De nombreux Canadiens aiment séjourner régulièrement au sud de la frontière et envisagent même l’acquisition d’une résidence secondaire aux États-Unis. Il est important que les Canadiens comprennent bien que l’achat d’un bien immobilier américain comporte des aspects fiscaux et des obligations de déclaration propres aux États-Unis, qui s’ajoutent aux répercussions fiscales éventuelles au Canada
Cet article décrit brièvement les conséquences, du point de vue des impôts canadien et américain sur le revenu et les successions, de l’achat d’une résidence secondaire aux États-Unis par un résident canadien qui n’est ni citoyen américain ni titulaire d’une carte verte. Il contient également un sommaire des structures de propriété potentielles à prendre en compte avant un tel achat. Il n’aborde pas les stratégies liées à l’acquisition d’un bien immobilier américain pour générer un revenu de location, mais fait état de certains facteurs d’ordre fiscal relatifs à l’obtention d’un revenu de location aux États-Unis et à la vente d’une propriété.
Impôt successoral américain
Au Canada les gains en capital non réalisés sur une résidence secondaire sont généralement imposables au moment du décès – sauf en cas de transfert au conjoint survivant ou à une fiducie de conjoint admissible – en raison de la règle de disposition réputée à la juste valeur marchande au moment du décès1. Ce gain est calculé en dollars canadiens, de sorte que le gain ou la perte en capital effectivement déclaré peut varier en fonction du taux de change et des variations éventuelles de la valeur du bien en dollars US au cours de la période durant laquelle le bien appartient au contribuable.
Un Canadien propriétaire d’un bien immobilier aux États-Unis peut également être assujetti à l’impôt successoral américain s’il possède des actifs américains qui ont une valeur de plus de 60 000 $ US ou si que la valeur de ses actifs mondiaux est supérieure au montant de l’exclusion dans l’année du décès. La réforme fiscale aux États-Unis, qui a été adoptée en décembre 2017, a fait passer le montant de l’exemption de l’impôt sur les successions à 10 millions de dollars américains (exemption qui était auparavant de 5 millions de dollars américains). Le montant rajusté en fonction de l’inflation s’élève à 12,92 millions de dollars américains pour 2023. Bien que ce montant d’exemption plus élevé puisse éliminer (ou réduire) l’exposition à l’impôt sur les successions aux États-Unis dans de nombreux cas, il est essentiel de prendre note que ce montant majoré n’est valide que jusqu’à la fin de 2025.
Par actifs américains, on entend les biens immobiliers situés aux États-Unis ainsi que les actions, options et parts de fonds communs de placement émises par une entité américaine. Au lieu d’imposer le gain non réalisé, les États-Unis prélèvent un impôt successoral sur la juste valeur marchande des biens au moment du décès. Cependant, la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis prévoit certains allégements permettant de déduire de l’impôt fédéral canadien sur le revenu le montant de l’impôt successoral américain à payer sur les biens situés aux États-Unis. Un tel crédit peut réduire grandement l’impôt canadien à payer sur ces biens.
Structure de propriété de biens immobiliers américains appartenant à des résidents canadiens
Pour réduire l’impact de l’impôt successoral américain sur une résidence située aux États-Unis, les propriétaires canadiens peuvent envisager diverses structures de propriété :
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Propriété directe;
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Propriété par l’intermédiaire d’une fiducie résidente au Canada;
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Propriété par l’intermédiaire d’une société de personnes canadienne; ou
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Propriété par l’intermédiaire d’une société de capitaux canadienne.
Propriété directe
Il existe plusieurs structures de propriété directe:
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Propriété directe
Le fait qu’un particulier soit propriétaire des biens permet certaines possibilités de planification fiscale. On peut en effet réduire ou éliminer l’impôt successoral américain en maximisant les crédits ou déductions dont dispose le particulier en question. Si celui-ci est marié, ce pourrait être une bonne idée de mettre les biens au nom du conjoint ayant l’avoir net le plus faible, en particulier si le conjoint possède des actifs mondiaux dont la valeur est inférieure au montant de l’exemption de droits de succession aux États-Unis (12,92 millions de dollars US en 2023). Cependant, en cas de transfert de biens entre conjoints, il faudra tenir compte de l’impôt américain possible sur les dons, et des règles d’attribution canadiennes qui peuvent s’appliquer aux revenus annuels ou aux gains en capital tirés de la vente future des biens, ce qui risque de nuire à l’efficacité de cette stratégie.
