Le 7 avril 2022, la ministre des Finances Chrystia Freeland a présenté son deuxième budget (et le premier depuis la réélection du gouvernement libéral minoritaire) à la Chambre des Communes.
Comme prévu, ce budget, intitulé « Un plan pour faire croître notre économie et rendre la vie plus abordable », propose d’importantes dépenses, notamment en matière de logement abordable, de garde d’enfants, de soins dentaires, de transition vers une économie plus verte, de productivité et d’innovation. Le gouvernement a annoncé plus de 31 milliards de dollars de nouvelles dépenses et anticipe un déficit de 113,8 milliards de dollars pour l’exercice financier 2021-2022, chiffre qui devrait redescendre à 52,8 milliards en 2022-2023, avant de revenir à des montants légèrement plus modestes par la suite.
Parmi les principales nouvelles sources de revenus prévues figurent deux nouvelles mesures qui cibleront les banques et les compagnies d’assurance-vie, soit un « dividende temporaire pour la relance du Canada » (un impôt ponctuel de 15 % sur le revenu imposable supérieur à 1 milliard de dollars pour l’année d’imposition 2021, payable en versements égaux sur une période de cinq ans) et une augmentation permanente de 1,5 point de pourcentage du taux d’imposition des sociétés applicable aux revenus imposables dépassant les 100 millions de dollars.
En ce qui a trait à l’impôt des particuliers et des petites entreprises, qui constitue l’essentiel de la présente analyse, le budget ne prévoit pas de hausses d’impôts, ni de modification au taux d’inclusion des gains en capital. Ceux qui s’adonnent à la revente précipitée de propriétés (« flip ») pourraient en revanche ne plus avoir accès à l’exemption pour résidence principale. Comme prévu, le budget revient en détail sur beaucoup des principaux thèmes annoncés dans le programme électoral du gouvernement libéral et dans l’Énoncé économique de l’automne 2021, et met particulièrement l’accent sur la question du logement, puisqu’il prévoit notamment la mise en place d’un nouveau compte d’épargne pour ceux qui souhaitent faire l’acquisition d’une première propriété, ainsi que plusieurs crédits d’impôt nouveaux ou bonifiés. D’importantes mesures sont également prévues pour les sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC), notamment une réduction de la récupération de la déduction accordée aux petites entreprises pour les sociétés en croissance et des propositions visant à lutter contre la planification à laquelle ont recours certaines sociétés pour éviter de payer l’impôt supplémentaire remboursable sur le revenu des sociétés applicable aux revenus de placement. Pour les organismes de bienfaisance et les donateurs, il convient par ailleurs de noter que le budget propose d’augmenter le contingent des versements à partir de 2023.
Comme les années précédentes, le budget prévoit un certain nombre d’autres mesures destinées à améliorer l’équité et la transparence du système fiscal, une augmentation du financement de l’Agence du revenu du Canada destiné à lutter contre la planification fiscale abusive et de nouvelles mesures pour s’assurer de l’efficacité des programmes et des services offerts par le gouvernement fédéral. Vous trouverez ci-dessous un résumé des principales mesures fiscales concernant les particuliers et les sociétés privées canadiennes. Veuillez noter que ces mesures ne sont à ce stade que des propositions et qu’il est toujours possible qu’elles ne soient pas adoptées. Le lecteur est invité à consulter son conseiller fiscal pour savoir dans quelle mesure il est concerné par ces propositions.
Résumé des propositions en matière d’impôt sur le revenu des particuliers
Mesures relatives au logement
Le logement occupe une place importante dans le budget de 2022, qui prévoit notamment un plan complet pour rendre le logement plus abordable : le gouvernement envisage ainsi de verser un montant ponctuel de 500 $ à ceux qui ont de la difficulté à trouver un logement abordable et de doubler le taux de nouvelles constructions au cours de la prochaine décennie, tout en mettant en place des mesures destinées à aider les Canadiens à acheter leur première maison, à protéger les acheteurs et les locataires, et à mettre un frein aux investissements étrangers et à la spéculation.
