Les baisses de taux commencent et les matières premières montrent des signes de vie
Peut-être pensez-vous avoir raté une grande nouvelle locale, mais sachez que les baisses de taux auxquelles nous faisons référence ne sont pas le fait de la Banque du Canada (BdC) ou de la Réserve fédérale américaine (Fed). Du moins, pas tout à fait encore. Ce sont plutôt la Banque nationale suisse – qui pèse plus lourd que son poids démographique dans les cercles financiers - et la Banque du Mexique qui ont abaissé leurs taux très récemment. Et en quoi cela est-il important pour les investisseurs? Tout simplement parce que les baisses de taux stimulent la croissance économique à venir (principalement grâce à une consommation accrue et à la vigueur du secteur du logement), ce que les marchés boursiers prévoient bien avant la publication des données économiques officielles. Il n’est donc pas étonnant que les actions se soient admirablement comportées pendant les « cycles d’assouplissement ». Si nous avons toujours été optimistes à l’égard des actions depuis la fin de 2022, nous admettons que les marchés semblent un peu tendus actuellement, en particulier pour ce qui est des actions de haute volée liées à l’intelligence artificielle (IA). Selon nous, un léger repli de 4 % à 5 % pourrait offrir une occasion intéressante dans les secteurs à la traîne. Nous nous empressons d’ajouter que les nombreux modèles et indicateurs que nous suivons indiquent une très faible probabilité d’une correction plus douloureuse de 10 % à 15 %, voire plus, à ce stade. Notre analyste technique, Russ Visch, estime que les actions du secteur des matières premières (énergie, métaux de base et métaux précieux) constituent un secteur très prometteur pour y injecter de l’argent frais, car nous avons observé plusieurs percées dans les matières premières sousjacentes. Nous y reviendrons plus loin.
Les baisses de taux commencent
Comme l’a signalé Doug Porter, économiste en chef de BMO, la Banque nationale suisse est devenue la première banque centrale des pays développés à réduire son taux directeur de 25 points de base (pb) à 1,5 %, alors qu’une croissance lente jumelée à un taux d’inflation de 1 % a ramené la croissance du PIB nominal de la Suisse à seulement 1,3 % en glissement annuel. Peu après, la Banque du Mexique a également annoncé sa première baisse de 25 pb à 11,0 %. Le Mexique a été un des premiers pays à hausser ses taux – les relevant pour la première fois en juin 2021 – et le cycle complet de resserrement a été marqué par des hausses de 725 pb, dépassant ainsi celles de la Fed de 200 pb au total. Mais c’est le Brésil qui a vraiment été à l’avant-garde, resserrant sa politique monétaire pour la première fois en mars 2021 – devançant ainsi la Fed d’une année entière – et augmentant ses taux de 1 175 pb (de 2,0 % à 13,75 %), ce qui est colossal. Le Brésil a commencé à réduire ses taux en août dernier et les a encore abaissés de 50 pb à la fin du mois de mars pour les ramener à 10,75 %. L’intérêt de ce bref détour à l’étranger est de rappeler que les marchés émergents qui ont détecté très tôt les problèmes d’inflation et qui ont réagi en conséquence commencent maintenant à envoyer le signal de fin d’alerte ou presque.
Comme nous l’avons déjà noté, les actions affichent généralement des gains très importants pendant les cycles d’assouplissement. D’après les données recueillies par nos partenaires de recherche chez NDR, si l’on remonte à 1933 (après la Grande dépression), les rendements moyens sont devenus positifs presque immédiatement après une première baisse des taux de la Fed, avec des rendements annualisés moyens de 20 % 12 mois après une telle première baisse. Cela représente une amélioration de plus de 10 % par rapport au rendement historique du marché (c’est-à-dire en tenant compte des cycles sans assouplissement).
Les matières premières reprennent du mieux – une bonne nouvelle pour le Canada
Les matières premières se sont beaucoup mieux comportées ces derniers temps, après une année 2023 difficile. En fait, nous observons des signes positifs à différents points de vue. Si la tendance se maintient – et c’est ce que nous prévoyons – ce serait très favorable aux actions canadiennes, voire pour le huard (si la corrélation historiquement très forte entre le dollar canadien et le pétrole et le cuivre devait se réaffirmer).
Les investisseurs n’ont qu’à regarder les pondérations sectorielles pour comprendre pourquoi l’indice composé S&P/TSX en profiterait. Le marché canadien est de loin le plus exposé au pétrole et aux matériaux de base, qui occupent une pondération d’environ 30 % au sein de l’indice. Cette pondération n’est que de 6 % à 7 % pour le S&P 500 et l’indice MSCI World. Même les marchés émergents n’ont qu’une exposition d’environ 13 % à ces secteurs, un changement non négligeable par rapport à il y a quelques dizaines d’années (étant donné l’importance des valeurs technologiques, financières et de consommation dans la Chine contemporaine et l’Inde en particulier).
