« La prédiction la plus sûre que nous puissions faire à propos de l’avenir est peut-être qu’il nous surprendra. »
– George Leonard (1923-2010), écrivain, rédacteur et pédagogue américain
Il aurait été tentant d’intituler le commentaire de ce mois-ci « Un redressement généralisé », étant donné la longue liste d’actifs qui ont progressé au cours du trimestre (dont bon nombre de façon importante).
Sur la centaine d’actions et d’obligations mondiales, de monnaies, de produits de base, de secteurs industriels et de sociétés phares que nous surveillons régulièrement, seule une poignée ont vu leurs cours reculer durant le trimestre. Tous les autres ont inscrit des gains. Il en va de même du rendement depuis le début de l’année des principaux marchés boursiers et obligataires. Parmi les douzaines de marchés boursiers et obligataires que nous surveillons, seuls les marchés boursiers sud-coréen et brésilien et le marché obligataire japonais ont reculé durant l’année.
Jusqu’à présent, 2024 s’annonce comme une année fructueuse pour les investisseurs. Le troisième trimestre a été marqué par un redressement idéal, puisque même les cours des quelques actifs qui ont fléchi (principalement des actifs liés à l’énergie et à l’alimentation, le dollar américain par rapport à toutes les autres grandes monnaies et les actions de quatre des « sept magnifiques ») sont en phase avec le thème d’une croissance ni trop forte ni trop faible qui dicte l’évolution des marchés financiers.
L’atterrissage en douceur s’est concrétisé comme prévu
L’idée d’un atterrissage de l’économie a toujours été liée à l’inflation. Personne ne souhaite que l’économie s’arrête, mais selon l’idée largement répandue, le meilleur moyen de réduire l’inflation consiste à ralentir l’économie. Il y a toutefois certaines exceptions. La croissance économique peut demeurer vigoureuse dans un contexte de réduction de l’inflation si l’économie connaît une hausse de l’offre ou des gains de productivité.
Plus de deux ans se sont écoulés depuis le choc de l’offre mondiale de biens, de services et de main-d’oeuvre provoqué par la COVID-19, et nous avons observé une nette amélioration sur ces fronts. De plus, de nombreuses économies ont ralenti, de même que l’inflation. Bien que l’économie américaine continue de dépasser son potentiel, cette situation ne produit pas d’effets trop inflationnistes, étant donné que le pays connaît un boom de la productivité.
Les marchés financiers réagissent à ce contexte favorable. Ils observent un alignement puissant entre la baisse de l’inflation et des économies qui se portent bien (États-Unis) ou des économies qui se comportent mieux que prévu (Canada, Royaume-Uni et une bonne partie de l’Europe). Parallèlement, les banques centrales font marche arrière et abaissent les taux d’intérêt.
N’oublions pas que le trimestre a été marqué par des craintes liées à la croissance. Au milieu de l’été, les indices S&P 500 et S&P/TSX ont plongé de 9 % et de 5 %, respectivement. Les marchés ont dégringolé en raison de la faiblesse du marché du travail aux États-Unis, des bénéfices décevants de certaines des sociétés technologiques appelées « sept magnifiques », des données décevantes concernant les secteurs mondiaux de la fabrication et de l’habitation sensibles aux taux d’intérêt, et du malaise économique en Chine.
Mais il s’agissait simplement de craintes. Les marchés ont rebondi grâce à l’amélioration, voire à la révision des données ainsi qu’aux mesures étonnamment énergiques des banques centrales des deux plus grandes économies de la planète. La Réserve fédérale américaine s’est finalement jointe au groupe des banques centrales qui abaissent leurs taux, amorçant son cycle d’assouplissement en abaissant d’un demi-point de pourcentage le taux des fonds fédéraux. Pour sa part, la banque centrale chinoise a considérablement intensifié ses mesures de relance en abaissant les taux d’intérêt, tout en assouplissant ses politiques d’octroi de crédit ainsi que ses exigences en matière de réserves bancaires. D’autres mesures budgétaires ont également été mises en oeuvre.
