Un sursis qui fait du bien
Le S&P 500 s’est stabilisé, mais notre recommandation reste inchangée : il faut miser sur des titres solides pour réduire le niveau de risque des portefeuilles.
Les investisseurs l’ont échappé belle : le président Trump a finalement mis sur pause les droits de douane extrêmement élevés qu’il avait annoncé vouloir imposer à la plupart de ses partenaires commerciaux. Parmi les exemples les plus extrêmes, il avait menacé d’imposer des droits de douane de 47 % à Madagascar, ce qui était à la fois absurde et d’une grande tristesse pour ce peuple qui vit dans la plus grande pauvreté. Comme on l’a abondamment lu et entendu dans les médias, c’est peut-être le repli démesuré du marché des obligations du Trésor américain qui a convaincu l’administration Trump de faire temporairement machine arrière. Et elle a eu raison de le faire. L’effondrement simultané des actions, des obligations et de la monnaie américaines indiquait clairement que les États-Unis étaient en train de perdre leur aura de valeur refuge. Le contraste avec ce que l’on avait pu observer au plus fort de la crise financière de 2008 est saisissant : à l’époque, les obligations du Trésor américain avaient joué leur rôle de valeur refuge, ce qui avait permis de limiter les dégâts au sein des portefeuilles bien diversifiés.
Autre motif de soulagement : le président Trump a indiqué qu’il n’avait finalement pas l’intention de limoger le président de la Réserve fédérale (Fed), Jerome Powell, même s’il avait menacé de le faire à plusieurs reprises. S’il avait mis sa menace à exécution, cela aurait envoyé un très mauvais message au marché. Les actions, les obligations et la monnaie américaines auraient à notre avis rechuté, car les investisseurs (surtout sur le marché obligataire) auraient anticipé une hausse de l’inflation et une nouvelle perte de crédibilité. Dans un tel contexte, des baisses « imposées » des taux d’intérêt de la Fed seraient probablement totalement inefficaces pour stabiliser les actifs à risque, comme les actions et les obligations à rendement élevé. Comme l’ont souligné nos collègues des Études économiques BMO, l’indépendance de la banque centrale est essentielle à la stabilité à long terme de l’inflation et de la croissance. Pour que la Fed reste crédible, il faut idéalement que les entreprises et les consommateurs soient convaincus de son entière détermination à assurer la stabilité des prix, à l’abri des interférences politiques. C’est dans ces conditions que les anticipations inflationnistes sont les plus susceptibles de rester arrimées à la cible d’inflation, ce qui évitera à la banque centrale d’avoir à prendre des mesures radicales.
Désormais, nombre de négociateurs estiment que le pire de l’incertitude tarifaire est peut-être passé et que les ententes commerciales qui se négocient ces temps-ci (un accord avec l’Inde devrait par exemple aboutir prochainement) devraient relancer le marché. L’effet se fait d’ailleurs déjà sentir, puisque le marché a regagné beaucoup de terrain. Les États-Unis et la Chine auraient par ailleurs commencé à prendre des mesures pour tenter de désamorcer leur conflit commercial. Russ Visch, notre Analyste technique, estime d’ailleurs que les actions devraient rester orientées à la hausse au cours des prochains mois. Son modèle de prévision à long terme reste toutefois en territoire négatif après avoir généré un nouveau signal de vente au premier trimestre, ce qui signifie que la deuxième partie de l’année n’est pas aussi prometteuse du point de vue technique. Compte tenu de l’extrême précarité de la conjoncture macroéconomique, la moindre amélioration est bien sûr la bienvenue, mais nous sommes convaincus de la nécessité de miser sur des titres solides en prévision d’un deuxième semestre de 2025 qui s’annonce plus compliqué.
La question, à ce stade-ci, est de savoir si le pays le plus puissant de la planète sera capable de rétablir sa crédibilité, déjà lourdement entachée. C’est possible, mais le chemin sera long et difficile. Entre-temps, notre modèle montre que les risques de récession continuent d’augmenter, avant même que l’impact réel des droits de douane ne se fasse sentir. Plus précisément, les probabilités de récession dans les 12 prochains mois sont désormais de 55 %, contre moins de 40 % à la fin de l’an dernier.
Dans le même esprit, l’indice de confiance des consommateurs de l’Université du Michigan est récemment tombé à son plus bas niveau des 45 dernières années au sud de la frontière, et la grande majorité des dirigeants d’entreprise s’attendent à une récession cette année. On peut donc s’attendre à ce que les entreprises et les ménages gardent leur argent au lieu de l’investir. Peut-être plus problématique encore, les perspectives d’inflation pour la prochaine année sont passées de 5 % à 6,7 % (soit leur niveau le plus élevé depuis novembre 1981), et les perspectives d’inflation à cinq ans, que la Réserve fédérale suit particulièrement de près, ont atteint 4,4 % (le niveau le plus élevé depuis juin 1991). Il sera d’autant plus difficile pour Jerome Powell et la Fed d’abaisser les taux pour relancer l’économie.
Si la saison des résultats aux États-Unis nous a réservé quelques très bonnes surprises (Microsoft et Meta, par exemple), elle a également été placée sous le signe de la prudence : certaines entreprises, issues de différents secteurs, ont en effet révisé leurs prévisions à la baisse ou décidé de ne pas en publier face à l’incertitude induite par les droits de douane. On peut donc s’attendre à ce que les bénéfices continuent de baisser. Les prévisions de résultats d’exploitation s’établissaient à 274 $ en début d’année; elles sont maintenant de 264 $ et la tendance est résolument à la baisse.