Les données liées à la fabrication récemment publiées par le plus grand acheteur de matières premières au monde, la Chine, font état d’une forte hausse des activités de fabrication, signe d’une stabilisation accrue du point de vue macroéconomique et d’une hausse de la demande à l’étranger. L’indice chinois des directeurs d’achat (PMI) selon Caixin/S&P Global s’est établi à 51,1 en mars, soit plus élevé que prévu et atteignant son plus haut niveau depuis février 2023. Voilà qui est bon signe pour les matières premières. Un indice supérieur à 50 marque un retour à la croissance pour la Chine, ce qui signifie que la demande de produits de base est élevée, soutenant ainsi les actions canadiennes qui, comme nous l’avons dit, sont exposées aux prix des produits de base. Les États-Unis enregistrent des progrès semblables, l’indice PMI s’élevant à 50,3 en mars, plus élevé que prévu. L’indice PMI est généralement corrélé à la croissance des bénéfices par action, ce qui nous conforte dans nos prévisions haussières pour les actions.
Analyse technique
En analyse technique, il existe essentiellement deux types d’indicateurs : 1) les baromètres généraux de la santé du marché et 2) les indicateurs de synchronisation. Les premiers vous donnent une idée des risques qu’un véritable marché baissier (en recul de 15 % à 20 % ou plus) se produise. Alors que nous bouclons le premier trimestre 2024, ces « canaris dans la mine de charbon » structurels sont à peu près aussi en santé qu’ils peuvent l’être. Les ratios hausse-baisse du NYSE ont récemment atteint de nouveaux sommets record, et les indicateurs du marché obligataire (écarts de taux et indices de swaps sur défaillance) sont à leur plus bas niveau soit depuis 52 semaines, soit depuis plusieurs années.
Lorsque les choses se corsent sur les marchés financiers mondiaux, les intervenants du marché obligataire vendent leurs obligations de sociétés « plus risquées » pour se tourner vers les obligations d’État « plus sûres », ce qui fait grimper en flèche les écarts de taux d’intérêt. Ils se ruent aussi sur les swaps sur défaillance, qui constituent essentiellement une police d’assurance contre les faillites d’entreprises. Le fait que ces indicateurs soient à leur plus bas niveau en plusieurs années montre que les participants au marché obligataire ne s’inquiètent pas de l’économie mondiale à l’heure actuelle et, comme nous aimons toujours le répéter : si les obligataires ne s’inquiètent pas, alors nous ne nous inquiétons pas non plus. En outre, les mesures de l’économie reposant sur le marché (semi-conducteurs, indice KOSPI de la Corée du Sud et matières premières industrielles et commerciales) continuent aussi à s’améliorer. La plupart de ces indicateurs commencent à se détériorer de 6 à 12 mois ou plus avant les baisses importantes. Le fait qu’ils continuent tous à s’améliorer suggère ainsi que la menace d’un véritable marché baissier en 2024 est pratiquement nulle.
Les indicateurs de synchronisation, quant à eux, vous donnent une idée des probabilités de repli, et c’est là que le bât blesse. Par exemple, des divergences négatives s’accumulent depuis près de deux mois maintenant dans les indicateurs de largeur et de dynamique à court terme pour toutes les grandes moyennes.
Par ailleurs, la confiance (telle qu’elle est mesurée par notre indicateur composite de confiance) a atteint des sommets pluriannuels. Un peu de répit pour calmer ce trop grand optimisme serait salutaire. En ce qui concerne le risque de baisse, il existe de nombreux niveaux de soutien dans la zone des 21 200 points pour le S&P/TSX qui devraient permettre de contenir toute faiblesse, tandis que les moyennes mobiles à 50 jours pour le S&P 500 et l’indice composé Nasdaq (S&P : 5 026 et Nasdaq : 15 828) ne pourraient probablement pas être pires. Cela représenterait un repli assez modeste de 4 % à 4,5 % par rapport aux récents sommets intra-journaliers. Alors que nos baromètres généraux de la santé du marché sont au beau fixe, nous considérons que toute faiblesse qui surviendrait au deuxième trimestre ne serait rien d’autre qu’une pause salutaire après l’énorme hausse qui s’est produite depuis octobre dernier, et qu’elle pourrait être utilisée comme une occasion d’achat.