Si l’impôt successoral américain ne peut être entièrement éliminé, on peut envisager de financer le solde à payer au moyen d’une assurance vie.
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Copropriété conjointe avec gain de survie
Pour un couple marié, la copropriété avec gain de survie est la structure la plus simple pour transmettre les biens au décès et permet souvent de réduire les frais d’homologation. Toutefois, cette structure n’est généralement pas recommandée pour les couples canadiens qui possèdent des biens immobiliers aux États-Unis, car il se pourrait que la pleine valeur des biens américains soit assujettie deux fois à l’impôt successoral américain : au décès du premier conjoint, puis au décès du second.
Un couple marié qui détient des biens en copropriété avec gain de survie pourrait donc envisager de remplacer cette structure par une propriété commune basée sur l’apport original de chaque conjoint. Si la nouvelle structure de propriété n’est pas représentative de l’apport de chaque conjoint, l’impôt américain sur les dons pourrait s’appliquer. Comme indiqué plus haut, il faut aussi tenir compte des règles d’attribution en vigueur au Canada quand il y a transfert entre conjoints.
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Propriété commune
Si chaque conjoint souhaite posséder une participation dans les biens, la propriété commune peut s’avérer plus avantageuse.
Dans la propriété commune, chaque conjoint peut détenir une quote-part égale ou inégale des biens. Dans cette structure, la quote-part du défunt est transférée à la personne qu’il a désignée par testament, et non automatiquement au conjoint survivant. Cette stratégie offre davantage de souplesse en matière de planification, car chaque conjoint peut décider de transférer sa quote-part à une fiducie au profit du conjoint. Ainsi, chaque conjoint peut créer une fiducie testamentaire au profit de l’autre de sorte que la quote-part des biens qui appartient au premier conjoint qui décède est exclue de la succession du conjoint survivant. Cela peut réduire ou éliminer l’impôt successoral américain au décès du conjoint survivant en réduisant la valeur des biens situés aux États-Unis et de la succession mondiale au moment du deuxième décès.
Une autre technique de planification consiste à inclure dans le testament une disposition permettant de transférer les biens de la succession à une fiducie canadienne admissible, ce qui peut reporter tant l’impôt successoral américain que l’impôt canadien sur le revenu jusqu’au décès du conjoint survivant. La fiducie canadienne admissible n’élimine pas l’impôt successoral américain, mais le reporte et fait en sorte qu’il s’applique au même moment que l’impôt canadien sur le revenu, soit au décès du conjoint survivant; on peut alors demander les crédits pour impôt étranger disponibles pour réduire l’impôt canadien résultant de la disposition réputée des biens au décès.
Propriété par l’intermédiaire d’une fiducie résidente au Canada
Une autre solution consiste à utiliser une fiducie discrétionnaire entre vifs canadienne bien structurée. On peut ainsi éviter l’impôt successoral américain puisque, au décès, les biens sont la propriété d’une fiducie (et non d’un particulier) qui n’est pas assujettie à cet impôt. Pour que cette stratégie soit efficace, la fiducie doit acquérir directement les biens avec des fonds fournis par le particulier qui crée la fiducie. Comme le transfert de biens immobiliers à une fiducie irrévocable est considéré comme un don aux fins de l’impôt américain, il est important de transférer les fonds à la fiducie avant l’achat des biens.
Un inconvénient de cette structure est qu’aux fins de l’impôt canadien sur le revenu, une fiducie résidente au Canada est réputée disposer de tous ses biens en immobilisation au 21e anniversaire de sa date d’établissement, ce qui limite donc à 21 ans la période sur laquelle faire porter la planification. Il importe également de rédiger l’acte de fiducie de façon que le gain sur la vente future des biens ne soit pas attribué au constituant aux fins de l’impôt canadien sur le revenu; on pourra ainsi demander les crédits pour impôt étranger disponibles afin d’éviter la double imposition.
