Au cours des dernières années, une série de séparations très médiatisées ont secoué le monde philanthropique. Qu’il s’agisse de Jeff Bezos et de Mackenzie Scott, de Bill Gates et de Melinda French Gates, ces séparations ont porté à l’avant-plan les discussions sur la façon dont la philanthropie familiale est touchée lorsqu’un couple à valeur nette élevée décide de se séparer.
Même si tout le monde n’a pas de fortune philanthropique de plusieurs milliards de dollars, de nombreux couples à valeur nette élevée ont d’importants actifs caritatifs. Apprendre à les diviser ou à les gérer ensemble devient un défi complexe avec lequel de nombreux couples en instance de divorce doivent composer.
Patrimoine matrimonial favorable à la philanthropie
À la fin de 2018, on estime qu’environ 802 000 ménages canadiens contrôlaient chacun plus d’un million de dollars en patrimoine financier, exclusion faite des capitaux propres de source immobilière ou issus d’une entreprise privée. Ce groupe de particuliers fortunés, qui ne représente que 7 % des ménages canadiens, détenait un patrimoine de 3 300 milliards de dollars et était responsable d’environ 60 % des dons de bienfaisance annuels. Malgré les effets économiques de la pandémie de COVID-19, ce segment de la clientèle à valeur nette élevée devrait s’élever à 1,3 million de ménages et atteindre un patrimoine de 5 900 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années.2
Pour de nombreux couples, le mariage est une occasion d’accumuler un patrimoine important, ce qui leur procure les fonds nécessaires pour faire des dons aux organismes de bienfaisance et soutenir les causes de leur choix, et leur donne accès à de précieuses stratégies de planification fiscale et financière. Ces dons peuvent prendre diverses formes de son vivant. Les philanthropes peuvent établir des fonds à vocation arrêtée par le donateur, constituer des fondations privées et faire des promesses de don. Il est important de noter que les actifs versés à une fondation ou à un fonds à vocation arrêtée par le donateur ne sont pas considérés comme les actifs personnels du couple. Toutefois, des problèmes peuvent tout de même survenir si les deux conjoints conservent le contrôle sur la direction et la gestion des actifs de bienfaisance (comme dans le cas d’une fondation privée). Une fondation privée est une entité juridique distincte et les actifs compris dans cette structure ne sont pas détenus par un particulier ou un couple.
Pour naviguer dans un océan chargé d’émotions, les couples qui divorcent doivent décider s’ils peuvent continuer à travailler ensemble sans mettre en péril les organismes de bienfaisance qu’ils soutiennent. Si ce n’est pas le cas, ils doivent envisager les meilleures options pour se partager ces organismes de bienfaisance.
Séparation des actifs philanthropiques
« Le divorce n’est jamais facile pour une famille », explique Lydia Potocnik, chef, Planification successorale et services-conseils en philanthropie à BMO Gestion privée. « La situation peut devenir particulièrement complexe et difficile lorsqu’une famille a mis en place un processus officiel pour gérer ses activités philanthropiques. » Lydia Potocnik donne l’exemple de Bill Gates et de Melinda French Gates, affirmant que « même s’ils ont trouvé un moyen de continuer à travailler ensemble pour faire une différence dans le monde et que leur fondation demeure intacte, ce ne sont pas tous les couples qui souhaitent continuer à travailler ensemble en matière de philanthropie. Cela signifie que les structures actuelles, les valeurs familiales et les dons futurs doivent être examinés en tenant compte des différentes options afin que chaque conjoint puisse trouver un moyen d’aller de l’avant avec sa stratégie de dons ».
En règle générale, les arrangements liés à ces activités de bienfaisance impliquent notamment de continuer à partager ou de diviser l’actif. Le partage des actifs philanthropiques du couple qui divorce doit être effectué avec le plus grand soin. N’oubliez pas que dans la modification ou le partage des différents types d’entités caritatives, des règles et des règlements distincts s’appliquent et entraînent des conséquences propres à chaque cas.
