Vous ne demanderiez jamais à un homme de décrire comment on se sent en donnant naissance à un enfant – l’idée qu’une personne sans utérus puisse vraiment le comprendre est ridicule. Pourtant, depuis que la recherche scientifique existe, les symptômes et les expériences des femmes sont examinés du point de vue des hommes.
Lorsqu’on parle de santé des femmes, de nombreuses personnes pensent seulement à la santé reproductive. Le terme englobe pourtant une variété de problèmes de santé communs aux deux sexes, mais qui touchent les femmes et les personnes de divers genres et se manifestent chez elles différemment de chez les hommes.
Ces différences selon le sexe et le genre sont mal comprises, car la santé des femmes – particulièrement la santé mentale – est sous-étudiée, sous-évaluée et sous-financée. En fait, selon une étude menée en 2022, seulement 3 % des recherches en santé portent sur des questions propres au cerveau des femmes et à leur santé mentale.
Le besoin d’études propres au sexe et au genre, en particulier dans le domaine de la recherche sur le cerveau et la santé psychiatrique, a été l’un des thèmes importants abordés lors d’un déjeuner à Vancouver organisé par BMO Gestion privée, en partenariat avec le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) dans le cadre du programme womenmind.
La modératrice, June Zimmer, présidente régionale, Ouest du Canada, BMO Gestion privée, a donné le coup d’envoi à l’événement en soulignant le lien entre la santé et le patrimoine, ainsi que l’engagement de BMO à donner aux femmes les moyens d’agir et à favoriser leur avancement. Sandi Treliving, administratrice du conseil d’administration de la Fondation du CAMH et donatrice fondatrice de womenmind, s’est également jointe à elle, tout comme la Dre Liisa Galea, titulaire de la chaire de recherche de la famille Treliving en santé mentale des femmes et scientifique principale au CAMH, et Marianne Surmann, vice-présidente, Corporate and Community Health, Cleveland Clinic Canada.
womenmind vise à faire progresser la recherche sur la santé mentale des femmes et à égaliser les chances pour elles dans le domaine des sciences, grâce à des initiatives de mentorat et de financement. Sandi Treliving, philanthrope et militante de longue date pour la santé mentale, croit que c’est le bon moment pour les organisations de prendre ce virage, et que le Canada est le bon endroit pour le faire.
« Il n’existe pas de centre pour la santé mentale des femmes dans le monde, et c’est ce que nous aimerions créer », a-t-elle ajouté.
Différents symptômes pour un même problème de santé
Plusieurs raisons importantes expliquent la pression mise pour augmenter la recherche scientifique tenant compte des sexes et des genres. Dre Liisa Galea, experte de renommée mondiale de l’influence des hormones sexuelles sur le cerveau, explique par exemple que la plupart des études sur la santé menées dans le passé portaient presque exclusivement sur des sujets masculins (humains, animaux ou même cellulaires). « La plupart de nos connaissances médicales, y compris la façon dont nous diagnostiquons les gens, sont fondées sur les symptômes et les expériences des hommes. »
Ainsi, de nombreux chercheurs classent les symptômes des femmes comme atypiques ou non caractéristiques, créant ainsi des scénarios où les médecins choisissent de ne pas en tenir compte. Il en résulte un retard dans le diagnostic, qui peut aller de deux à six ans.
« Les femmes sont deux à trois fois plus susceptibles de recevoir un diagnostic de dépression, et cette dernière a plus de chance d’être atypique, explique Dre Galea. Comment peut-on parler de dépression atypique lorsque plus de gens en souffrent? C’est parce que la norme est établie en fonction des hommes. »
Prendre soin des aidants naturels
Les femmes sont souvent dans un état de stress perpétuel, car elles ont tendance à prendre soin d’enfants, de parents, de frères et sœurs et parfois de conjoints, ce qui peut mener à la dépression. « Les femmes prennent en charge 75 % des soins, et c’est un aspect fondamental de l’être humain. C’est l’épine dorsale des cultures partout dans le monde, a expliqué Marianne Surmann », de la Cleveland Clinic du Canada.
« Si nous nous arrêtons et reconnaissons que le travail de soin compte, cela atténue la pression et ces facteurs de stress se détendent. »
Malheureusement, le rôle important que jouent la plupart des femmes en tant qu’aidantes naturelles peut passer inaperçu ou même être puni au travail. « Ce n’est pas parce que vous parlez au téléphone 15 minutes avec votre sœur que vous êtes distrait », a-t-elle remarqué.
Toutefois, certaines organisations tentent de tenir compte des complexités auxquelles les femmes font face lorsqu’elles doivent composer avec la tâche de proche aidant, en particulier le fait de ne pas avoir assez de temps pour prendre soin d’elles-mêmes. « Certaines organisations offrent un dépistage des risques pour la santé propres au genre, a ajouté Mme Surmann. Il s’agit de rendez-vous de 20 à 40 minutes en milieu de travail, pendant lesquels on recueille des renseignements sur la santé des femmes dans ces domaines. »
Une marée montante soulève tous les bateaux
Investir dans la santé des femmes peut avoir une incidence positive non seulement sur les femmes, mais aussi sur les collectivités, les familles et les réseaux auxquels elles appartiennent, a souligné June Zimmer. « Souvent, les femmes sont au cœur des soins aux autres. »
Faisant écho au lien entre la santé et le patrimoine établi par Mme Zimmer au début de l’événement, Dre Galea a cité un récent rapport du Forum économique mondial sur les lacunes en matière de soins de santé pour les femmes à l’échelle mondiale, qui a conclu qu’en s’attaquant aux causes premières de ce problème, on pourrait potentiellement stimuler l’économie mondiale de 1 000 milliards de dollars par année.
« Imaginez si nous pouvions réinvestir cet argent dans les services dont nous avons si désespérément besoin, a souligné Mme Treliving. Il est temps pour nous de créer le changement qui doit se produire. Si nous n’investissons pas en nous-mêmes, qui le fera? »
Ressources
Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH)
CAMH womenmind
Cleveland Clinic Canada