L’économie chinoise a ralenti au point où les autorités ont renoncé à leur approche fragmentée et se sont tournées vers des mesures de relance économique plus importantes, notamment en ciblant le secteur de l’immobilier, les marchés boursiers et les ménages à faible revenu. Dans le passé, les mesures de relance appréciables de la Chine n’ont pas seulement soutenu l’économie et les marchés boursiers du pays; elles ont aussi eu des effets mesurables sur les marchés boursiers des pays occidentaux.
Les raisons pour lesquelles les banques centrales abaissent les taux sont importantes
Nous ne saurions trop insister sur l’importance du fait que l’inflation mondiale s’atténue de façon notable, ce qui permet aux banques centrales d’abaisser les taux d’intérêt.
Au cours des 50 dernières années, près de la moitié des épisodes d’abaissement des taux à l’échelle mondiale ont été imputables à une crise externe (choc énergétique des années 1970, crise de la dette en Amérique latine dans les années 1980, éclatement de la bulle Internet en 2000, crise financière de 2008, COVID-19). Ces perturbations ont fait plonger l’économie dans une récession. Les banques centrales ont lutté contre les chocs externes en abaissant les taux pour aider l’économie à faire face à la crise. La réduction des taux représentait une solution indirecte. Dans ces circonstances, les marchés boursiers avaient déjà sensiblement reculé et ont poursuivi leur chute.
Mais aujourd’hui, mis à part la Chine, les banques centrales n’abaissent pas les taux d’intérêt pour éviter une crise. Si elles réduisent les taux d’intérêt parce que l’inflation est suffisamment faible pour leur permettre de le faire de façon ordonnée et qu’il n’y a pas de crise, alors le problème et la solution sont les mêmes. Actuellement, les éléments problématiques de l’économie mondiale découlent en grande partie de la hausse des coûts d’emprunt. L’abaissement des taux d’intérêt ne représente pas un soutien indirect : il s’attaque directement au problème. Dans le passé, lorsque cela s’est produit, les marchés boursiers et obligataires ont inscrit des rendements nettement supérieurs à leurs moyennes à long terme. L’année 2024 en est un bon exemple.
Est-ce le bon moment pour vendre?
C’est la question que l’on se pose depuis toujours. Si vous avez besoin d’obtenir des liquidités et que vous avez l’intention de les dépenser, alors oui, le moment est propice à la réalisation de certains gains. Une bonne planification financière tient compte des entrées et des sorties de fonds. Pour la plupart des investisseurs et de leurs placements, l’accent est mis sur le long terme. De même que les marchés financiers peuvent battre en retraite plus qu’ils ne le devraient lorsque les choses vont mal, ils peuvent grimper plus haut que prévu lorsque les choses vont bien. Une multitude de recherches confirment qu’il est impossible d’essayer d’anticiper ces cycles.
Notre objectif est d’être un investisseur prudent et pragmatique. Nous examinons la situation sous cet angle et nous nous demandons si les données fondamentales actuelles soutiennent les prix des actifs, ou si nous nous laissons simplement mener par nos émotions.
Notre conclusion est que les données fondamentales de la croissance économique, des bénéfices des sociétés, de l’inflation, des taux obligataires, de la confiance et des valorisations demeurent favorables. Nous entrevoyons un potentiel de nouveaux gains, mais plus modestes, tout en sachant que nous pouvons faire face à tout moment à de nouvelles craintes liées à la croissance. Nous ne sommes pas naïfs non plus; nous savons et rappelons aux investisseurs que les conditions idéales ne dureront pas éternellement.
Les données fondamentales restent favorables
Aux États-Unis, la croissance économique demeure solide. Plus tôt cette année, des rumeurs circulaient à Wall Street selon lesquelles l’inflation aux États-Unis persisterait, que les consommateurs seraient à bout de souffle et à court d’épargne, et que la croissance économique ralentirait, compromettant la vigueur de la croissance des bénéfices des sociétés.
