« Il se fait tard de bonne heure. »
– Yogi Berra, membre du Panthéon des Yankees de New York
Le mois de juillet a été marqué par d’excellents résultats sur les marchés boursiers à travers le monde, tandis que les taux obligataires ont augmenté dans l’ensemble, ce qui s’est traduit par des résultats légèrement négatifs pour les positions en obligations de grande qualité. Le mois a apporté de la clarté sur plusieurs fronts importants pour les investisseurs. Après la conclusion par les États-Unis d’une série d’accords commerciaux très médiatisés, notamment avec l’Europe et le Japon, la trajectoire de la politique commerciale américaine s’oriente maintenant dans une direction légèrement plus optimiste que prévu par les observateurs du marché. L’adoption de la One Big Beautiful Act a donné de la certitude à la politique budgétaire américaine à court terme : son effet est légèrement stimulant, surtout pour les sociétés. Les coups de main budgétaires dans d’autres grandes économies mondiales continuent de prendre forme. L’accent est largement mis sur les dépenses, ce qui constitue un autre avantage pour un grand nombre de sociétés.
L’inflation a légèrement augmenté, signe que les tarifs douaniers sont assimilables, du moins pour le moment. Les consommateurs ont continué de dépenser (modérément). La croissance des bénéfices et les marges des sociétés ont également produit des surprises positives, ce qui a donné une idée de la façon dont les entreprises et les ménages composent avec l’évolution du contexte. Aux États-Unis, les bénéfices ont marqué le retour en force des grandes sociétés technologiques; les banques ont également affiché de solides résultats, ce qui a suscité des attentes à l’égard des bénéfices des banques de l’indice S&P/TSX.
Les banques centrales mondiales ont maintenu le statu quo. Elles attendent de voir si les signes positifs précoces et les accords commerciaux tiennent la route, bien qu’elles penchent en faveur d’un assouplissement de la politique monétaire à terme. Le rapport très décevant sur l’emploi aux États-Unis publié le 1er août a ravivé les attentes d’une baisse des taux plus rapide que prévu.
Commerce mondial – Remanié, mais pas court-circuité
Les États-Unis négocient activement ou ont conclu des accords avec bon nombre de leurs principaux partenaires commerciaux. Les échéances pour la Chine et le Mexique ont été repoussées de nouveau, tandis qu’aucun accord n’est en vue pour le Canada, après le blocage des négociations la semaine dernière. Les accords qui prennent forme laissent entrevoir un taux tarifaire moyen de 10 % à 15 % aux États-Unis. Bien qu’ils varient selon le produit, des tarifs douaniers à ce niveau peuvent être gérés par une combinaison de compression des marges des sociétés pour les producteurs et les fournisseurs, de légères hausses des prix répercutées sur les consommateurs, de fluctuation des devises et de substitution de produits ou de choix différents des consommateurs.
1er août – Un changement de ton radical
Les marchés boursiers se soucient de ce qui a une incidence sur les bénéfices, la croissance économique et les taux d’intérêt. La perspective d’un régime tarifaire plus modéré et d’une absorption partagée à plusieurs niveaux de l’économie signifie qu’aucun secteur ne sera suffisamment pénalisé pour entraîner une réévaluation significative des actions ou des taux obligataires. Ce point de vue est renforcé par le fait que peu d’effets néfastes des tarifs douaniers se sont fait sentir l’économie américaine ou ailleurs (dans l’ensemble, même si certains secteurs ou certaines régions sont touchés). Le 1er août, de fortes révisions à la baisse des données sur la création d’emplois aux États-Unis pour mai et juin ainsi qu’un bilan médiocre pour juillet ont remis en cause le discours optimiste.
Les marchés boursiers ont commencé le mois d’août en s’effondrant. Plusieurs facteurs ont joué un rôle. Depuis le 7 avril, les marchés boursiers ont progressé de 15 % en Europe et de 25 % pour l’indice S&P 500, tous les autres se situant entre les deux, de sorte que les conditions étaient propices à une pause. Les données décevantes sur l’emploi ont été accompagnées de résultats médiocres dans le secteur manufacturier américain, du dernier épisode d’antagonisme commercial du président Donald Trump et de certaines tensions géopolitiques autour des sous-marins nucléaires américains et russes. Pas étonnant que les actions aient chuté.