Un autre inconvénient est qu’un particulier qui acquiert des biens immobiliers aux États-Unis au moyen d’une fiducie doit être prêt à abandonner la propriété et le contrôle des biens. La personne qui constitue la fiducie ne peut être bénéficiaire ou fiduciaire de celle-ci. Dans ces conditions, il est courant de désigner le conjoint comme principal bénéficiaire de la fiducie. Le constituant ne peut alors utiliser les biens qu’en tant que conjoint du bénéficiaire de la fiducie ou qu’en tant que locataire après le décès du conjoint bénéficiaire.
Propriété par l’intermédiaire d’une société de capitaux canadienne
Au cours de la dernière décennie, le recours à une société de portefeuille canadienne à but unique pour acheter une résidence secondaire aux États-Unis n’a pas été une stratégie intéressante pour réduire l’impôt successoral américain. L’Agence du revenu du Canada (ARC) imposera les contribuables à l’égard des avantages découlant de leur utilisation personnelle d’une résidence secondaire appartenant à leur société (sauf si la société a été constituée avant 2005). De plus, il se peut que le taux d’imposition fédéral applicable aux États-Unis sur les gains en capital réalisés lors de la vente d’une propriété ait été beaucoup plus élevé pour une société (35 % avant 2018) que pour une fiducie ou un particulier (taux maximal de 20 %).
Propriété par l’intermédiaire d’une société de personnes canadienne
Il sera peut-être possible de réduire l’impôt successoral américain en faisant en sorte que les biens immobiliers américains soient détenus par une société de personnes canadienne qui choisit d’être traitée comme une société de capitaux aux États-Unis aux fins de l’impôt américain.
Il faut toutefois noter que cette structure de propriété est l’une des plus complexes qui soient et que ses conséquences fiscales sont incertaines, car l’Internal Revenue Service (IRS) ne s’est pas prononcé à leur sujet de manière définitive.
Hypothèque sans recours
Une autre stratégie possible consiste à contracter un prêt hypothécaire sans recours à l’égard d’un bien immobilier américain, ce qui a pour effet de réduire d’autant sa valeur. L’emprunteur n’engage pas sa responsabilité personnelle et le prêteur peut recouvrer sa créance uniquement sur le bien immobilier. Ce type de financement peut par conséquent être difficile à obtenir d’un prêteur commercial.
Autres questions liées à l’impôt américain
Location des biens
La location de biens immobiliers aux États-Unis soulève des questions complexes supplémentaires. Un locataire qui paie un loyer au propriétaire canadien d’un immeuble situé aux États-Unis est tenu d’effectuer une retenue d’impôt égale à 30 % des loyers bruts, sauf si le propriétaire de l’immeuble choisit de traiter le loyer comme un revenu effectivement lié à une activité exercée aux États-Unis (effectively connected income) en anglais seulement. Ce choix peut permettre ce qui suit :
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Aucune retenue n’est exigée si un formulaire W-8-ECI est fourni au particulier qui paie le loyer.
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Le propriétaire canadien pourra peut-être demander certaines déductions, par exemple à l’égard de l’amortissement, des frais d’entretien et des impôts fonciers. Certaines restrictions peuvent s’appliquer si les biens servent à des fins personnelles en plus de générer un revenu locatif.
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Le revenu de location net est assujetti aux taux d’impôt progressifs américains des particuliers.
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Le propriétaire doit produire une déclaration de revenus des particuliers des États-Unis (formulaire 1040NR) pour déclarer le revenu ou la perte de location.
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Le revenu de location doit également être déclaré au Canada. Cependant, un crédit pour impôt étranger peut être demandé à l’égard de l’impôt américain payé sur le revenu de location afin de réduire en partie l’impôt canadien payé sur ce même revenu.
De plus, le propriétaire devra peut-être joindre le formulaire T1135 (Bilan de vérification du revenu étranger) à sa déclaration de revenus au Canada.