En matière de logement, le budget prévoit les mesures fiscales suivantes :
• Un doublement du crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation, qui passerait ainsi de 750 $ à 1 500 $ (pour les habitations achetées à partir du 1er janvier 2022);
• Un nouveau crédit d’impôt (remboursable) pour la rénovation d’habitations multigénérationnelles, qui permettrait aux familles de demander un remboursement des coûts admissibles de rénovation et de construction d’un logement secondaire destiné à une personne âgée ou à un adulte en situation de handicap qui pourrait aller jusqu’à 7 500 $ (15 % d’un montant maximal de 50 000 $), et ce à partir de l’année d’imposition 2023;
• Un doublement du plafond des dépenses admissibles au crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire, qui passerait de 10 000 $ à 20 000 $ à partir de l’année d’imposition 2022 et permettrait ainsi d’économiser jusqu’à 3 000 $ sur la base d’un crédit d’impôt édéral pour l’accessibilité domiciliaire de 15 %; et
• Des propositions visant à s’assurer que les « cessions de contrats de vente » (opérations spéculatives consistant à revendre un logement avant même qu’il ait été construit ou habité) relatives à des propriétés résidentielles nouvellement construites ou ayant fait l’objet de rénovations majeures soient assujetties à la TPS/TVH à compter du 7 mai 2022.
Règles fiscales pour lutter contre la revente précipitée de propriétés résidentielles
Le budget de 2022 propose également d’instaurer de nouvelles règles pour s’assurer que les bénéfices issus de la revente précipitée
de propriétés soient pleinement et équitablement imposés et que l’exemption pour résidence principale ne soit accessible qu’aux Canadiens qui vivent réellement dans leur logement. Plus précisément, toute personne qui vend un immeuble résidentiel qu’elle détient depuis moins de 12 mois serait réputée faire de la revente précipitée de propriétés et les bénéfices tirés de l’opération seraient entièrement imposés à titre de revenu d’entreprise. Des exemptions seraient prévues pour les Canadiens qui vendent leur maison en raison de certaines circonstances de la vie, comme un décès, une invalidité, la naissance d’un enfant, un nouvel emploi ou un divorce. Ces exemptions seront précisées dans les règles à venir et les Canadiens seront consultés sur les propositions législatives. Cette mesure s’appliquerait aux propriétés résidentielles vendues à compter du 1er janvier 2023.
Compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété
Le budget de 2022 propose d’instaurer un compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP); il s’agirait d’un nouveau compte enregistré qui offrirait aux acheteurs d’une première maison la possibilité d’épargner jusqu’à 40 000 $ en vue de cette acquisition. Ce nouveau compte combinerait les caractéristiques des REER et des CELI, puisque les cotisations au CELIAPP seraient déductibles d’impôt et que le revenu gagné dans le CELIAPP ne serait pas imposable. Les retraits admissibles (revenu de placement inclus) effectués à partir d’un CELIAPP pour financer l’achat d’une première propriété seraient non imposables. Voici une liste des principales caractéristiques du CELIAPP :
Admissibilité – Pour ouvrir un CELIAPP, le particulier devra être un résident du Canada, être âgé d’au moins 18 ans et ne pas avoir vécu dans une propriété qui lui appartenait au cours de l’année de l’ouverture du compte ou lors des quatre années civiles précédentes.
Cotisations – Le plafond à vie des cotisations (par personne) serait de 40 000 $, sous réserve d’un plafond annuel de cotisation de 8 000 $. Les droits de cotisation annuels non utilisés ne pourraient pas être reportés : en d’autres termes, le particulier qui cotiserait moins de 8 000 $ au cours d’une année donnée resterait soumis au plafond de 8 000 $ les années suivantes. Un particulier pourrait détenir plus d’un CELIAPP, mais le montant total combiné de ses cotisations à l’ensemble de ses comptes CELIAPP ne pourrait pas dépasser les plafonds de cotisation annuels et à vie.
Retraits – Les montants retirés pour effectuer l’achat d’une première propriété admissible ne seraient pas assujettis à l’impôt. Les montants retirés à d’autres fins seraient imposables. Un particulier ne pourrait faire des retraits non imposables que pour l’achat d’une seule propriété au cours de sa vie et, une fois les retraits en vue de l’achat d’une propriété effectués, il serait tenu de fermer ses comptes CELIAPP dans l’année suivant le premier retrait et n’aurait pas le droit d’ouvrir un autre CELIAPP.
Transferts – Un particulier pourrait transférer des fonds d’un CELIAPP à un REER (en tout temps avant l’année de ses 71 ans) ou à un FERR. Les transferts à un REER ou à un FERR ne seraient pas imposables au moment du transfert, mais les montants seraient imposés au moment du retrait du REER ou du FERR de la façon habituelle. Les transferts ne viendraient pas réduire les droits de cotisation REER disponibles du particulier et ne seraient pas limités par ces derniers. Les retraits et les transferts ne rétabliraient pas les droits de cotisation au CELIAPP.