Maintien de la relation de travail
Comme Bill Gates et Melinda French Gates (qui demeurent coprésidents de leur fondation), les membres d’un couple peuvent décider de continuer à exercer leurs fonctions respectives, que ce soit en tant que membre d’un conseil d’administration ou fiduciaire au sein d’une structure de fiducie. Même si cela peut exiger des mesures immédiates minimales, le couple qui choisit cette voie doit tâcher de régler les conflits et travailler ensemble dans l’intérêt de sa fondation.
Avoir un plan de rechange en place si la relation cesse d’être amicale peut être un outil de planification précieux. Il est recommandé de communiquer avec les membres de la famille au moment de l’établissement de la fondation. L’adoption de politiques régissant l’avenir de la fondation en cas de séparation ou de divorce limitera les décisions émotionnelles et financières qui doivent être prises et les membres appelés à jouer un rôle actif dans la gestion de la fondation sauront à quoi s’attendre dès le départ.
Au Canada, lorsqu’une fondation privée est établie, la question de savoir qui siège au conseil d’administration en tant qu’administrateur doit être consignée dans les statuts de la fondation. Il s’agit du meilleur moment pour déterminer (dans une politique écrite) ce qu’il adviendrait des administrateurs qui siègent au conseil d’administration en cas de séparation ou de divorce.
Rupture complète
Même si les actifs déjà donnés à des organismes de bienfaisance ne font pas partie de la succession matrimoniale, un couple qui divorce peut tout de même élaborer un plan définissant sa collaboration dans la prise des décisions relatives à l’octroi de fonds au secteur caritatif. Ces décisions comprennent les suivantes :
Un fonds à vocation arrêtée par le donateur peut souvent être divisé en deux fonds distincts, chacun ayant ses propres objectifs de don. Une autre option consiste à obtenir la permission de l’ex-conjoint de mettre fin au fonds au moyen d’une recommandation de subvention et de verser le solde du fonds à un autre organisme de bienfaisance enregistré.
Il est assez simple de mettre fin à une fondation privée. Même s’il est possible de constituer deux nouvelles fondations et de liquider le fonds de dotation au fil du temps, une fondation privée est soumise à des règles précises et doit produire certaines déclarations afin d’éviter des conséquences fiscales négatives ou imprévues. Il est recommandé de consulter un expert en droit des organismes de bienfaisance pour cette option.
Dans le cas des dons prévus pendant le mariage, le couple doit indiquer qui s’acquittera de l’engagement financier et quels actifs il désigne à cette fin. Dans certains cas, une convention de don ou de promesse de don peut désigner l’un des partenaires ou les deux comme responsables du don, mais il est souvent possible de modifier l’entente avec l’organisme de bienfaisance.
Établissement d’une nouvelle identité philanthropique
Même si la séparation des actifs philanthropiques peut être difficile, elle offre une excellente occasion de réfléchir à votre identité philanthropique et à vos objectifs futurs. Êtes-vous toujours passionné par les causes que vous souteniez en tant que couple marié? Pourriez-vous soutenir de nouvelles causes qui correspondraient mieux à vos préférences et à vos valeurs personnelles? Prenez le temps de réfléchir à la façon dont vous aimeriez façonner votre avenir philanthropique.
Planification de toutes les possibilités
De nombreux couples à valeur nette élevée protègent leur patrimoine personnel au moyen d’ententes prénuptiales, mais la planification de la répartition des actifs philanthropiques est souvent négligée. Toutefois, un plan de rechange peut être un outil précieux, car il permet d’établir une carte pour guider les couples lorsque les tensions et les émotions montent.
