L’hiver est là (pour les actions de croissance onéreuses)
Entre une autre paralysie du gouvernement américain évitée de justesse et des grèves dans différents secteurs, les investisseurs ont dû composer avec beaucoup de risques. Cependant, celui qui l’emporte sur tous les autres est lié aux taux d’intérêt. En fait, les négociateurs sont devenus obnubilés par les taux américains à long terme – la pierre angulaire de tous les marchés financiers –, qui ont franchi le seuil psychologique des 4,5 % (alors qu’ils étaient à 3,5 % encore en mai dernier). Ils atteignent maintenant leur plus haut niveau en plus de 15 ans. Cela importe, parce que les prix des obligations évoluent à l’inverse des taux d’intérêt, et les obligations à long terme (c.-à-d. de 10 ans et plus) sont les plus vulnérables de toutes. On les appelle «obligations à duration longue», et les fonds négociés en Bourse (FNB) d’obligations à long terme en souffrent déjà.
De la même façon, les actions très onéreuses – qui constituent en grande partie le Nasdaq, à forte teneur technologique – sont très vulnérables à la hausse des taux, puisque des taux plus élevés rendent la valeur actualisée des flux de trésorerie futurs moins intéressante. Par exemple, lorsque les taux d’intérêt sont proches de zéro, un dollar de bénéfices que le chouchou de l’intelligence artificielle (IA) NVIDIA Corp. s’attend à gagner dans 10 ans vaut presque autant qu’un dollar gagné aujourd’hui. Ce n’est plus le cas si les taux augmentent de façon significative.
Prenons un exemple chiffré en guise d’illustration. NVIDIA Corp. connaît un succès phénoménal et fabrique des processeurs indispensables pour l’IA. L’entreprise affiche une croissance démesurée qui a été récompensée par un ratio cours/chiffre d’affaires mirobolant de 32 (comparativement à environ 2,2 pour l’indice S&P 500). Nous avons utilisé le consensus des estimations et simplement ajusté le taux sans risque hypothétique à 10 ans dans notre modèle. Nous sommes parvenus à la conclusion que, toutes choses égales par ailleurs, une hausse de 2 % du taux hypothétique à long terme fait baisser la juste valeur de l’action d’environ 25 %.
Mais tout n’est pas perdu. La récente faiblesse a rendu les actions plus attrayantes, même si nous continuons de nous montrer très sélectifs. Alors que la probabilité que l’Amérique du Nord entre en récession (inférieure à 45 %) diminue graduellement selon nos modèles, nous sommes d’avis que les perspectives du Canada – dont le marché est beaucoup plus sensible à l’économie que celui des États-Unis – et particulièrement des actions pétrolières sont plutôt positives. Ce point de vue est conforté par le fait que d’importants indicateurs industriels ont commencé à se stabiliser, voire à se redresser dans certains cas. Colin Hamilton, spécialiste en stratégie – produits de base de BMO, observe en particulier que même si elles sont encore faibles en termes absolus, «une certaine amélioration séquentielle ressort des données, tandis que les métaux et les marchandises en vrac sont stables et que les prix de l’énergie ont augmenté au cours du dernier mois. De plus, l’amélioration des données touche l’ensemble des régions. » Les estimations de bénéfices des sociétés ont suivi le mouvement, progressant pour la première fois en plus d’un an. Nous sommes donc très à l’aise avec nos estimations de juste valeur actuelles pour l’indice S&P 500 et l’indice composé S&P/TSX.
Nous avons examiné l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur la performance historique des secteurs. La principale conclusion est que deux ans après une hausse de 3 % des taux longs (ce qui ne s’est produit que cinq fois depuis les années 1970), le marché dégage habituellement de solides rendements, qui varient toutefois grandement d’un secteur à l’autre. Les secteurs défensifs comme les biens de consommation de base et la santé ainsi que les secteurs plus cycliques comme la finance, la consommation discrétionnaire et l’énergie ont mené le bal. Le seul secteur qui a systématiquement sous-performé est celui des technologies, et, selon nous, ce cycle ne fera pas exception. Nous ne recommandons pas d’éviter l’ensemble du secteur technologique, mais plutôt d’être particulièrement attentif aux barrières à l’entrée et aux niveaux de valorisation.
