Il n’était pas invité, mais Donald Trump s’est tout de même imposé d’entrée de jeu dans les discussions lors de la conférence Perspectives pour 2025, présentée dans le Vieux-Montréal devant une centaine de clients de la BMO. Il pouvait difficilement en être autrement, car bien avant qu’il ne revienne au pouvoir, le président des États-Unis multipliait les menaces envers le Canada.
Cet événement, animé par Mario Rigante, Président régional BMO Gestion privée, mettait en vedette Stéphane Rochon, vice-président et premier directeur général, chef des analystes de recherche BMO Gestion privée, et Richard Belley, vice-président et premier directeur général, Titres à revenu fixe et gestionnaire de portefeuille BMO Gestion privée. Les panélistes se sont penchés sur une multitude de sujets, des tarifs douaniers jusqu’aux occasions d’investissements qu’ils voient pour l’année à venir.
Prévisions économiques en fluctuation
Trump avait promis de nous imposer des tarifs dès son investiture, mais les marchés attendent toujours de voir s’il mettra cette menace à exécution. Depuis son retour à la Maison-Blanche, il a également demandé des études sur le déficit commercial structurel des États-Unis.
Les experts insistent sur le fait qu’il a toujours l’intention d’imposer les tarifs au Canada – possiblement à compter du 12 mars –, mais ça reste à confirmer, explique Stéphane Rochon. « Entre les délais changeants et le temps nécessaire pour réaliser une analyse détaillée, il est difficile d’évaluer l’impact des tarifs sur l’économie ou même s’ils se produiront », ajoute-t-il.
Son collègue Richard Belley en convient, « Donald Trump rend pratiquement impossible toute forme de modélisation économique ». Pour faire face à cette incertitude, Belley explique que nous nous appuyons « sur un scénario qui implique un changement politique aux États-Unis et possiblement au Canada, pour voir quel sera l’impact sur notre économie en 2025. »
Outre la menace des tarifs, ce dernier surveille particulièrement l’inflation, source d’inquiétude pour les gestionnaires d’obligations. « Le plus grand risque, pour moi, ce n’est pas Trump, mais plutôt les politiques économiques, les gouvernements “pro-croissance” et la croissance de la dette, dit-il. Je crains que l’inflation reste plus élevée. »
L’heure est à la prudence
Bien que les deux panélistes restent globalement optimistes quant à la bonne tenue de l’économie, ils ne voulaient pas minimiser le risque. « Si on entre dans une guerre de tarifs, qu’est-ce que ça va entraîner ? Un ralentissement de l’économie, une augmentation du taux de chômage, donc ultimement un marché de l’emploi moins fort et une économie moins forte », laisse tomber Belley.
Rochon voit pour sa part les promesses de déréglementation de Trump d’un œil circonspect, parce que bon nombre des règlements ont été mis en place pour une raison. Il pense entre autres au secteur financier – banques et compagnies d’assurance-vie – dont les actions ont bondi quand Trump a été élu. « Déréglementer, cela peut créer un incitatif, un risque moral, qui à son tour pourrait engendrer une bulle immobilière comme celle de 2008. Je ne dis pas que ça va arriver en 2025, mais il faut demeurer prudent », dit-il.
L’intelligence artificielle en renfort
L’essor soudain de l’intelligence artificielle pourrait transformer plusieurs secteurs, et ce, dès cette année. Alors qu’une grande partie de l’attention se porte sur les entreprises développant les modèles et les puces qui alimentent l’IA, Rochon estime que cette nouvelle technologie pourrait bouleverser d’autres secteurs, comme celui de la santé.
Selon lui, l’industrie pharmaceutique, entre autres, en bénéficiera considérablement. Il signale d’ailleurs qu’en 2025, la U.S. Food and Drug Administration va approuver les tout premiers médicaments développés par l’intelligence artificielle. « Créer un nouveau médicament coûte de 2 à 3 milliards de dollars américains, mais l’IA pourrait couper ça de moitié, explique-t-il. On parle d’énormément d’efficacité pour un secteur qui est peu favorisé en ce moment, mais qui pourrait vraiment avoir une bonne performance en 2025. »
De son côté, Belley considère aussi ce secteur comme étant très prometteur. « Il compte énormément d’obligations d’excellente qualité à des cotes de crédit élevées, qui offrent un rendement élevé. Pour nous, c’est un secteur attirant », dit-il.
Services publics et grande industrie
Les entreprises industrielles sont un autre secteur à surveiller, explique Rochon, notant que beaucoup d’entre elles connaissent actuellement un regain de dynamisme. Il cite notamment la plus récente étude Institute for Supply Management, menée auprès de centaines d’entreprises, qui indique que les carnets de commandes se remplissent à un rythme soutenu. Pourquoi est-ce une bonne nouvelle ? « Parce qu’il y a une grande corrélation entre les résultats de ce sondage et la performance des actions industrielles », fait-il remarquer.
Les performances récentes comparées à leurs moyennes historiques suggèrent à Rochon que ce secteur pourrait être sous-estimé. « Il ne faut pas oublier non plus que ce sont des oligopoles, dit-il. Ces derniers, s’ils sont très mauvais pour les consommateurs, sont très, très bons pour les investisseurs, parce qu’ils gardent des marges bénéficiaires très élevées. »
Quant aux services publics, Rochon les apprécie pour leur coût abordable et leur statut de monopoles naturels, « surtout quand on parle de la distribution d’électricité ». Il cite notamment l’entreprise canadienne Fortis, propriétaire de lignes de transmission aux États-Unis, qu’il considère comme une entreprise d’avenir. Ceci étant donné que le développement de l’IA exige énormément d’électricité.
Une approche plus sélective
Une chose est certaine, les investisseurs devront être beaucoup plus sélectifs dans leurs achats de titres cette année. Ils ne devraient pas se précipiter sur les Sept Magnifiques (Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla) – qui ont dominé le marché ces dernières années – dès que les marchés baissent.
« Tout le monde possède ces actions-là, au point où 10 entreprises représentent ensemble 40 % du marché. Le jour où elles vont affronter un vent de face, ça risque de mal aller », dit Rochon.
Lors d’un événement similaire à Toronto, une semaine plus tôt, Brian Belski, stratège en chef des investissements, BMO Marchés des capitaux, s’est exprimé sur le sujet.
Comme il l’a mentionné, la capitalisation boursière d’Apple est égale à l’ensemble du marché canadien, de sorte que les investisseurs doivent regarder au-delà des plus grandes entreprises de l’indice. L’occasion est là, a-t-il ajouté, affirmant que le marché haussier américain est bien vivant. Il prévoit que le S&P 500 atteindra 6 700 points, ce qui représente un gain de 1 000 points cette année.
« Nous sommes dans une période où nous allons gagner de l’argent pendant un certain temps », dit-il. Son message principal pour faciliter l’adaptation dans la prochaine année est de contrôler ce que l’on peut contrôler.
Comment y parvenir ? En investissant dans de grandes entreprises qui produisent des biens que l’on utilise au quotidien et en achetant des produits que l’on connaît déjà. « Les meilleures entreprises dans le monde se trouvent ici même, en Amérique du Nord », affirme-t-il.
Pour plus d’information, veuillez discuter avec votre conseiller financier de BMO Gestion privée.