Vente de biens immobiliers américains
Retenue d’impôt
La vente de biens immobiliers aux États-Unis entraîne plusieurs conséquences fiscales importantes au Canada comme aux États-Unis. Bien qu’il existe certaines exceptions (par exemple, lorsque l’acheteur utilisera la propriété comme résidence principale et que le produit ne dépasse pas 300 000 USD) en vertu de la loi intitulée Foreign Investment in Real Property Tax Act (FIRPTA), un particulier qui achète des biens immobiliers aux États-Unis à un vendeur qui n’est ni citoyen ni résident des États-Unis est généralement tenu de retenir 15 % du prix d’achat et de verser ce montant à l’IRS à titre d’acompte sur l’impôt américain que le vendeur devra ultimement payer sur la vente des biens.
Afin de réduire ou d’éliminer cette retenue, un vendeur canadien peut obtenir un certificat d’exonération de retenue de l’IRS, idéalement avant le transfert des biens. Il doit alors informer l’acheteur par écrit qu’il a demandé le certificat le jour du transfert des biens ou le jour précédent. L’IRS donne normalement suite à une demande de certificat d’exonération de retenue dans les 90 jours de la réception de tous les renseignements pertinents. Si le certificat est délivré avant le transfert des biens, le montant de la retenue peut être réduit ou éliminé. La retenue sera alors calculée d’après l’impôt américain réellement exigible sur le gain provenant de la vente des biens, et ne correspondra pas simplement à 15 % du produit de la vente. Si le certificat d’exonération de retenue est obtenu après le transfert des biens, l’IRS peut autoriser le remboursement anticipé de toute retenue d’impôt excédentaire.
Le gain ou la perte découlant de la vente de biens immobiliers américains par une personne non ressortissante des États-Unis doit être déclaré aux États-Unis au moyen d’une déclaration de revenus des particuliers non-résidents. Une déclaration de revenus d’État peut également être exigée, selon le régime fiscal de l’État concerné. Le particulier devra payer un impôt supplémentaire si la retenue a été inférieure à l’impôt effectivement exigible, ou demander un remboursement si elle a été supérieure. Par conséquent, les Canadiens propriétaires de biens immobiliers aux États-Unis doivent documenter intégralement l’achat des biens et toute amélioration apportée à ces derniers afin que le coût aux fins de l’impôt américain puisse être facilement calculé au moment de la vente.
Un Canadien qui vend des biens immobiliers aux États-Unis doit aussi déclarer le gain aux autorités fiscales canadiennes. Tout comme l’impôt américain payé sur le revenu de location, l’impôt américain payé sur le gain découlant de la vente des biens peut donner droit à un crédit pour impôt étranger, qui réduira l’impôt à payer au Canada sur ce même gain. Le gain aux fins de l’impôt canadien est calculé en dollars canadiens, de sorte que le gain ou la perte en capital effectivement déclaré peut varier en fonction du taux de change et des variations éventuelles de la valeur des biens en dollars US.
Conclusion
Bien que cet article traite plus particulièrement des conséquences, du point de vue de l’impôt américain sur le revenu et les successions, de la propriété d’une résidence secondaire aux États-Unis, les résidents canadiens doivent évaluer les avantages découlant de la planification sur le plan de l’impôt américain par rapport aux répercussions fiscales au Canada. Au bout du compte, ils devront déterminer la stratégie de planification la plus indiquée pour réduire l’impôt global à payer dans l’un et l’autre territoire.
Avant d’arrêter définitivement son choix sur la structure de propriété, le particulier devra, outre les questions fiscales, prendre en compte plusieurs facteurs juridiques et autres, par exemple la complexité administrative et l’obligation de maintenir une certaine structure, les coûts (comme les honoraires professionnels) liés à la mise en place et au maintien de cette structure, ainsi que ses propres intentions en ce qui concerne les biens. Enfin, étant donné la complexité de ces questions et la nécessité de maîtriser les conséquences fiscales dans les deux territoires, il est capital de demander conseil à un spécialiste des questions transfrontalières liées à l’impôt successoral avant d’acheter un bien immobilier aux États-Unis, et ce, afin d’assurer l’analyse et la mise en place rigoureuses de la stratégie de planification retenue, quelle qu’elle soit.
Pour plus d’informations, nous vous invitons à consulter votre conseiller financier BMO.
1 Pour faciliter la consultation, l’époux et le conjoint de fait seront appelés « conjoint » dans le présent article.
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