Si le particulier n’a pas utilisé les fonds de son CELIAPP pour financer l’achat d’une première propriété admissible dans les 15 ans suivant l’ouverture du compte, celui-ci devra être fermé et l’argent non utilisé figurant dans le CELIAPP pourrait être transféré à un REER ou à un FERR (tel qu’indiqué plus haut), ou devrait autrement être retiré et s’ajouterait alors au revenu imposable du particulier. Les particuliers pourraient également transférer des fonds d’un REER à un CELIAPP sans conséquence fiscale, sous réserve de la limite à vie de 40 000 $ et du plafond de cotisation annuel de 8 000 $. Ces transferts ne rétabliraient pas les droits de cotisation REER des particuliers concernés.
Lien avec le Régime d’accession à la propriété (RAP) – Le RAP permet aux particuliers de retirer jusqu’à 35 000 $ d’un REER pour acheter une habitation sans avoir à payer d’impôt sur le retrait. Ils disposent d’une période maximale de 15 ans (à partir de la deuxième année suivant l’année du retrait) pour rembourser les sommes retirées. Le RAP demeurera disponible conformément aux règles existantes, mais il ne sera pas possible d’effectuer à la fois un retrait du CELIAPP et un retrait au titre du RAP en vue de l’achat d’une même propriété. Le gouvernement entend travailler avec les institutions financières afin qu’il soit possible d’ouvrir un CELIAPP à compter de 2023.
Autres mesures relatives au logement
• Allongement et assouplissement de l’Incitatif à l’achat d’une première propriété (instauré en 2019), qui permet aux acheteurs d’une première propriété admissible de réduire leurs coûts d’emprunt en partageant le coût d’achat de l’habitation avec le gouvernement;
• Projet de « charte des droits des acheteurs de propriété », incluant la création d’un plan national visant à mettre fin aux offres à l’aveugle, à mettre en place un droit légal à une inspection de la propriété et à assurer la transparence de l’historique des prix de
vente dans les recherches de titres;
• Projet de réflexion fédérale sur l’immobilier en tant que catégorie d’actif, afin de mieux comprendre le rôle des grands acteurs du marché ainsi que l’impact sur les locataires et les propriétaires canadiens; il s’agira notamment de réfléchir aux changements qui pourraient être apportés au traitement fiscal des grands acteurs organisationnels qui investissent dans l’immobilier résidentiel; et
• Nouvelles mesures visant à mettre un frein aux investissements étrangers et à la spéculation, notamment à interdire aux entreprises commerciales étrangères et aux particuliers qui ne sont pas citoyens canadiens ou résidents permanents d’acquérir des propriétés résidentielles non récréatives au Canada pour une période de deux ans (certaines exemptions seraient prévues pour les réfugiés, les étudiants étrangers en voie d’obtenir la résidence permanente et les titulaires de permis de travail qui résident au Canada).
Autres mesures relatives à l’impôt des particuliers
Impôt minimum de remplacement (IMR)
Comme il l’avait indiqué dans son programme électoral de 2021, le gouvernement libéral souhaite s’assurer que les particuliers à revenu élevé paient au moins 15 % d’impôts chaque année et qu’ils ne puissent pas artificiellement faire baisser leur revenu imposable par un recours excessif aux déductions ou aux crédits d’impôt. Le gouvernement estime que l’Impôt minimum de remplacement (IMR) n’a pas été réformé en profondeur depuis son instauration en 1986 et que de nombreux Canadiens bien nantis paient encore peu, voire pas d’impôt sur le revenu des particuliers chaque année. Dans son budget de 2022, il a donc annoncé qu’il s’engageait à étudier un nouveau régime fiscal minimal et qu’il y reviendrait plus en détail lors de la mise à jour économique et budgétaire de l’automne 2022.
Crédits d’impôt pour frais médicaux
Le budget de 2022 propose de permettre que les frais médicaux liés aux mères porteuses et aux donneurs de sperme, d’ovules ou d’embryons engagés au Canada pour 2022 et les années d’imposition suivantes puissent faire l’objet d’une demande de crédit d’impôt. Seraient notamment inclus les coûts remboursés aux mères porteuses pour les frais associés à la fécondation in vitro. Le budget de 2022 propose également d’ajouter les frais payés aux cliniques de fertilité et aux banques de donneurs au Canada afin d’obtenir du sperme et des ovules à la liste des dépenses admissibles au crédit d’impôt pour frais médicaux pour 2022 et les années d’imposition suivantes.