Croissance/valeur et cycle des fonds fédéraux
Une conclusion connexe concerne la performance des styles de placement après une pause de la hausse des taux de la Réserve fédérale américaine (la « Réserve fédérale ») (nous pensons avoir atteint ce point, même si la Réserve fédérale pourrait opérer un dernier tour de vis). Nos travaux montrent que le marché a tendance à bien se comporter lorsque les taux d’intérêt sont stables et que les actions de «valeur» (p. ex. banques et producteurs de pétrole) ont tendance à surclasser les actions de croissance (p. ex. technologie) 12 mois après que les taux sont redevenus stables.
Thèmes et perspectives concernant les bénéfices
Les estimations de bénéfices des analystes ont commencé à remonter pour 2023 et 2024, après avoir constamment diminué depuis 2022. Sur le plan thématique, plus d’entreprises que jamais évoquent l’IA dans leurs conférences téléphoniques, et moins d’entreprises parlent d’inflation à présent que l’IPC et les prix à la production ont ralenti leur course.
En ce qui concerne les révisions des estimations, les analystes ont relevé leurs estimations de bénéfices pour le troisième trimestre de 2023 pour la première fois depuis le quatrième trimestre de 2021. Du point de vue des données par action, les bénéfices estimatifs du troisième trimestre ont augmenté de 0,4 % depuis le 30 juin. En ce qui concerne les revenus, les analystes ont aussi relevé leurs estimations durant le trimestre. Nous nous attendons aujourd’hui à ce que l’indice S&P 500 enregistre une croissance des revenus (sur 12 mois) de 1,6 %, comparativement à une croissance des revenus attendue à 1,2 % le 30 juin.
Analyse technique
Le taux de l’obligation du Trésor américain à 10 ans est celui qui guide l’orientation des actions nord-américaines. Depuis notre commentaire du mois dernier, le taux à 10 ans a clôturé au-dessus de son niveau de résistance, à 4,34 %, renouant ainsi avec sa tendance haussière à long terme après une consolidation d’un an, ce qui a établi une nouvelle cible à la hausse de 5,37 %.
Bien sûr, cette rupture n’est pas un phénomène propre aux États-Unis. Le taux de l’obligation du gouvernement du Canada à 10 ans a aussi rompu avec une phase de consolidation massive en clôturant au-dessus de son niveau de résistance à 3,68 %, ce qui signale une reprise de la tendance haussière à long terme et permet de fixer une nouvelle cible à la hausse de 4,81 %.
Les obligations à 10 ans du Canada et des États-Unis sont maintenant surachetées (du point de vue du taux) à court comme à moyen terme. Il faut donc s’attendre à une certaine consolidation d’ici peu, mais la tendance des taux jusqu’à la fin de l’année est maintenant haussière.
Un des principaux points à retenir de cette situation, c’est l’impact manifeste qu’elle aura sur les 11 secteurs de l’indice S&P 500. Les services d’utilité publique ont pâti des pires conséquences, l’indice des services d’utilité publique S&P 500 ayant rompu avec un processus pluriannuel de plafonnement. Cette rupture a fait basculer la tendance à long terme du secteur à la baisse et permis d’établir une cible inférieure de 15 % au récent cours de clôture.
Bon nombre d’indicateurs d’ampleur basés sur les oscillateurs atteignent les niveaux extrêmement survendus habituellement associés à un tournant décisif, et les ratios options de vente/options d’achat deviennent fortement baissiers. Habituellement, les creux importants du marché s’accompagnent d’une ruée sur les options de vente, car les investisseurs font (à tort) des paris fortement négatifs sur le marché. En même temps, nous n’observons pas de réelle détérioration des mesures de la confiance des investisseurs en obligations, comme les écarts entre les taux des obligations de sociétés et des obligations du Trésor ou les indices des swaps sur défaillance de crédit. En fait, l’écart entre l’indice BAA de Moody’s et le taux de l’obligation du Trésor américain à 10 ans a battu un record d’étroitesse de six ans fin septembre; il est donc clair que la situation des marchés boursiers n’inquiète pas les investisseurs en obligations. Depuis des années, nous répétons que la règle générale en analyse technique est qu’il faut acheter lorsque les indices testent leur moyenne mobile ascendante à 200 jours. Au début d’octobre, l’indice S&P 500 était à moins de 2 % de sa moyenne mobile à 200 jours, et, compte tenu de son niveau extrêmement survendu, il s’agit clairement de la meilleure occasion d’achat depuis le creux de mars, et peut-être même depuis le creux du marché baissier en octobre dernier.
