se passe et qu’ils sont trop embarrassés de le dire à qui que ce soit.
« Ce type de situation entraîne une stigmatisation, car la personne âgée peut avoir honte d’être exploitée, et il peut être difficile pour elle d’en parler », explique Mme Potocnik. « Nous devons nous mettre à sa place et essayer de la mettre à l’aise pour réussir à tenir une conversation sur le sujet avec elle. »
Si vous soupçonnez un abus financier envers un aîné, signalez-le. « S’il y a des preuves claires démontrant tout type d’abus financier, il faut le signaler à la police sans hésiter », ajoute-t-elle. « Il est très important de demander des comptes aux auteurs des abus. »
En restant au fait des plus récents stratagèmes de fraude en matière de placement (comme l’arnaque des grands-parents) vous pourrez repérer plus facilement les signes avant-coureurs d’abus envers les aînés. Mme Potocnik suggère le Réseau canadien pour la prévention du mauvais traitement des aînés, une bonne ressource pour les familles qui cherchent de l’information ou du soutien sur la façon de gérer les mauvais traitements et la négligence envers les aînés.
« Malheureusement, à mesure que notre population vieillira, nous assisterons probablement à une augmentation des cas d’abus financier envers les aînés », ajoute-t-elle. « Nous devons nous assurer de sensibiliser nos clients aux façons de se protéger pour éviter d’en être victime et surveiller de près les membres de notre famille et les clients âgés qui pourraient être exposés à un risque accru d’abus financier. »