« La démocratie est la pire forme de gouvernement, à l’exception de toutes celles qui ont été essayées au fil du temps. »
– Winston Churchill, homme d’État et ancien premier ministre britannique
Les nuages qui planent au-dessus d’une grande partie du panorama macroéconomique mondial semblent se dissiper, ce qui suggère qu’un retour à la normale pourrait être devant nous. Cependant, lorsqu’il est question d’investissement, la normalité s’accompagne toujours d’un niveau « normal » d’incertitude.
Les grands thèmes économiques restent inchangés. L’économie et les marchés boursiers américains continuent de bien se porter. L’économie et les marchés boursiers chinois souffrent encore d’un malaise persistant. Sinon, le reste du monde s’en sort tant bien que mal.
Heureusement, la baisse de l’inflation se poursuit partout dans le monde, malgré certains foyers d’inquiétude. La principale préoccupation est la forte croissance des salaires dans de nombreux pays et les banques centrales considèrent qu’elle menace leur objectif d’atteindre leur cible d’inflation de 2 %. De plus, l’escalade du conflit au Moyen-Orient, en particulier les hostilités en mer Rouge, a suscité des inquiétudes bien connues selon lesquelles les perturbations de la chaîne d’approvisionnement relanceront l’inflation.
Marchés des capitaux
En janvier, la plupart des marchés boursiers des pays développés ont contribué aux gains de décembre et l’indice S&P 500 a atteint un sommet record. Tout compte fait, les résultats combinés du repli de neuf mois au début de 2022 et des 16 derniers mois de reprise ont engendré un rendement global remarquablement similaire, mais peu spectaculaire, pour de nombreux marchés boursiers. Si l’on remonte au début de la baisse des actions en janvier 2022, l’indice S&P 500 arrive en tête de liste avec un rendement total cumulatif de 11 % en dollars canadiens. L’indice composé S&P/TSX et l’indice MSCI EAEO (marchés développés internationaux) sont en territoire positif et affichent des rendements totaux cumulatifs de 5,8 % et de 8,7 %, respectivement. Les récents rendements vigoureux du NASDAQ sont impressionnants (avec une hausse de 45 % en 13 mois), mais nombreux sont ceux qui pourraient être surpris d’apprendre que son rendement total en dollars canadiens depuis 2022 n’est que de 4,7 %, ce qui est inférieur à celui des marchés S&P/TSX et MSCI EAEO.
Il y a deux éléments à retenir en matière de placement. Premièrement, la diversification est efficace. Deuxièmement, il est sage d’examiner la situation dans son ensemble avant de tirer des conclusions. Par exemple, certains observateurs pourraient penser que nous sommes maintenant au bord d’un déclin important parce que les actions ont été en effervescence et atteignent de nouveaux sommets historiques. Cependant, l’indice S&P 500, le plus performant, a inscrit un rendement total annualisé de seulement 2,4 % au cours des 25 derniers mois, ce qui est nettement inférieur aux rendements attendus à long terme de la part des actions. Cela dit, certains marchés boursiers pourraient s’être emballés à court terme. Mais en prenant du recul, nous continuons de voir les actions d’un oeil favorable.
Le marché obligataire a progressé en décembre, la Réserve fédérale américaine (la Fed) ayant laissé entendre qu’elle passerait des hausses de taux à des baisses de taux en 2024. Le marché obligataire a réagi comme si ces réductions étaient imminentes et seraient importantes, ce qui a fortement fait chuter les taux de rendement. Les données sur l’inflation, l’emploi et les salaires pour janvier (non seulement aux États-Unis, mais aussi au Canada et ailleurs) ont provoqué une remise en question de la rapidité des réductions de taux et de leur ampleur, en entraînant un rajustement du marché obligataire, avec une hausse des taux obligataires. Au début de février, un rapport exceptionnel sur l’emploi aux États-Unis a donné lieu à un nouveau rajustement. Les prévisions selon lesquelles la Fed réduirait les taux à six reprises, potentiellement à partir de mars, sont maintenant passées à cinq réductions, à compter de mai (au plus tôt). Pour le Canada, la prévision initiale était de quatre à cinq réductions, à compter d’avril; elles ont été revues à trois ou quatre réductions, à compter de juillet. Nous maintenons nos prévisions de quatre réductions aux États-Unis et de trois au Canada, les deux cycles commençant en juin.