Des taux élevés plus longtemps
La baisse des taux obligataires pourrait se faire attendre. Sans aller jusqu’à prédire un retour rapide à un régime de taux très bas, nous nous attendions néanmoins à une certaine consolidation du marché après la forte hausse de cet été. Au lieu de quoi les taux à moyen et long terme ont augmenté d’encore 50 points de base en moyenne en septembre, car les banques centrales sont restées fermes, laissant la porte ouverte à de nouveaux tours de vis si nécessaire. Par conséquent, la performance de la plupart des indices obligataires est devenue négative depuis le début de l’année.
Beaucoup attribueront la poussée des taux obligataires en fin d’été à la remontée récente de l’IPC, au risque de nouvelles pressions à la hausse liées au renchérissement du pétrole (+30 % au troisième trimestre) et aux négociations salariales. Fait intéressant, cependant, les attentes d’inflation n’ont presque pas varié au cours de la période. En fait, la plus récente poussée provient des taux réels à long terme. Cela reflète la thèse des banques centrales voulant que les taux soient appelés à rester élevés plus longtemps, les marchés commençant à intégrer le fait qu’elles sont sérieuses dans leur intention de ramener l’inflation à la cible.
Par conséquent, les courbes des taux entre 2 et 10 ans s’accentuent de nouveau progressivement, s’éloignant de leurs niveaux d’inversion extrêmes, ce qui motive d’autant plus les investisseurs à délaisser les liquidités et les placements à court terme. Alors qu’on s’attendait à ce que la baisse des taux à court terme dicte le mouvement, c’est en fait le segment à long terme qui s’adapte au fait que 1) l’inflation mettra du temps à revenir à 2 %, 2) les baisses de taux sont remises à plus tard et ne seront sans doute pas aussi rapides et importantes qu’après le dernier cycle de resserrement, et 3) les déficits budgétaires élevés, l’offre accrue d’obligations d’État et la diminution des achats des banques centrales et des investisseurs internationaux exercent une pression sur les taux réels à long terme.
L’essoufflement des marchés du travail, le ralentissement de la croissance économique et l’effet décalé des hausses de taux d’intérêt devraient contribuer à stabiliser l’effet à court terme de l’accélération de l’inflation. Les marchés restent partagés quant aux prochaines décisions de politique monétaire, estimant la probabilité d’un autre tour de vis à environ 33 % aux États-Unis d’ici novembre et à plus de 50 % au Canada d’ici début 2024.
Même si la Banque du Canada et la Réserve fédérale renoncent à relever à nouveau leurs taux, la simple menace d’un tour de vis tiendra les marchés en haleine et maintiendra probablement la volatilité à un niveau élevé. En raison d’une inflation tenace et d’une économie américaine encore relativement vigoureuse, le risque de hausse des taux d’intérêt à long terme persiste à court terme. C’est pourquoi nous recommandons de maintenir une duration neutre par rapport à l’indice de référence, car elle offre selon nous un bon équilibre entre revenu et protection.
Certes, le fait que les prix des obligations et la valeur des portefeuilles diminuent alors que les taux obligataires atteignent de nouveaux sommets de 15 ans est préoccupant; cependant, malgré ce contexte difficile, les bonnes nouvelles ne manquent pas. La combinaison actuelle de taux réels élevés (hors inflation) et d’obligations à fort escompte fiscalement rentables joue en faveur des investisseurs. De plus, contrairement à ce qui était le cas en début d’année, les taux obligataires plus élevés offrent une plus grande protection contre la montée des taux d’intérêt.
Enfin, même si le prix d’une obligation devient très inférieur à sa valeur nominale par suite de la hausse des taux actuels, cela ne change rien à sa valeur à l’échéance (100 $). Des prix plus bas signifient seulement que le rendement attendu sera plus élevé d’ici l’échéance. Mais surtout, chaque paiement de coupon futur sera probablement réinvesti à un taux d’intérêt plus élevé : par conséquent, le rendement global de l’obligation sur la période de détention dépassera le taux contractuel original.
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