Les statistiques révisées publiées en septembre montrent que l’économie américaine a progressé plus rapidement depuis la fin de la pandémie de COVID-19 et que les ménages américains ont épargné plus que prévu, ce qui représente de bonnes nouvelles. Parallèlement, l’inflation s’est atténuée. Le résultat net est une augmentation du revenu réel qui permet aux consommateurs d’épargner et de dépenser. Cela explique l’énigme de la vigueur des marges bénéficiaires et de la croissance des bénéfices des sociétés, alors que l’économie semblait ralentir. Or, surprise, ce n’était pas le cas.
La situation au Canada est comparable, mais pas aussi robuste; en effet, la croissance économique est inférieure à sa vitesse de croisière, mais elle ne s’effondre pas pour autant. L’allègement des taux d’intérêt est en cours et d’autres baisses de taux de la Banque du Canada sont prévues. Malgré la faiblesse du marché du travail, les revenus au Canada ont rapidement rattrapé leur retard (comme en font foi de récents accords conclus pour éviter des grèves). Les Canadiens économisent une partie de ces hausses (le taux d’épargne est solide à 5,6 %) et le soi-disant mur du renouvellement hypothécaire n’est pas si intimidant; en effet, les taux des obligations à 5 ans ont baissé à 2,7 %, comparativement à leur sommet de 4,4 % de l’an dernier. L’effet combiné laisse plus d’argent dans les poches des consommateurs canadiens. Les dépenses au Canada ont été anémiques, compte tenu surtout de la forte croissance démographique du pays. Les dépenses de consommation pourraient être sur le point de reprendre de la vigueur ou, à tout le moins, de tenir le coup si le marché de l’emploi demeure atone.
Les valorisations ne représentent pas un gros obstacle
Les marchés boursiers mondiaux ont inscrit de très solides rendements au troisième trimestre. L’indice S&P/TSX a été particulièrement performant, en hausse de 9,7 %, ce qui porte à 14,5 % son rendement depuis le début de l’année. Cette avancée réduit l’écart avec le rendement de 20,8 % de l’indice S&P 500 depuis le début de l’année, après une hausse de 5,5 % au troisième trimestre.
Fait encourageant, le redressement du marché boursier américain s’élargit au-delà d’une poignée de sociétés de très grande taille. Le cours du titre de quatre sociétés américaines à mégacapitalisation faisant partie des « sept magnifiques » a légèrement fléchi au cours du trimestre, les investisseurs s’étant tournés vers d’autres secteurs du marché. L’indice Russell 2000 des sociétés à petite et moyenne capitalisation a progressé de 8,9 % et la version équipondérée de l’indice S&P 500 a avancé de 9,1 %, ce qui a porté les rendements des deux indices depuis le début de l’année à 10 % et à 13,5 %, respectivement.
D’autres marchés aussi semblent solides pour le trimestre et depuis le début de l’année. L’indice boursier européen Stoxx 50 a progressé de 2,2 % au troisième trimestre et de 10,6 % en cumul annuel; l’indice FTSE 100 du Royaume-Uni, de 0,9 % au troisième trimestre et de 6,5 % pour l’année. L’indice boursier MSCI Chine a bondi de 21,3 % au troisième trimestre et de 25,5 % pour l’année. Le bond de 7,8 % de l’indice MSCI Marchés émergents ($ US) au cours du trimestre a porté à 14,4 % son rendement depuis le début de l’année.