Nous avions averti que les nouvelles données seraient en dents de scie, compte tenu des perturbations commerciales et de l’incertitude liée aux volte-face dans les accords commerciaux. Les tarifs douaniers ont été, et resteront, un choc. Cependant, il apparaît également de plus en plus évident que le monde s’adapte. Il y a d’autres aspects positifs, en particulier pour les sociétés, qui sont favorables.
Incidence des tarifs douaniers : retardée, masquée, mais pas niée
Les droits de douane sont un impôt; de l’argent réel est versé dans les caisses de l’État, et il doit bien venir de quelque part. En effet, les rapports sur les bénéfices des constructeurs automobiles et d’autres secteurs touchés par les tarifs douaniers ont clairement montré que les entreprises américaines paient ces droits de douane. Cet argent qui sort de l’économie ralentit l’activité économique. Cependant, de l’argent rentre dans l’économie également. De nombreux secteurs y voient de grands avantages : les banques se portent très bien, tout comme les entreprises technologiques. Les entreprises de services publics et l’industrie profitent de la construction d’infrastructures et de l’augmentation des dépenses de défense mondiales.
Un certain nombre de facteurs risquent toutefois de masquer la situation dans son ensemble. Lorsque les entreprises adoptent des stratégies d’atténuation, l’incidence sur les marges, les bénéfices des sociétés et la croissance mondiale (ainsi que les effets inflationnistes) peut être retardée ou masquée. Ces stratégies comprennent les manœuvres de devancement des transactions, la réduction des stocks, l’optimisation des prix (notamment une légère hausse des prix à l’échelle mondiale plutôt qu’une hausse importante aux États-Unis seulement); l’optimisation de la chaîne d’approvisionnement et de la présence mondiale, l’ajustement de la répartition des activités, l’adoption des technologies et la réduction des dépenses de marketing. Certaines de ces tactiques rendent les entreprises plus efficaces.
Avant l’entrée en vigueur des tarifs douaniers l’hiver dernier, de nombreuses entreprises se sont empressées d’accélérer leurs activités et d’accumuler des stocks, tandis que d’autres ont opté pour une stratégie attentiste. Bien que l’anticipation des achats prévus présente un risque de baisse des ventes et des bénéfices futurs, les entreprises qui ont reporté leurs achats ou retardé la demande représentent un potentiel de hausse.
Qu’en est-il du Canada?
Malgré les nouvelles menaces américaines de tarifs douaniers de 35 %, la situation commerciale du Canada diffère de celle de la plupart des autres pays. Environ 90 % ou plus des exportations canadiennes vers les États-Unis sont exemptées en vertu de l’ACEUM et peuvent continuer de traverser la frontière en franchise de droits. Le pays se retrouve donc avec un taux tarifaire moyen inférieur à celui du reste du monde.
Les résultats exceptionnels de la société technologique canadienne Celestica, qui fournit des composants spécialisés pour la construction de centres de données, témoignent de la dimension mondiale du thème de l’IA, de la numérisation, de l’électrification, des centres de données, et sont un exemple de société canadienne qui prospère malgré l’incertitude liée aux tarifs douaniers.
Nous ne cherchons pas à minimiser la situation de l’économie canadienne. Les menaces renouvelées contre le Canada, l’absence d’accord commercial ou de prolongation et la renégociation de l’ACEUM prévue en 2026 sont autant de facteurs d’incertitude qui pèsent sur notre économie.
Nous le répétons, l’indice S&P/TSX ne représente pas l’économie canadienne : les deux tiers de l’indice TSX sont constitués de titres financiers, énergétiques et liés aux matières premières. Les droits de douane sur le pétrole et les minéraux critiques sont de 10 %. L’acier et l’aluminium sont en difficulté, mais les acheteurs américains exercent une pression politique considérable pour obtenir des mesures d’allègement, car ils disposent de peu d’options de substitution à court terme. Le cuivre semblait avoir été durement touché jusqu’à ce que la majeure partie des produits soit exemptée de droits de douane. Les bénéfices américains du secteur financier proviennent en grande partie d’opérations domiciliées aux États-Unis, où aucun droit de douane n’est imposé. De même, il n’y a pas de droit de douane sur les activités aux États-Unis et bon nombre des plus grandes sociétés canadiennes ont d’importantes activités domiciliées au pays de l’Oncle Sam.
