Commentaire sur les marchés mondiaux
« La démocratie, ce n’est pas le droit de vote; c’est le décompte des voix. »
- Tom Stoppard
Le 3 novembre, deux combattants chevronnés sont entrés dans l’arène pour se disputer le titre de président des États-Unis. Le monde entier a suivi l’événement de près en raison de l’importance des enjeux, non seulement pour les combattants, mais aussi pour le processus démocratique lui-même.
Cet événement de premier plan s’est déroulé au terme d’une féroce bataille pour la présidentielle américaine marquée par une étonnante participation totale record au vote par anticipation et par une campagne transformée par la pandémie. Les passions partisanes et la perspective de contestation de l’élection ont lourdement pesé sur les actions.
Quatre jours après la fermeture des bureaux de vote dans cette course extrêmement serrée, Joe Biden, ancien vice-président, a été déclaré vainqueur des élections. Les 20 grands électeurs de la Pennsylvanie lui ont permis de dépasser le seuil magique des 270 grands électeurs nécessaires pour remporter la majorité au Collège électoral et la présidence. Pourtant, le président Donald Trump a refusé de concéder la victoire. Les recours judiciaires et les demandes de recomptage des votes lancés par son équipe pourraient faire durer le suspense pendant environ un mois. De plus, nous ne savons toujours pas quel parti, républicain ou démocrate, contrôlera le puissant Sénat. Advenant une égalité au Sénat, la vice-présidente Kamala Harris aurait le vote décisif. Un deuxième tour pour l’élection de deux sénateurs aura lieu en janvier en Géorgie. C’est ce qui pourrait finalement déterminer si les démocrates remportent la majorité au Sénat et provoquer la vague bleue prévue par les sondeurs.
Par ailleurs, les efforts déployés à l’échelle mondiale pour contenir la COVID-19 ne donnent pas les résultats escomptés. C’est donc sans surprise que les actifs à risque ont mal réagi face aux fermetures imminentes de l’économie en raison de l’augmentation du nombre de cas partout dans le monde.
Pour le deuxième mois de suite, les actions ont reculé dans les principaux marchés nord-américains et européens. La baisse s’est produite malgré des données économiques favorables et un bon départ de la saison de publication des bénéfices du troisième trimestre. Malgré leurs vigoureux bénéfices, les titres technologiques n’ont pas pu maintenir leur élan en bourse. Les actions ont commencé à dégringoler, les investisseurs craignant un effondrement des résultats causé par une deuxième vague incontrôlable de la pandémie.
Après ce décrochage de deux mois, les premiers résultats des élections ont donné lieu à une reprise boursière. Deux facteurs ont probablement déclenché la hausse : une réduction du positionnement défensif et baissier avant le 3 novembre, et l’espoir que les républicains gardent le contrôle du Sénat et maintiennent le statu quo en cas d’impasse au Congrès.
Canada – Esquive
Les investisseurs canadiens ont suivi de très près les élections américaines après quatre années de relations commerciales tendues et en raison des craintes liées aux répercussions sur notre secteur énergétique que pourrait avoir une politique énergétique américaine démocrate. Ils ont salué la victoire de M. Biden en espérant une amélioration au chapitre de la politique commerciale; cependant, les conséquences sur notre secteur énergétique seront mieux connues après le deuxième tour des élections sénatoriales, en janvier.
La croissance économique a ralenti par rapport aux niveaux spectaculaires enregistrés en mai et en juin et n’a progressé que de 1,2 % en août par rapport à juillet. Les prévisions de croissance pour septembre étaient également modestes, soit 0,7 %, par rapport au mois d’août. L’économie canadienne se situe environ 4 % sous les niveaux antérieurs à la COVID.
Les secteurs qui ont profité d’une forte reprise estivale – la restauration, le divertissement et les arts – subiront sans doute le contrecoup des mesures de confinement prises en réponse à la deuxième vague. Nous croyons toujours que l’économie progressera difficilement au cours du dernier trimestre de 2020, même si la Banque du Canada prévoit une croissance de 1 %. En raison du ralentissement de la reprise, les taux d’intérêt des obligations du gouvernement du Canada ont augmenté, mais moins que ceux des obligations du Trésor américain.
En octobre, les actions canadiennes ont souffert, tout comme les actions mondiales. L’indice composé S&P/TSX a reculé de 3,4 %, faisant passer la baisse totale sur deux mois à plus de 5 % pour les actions canadiennes. Les technologies de l’information ont enregistré le pire rendement le mois dernier; ce secteur très performant a fait une pause dans son ascension qui a duré pendant une bonne partie de 2020. Après la vente massive d’octobre, les actions canadiennes se sont redressées en même temps que les actions mondiales.