Déduction pour la mobilité de la main-d’oeuvre
Le budget de 2022 propose également d’instaurer une déduction pour la mobilité des gens de métier, qui permettrait de déduire jusqu’à 4 000 $ par année en frais de déplacement et de réinstallation temporaire admissibles pour les gens de métier et les apprentis admissibles. Cette mesure s’appliquerait à partir de l’année d’imposition 2022.
Propositions touchant les sociétés privées canadiennes
Planification des sociétés qui ne sont pas des sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC)
Vue d’ensemble
Le gouvernement a repéré certaines stratégies de planification fiscale visant à modifier le statut de SPCC de certaines sociétés résidant au Canada dans le but d’éviter de payer l’impôt supplémentaire remboursable sur le revenu des sociétés qui serait autrement dû sur les revenus de placement. Une telle planification consiste souvent à déplacer une société dans un pays où les taux d’imposition sont bas, en recourant à des sociétés-écrans ou en transférant des portefeuilles passifs à une société étrangère.
Le budget de 2022 propose des modifications ciblées à la Loi de l’impôt sur le revenu afin de s’assurer que, pour l’année d’imposition terminée le 7 avril 2022 et les suivantes, le revenu de placement gagné et distribué par les sociétés privées qui sont, de fait, des SPCC est imposé de la même façon que le revenu de placement gagné et distribué par les SPCC.
Contexte
En vertu du régime d’intégration fiscale canadien, l’impôt sur le revenu vise la neutralité fiscale en veillant à ce que le revenu gagné directement par un particulier résidant au Canada soit imposé à peu près au même taux que le revenu gagné par l’intermédiaire d’une société. Les SPCC qui tirent un revenu d’une entreprise exploitée activement sont imposées à des taux d’imposition corporatifs inférieurs et peuvent donc profiter d’un report de l’impôt personnel, de sorte que le revenu est intégré seulement lorsque des dividendes sont versés aux actionnaires. En revanche, des impôts remboursables supplémentaires s’appliquent au revenu de placement passif gagné par les SPCC dans l’année où il est gagné. Ces impôts remboursables (qui font partie du régime d’intégration) visent à éliminer tout avantage que pourraient avoir les particuliers canadiens à gagner du revenu de placement dans une SPCC (où le revenu de placement serait autrement assujetti à un taux d’imposition moins élevé) en faisant en sorte que le taux d’imposition total des sociétés (en incluant les impôts remboursables) soit à peu près égal au taux marginal d’imposition le plus élevé pour les particuliers.
Le gouvernement craint que certains Canadiens ne manipulent le statut de leurs sociétés dans le but d’éviter qu’elles se qualifient à titre de SPCC (en vertu des lois fiscales en vigueur) et d’éviter de payer l’impôt supplémentaire remboursable sur le revenu des sociétés afin d’obtenir un report d’impôt sur le revenu de placement gagné au sein de leurs sociétés. Cela peut se faire de différentes façons, notamment en cherchant à éviter le statut de « société canadienne », en assujettissant une société au droit des sociétés d’un pays étranger où les taux d’imposition sont moins élevés (tout en maintenant sa résidence canadienne) ou en évitant le statut de « contrôle canadien » en interposant une société non-résidente dans la structure corporative ou en émettant des options sur actions pour des non-résidents. Le fait d’éviter l’un ou l’autre de ces statuts permettrait essentiellement à la société de ne plus se qualifier comme une SPCC.
Propositions du budget
Le budget de 2022 propose des modifications ciblées afin de s’assurer que le revenu de placement gagné et distribué par les sociétés privées qui sont, de fait, des SPCC soit imposé de la même façon que le revenu de placement gagné et distribué par les SPCC. Le budget de 2022 propose donc une nouvelle définition des « SPCC de substance » (ou SPCC de fait) qui inclurait les sociétés privées résidant au Canada (autres que des SPCC) qui sont ultimement contrôlées (de droit ou de fait) par des particuliers résidant au Canada. De ce fait, une société serait une SPCC en substance dans des situations où la société aurait été une SPCC, n’eût été du fait qu’un non-résident ou une société publique ait un droit d’en acquérir les actions. Ces nouvelles règles seraient en outre appuyées par une règle anti-évitement ciblée destinée à lutter contre certains stratagèmes ou opérations dont on peut raisonnablement estimer qu’ils ont été mis en place spécifiquement dans le but d’éviter que la société soit réputée une SPCC de fait et l’application des règles d’impôt remboursable pour les revenus de placement.