De nouvelles bulles?
Les marchés montrent des signes d’enthousiasme excessif (valorisations boursières élevées, concentration du marché dans quelques sociétés, retour en vogue des actions mèmes et des cryptomonnaies), et certaines valorisations de sociétés sont difficiles à justifier. Cependant, nous ne croyons pas que la frénésie règne. Les valorisations boursières anticipent de plus en plus d’événements positifs à venir, mais la voie vers de tels résultats est raisonnable et ne ressemble pas à une bulle.
Même les secteurs où l’enthousiasme est élevé (l’intelligence artificielle et les secteurs connexes) présentent des caractéristiques différentes des krachs précédents. Les bulles les plus préjudiciables sont gonflées par la dette, qui a alimenté l’éclatement des bulles Internet et immobilière. Les géants technologiques d’aujourd’hui financent principalement leurs dépenses en immobilisations exceptionnelles par leurs flux de trésorerie énormes. Si l’intelligence artificielle déçoit et que la société se retrouve avec une surabondance de puces, d’électricité et de centres de données, alors la situation se terminera mal, c’est certain. Néanmoins, cela ne devrait pas déclencher le même effet de contagion ou le même choc du crédit que les bulles passées, où l’argent emprunté et l’enthousiasme se sont évaporés.
La question essentielle n’est pas de savoir si nous sommes dans une bulle. La question pertinente est plutôt de savoir ce que nous devons faire. On documente les bulles (toujours après coup) depuis des centaines d’années. La première enregistrée (mais probablement pas la première) a été celle de la tulipe hollandaise dans les années 1630. De temps à autre, des bulles se forment sur les marchés boursiers (comme c’est le cas pour d’autres actifs); c’est simplement la nature de l’économie.
Les bulles sont une caractéristique du capitalisme, pas un bogue. Les marchés boursiers réagissent aux découvertes, aux innovations et aux outils d’amélioration de la productivité comme ils l’ont toujours fait, et comme la société l’escompte. Les nouvelles idées nécessitent des fonds, et ceux qui prennent des risques pour les lancer doivent être récompensés. Le nombre croissant d’entreprises qui y participent au fil du temps doivent faire l’objet d’un examen approfondi. C’est le rôle du capitalisme, et les marchés boursiers sont le théâtre où tout se joue.
Il est très difficile de déterminer qui seront les gagnants dans les premiers jours, et même à mi-parcours. Il n’y a aucun problème pour les investisseurs qui détiennent un portefeuille diversifié et bien équilibré. En tant qu’investisseurs, nous pouvons faire des choix. Vous n’êtes pas obligé de jouer si vous ne le souhaitez pas. Nous pouvons construire des portefeuilles composés de liquidités et d’obligations, y ajouter des sociétés solides qui versent des dividendes, ont des produits ou des services éprouvés ainsi qu’une longue expérience et dont le cours de l’action progresse au fil du temps.
Cela dit, la plupart des investisseurs peuvent tirer parti de découvertes et d’innovations passionnantes. Les investisseurs avisés ajustent leur comportement lorsqu’ils comprennent que les bulles font partie des placements. Elles ne sont pas nouvelles, et nous les reverrons. Pour ce faire, vous devez bien diversifier votre exposition à ces domaines. Vous ne devez pas anticiper les découvertes et les innovations, mais les réduire. Vous ne devez pas céder à l’avidité, mais encaisser des profits tout au long du processus.
Les bulles finissent par éclater en apportant larmes et déceptions. En conservant une approche rigoureuse et en effectuant un rééquilibrage périodique tout au long de la bulle, vous saisirez une partie des occasions et limiterez les dégâts lorsque la bulle finira par éclater.
