Tout tourne autour des taux
Malheureusement, 2023 restera dans les mémoires comme une année de violence, de bouleversements politiques et de hausse des taux d’intérêt. Sans surprise, les investisseurs n’ont pas le moral et le marché s’est en grande partie retrouvé sous pression. Cependant, cette faiblesse récente du marché a eu l’effet positif de conférer une valeur intéressante à plusieurs secteurs et titres, même si nous continuons de nous montrer très sélectifs. Il faut néanmoins continuer de privilégier les sociétés caractérisées par une position concurrentielle solide, un bilan à toute épreuve et des actions raisonnablement valorisées. Il importe de noter que la probabilité que l’Amérique du Nord entre en récession l’an prochain a diminué graduellement selon nos modèles (elle est actuellement inférieure à 45 %, ce qui est évidemment encore loin d’être négligeable). Ceci réduit considérablement le risque d’un marché baissier pénible, du moins au cours des prochains trimestres. C’est également de bon augure pour le marché canadien (S&P/TSX), qui est plus sensible à la conjoncture économique et beaucoup moins onéreux que le S&P 500.
Habituellement, les chocs exogènes n’ont pas d’impact durable sur le marché
Eu égard aux guerres qui font rage au Moyen-Orient et en Ukraine (et à d’autres conflits moins médiatisés comme au Soudan et au Yémen), nous constatons depuis longtemps que les chocs exogènes ont tendance à ne pas avoir d’impact durable sur le marché et que le cycle économique et les taux d’intérêt sont de loin les vecteurs les plus importants du rendement des actifs financiers. Nous restons de cet avis. Depuis 1940, nous observons une baisse médiane de 2 % durant le mois précédant l’événement, suivie d’une progression de 10 % durant l’année subséquente.
L’imminence d’une stabilisation des taux a des conséquences très positives
À notre avis, nous sommes sur le point d’entrer dans une ère de taux d’intérêt plus stables. La Banque du Canada (BdC) et la Fed semblent désormais s’être mises sur pause, même si elles pourraient opérer un dernier tour de vis. Nos analyses montrent que le marché tend à bien se comporter quand les taux d’intérêt sont stables, ce qui est logique puisque tant les négociateurs professionnels que les investisseurs moyens ont historiquement plébiscité la prévisibilité et la stabilité en faisant monter les valorisations. Autre conclusion importante, les actions dites de « valeur » (comme celles des banques, des services d’utilité publique et des producteurs d’énergie) ont tendance à surclasser les actions de croissance onéreuses (technologie et certains titres de consommation et de communication) 12 mois après la stabilisation des taux d’intérêt.
Cependant, ce sont les taux d’intérêt à long terme qui déterminent l’orientation globale des titres. De fait, les investisseurs sont devenus obnubilés par les taux des obligations du Trésor américain à 10 ans – la pierre angulaire de tous les marchés financiers – qui ont franchi tout récemment le seuil psychologique des 5 % (alors qu’ils étaient encore à 3,5 % en mai dernier). Ils atteignent maintenant leur plus haut niveau en plus de 15 ans. Cela importe, parce que les prix des obligations évoluent à l’inverse des taux d’intérêt, et les obligations à long terme sont les plus vulnérables de toutes. Les actions sont également vulnérables à la hausse des taux d’intérêt, mais de façon moins directe. Cette vulnérabilité vient principalement du fait que des taux d’intérêt plus élevés rendent la valeur actualisée des flux de trésorerie futurs moins intéressante. De plus, le rendement en dividendes des actions devient moins attrayant par rapport aux obligations d’État moins risquées. La bonne nouvelle est que cette dynamique opère également à l’inverse (dans un sens positif), comme ce sera le cas maintenant si les taux obligataires ont atteint un plafond à court terme comme nous le croyons.
Nous avons examiné l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur la performance historique des secteurs. La principale conclusion est que deux ans après une hausse de 3 % des taux longs (ce qui ne s’est produit que cinq fois depuis les années 1970), le marché dégage habituellement de solides rendements, qui varient toutefois grandement d’un secteur à l’autre. Les secteurs défensifs comme la consommation de base et la santé ainsi que les secteurs plus cycliques comme la finance, la consommation discrétionnaire et l’énergie (nous sommes très optimistes au sujet des producteurs de pétrole brut canadiens) ont mené le bal. Le seul secteur qui a systématiquement sous-performé est celui des technologies, et, selon nous, ce cycle ne fera pas exception. Encore une fois, nous ne recommandons pas d’éviter l’ensemble du secteur technologique, mais plutôt d’être particulièrement attentif aux barrières à l’entrée et aux niveaux de valorisation.
La valeur a tendance à sous-performer durant un resserrement, mais à surclasser la croissance après une pause de la Fed
Sans jamais être un baromètre d’anticipation, les valorisations jouent à notre avis un rôle essentiel dans la réussite des placements à long terme. De ce point de vue, nous constatons que dans les secteurs canadiens des banques, des télécommunications, des services d’utilité publique et des pipelines, les actions se négocient près du plancher de leur fourchette historique (avec des rendements en dividendes nettement supérieurs à la moyenne), ce qui devrait procurer une « marge de sécurité » par rapport aux niveaux actuels. Fondamentalement, ces sociétés opèrent dans le cadre d’oligopoles rationnels qui leur confèrent un pouvoir de fixation des prix et leur permettent habituellement de surperformer même dans une conjoncture macroéconomique difficile.