Cette mesure s’appliquerait à l’année d’imposition terminée le 7 avril 2022 et aux suivantes et des exclusions seront prévues pour s’assurer que les opérations commerciales véritables conclues avant ne soient pas affectées.
Modifications aux règles de revenu étranger accumulé, tiré de biens
Les règles de de revenu étranger accumulé, tiré de biens (REATB) visent à empêcher que les contribuables canadiens tirent un avantage de report d’impôt en gagnant certains types de revenus (incluant notamment du revenu de placement) au moyen de sociétés étrangères affiliées contrôlées (c’est-à-dire, une société non-résidente dans laquelle le contribuable détient, ou participe à, une participation de contrôle). Le budget de 2022 propose des modifications ciblées pour conserver l’intégrité des règles de REATB et s’assurer qu’aucun avantage de report d’impôt ne soit tiré pour certaines SPCC et leurs actionnaires qui gagnent un revenu de placement par l’intermédiaire de sociétés étrangères contrôlées par des non-résidents.
Transferts d’actions intergénérationnels
La Loi de l’impôt sur le revenu comporte une règle anti-évitement visant à empêcher les contribuables de convertir des dividendes en gains en capital imposés à un taux inférieur en utilisant certaines opérations avec apparentés (ou personne ayant un lien de dépendance), une pratique appelée « dépouillement de surplus ».
Cette règle peut entraîner une charge fiscale plus élevée dans le cas du transfert d’une entreprise à un membre de la famille (et empêcher la possibilité de demander l’exonération cumulative des gains en capital) par opposition à la vente à un tiers. Le projet de loi C-208 émanant d’un député, lequel a reçu la sanction royale le 29 juin 2021, a introduit une exception à cette règle anti-évitement afin de faciliter les transferts intergénérationnels d’entreprises au moyen d’un parallèle avec le traitement fiscal des ventes réalisées sans lien de dépendance. Toutefois, le gouvernement avait auparavant exprimé ses préoccupations que l’exception pourrait permettre involontairement le dépouillement de surplus sans exiger la réalisation d’un réel transfert intergénérationnel d’entreprise.
Le budget de 2022 a par conséquent annoncé un processus de consultation pour permettre aux intervenants de donner leur avis sur la façon dont les règles existantes peuvent être renforcées pour protéger l’intégrité du régime fiscal tout en continuant à permettre les transferts intergénérationnels d’entreprises légitimes. Le gouvernement a précisé qu’il s’est engagé à présenter les mesures législatives requises pour régler ce problème, lesquelles pourraient être présentées à l’automne, après le processus de consultation.
Déductions pour les petites entreprises
Les petites entreprises bénéficient actuellement d’un taux fédéral d’imposition sur le revenu des sociétés réduit de 9 % sur la première tranche de 500 000 dollars de revenu imposable admissible provenant d’une entreprise exploitée activement, alors que le taux fédéral général d’imposition sur le revenu des sociétés est de 15 %. Une petite entreprise n’a plus le droit de se prévaloir de ce taux réduit lorsque son niveau de capital utilisé au Canada atteint 15 millions de dollars, y compris celui de ses sociétés associées. Toutefois, le fait d’éliminer progressivement l’accès au petit taux d’imposition trop rapidement peut décourager certaines entreprises de continuer à croître.
Ainsi, le budget de 2022 propose d’éliminer l’accès au taux d’imposition des petites entreprises de façon plus graduelle; l’accès sera complètement éliminé lorsque le capital imposable atteint 50 millions de dollars, plutôt que 15 millions.
Cette mesure s’appliquera aux années d’imposition ouvertes à compter du 7 avril 2022.
Fiducies collectives des employés
Les fiducies collectives des employés encouragent la propriété collective des entreprises par les employés et facilitent la transition des entreprises privées vers les employés. Le budget fédéral de l’an dernier annonçait que le gouvernement collaborerait avec les intervenants pour examiner les obstacles à la création de telles fiducies au Canada.