Le moment est moins important que le fait que des réductions sont attendues, même par les responsables des banques centrales. Le fait que tous s’entendent pour dire que 2024 reste une année de baisses des taux est ce qui importe le plus pour les marchés boursiers et obligataires.
Répercussions sur le marché obligataire
Dans l’ensemble, les taux des obligations canadiennes ont progressé d’environ 0,20 % en janvier, ce qui a fait reculer l’indice des obligations universelles FTSE Canada de 1,4 %. À notre avis, le rendement impressionnant de 7,4 % à la fin du quatrième trimestre de 2023 a empiété sur le potentiel de rendement pour 2024. Compte tenu de la hausse des taux obligataires en janvier (baisse des cours), nous pensons que les marchés obligataires seront en mesure de dégager un rendement dans une fourchette de 4 % à 6 % pour le reste de l’année.
Répercussions sur le marché boursier
Bien déterminer le moment et l’ampleur des réductions de taux par la banque centrale nécessite de trouver un équilibre entre la croissance économique, l’inflation et la croissance des salaires, ce qui a des répercussions sur les actions. Compte tenu des valorisations boursières, qui vont de justes à élevées, la croissance des bénéfices doit faire le gros du travail si nous voulons voir des gains sur le cours des actions.
Si la croissance économique est plus forte que prévu, les prévisions de croissance des bénéfices augmenteront – une bonne nouvelle pour les actions. Toutefois, les banques centrales ne réduiront pas les taux aussi fortement, ce qui atténuera un peu l’enthousiasme sur le marché boursier.
À l’inverse, si la croissance économique est plus faible, les prévisions de bénéfices devront baisser – ce qui est une mauvaise nouvelle pour les actions. Cependant, en cas de ralentissement de la croissance, nous nous attendons à une diminution de la hausse des salaires et à une baisse des attentes inflationnistes. Dans ce scénario, les banques centrales réduiront probablement encore les taux d’intérêt, ce qui est un avantage pour les actions.
C’est donc la croissance des bénéfices d’un côté et les taux d’intérêt de l’autre. La façon dont ce jeu de bascule influence le cours de l’action dépend de la mesure dans laquelle chaque variable correspond aux attentes actuelles. La bonne nouvelle, c’est que bon nombre de ces variables reviennent à la normale, car l’effet « coup de fouet » des bouleversements de l’ère de la COVID-19 continue de s’estomper.
Le débat d’aujourd’hui sur les résultats possibles est beaucoup plus limité et plus ciblé qu’il ne l’a été ces quatre dernières années. Les investisseurs tentent d’analyser l’importance de la croissance de l’économie, et non de déterminer s’il y aura une récession. Ils se demandent si l’inflation s’établira entre 2 % et 4 %, par rapport aux 6 % et 9 % observés ces deux dernières années. La situation est semblable quant à la croissance des bénéfices. La question est de savoir si les bénéfices augmenteront de 6 % ou de 10 %, et non dans quelle mesure ils se contracteront. Autrement dit, les niveaux normaux d’incertitude sont de retour.
L’incertitude est une constante sur les marchés financiers et les placements. Cependant, la pandémie l’a fait grimper à des niveaux historiques d’ambiguïté. Nous avons observé un manque de visibilité et des fluctuations extraordinaires autour de nombreux points de données clés qui sont essentiels dans la façon dont les investisseurs évaluent les actifs. Nous approchons enfin d’une étape où nous pouvons dire que les choses reviennent à la normale. Lorsque nous évaluons les probabilités, nous restons optimistes à l’égard des perspectives pour 2024 et nous entrevoyons un contexte où les investisseurs sont récompensés sur l’ensemble du spectre des risques. Notre scénario de référence présente des rendements corrigés du risque favorables pour les liquidités, les obligations, les actions et certaines stratégies non traditionnelles.