Les actions du secteur des matières premières, où nous avons observé un certain nombre de sorties de zone pour les matières premières sous-jacentes, sont un secteur qui semble idéal pour l’apport d’argent frais en ce moment. Les indicateurs de dynamique à moyen terme pour le pétrole brut (contrats à terme WTI) continuent de s’améliorer et le récent cours de clôture au-dessus de la résistance provisoire, à 79,50 $US, a ouvert la voie à une remontée jusqu’à 95 $US. L’or est également sorti d’un cycle pluriannuel important, clôturant récemment au-dessus de la résistance à 2 072 $US, faisant repasser la tendance à long terme de l’or à la hausse et créant une nouvelle cible de hausse à 2 475 $US. Cependant, vu l’importance du cycle qu’il a rompu, des objectifs plus élevés sont probables. Le cuivre a récemment franchi un seuil important à 4,02 $US. Cette percée ouvre la voie à une reprise qui s’étendra jusqu’à l’extrémité supérieure de la fourchette de base à 4,30 $US. Un cours de clôture au-dessus de 4,30 $US ramènerait la tendance à long terme à la hausse et créerait de nouvelles cibles à la hausse, soit 5,05 $US et 5,46 $US.
Titres à revenu fixe – Voici venu le temps des baisses!
La réduction surprise de la Banque nationale suisse, la première des grandes banques centrales, est à l’origine d’un mouvement mondial de transition entre pause et assouplissement, et ce mouvement commence à se faire sentir en Amérique du Nord, où l’on s’attend à ce que les baisses de taux commencent cet été.
Dans le cas de la BdC, la porte vers une politique moins restrictive s’entrouvre dans la foulée de deux rapports consécutifs révélant une inflation négligeable et ramenant l’IPC dans la fourchette acceptable de 1 % à 3 %. Les économistes de BMO s’attendent à ce que la BdC commence à réduire ses taux dès le mois de juin, et entrevoient la possibilité qu’elle effectue jusqu’à quatre réductions de 25 pb en 2024, ce qui ramènerait le taux directeur à 4 %. Ce scénario est légèrement plus dynamique que les réductions de 75 pb escomptées par le marché. Le rapport sur le PIB de janvier, plus élevé que prévu, a probablement fait planer le doute sur la nécessité d’abaisser les taux (pour l’instant), mais il pourrait ne pas suffire à retarder la normalisation de la politique monétaire, alors que la croissance devrait continuer à piétiner.
Dans le cas de la Fed, après avoir escompté jusqu’à sept baisses de taux (25 pb chacune) au début de l’année, le marché a modéré ses attentes. On se rapproche davantage de trois baisses en 2024, ce qui correspond mieux aux prévisions moyennes de la Fed et des économistes. Bien que cela reflète mieux le solide contexte macroéconomique actuel aux États-Unis, on peut se demander pourquoi la Fed n’attendrait pas davantage. Certes, les progrès réalisés l’an dernier pour juguler l’inflation, conjugués au ralentissement de l’économie et à un marché du travail plus équilibré, ne nécessitent probablement plus une politique aussi restrictive. Or, malgré ces progrès, les salaires et l’inflation restent élevés et pourraient ne pas être suffisamment bas d’ici juin ou juillet pour justifier une baisse des taux.
La Fed pourrait-elle s’inquiéter de mauvaises surprises sur le marché de l’emploi, plutôt que de l’inflation? Ou peut-être d’un événement lié au crédit qui serait provoqué par l’effet décalé du resserrement? Les inquiétudes croissantes concernant les prêts immobiliers commerciaux et le taux de défaillance sur les marchés des prêts à effet de levier qui atteint 6 % – soit le double de la moyenne des 25 dernières années – pourraient-ils être dans le collimateur de la Fed, qui continue de prévoir trois baisses cette année malgré l’inflation qui persiste?
Chose certaine, l’inflation a fait disparaître l’exubérance entourant le prix des fonds fédéraux américains (taux directeur) et explique le recul des rendements au cours du trimestre, une tendance qui pourrait persister un peu plus longtemps, c’est-à-dire jusqu’à ce que nous ayons la confirmation que les conditions se prêtent mieux à une politique moins restrictive. D’ici là, le risque est que la Fed maintienne son ton consensuel, ce qui ajouterait à la pression – en particulier à l’extrémité la plus longue de la courbe des taux – si le marché pense que la Fed pourrait être disposée à accepter un IPC supérieur à la cible. À moins d’événements liés au crédit, c’est la diminution du nombre de baisses, et non le contraire, qui met à risque la décision concernant un assouplissement, en particulier aux États-Unis. L’année 2024 étant une année électorale aux États-Unis, cela pourrait nuire à la volonté de la Fed de rester neutre sur le plan politique. Ainsi, la question de la normalisation des taux directeurs pourrait se poser à la fin de l’année 2024, voire en 2025. Il est peut-être un peu tôt pour se prononcer, car il faudra encore beaucoup de données avant le jour de la décision, mais cela valide notre recommandation d’une duration légèrement défensive tout en continuant à toucher petit à petit nos intérêts.
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