La nouvelle ministre des Finances, Chrystia Freeland, a confirmé que le gouvernement libéral poursuivra ses dépenses pour traverser la crise, mais a ajouté que « sur le plan budgétaire, notre approche expansionniste de la lutte contre le coronavirus ne peut pas et ne sera pas infinie. » Malgré cette déclaration rassurante, le dollar canadien a perdu un cent après ses commentaires. Il se situe environ deux cents en dessous de son sommet de la reprise.
États-Unis – Le combat est terminé
Lorsque Joe Biden deviendra le 46e président des États-Unis, sa colistière passera aussi à l’histoire. Kamala Harris, sénatrice de la Californie, sera la première femme, et la première femme de couleur, à occuper le poste de vice-présidente. M. Biden a promis de guérir une nation profondément divisée, mais il est toujours possible que le Congrès reste divisé. Ce dernier point est crucial : même si certaines propositions peuvent être mises en œuvre par décret, beaucoup, sinon la majorité, requiert l’approbation du Congrès.
En général, une administration a le plus de chance de réussir sur le plan législatif quand le parti du président a la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants. Un Sénat républicain pourrait bloquer les politiques mises de l’avant par un président démocrate. Parmi les politiques proposées par M. Biden, on pourrait penser à l’augmentation de l’impôt sur le revenu des sociétés et des particuliers, ainsi qu’au plan d’infrastructures « vertes ». Cette division aurait également une incidence sur le moment et la taille d’un train de mesures de relance budgétaires indispensables, dont l’adoption a rencontré un mur avant les élections.
Le mois dernier, les marchés obligataires avaient commencé à prévoir que les mesures de relance budgétaires et les dépenses gouvernementales entraîneraient une hausse de l’inflation. Les taux d’intérêt ont augmenté en conséquence, ce qui a fait chuter les cours obligataires. Les obligations du Trésor américain à 10 ans ont progressé de près de 20 points de base en octobre par rapport à des creux quasi record. On s’attendait de plus en plus à ce que le Congrès demeure divisé; par conséquent, les taux d’intérêt ont commencé à reculer et les cours obligataires se sont redressés.
L’indice S&P 500 a reculé de 2,8 % en octobre, ce qui reflète un recul marqué des actions pour un deuxième mois de suite. L’indice composé Nasdaq à forte coloration technologique s’en est légèrement mieux sorti avec un recul de 2,3 % en octobre. La COVID-19 a entraîné un changement dans les comportements des entreprises et des consommateurs qui a profité au secteur des technologies. Nous nous attendons à ce que les sociétés du secteur continuent de surpasser l’ensemble des marchés, alors que la pandémie force les gens à travailler et à apprendre de chez eux, à se divertir à partir de leur canapé et à acheter en ligne.
Les marchés boursiers ont fait fi de l’incertitude entourant la course à la présidence. Ils ont plutôt accueilli avec enthousiasme la perspective d’une division du Congrès qui entraînerait une impasse et bloquerait probablement certaines des politiques défavorables au marché que craignaient les investisseurs.
Europe et Royaume-Uni – Une bataille perdue d’avance
Les actions européennes (représentées par l’indice MSCI Europe) ont reculé de 5 % en octobre, en faisant du marché boursier de la région l’un des pires du monde développé. Et cela, malgré la remontée de 12,1 % du PIB de l’UE au troisième trimestre.
Une fois de plus, l’Europe a semblé perdre son combat contre le coronavirus. Les niveaux de contamination sur le continent ont augmenté plus rapidement que ceux des États-Unis, ce qui a entraîné de nouvelles mesures de confinement. L’Union européenne et le Royaume-Uni ont enregistré près de 200 000 infections par jour au cours de la dernière semaine d’octobre. Dans certaines régions, les hôpitaux sont proches de leur capacité maximale, ce qui pousse les gouvernements à imposer de nouvelles restrictions sévères.
La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a laissé entendre qu’une autre série de mesures de relance serait prise en décembre pour contrer la détérioration des perspectives économiques dans la zone euro.
Le premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé l’entrée en vigueur d’un deuxième confinement national en Angleterre, les cas de COVID-19 ayant bondi. Pendant quatre semaines, les magasins de détail non essentiels seront fermés; les bars et les restaurants n’offriront que des produits à emporter. Les gens devront rester à la maison, sauf pour aller travailler, faire des achats essentiels et faire de l’exercice. Les écoles resteront ouvertes. Cette réponse généralisée menace la reprise économique du pays.