Récapitulatif régional
La plupart des marchés boursiers mondiaux ont enregistré des gains, à l’exception du Royaume-Uni, de la Chine et des marchés émergents.
Le Canada a affiché un léger bénéfice au début de 2024 et l’indice composé S&P/TSX a progressé de 0,3 %. Notre économie a inscrit un rendement étonnamment solide, dynamisée par les retombées de la vigueur de l’économie américaine. Malheureusement, l’inflation et la croissance des salaires ont également été supérieures aux attentes. Le cours du pétrole WTI a progressé de 6 % pour s’établir à 75,85 $ US le baril. La hausse plus importante des taux obligataires au Canada et la hausse des prix du pétrole ont fait grimper le huard de 1,5 %; celui-ci s’est établi à 0,744 $ US, soit 1,344 $ CA.
Les actions japonaises ont été les plus performantes, l’indice boursier Nikkei 225 ayant progressé de 8,4 % pendant le mois. Compte tenu de la faiblesse persistante du yen, le rendement est réduit de moitié pour s’établir à 4,4 % en dollars américains.
Le rendement du marché boursier du Royaume-Uni touche un creux. La Banque d’Angleterre a moins de latitude pour réduire les taux d’intérêt à cause de l’inflation persistante (le taux annuel a progressé de 4 % en décembre). En janvier, l’indice boursier FTSE 100 du Royaume-Uni a reculé de 1,3 %.
Les actions américaines ont inscrit un gain; l’indice S&P 500 a progressé de 1,6 % en janvier. Le PIB réel a bondi de 3,3 % (taux annualisé) au quatrième trimestre, ce qui est nettement supérieur aux attentes de croissance de 2 % et ce qui s’ajoute au rythme de 4,9 % du troisième trimestre. L’inflation annuelle mesurée par l’IPC a été un peu élevée en décembre, passant de 3,1 % à 3,4 %. Cependant, la mesure privilégiée de l’inflation par la Fed, le déflateur des dépenses de consommation de base, s’est établi à 2,9 % sur 12 mois, et la mesure sur six mois est inférieure à la cible de 2 % de la Fed, à 1,85 % sur une base annualisée. La croissance de l’emploi reste vigoureuse, le marché moribond de l’habitation montre des signes de vie et les consommateurs optimistes dépensent leurs hausses de salaire. Dans l’ensemble, le scénario est prometteur.
L’indice boursier européen Stoxx 50 a progressé de 2,8 %. Contrairement aux attentes, la zone euro a évité de justesse une récession en 2023, la croissance ayant fait du surplace au quatrième trimestre. Le marché de l’emploi se maintient, l’inflation recule et des baisses de taux sont prévues de la part de la Banque centrale européenne. La situation géopolitique et les goulots d’étranglement dans la mer Rouge présentent un risque de hausse plus important pour l’inflation touchant les biens européens.
En ce qui concerne les marchés émergents, l’indice Shanghai Shenzhen CSI 300 a reculé de 6,3 % (mesuré en renminbi) et l’indice MSCI Marchés émergents ($ US) a perdu 4,7 %.
Notre stratégie – Équilibrée, avec une préférence pour les actions
Dans l’ensemble, dans nos portefeuilles représentatifs les plus généraux, nous continuons de surpondérer tout particulièrement les actions canadiennes et américaines. Nous accordons une pondération neutre aux marchés développés internationaux (Europe et Japon).
Nous avons laissé baisser notre pondération des marchés émergents à cause du rendement relatif, mais nous la surveillons de près, les valorisations étant extrêmement faibles. Divers marchés boursiers chinois ont chuté de 45 % à 60 % ces trois dernières années, ce qui n’a rien de réjouissant. De très nombreux investisseurs partout dans le monde vendent massivement et le gouvernement intervient plus énergiquement pour consolider les marchés; tous ces signes montrent que le vent pourrait finir par tourner. N’oublions pas que la Chine reste la deuxième économie mondiale.