Ces consultations ont révélé que le principal obstacle à la création de fiducies collectives des employés au Canada était l’absence d’un mécanisme de fiducie précis en vertu des lois fiscales actuelles, adapté aux exigences de ces structures. Par conséquent, le budget de 2022 propose de créer la fiducie collective des employés, un nouveau type de fiducie exclusif, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, pour appuyer la propriété des employés. Le gouvernement a annoncé qu’il continuera de collaborer avec des intervenants afin de parachever l’élaboration de règles pour la fiducie collective des employés et d’évaluer les obstacles qui subsistent à la création de ces fiducies.
Autres mesures importantes visant l’impôt des sociétés
• La création d’un nouveau crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques de 30 % à l’égard de dépenses d’exploration minière déterminées engagées au Canada et faisant l’objet d’une renonciation au profit des détenteurs d’actions accréditives en vertu de conventions pour actions accréditives conclues après le jour du budget et au plus tard le 31 mars 2027.
• Un nouveau crédit d’impôt pour les investissements dans les technologies propres pouvant atteindre 30 %, axé sur les technologies à zéro émission, les solutions d’entreposage par batteries et l’hydrogène propre, dont les détails seront fournis dans la Mise à jour économique et budgétaire de l’automne 2022.
• Un nouveau crédit d’impôt à l’investissement remboursable à l’intention des entreprises qui font des dépenses admissibles en captage, utilisation et stockage du carbone (CUSC), à compter de 2022.
• L’élimination progressive des conventions d’émissions d’actions accréditives relatives aux activités liées au pétrole, au gaz et au charbon qui vise à ne plus permettre de renoncer aux dépenses d’exploration et d’aménagement du pétrole, du gaz et du charbon au profit des détenteurs d’actions accréditives pour les conventions d’émission d’actions accréditives conclues après le 31 mars 2023.
• Un examen pour déterminer si le régime fiscal offre un soutien adéquat aux investissements dans les entreprises en croissance, y compris l’examen du report par roulement des investissements dans les petites entreprises qui permet aux investisseurs dans de petites entreprises de reporter l’impôt sur les gains en capital.
• Un examen du programme de recherche scientifique et de développement expérimental (RSDE) afin de s’assurer qu’il encourage efficacement la R et D qui profite au Canada, puis d’étudier les possibilités de le moderniser et de le simplifier.
Mesures sur les organismes de bienfaisance
Les mesures prévues au budget sur les dons de bienfaisance sont peu nombreuses, mais importantes.
Taux de contingent
Chaque année, les organismes de bienfaisance sont tenus de dépenser un montant minimum, appelé taux de contingent, en fonction de la valeur de leurs actifs d’investissement. À la suite de consultations menées auprès du secteur des organismes de bienfaisance après la présentation du budget de l’an dernier, le gouvernement propose d’établir un nouveau taux de contingent des versements progressif pour les organismes de bienfaisance. Plus précisément, le taux du contingent des versements passera de 3,5 % à 5 % pour les actifs d’investissement de plus de 1 million de dollars. Des mesures additionnelles sont proposées afin de préciser que les dépenses pour l’administration et la gestion ne sont pas considérées comme des dépenses admissibles dans le but d’atteindre le taux de contingent des versements d’un organisme de bienfaisance.
Le budget de 2022 propose aussi de modifier la règle existante de sorte que l’Agence du revenu du Canada (ARC) puisse accorder, à sa discrétion, une réduction de l’obligation de contingent des versements d’un organisme de bienfaisance pour une année d’imposition donnée. L’ARC améliorera également la collecte de renseignements auprès des organismes de bienfaisance, notamment en vérifiant si ces organismes respectent leur contingent des versements, ainsi que l’information de sur les placements et les fonds dédiés détenus par des organismes de bienfaisance.
Ces modifications entreront en vigueur pour l’exercice d’un organisme de bienfaisance commençant le 1er janvier 2023 ou après et seront réexaminées au bout de cinq ans.
Partenariats de bienfaisance
Le budget de 2022 propose de permettre aux organismes de bienfaisance de bénéficier d’une souplesse accrue pour appuyer les groupes sans but lucratif qui n’ont peut-être pas la capacité d’accéder au statut d’organisme de bienfaisance. Plus précisément, le budget propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu pour permettre à un organisme de bienfaisance de fournir ses ressources à des organismes qui ne sont pas des donataires reconnus, à condition que l’organisme de bienfaisance satisfasse à certaines exigences assurant la reddition de comptes.