À l’approche de la date butoir de la mi-novembre qu’elles se sont elles-mêmes imposée, la Grande-Bretagne et l’UE font tout leur possible pour faire avancer les pourparlers sur le Brexit. Après des mois de discussion, les deux parties font du surplace sur des questions clés. Des négociations de dernière minute n’ont rien d’inhabituel pour les traités commerciaux, il est donc toujours possible d’éviter une rupture radicale. Le Brexit reste une épée de Damoclès suspendue au-dessus de l’économie de la région.
Chine – Toujours sur ses gardes
Grâce à son approche diligente pour contenir la COVID-19, la Chine a été en mesure d’éviter une deuxième vague et de rouvrir son économie. Lorsque de nouveaux cas apparaissent, Beijing procède rapidement à la fermeture des régions touchées et au dépistage de millions de personnes.
Cette vigilance a permis à l’économie de croître à un taux de 4,9 % au troisième trimestre, après une hausse de 3,2 % au deuxième trimestre. Le taux de chômage est passé de 5,6 % en août à 5,4 % en septembre. À ce rythme, la Chine sera la seule grande économie mondiale à connaître une croissance en 2020. La Corée du Sud, Taïwan et le Japon ont également utilisé cette approche rigoureuse pour contrôler la propagation du virus et ont réduit son impact économique négatif.
La forte croissance économique a alimenté la remontée des actions chinoises. Elles ont évité une dégringolade qui a refroidi les actions européennes et nord-américaines. L’indice composé de Shanghai est resté stable en octobre.
Japon – Le pays se défend bien
Le Japon a largement réussi à éviter un deuxième pic d’infections. Par conséquent, le pays a annoncé qu’il poursuivrait sa campagne en faveur du tourisme intérieur qu’il a lancée l’été dernier dans le but de stimuler la reprise économique. L’économie japonaise profitera également de la reprise de la Chine grâce aux solides liens commerciaux entre les deux pays. Les actions japonaises ont subi une petite baisse, le Nikkei ayant reculé de 1 % en octobre.
La Banque du Japon a maintenu ses taux inchangés et a réduit ses prévisions de croissance et d’inflation pour 2020. Cependant, elle a publié des perspectives de reprise plus optimistes et a indiqué qu’aucune autre mesure de relance monétaire n’était nécessaire à l’heure actuelle.
Le nouveau premier ministre japonais, Yoshihide Suga, a indiqué qu’il ferait une annonce officielle au début de novembre au sujet d’une nouvelle série de mesures de relance budgétaires. La valeur du programme s’élèvera probablement à environ 95 milliards de dollars américains, soit beaucoup moins que les 2 200 milliards de dollars américains combinés déployés dans deux programmes de relance antérieurs.
Notre stratégie
Comme nous l’avions prévu, la reprise économique est entrée dans une phase plus difficile dans la plupart des régions du monde. Nous pouvons nous attendre à ce que les autorités fassent marche arrière sur le plan des réouvertures, et il est peu probable que les secteurs du voyage et des loisirs puissent redémarrer en toute sécurité sans vaccination à grande échelle.
Notre scénario de référence suppose toujours que la reprise ralentira au quatrième trimestre et que les taux d’intérêt ne monteront pas beaucoup plus, même si d’autres mesures de relance budgétaires sont probables. Les actions ont bien réagi après les élections, mais elles pourraient subir les contrecoups de l’incertitude temporaire entourant les résultats. Les politiques monétaires et budgétaires expansionnistes continueront de soutenir les actifs à risque et, au bout du compte, de pousser les rendements boursiers à la hausse.
Notre scénario de référence est également menacé par le vide politique laissé par le gouvernement américain jusqu’au jour de l’investiture, de même que par une possible détérioration du nombre de cas de COVID-19 et des mesures de confinement plus rigoureuses.
Le mot de la fin
L’élection présidentielle aux États-Unis a été un combat de championnat qui a retenu notre attention pendant une bonne partie de 2020. Les séances d’entraînement ont commencé lors de la primaire démocrate de février en prévision du combat opposant le champion en titre et son rival. Maintenant qu’un gagnant a été déclaré au terme des 12 rondes, nous pouvons passer à autre chose. Nous nous concentrerons sur le facteur qui, selon nous, aura les répercussions les plus importantes sur les catégories d’actif l’année prochaine : la pandémie de coronavirus. Nous parions que l’approbation d’un vaccin portera le coup de grâce au COVID-19 et permettra une relance de l’économie mondiale.
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