Imaginez que vous preniez le départ pour la retraite de vos rêves et que, quelques années après avoir entamé ce nouveau chapitre de votre vie, un événement vienne tout gâcher. Pensez à un diagnostic de maladie de Parkinson, à un accident vasculaire cérébral ou à une autre affection qui ne faisait pas partie de vos projets. Il est bien là le problème : les projets ont toujours des rêves comme point de départ. Or, ce n’est pas tout le monde qui prend le temps de réfléchir à ce qu’il ferait s’il ne pouvait vivre la retraite qu’il a imaginée.
Planifier en tenant compte du déclin de la santé est un élément qu’un plus grand nombre de Canadiens devront considérer, car les gens vivent plus longtemps. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, l’espérance de vie moyenne au Canada est d’un peu plus de 81 ans. C’est près de dix ans de plus que la moyenne mondiale.
Les coûts associés à un problème de santé ou à une invalidité de longue durée peuvent être très élevés, même pour une personne bien nantie. Selon Sue Noorloos, directrice générale, Planification successorale, BMO Gestion privée, il arrive que l’on doive payer 250 000 $ par année pour des soins infirmiers à domicile 24 heures sur 24. Se rendre à l’étranger et payer pour avoir accès plus rapidement à des spécialistes peut également coûter cher. Les frais d’une arthroplastie du genou dans une clinique privée aux États-Unis peuvent s’élever à 15 000 $ US, tandis qu’un pontage peut coûter 200 000 $ US.
Même s’il est désagréable d’évoquer les bons et les mauvais côtés du vieillissement, tant sous l’angle médical que sous l’angle financier, on ne peut pas se préparer à ce que l’on ne comprend pas. C’est pourquoi, quel que soit votre âge, vous devez faire le point sur vos volontés en matière de soins médicaux et intégrer les coûts connexes dans la planification de votre retraite.
« Vous devez faire ce point et avoir une conversation sur la retraite au même moment, soit lorsque vous êtes dans la trentaine ou la quarantaine », indique Calvin Greefhorst, vice-président et directeur général régional, Planification de patrimoine, Clientèle à valeur nette élevée, BMO Gestion privée.
Les bons choix pour soi
Bien qu’il existe une foule de services de santé dont vous aurez peut-être besoin à mesure que vous avancerez en âge, déménager dans un établissement de soins ou vivre et vieillir à la maison aussi longtemps que votre état de santé vous le permettra est probablement la plus grande décision que vous aurez à prendre.
« Tout le monde ne vieillit pas de la même façon, explique Sue Noorloos. C’est l’un des éléments importants à considérer dès le départ, car l’écart de coût entre les deux options peut varier énormément. »
Selon un rapport de 2021 du National Institute on Ageing (institut national sur le vieillissement), 96 % des Canadiens de plus de 65 ans ne souhaitent pas être placés dans un établissement de soins de longue durée à un âge plus avancé. Toutefois, il convient de noter que les établissements de soins de luxe, bien que chers (certaines résidences coûtent plus de 12 000 $ par mois), peuvent ressembler davantage à des centres de villégiature qu’à des maisons de retraite, avec des prestations allant du salon de coiffure à la salle de cinéma en passant par la salle à manger avec menus de type restaurant.
L’avantage de l’établissement institutionnel est la facilité d’accès au personnel infirmier et aux soins spécialisés, en particulier pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé plus complexes ou qui ont besoin d’aides à la mémoire. La prévisibilité des dépenses mensuelles est également un avantage, ces sommes étant faciles à planifier.
Le coût associé au fait de vieillir chez soi
On suppose en général que le fait de vivre jusqu’à la fin de ses jours dans le confort de son propre foyer coûtera moins cher que de déménager dans une belle résidence pour retraités, surtout si l’on a remboursé intégralement son prêt hypothécaire. Cependant, il arrive que les difficultés physiques liées au vieillissement se manifestent peu à peu d’abord, puis subitement ensuite.
Selon le plan de votre maison, le coût des travaux de rénovation imprévus, mais nécessaires, pour adapter votre domicile après un accident vasculaire cérébral peut être astronomique. Pensez au nombre d’escaliers menant à la porte principale, à l’aménagement d’une salle de bain complète avec baignoire ou douche à l’étage principal, à l’emplacement des prises électriques ou à la possibilité pour une personne en fauteuil roulant d’atteindre ces prises.