Notre surpondération des actions nord-américaines combine occasions et atténuation des risques. Du côté des occasions, les actions canadiennes sont les plus attrayantes du point de vue des valorisations, et nos modèles laissent entrevoir un meilleur potentiel de hausse. Le S&P/TSX devrait inscrire un rendement supérieur si nous obtenons un atterrissage en douceur ou une accélération de l’économie mondiale à la fin de 2024, hors États-Unis (les États-Unis doivent ralentir, pas s’effondrer).
Du côté de l’atténuation du risque, les actions américaines restent attrayantes en raison de leurs qualités défensives dans le cadre de la répartition des actions (nous avons également des obligations pour la défense). Le risque de récession mondiale a diminué, mais il n’a pas disparu. Compte tenu de l’ampleur du resserrement de la politique monétaire et du risque que l’inflation s’avère obstinée, une aversion pour le risque est toujours un scénario plausible. En cas de source d’aversion pour le risque, l’indice TSX dégagerait probablement un rendement inférieur. Même si les actions américaines sont un peu trop chères (pas toutes, puisqu’une poignée d’entre elles se démarquent comme étant mieux valorisées), si un épisode d’aversion pour le risque se produit, les actions américaines afficheront probablement des rendements supérieurs (à la baisse ici aussi, mais moins négatifs). Les actions des sociétés américaines à très grande capitalisation sont parmi les plus chères, mais leur bilan et leur croissance à long terme, telles des forteresses, offrent une certaine sécurité. Dans ce scénario, le billet vert resterait solide ou se renforcerait, en offrant une protection supplémentaire aux investisseurs axés sur des placements libellés en dollars canadiens.
Le dernier mot – Une année d’élections à l’échelle mondiale
Près de la moitié de la population mondiale de plus de 50 pays sera invitée à participer à des élections cette année (certaines moins démocratiques que d’autres). Le bruit des élections peut être une distraction majeure pour les investisseurs. Même si les résultats sont importants pour de nombreuses raisons, les investisseurs à long terme savent que les données macroéconomiques fondamentales sont les principaux moteurs du marché, la politique et la géopolitique intervenant parfois à court terme.
Les élections américaines retiendront la majeure partie de l’attention. Le défi sera de rester serein, puisque la plus grande machine électorale du monde alimente la plus grande machine médiatique du monde. Les Canadiens seront attentifs, mais nous devons rester calmes et nous concentrer sur la situation dans son ensemble.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, le rendement moyen de l’indice S&P 500 pendant une année électorale a été positif, mais à 6,8 %, c’est moins que la moyenne à long terme. Lorsqu’un président en exercice cherche à être réélu, le rendement moyen grimpe à 12,1 %. Les résultats sont positifs, quel que soit le parti qui cherche à se faire réélire. Cependant, les présidents démocrates en titre ont surpassé les républicains, avec un rendement moyen de 16,8 % par année électorale, contre 9,6 %.
Les 15 dernières années ont vu une crise financière, quatre présidents américains (deux de chaque parti), le Brexit, la Crimée, des hausses généralisées des tarifs aux États-Unis, la transition de l’ALENA à l’AEUMC, les guerres commerciales avec la Chine, une pandémie et les guerres en Ukraine et à Gaza, pour ne nommer que ces événements-là. La volatilité accompagnait tout cela, mais les marchés boursiers mondiaux sont restés un excellent endroit pour faire croître le patrimoine. Du 31 décembre 2008 au 31 janvier 2024, le rendement total de l’indice MSCI Monde en dollars canadiens a été de 458 %, soit un rendement annuel composé de 12,1 %.
Churchill faisait preuve de désinvolture lorsqu’il déclarait que la démocratie était peut-être la pire forme de gouvernement, à l’exception de toutes les autres. Heureusement, permettre au capitalisme de prospérer compte parmi ses nombreux avantages.
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