Bref historique des tarifs douaniers
Même avec le report des tarifs douaniers réciproques, les droits de douane moyens ont renoué avec des niveaux jamais atteints depuis le début du 20e siècle. L’administration américaine n’a clairement pas tiré les enseignements du passé. Cette salve commerciale gratuite s’inspire des droits de douane mis en place en 1930 en vertu de la loi Smoot-Hawley. Cette année-là, le président américain Herbert Hoover avait imposé des droits de douane punitifs sur 20 000 produits importés. En mai 1930, le Canada, partenaire commercial le plus loyal des États-Unis, avait riposté en imposant de nouveaux droits de douane sur 16 produits, qui représentaient collectivement environ 30 % des exportations américaines à destination du Canada. Ce dernier avait par la suite resserré ses liens économiques avec l’Empire britannique dans le cadre des Accords d’Ottawa de 19321. Les économistes s’entendent généralement pour dire que ces droits de douane, s’ils ne sont pas à l’origine de la Grande Dépression, ont largement contribué à l’aggraver.
Sur une note plus positive, il convient de rappeler qu’il existe au Canada un certain nombre d’entreprises de grande qualité dotées d’un bilan et de flux de trésorerie solides. Surtout, elles sont réputées pour leur capacité à composer avec la volatilité macroéconomique et avec les chocs externes. Notre équipe a dans sa ligne de mire de nombreuses actions et obligations de grande qualité, capables de résister à la volatilité et de rapporter beaucoup aux investisseurs patients, surtout si ceux-ci profitent des replis des cours pour les acheter.
Analyse technique
Ce mois-ci, nous nous attardons pour commencer à notre modèle de prévision à moyen terme (qui mesure les tendances de 3 à 6 mois et plus) pour nous faire une idée de ce qui nous attend d’ici la fin du deuxième trimestre. Vous serez peut-être surpris d’apprendre que, malgré toute l’incertitude entourant les politiques tarifaires américaines, ces indicateurs sont en fait positifs et qu’ils annoncent de nouvelles hausses. Les indicateurs du momentum hebdomadaire sont par exemple désormais presque complètement au vert tant pour l’indice composé S&P/TSX que pour le S&P 500, après avoir généré de nouveaux signaux d’achat au cours des dernières semaines (les premiers signaux d’achats combinés depuis le creux du marché baissier de 2022). Il faut également souligner que la plupart des indicateurs de notre modèle de prévision du momentum génèrent ces nouveaux signaux d’achat à partir de niveaux que l’on n’observe que quand les actions sortent d’un marché baissier cyclique pour entrer dans un nouveau cycle haussier.
Les indicateurs d’ampleur mesurent la qualité des reprises boursières sur la base du nombre d’actions qui y participent, et à cet égard, les nouvelles sont excellentes. À la fin du mois d’avril, ces indicateurs ont enregistré une forte poussée, signal rare qui est habituellement de très bon augure. Ce type de signal vise à repérer les moments qui suivent les marchés baissiers et où les investisseurs se ruent à nouveau vers les actions. On a recensé 18 de ces signaux d’achat au cours des 80 dernières années. Le rendement moyen à six mois de l’indice S&P 500 après un tel signal est de +15,3 %. Le rendement moyen à 12 mois est de +24 %. Les résultats sont encore plus impressionnants depuis la crise du crédit. Depuis 2009, on a recensé sept signaux (dont cinq à ou vers la fin d’un marché baissier structurel ou cyclique), pour un rendement moyen à 12 mois de +35,25 %.
Le dernier indicateur, mais non le moindre, que nous vous proposons d’examiner est celui de la confiance. Les derniers sondages témoignent tous d’une nouvelle amélioration, si bien que notre indicateur de confiance composé a encore une fois solidement progressé; comme la plupart des indicateurs composant notre modèle de prévision à moyen terme, il est en train de redevenir positif après avoir atteint des niveaux de pessimisme extrêmes au plus fort du marché baissier de 2022. Ce regain de confiance signifie que les investisseurs placeront davantage d’argent dans les actions, ce qui est clairement une bonne nouvelle.
En conséquence, les actions devraient rester orientées à la hausse, au moins jusqu’à la fin du deuxième trimestre. Le S&P 500 rencontrera quelques seuils de résistance de moindre importance sur sa trajectoire, mais celui qui doit réellement retenir notre attention est celui de début 2025, à 6 147. S’il devait casser cette résistance, il renouerait avec une tendance haussière à long terme qui ouvrirait la voie à une nouvelle cible de 7 460. Pour l’indice composé S&P/TSX, le prochain grand seuil de résistance est son sommet historique de 25 875. Un dépassement de ce niveau ouvrirait la voie à une nouvelle cible haussière de 29 523. À première vue, ces cibles peuvent sembler encourageantes, mais elles sont peut-être un peu ambitieuses compte tenu de l’état de notre modèle de prévision à long terme, qui reste négatif après avoir généré un nouveau signal de vente au premier trimestre.
Ce modèle est assez efficace pour prévoir les marchés baissiers cycliques et a tendance à se renverser et à devenir négatif six à sept mois en moyenne avant les marchés baissiers cycliques (autrement dit, la volatilité pourrait augmenter à un moment donné au cours de la deuxième partie de l’année, après un deuxième trimestre qui s’annonce largement positif).
N’hésitez pas à communiquer avec votre conseiller en placement de BMO Nesbitt Burns si vous avez des questions ou si vous souhaitez discuter de votre portefeuille.
1 Conférence économique impériale, StatCan