Analyse technique
Le taux américain à 10 ans – principal vecteur de la faiblesse du marché boursier depuis août – semble en voie de plafonner. Les indicateurs de momentum à court terme demeurent négatifs après avoir atteint un sommet il y a près d’un mois à partir de leur niveau le plus suracheté en un an, et les indicateurs à moyen terme ont basculé à leur tour en territoire négatif. Le niveau de soutien initial correspond à la moyenne mobile sur 50 jours à 4,50 % et le point de rupture suivant se situe à 4,34 %. En fait, la dernière fois que les indicateurs de momentum à moyen terme ont basculé à partir d’un niveau aussi suracheté, le taux à 10 ans a reculé pendant six mois pour retomber à sa moyenne mobile sur 200 jours, qui se situe actuellement à 3,89 %.
Si cela se produit, il faut s’attendre à un immense rebond de soulagement des actions sensibles aux taux d’intérêt, comme celui du T4 2022 qui a entraîné une progression significative de ces secteurs (services d’utilité publique : +11 %, pipelines : +17 %, télécom : +18 %, banques : +18 % et FPI : +21 %). Cette performance était certes en partie attribuable au fait que les marchés étaient largement survendus à la fin du marché baissier cyclique de 2022, mais bon nombre de titres se retrouvent dans la même situation qu’il y a un an, de sorte que la nouvelle année sera probablement marquée par un rebond porté par des facteurs saisonniers historiquement favorables et tiré par les actions sensibles aux taux d’intérêt.
Le problème ne vient pas des taux élevés!
Des taux d’intérêt élevés ne sont pas mauvais pour les investisseurs en titres à revenu fixe, puisqu’ils laissent entrevoir une diminution du risque de réinvestissement et une augmentation du revenu et du rendement. Le problème vient de la vitesse à laquelle les taux ont monté, laquelle a de quoi inquiéter les investisseurs qui songent à acheter des titres à revenu fixe maintenant, surtout sur un horizon supérieur à un ou deux ans. Une bonne compréhension des facteurs qui sous-tendent ce nouvel accès de hausses de taux peut contribuer à apaiser ces craintes. Pendant près de deux ans, l’expectative d’une hausse des taux directeurs a fait monter les taux à court terme qui ont dépassé les taux à long terme, d’où une inversion plus marquée de la courbe des taux. Cependant, les choses ont commencé à changer. Depuis l’été dernier, ce sont les taux à moyen et à long terme qui ont le plus monté, sous l’effet de quatre facteurs principaux : 1) la vigueur de l’économie américaine, 2) l’inflation tenace, 3) le discours intransigeant des banques centrales qui menacent de resserrer davantage leur politique et 4) la politique budgétaire. Les trois premiers facteurs n’ont rien de surprenant, mais la politique budgétaire et fiscale – et notamment l’ampleur de l’offre d’obligations d’État américaines – est plus souvent pointée du doigt récemment. Cependant, l’offre obligataire est un facteur relativement bien connu et n’a habituellement pas d’impact durable sur les marchés. Cette offre est sans doute plus abondante en chiffres absolus, mais si on l’envisage en équivalent d’obligations à 10 ans, on constate qu’elle n’est probablement pas un vecteur de la hausse des taux, contrairement à ce que d’aucuns peuvent croire.
L’offre contribue certes à accentuer la volatilité, du fait du déplacement de la demande consécutif à la fin des assouplissements quantitatifs des banques centrales et de la diminution des achats des investisseurs étrangers qui peuvent désormais profiter de taux plus élevés dans leur pays.
La politique budgétaire et fiscale a une incidence sur la croissance économique et l’inflation, particulièrement aux États-Unis où elle alimente une dynamique déjà robuste : au troisième trimestre, la croissance du PIB des États- Unis a frôlé les 5 % en taux annualisé. Combinés à des dépenses gouvernementales musclées, ces facteurs aident à comprendre la hausse récente des taux à long terme. Les banques centrales ne relèveront pas nécessairement leurs taux de nouveau même si l’inflation est tenace, mais elles ne les abaisseront pas forcément si l’économie ralentit, d’où la perspective que les taux directeurs restent élevés plus longtemps. De ce fait, les taux à long terme escomptent la possibilité d’un nouveau régime de PIB nominal et d’inflation plus élevés qu’au cours des 15 dernières années. Cela s’est moins fait sentir au Canada malgré la hausse de l’IPC, parce que la croissance a essentiellement stagné ces derniers mois. Il en est résulté une forte divergence entre l’économie canadienne et l’économie américaine, d’où la différence entre les taux directeurs et la présence de taux obligataires généralement plus faibles au Canada.
Nous concluons que le moment propice pour allonger la duration se rapproche, mais n’est peut-être pas encore venu. Nous nous réconfortons en constatant que si l’histoire se répète, les taux d’intérêt auront tendance à converger vers les taux directeurs à mesure que nous approchons de la fin du cycle, comme ils l’ont fait durant les trois grands cycles antérieurs.
En supposant que ce soit de nouveau le cas, nous pourrions approcher des sommets et nous ne voudrons peut-être pas attendre trop longtemps avant d’allonger les échéances. La volatilité restera élevée et une nouvelle hausse de taux demeure possible, mais les taux obligataires actuels nous protègent davantage contre ce risque. À preuve, les obligations de sociétés dont les taux ont monté cette année ont fortement surclassé les obligations d’État sur le plan de la progression des taux. Plus important encore, la hausse des taux d’intérêt signifie que davantage de titres d’emprunt à court terme à taux nominal peu élevé sont remplacés par des obligations à taux nominal plus élevé dont le prix est plus proche du pair, refermant rapidement la fenêtre fiscalement avantageuse qui existe actuellement sur les marchés.
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