Beaucoup de cadres de porte sont trop étroits pour qu’un fauteuil roulant puisse passer, sans parler de l’espace considérable requis dans une salle de bain pour en accueillir un, et sans compter qu’il faut ajuster la hauteur du lavabo et installer des barres de sécurité. « Cela peut devenir assez compliqué, remarque Sue Noorloos. Souvent, il sera plus simple de déménager dans une maison mieux conçue pour une personne en situation de handicap physique. »
Le coût de construction d’une rampe d’accès toute simple à une porte principale débute à 500 $, mais peut atteindre 12 000 $, voire 15 000 $ si l’on opte pour une version plus esthétique faite de pavé autobloquant. De même, les travaux de rénovation pour rendre une salle de bain existante accessible aux fauteuils roulants peuvent coûter environ 15 000 $.
L’adaptation de votre domicile n’est que le début. Si vieillir chez vous est une priorité, vous devrez peut-être embaucher un préposé aux services de soutien à la personne ou payer pour les visites planifiées d’une infirmière autorisée privée. Ces types de personnes soignantes demandent (article en anglais seulement) généralement entre 45 $ et 85 $ l’heure, selon leurs compétences, et bon nombre d’entre elles exigent un nombre d’heures minimal. Pour les personnes qui ont besoin de soins à temps plein, il y a des lois du travail à respecter, alors le fait d’avoir un aide familial résidant ne signifie pas que cette personne est accessible en tout temps.
« Il y a aussi les coûts associés à une incapacité », explique Sue Noorloos, en ajoutant que les prix de l’équipement médical et des autres formes d’aides qui ne sont pas toujours couverts par l’assurance s’additionnent.
Planifier en tenant compte de tous les scénarios
Il est impossible de savoir ce que l’avenir nous réserve, ce qui, selon Calvin Greefhorst, est déjà stressant en soi, mais la seule chose que vous puissiez faire, c’est vous préparer financièrement à toute éventualité.
« Dans ce contexte, la planification devient beaucoup plus complexe, car vous ne savez ni quand ni si vous en aurez besoin. Et lorsqu’elle deviendra nécessaire, vous ne saurez pas combien il vous en coûtera », explique-t-il. « Vous devez avoir accumulé suffisamment d’argent pour que, lorsque quelque chose se produira, vous puissiez concentrer votre décision sur ce qui est important pour vous et votre famille, et non sur le fait que vous ne pouvez pas vous permettre de faire telle ou telle chose. »
L’assurance soins de longue durée, qui prévoit des versements non imposables pour aider à couvrir les coûts d’un foyer de soins ou de soins privés à domicile une fois certaines conditions préalables satisfaites, est une option. Or, la prime est coûteuse et n’est peut-être pas garantie à vie, et rien n’indique que les prestations seront versées, explique Calvin Greefhorst. Il existe toutefois des crédits d’impôt qui peuvent être utilisés à certains moments, ce qui peut aider à payer certaines dépenses.
Il est d’autant plus important de comprendre vos liquidités en cas de problème de santé imprévu, surtout si votre patrimoine est lié à une entreprise ou à d’autres actifs non liquides, comme des biens immobiliers. Bien entendu, des options comme une marge de crédit sur valeur domiciliaire ou un prêt hypothécaire inversé peuvent permettre de débloquer des liquidités, mais il est préférable de parler à votre conseiller en gestion de patrimoine pour déterminer ce qui vous convient le mieux.
Outre ces options, Calvin Greefhorst et Sue Noorloos vous suggèrent de faire part de vos volontés aux membres de votre famille et de vous assurer que vos préférences en matière de soins sont précisées dans vos documents de procuration.
« J’ai entendu beaucoup de parents dire qu’ils ne souhaitaient pas devenir un fardeau pour leurs enfants, mais il arrive souvent que les enfants veuillent assumer une partie de la responsabilité des soins prodigués à leurs parents, explique Sue Noorloos. Cela peut vraiment changer la donne et les coûts. »