Notre stratégie – Équilibrée, avec une préférence pour les actions
Nous équilibrons nos perspectives positives à moyen terme (sur 8 à 10 mois) avec l’incertitude à court terme. Les valorisations et l’humeur des investisseurs sont de bien mauvais outils pour choisir le moment d’investir; nous laissons les gagnants continuer sur leur lancée, mais nous n’abandonnerons pas notre discipline. Nous restons prêts à affronter les turbulences des marchés financiers au deuxième semestre de 2025.
Nous continuons de surpondérer modestement les actions canadiennes et américaines, et nous attribuons une pondération neutre aux marchés développés internationaux ainsi qu’aux marchés émergents. Toutes ces positions géographiques ont mis à l’épreuve notre détermination au cours des dernières années, mais le maintien de la diversification a porté ses fruits. Chaque région boursière a contribué au rendement à différents moments; les marchés canadiens et les autres marchés non américains sont les plus performants jusqu’à présent en 2025. À l’heure actuelle, la répartition des titres à revenu fixe et des actions américaines à petite et moyenne capitalisation met à l’épreuve notre patience.
Les titres à revenu fixe continuent d’offrir une certaine stabilité à nos portefeuilles. Bien que faible en juillet, leur contribution depuis le début de l’année est positive, mais si elle est inférieure à nos prévisions. Le point positif est que le revenu d’intérêts produit par notre solution bien diversifiée de titres à revenu fixe de base demeure solide, à 4 %. Le changement de discours radical au début du mois d’août a instauré un climat d’aversion pour le risque. Nous avons été heureux de constater que nos placements en titres à revenu fixe ont inscrit un solide rendement positif face au recul du marché boursier.
Dans les répartitions d’actions à petite et à moyenne capitalisation (sociétés à petite et moyenne capitalisation aux États-Unis et au Canada), les actions canadiennes à faible capitalisation produisent de solides rendements, tandis que leurs homologues américaines tirent de l’arrière. L’argument en faveur des petites sociétés, qui ont déjà produit des rendements excédentaires, demeure solide. À court terme, les valorisations des grandes capitalisations américaines sont exagérées, de sorte que les actions à petite et moyenne capitalisation représentent une bonne valeur. Elles peuvent profiter du protectionnisme américain et du rapatriement de la production aux États-Unis, des politiques favorables à la croissance, de l’accent renouvelé mis sur la compétitivité des États-Unis, d’allègements fiscaux ciblés, de la déréglementation et de la baisse des coûts d’emprunt grâce à des baisses de taux de la banque centrale. Les entreprises américaines à petite et moyenne capitalisation représentent une occasion de croissance et de diversification attrayante que nous continuons d’utiliser avec modération pour des portefeuilles axés sur la croissance et plus tolérants au risque.
Le mot de la fin – Les marchés financiers sont tournés vers l’avenir
Les prévisions de croissance des bénéfices mondiaux pour 2026 vont de 11 % pour l’indice S&P/TSX canadien à près de 14 % pour l’indice S&P 500, les marchés internationaux et émergents étant situés entre les deux. Compte tenu des perturbations cette année, nous ne serions pas surpris si les investisseurs prêtent moins attention aux bénéfices et aux données économiques pour le reste de l’année 2025. Il y a suffisamment de bruit pour soutenir à la fois les scénarios haussiers et baissiers. Si nous avons raison et qu’il y a suffisamment d’indications que 2026 sera une très bonne année, les investisseurs pourraient se montrer enthousiastes et refléter ces résultats dans les cours plus tôt que d’habitude au cours de l’année civile. Nous pensons qu’il pourrait y avoir un ou deux soubresauts en cours de route.
Cependant, avec l’assouplissement attendu des conditions de crédit, les baisses de taux par les banques centrales réduisant le coût du capital et la quantité de trésoreries dans les bilans des ménages et des entreprises (les fonds du marché monétaire débordent), il y a beaucoup de munitions à déployer sur les marchés boursiers. Dans ces conditions, si nous subissons des revers (ce qui est inévitable), ils devraient être de courte durée. Des marchés boursiers qui continuent de grimper pourraient donner l’impression « qu’il se fait tard dans l’année de bonne heure ». Terminons par une autre citation de Yogi : « Ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini. »