Autres mesures importantes
Tout comme ce fut le cas avec les budgets précédents, le budget de 2022 permet au gouvernement de poursuivre ses efforts visant à
ajuster les lois et à s’assurer que le régime fiscal fonctionne comme prévu et présente ces propositions pour maintenir l’équité et l’intégrité du régime fiscal. Outre les mesures présentées ci-dessus, les autres mesures en matière d’intégrité et d’administration comprennent :
Renforcer la règle générale anti-évitement
La règle générale anti-évitement (RGAE) vise à prévenir les opérations abusives d’évitement fiscal, sans gêner les opérations commerciales et familiales légitimes. Si un évitement fiscal abusif est établi, la RGAE est appliquée en vue de refuser l’avantage fiscal qui a été créé injustement.
Le budget de 2022 propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu en vue de prévoir l’application de la RGAE aux opérations qui touchent les attributs fiscaux qui n’ont pas encore été utilisés pour réduire les impôts.
Le gouvernement entend aussi publier dans un proche avenir un document de consultation plus général sur la modernisation de la
RGAE, qui comportera une période de consultation menée tout au long de l’été 2022, et les propositions législatives seront déposées
à la fin de 2022.
Renforcer l’Agence du revenu du Canada
En s’appuyant sur des investissements récents, le budget de 2022 propose de fournir un financement de 1,2 milliard de dollars sur cinq ans, à compter de 2022-2023, à l’ARC pour élargir les audits des grandes entités et des non-résidents qui participent à une planification fiscale abusive; accroître le nombre d’enquêtes et de poursuites criminelles visant des personnes qui participent à l’évasion fiscale; et élargir ses activités de sensibilisation axée sur l’éducation.
Examen des politiques stratégiques
En plus de souligner l’intention du gouvernement de passer en revue les plans de dépenses annoncés précédemment, le budget de 2022 a également souligné l’examen des politiques stratégiques proposé qui vise à évaluer l’efficacité des programmes en ce qui concerne l’atteinte des objectifs prioritaires du gouvernement, qui consistent à renforcer la croissance économique, à assurer l’inclusion et à lutter contre les changements climatiques, ainsi qu’à déterminer les possibilités d’économiser et de réaffecter les ressources de façon à adapter les activités et les programmes gouvernementaux à la nouvelle réalité post-pandémique.
Examen du régime d’assurance-emploi
Le budget de 2022 a annoncé que les Canadiens seront consultés sur ce qui doit être fait pour bâtir un régime d’assurance-emploi qui réponde mieux aux besoins actuels et futurs des travailleurs et des employeurs, y compris des règles plus simples et plus équitables pour les travailleurs, de nouvelles façons de soutenir les travailleurs expérimentés qui font la transition vers une nouvelle carrière et une couverture pour les travailleurs autonomes et les travailleurs à forfait.
Registre de propriété effective
Le gouvernement entend accélérer l’engagement qu’il a pris de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions afin de mettre
en oeuvre un registre public et consultable de propriété effective, qui sera maintenant accessible avant la fin de 2023.
Mesures annoncées antérieurement
Le budget de 2022 confirme l’intention du gouvernement d’aller de l’avant avec certaines mesures fiscales et connexes annoncées
antérieurement qui n’ont pas encore été adoptées officiellement sous forme de loi, y compris les mesures suivantes touchant les
particuliers et les sociétés privées canadiennes :
• Propositions législatives concernant la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe rendues publiques le 11 mars 2022;
• Propositions législatives rendues publiques le 4 février 2022, y compris le renforcement des exigences en matière de déclaration pour certaines fiducies et les règles de divulgation obligatoire; et
• La consultation sur les règles anti-évitement annoncée le 30 novembre 2020 dans l’énoncé économique de l’automne.
Le budget de 2022 réaffirme l’engagement du gouvernement à aller de l’avant, au besoin, avec les modifications techniques visant à
accroître la certitude et l’intégrité du régime fiscal.
La Revue du budget fédéral 2022 a été préparée par les experts du groupe Planification de patrimoine et Services-conseils de
BMO Gestion priveé : John Waters, vice-président et directeur général – Services-conseils en fiscalité, et Dante Rossi, directeur
planification fiscale. Pour consulter d’autres articles, visitez le site https://apercus-gestionprivee.bmo.com/fr/
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