Discussions dès le début
Même s’il peut être difficile de parler de divorce lorsqu’il semble si peu probable que cela se produise, il est essentiel de planifier les imprévus. « Même si personne ne peut prévoir la fin d’un mariage, affirme Lydia Potocnik, c’est une bonne idée que le couple discute de ce qu’il adviendra de la stratégie et des objectifs globaux de la famille en matière de dons en cas de séparation ou de divorce. » Les membres d’une fondation prévoyante, qui se préparent aux pires éventualités, peuvent protéger la fondation en discutant de conditions générales à appliquer dans ces cas et en jetant les bases des documents qui peuvent soutenir ces plans. Se préparer est toujours la meilleure approche.
Consignation par écrit
« Même si ce n’est pas tout le monde qui adopte une approche formelle à l’égard de la philanthropie en établissant une fondation privée ou un fonds à vocation arrêtée par le donateur, explique Lydia Potocnik, pour ceux qui le font, il serait sage de mettre en place une politique concernant ceux qui continueront de jouer un rôle actif auprès de ces entités en cas de divorce. » Lydia Potocnik nous rappelle que « le divorce n’est pas forcément celui du couple fondateur de la fondation ou du fonds à vocation arrêtée par le donateur. Il se peut qu’un enfant adulte ou qu’un petit-enfant se sépare et que son ex-conjoint participe également aux décisions concernant la philanthropie familiale ». C’est dans des cas comme celui-ci qu’il est important d’avoir en place une politique écrite précisant qui demeure membre du conseil d’administration ou fiduciaire, explique Lydia Potocnik, car cela permettra à la famille de continuer à remplir sa mission de soutien des divers organismes de bienfaisance et causes qui lui tiennent à cœur.
Ces politiques peuvent rendre les décisions du conseil d’administration moins personnelles, ce qui facilite le partage des actifs et des responsabilités en cas de divorce. Les politiques peuvent inclure ce qui se produira si un divorce survient : L’un des conjoints devra-t-il quitter son poste de membre du conseil d’administration ou de fiduciaire? L’un des conjoints a-t-il un plus grand pouvoir décisionnel que l’autre? Prendre le temps d’élaborer une politique réfléchie et bien rédigée sur la planification de la relève et l’admissibilité à siéger au conseil d’administration vous aidera à éviter de prendre des décisions précipitées dans un contexte de situation familiale urgente. Certains conseils d’administration ont des ententes tacites, mais ces discussions doivent être écrites, même pour des concepts qui semblent simples ou présumés.
Consultation d’un professionnel
Bien que la planification de tous les types de scénarios puisse être utile à l’approche d’un divorce, les couples qui font de la philanthropie familiale seraient avisés de consulter des conseillers juridiques et financiers qui ont une expérience particulière dans ce domaine. Tout au long du processus de divorce, le couple doit parler à une personne bien renseignée sur les liens entre les dons philanthropiques et le divorce.
Nous pouvons vous aider
Partager les actifs philanthropiques d’un couple peut être émotionnel, et le fait d’avoir recours à des parties neutres peut aider à éviter l’escalade des tensions. Consultez des spécialistes qui comprennent les domaines de la fiscalité, de la planification successorale et du droit des organismes de bienfaisance pour vous assurer que votre situation particulière est bien comprise avant de procéder au partage de vos organismes de bienfaisance en cas de dissolution du mariage.
Bien que la séparation et le divorce puissent être douloureux et difficiles, une planification adéquate et des conseils professionnels peuvent atténuer l’incidence que cette transition peut avoir sur les actifs philanthropiques d’une famille et aider à redéfinir les objectifs de chaque conjoint en matière de dons de bienfaisance continus.
Pour en savoir plus, veuillez vous adresser à votre professionnel en services financiers de BMO.
1Bien que l’article porte sur les couples mariés, divorcés ou séparés, les couples qui vivent en union de fait et qui sont séparés doivent tenir compte d’éléments de planification semblables à ceux liés à la philanthropie et peuvent vouloir consulter un expert en droit de la famille et en droit des organismes de bienfaisance.
2https://carleton.ca/panl/2021/fundraising-opportunities-with-high-net-worth-canadians-their-trillions/
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