Compte tenu de ces résultats, il est juste de se demander si les valorisations ne seraient pas exagérées. En fait, de nombreux marchés demeurent raisonnablement évalués en raison des prévisions de croissance plus élevée des bénéfices et de leur sous-évaluation antérieure. Les ratios cours/bénéfices prévisionnels, une mesure de valorisation couramment utilisée, se situent à leurs moyennes à long terme ou au-dessous pour les principaux indices boursiers au Canada, en Europe, au Royaume-Uni, au Japon et en Chine. Le ratio de l’indice S&P 500, à 24 fois les bénéfices prévisionnels, est élevé, mais celui de la version équipondérée de l’indice S&P (représentatif des actions moyennes) n’est que légèrement élevé, à 19,4, comparativement à 18,8 pour le long terme. Puisque la croissance prévue des bénéfices des sociétés en 2025 se situe dans une fourchette de 10 % à 15 % à l’échelle mondiale, les valorisations ont une certaine marge de manoeuvre pour reculer (ce qui ne sera pas nécessaire pour la plupart d’entre elles, mais seulement en guise d’assurance) et les marchés boursiers pourront produire de nouveaux
rendements avoisinant les 10 % l’an prochain.
Les obligations font leur travail
Les banques centrales signalent de futures réductions de taux et certaines d’entre elles cherchent à rattraper leur retard au moyen de baisses d’un demi-point de pourcentage; par conséquent, les marchés obligataires ont pris en compte un important assouplissement à venir. L’indice des obligations universelles FTSE Canada a progressé de 4,7 % au cours du trimestre, ce qui a fait grimper son rendement depuis le début de l’année d’environ 4,3 %. Le marché obligataire semble avoir atteint sa pleine valeur, mais offre tout de même un taux de rendement courant raisonnable de 3,5 %, et le taux de rendement pondéré de notre solution de titres à revenu fixede base demeure supérieur à 4 %. En cas de craintes liées à la croissance ou de surprise désagréable, les obligations disposent d’une grande marge de manoeuvre pour offrir la sécurité à laquelle nous nous attendons dans ces circonstances.
Notre stratégie : équilibrée, avec une préférence pour les actions
Nous sommes bien placés pour la conjoncture actuelle. Nous avons fait preuve de rigueur et de patience tout au long de l’année, en réduisant nos placements dans certaines zones de force et en étoffant ceux des secteurs qui, selon nous, étaient sur le point de s’améliorer. Les fluctuations du marché au troisième trimestre ont favorisé ces positions.
Compte tenu du redressement généralisé pour l’ensemble des actifs et des régions, le besoin d’effectuer des opérations au troisième trimestre a été limité. Nous continuons de surpondérer les actions, surtout les actions canadiennes et américaines. Nous accordons une pondération neutre aux marchés développés internationaux (Europe et Japon) et nous sous-pondérons les marchés boursiers des pays émergents. Dans la composante des titres à revenu fixe, nous surpondérons les obligations de sociétés de catégorie investissement et sous-pondérons les emprunteurs de qualité inférieure dans le segment des titres à rendement élevé.
Le mot de la fin : des surprises
Le troisième trimestre a été riche en surprises, ce qui fait partie intégrante des placements. Les cours ne varient pas seulement selon ce qui se produit; ils varient selon ce qui se produit par rapport à nos attentes. Divers indices prennent en compte les statistiques qui atteignent, ratent ou dépassent les attentes consensuelles des économistes. Comme on pourrait s’y attendre, on les appelle « indices des surprises économiques ». Les niveaux élevés de ces indices nous rendent particulièrement vigilants, car les attentes sont élevées et les cours reflètent probablement cet optimisme. Des indices peu élevés nous rassurent et indiquent que les attentes – et probablement les cours – sont modestes à l’heure actuelle.
Compte tenu des bonnes nouvelles qui nous sont récemment parvenues, il pourrait être raisonnable de penser que les attentes ont augmenté au point où d’autres surprises positives pourraient être rares. Ce n’est pourtant pas le cas. Les indices aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Chine, en Europe, en Australie et au Japon ne s’établissent pas en territoire déprimé, mais ils n’atteignent pas des niveaux exceptionnels non plus. Bien entendu, beaucoup pensent que les élections américaines de novembre pourraient causer une foule de surprises. Pour connaître notre point de vue à ce sujet, consultez nos commentaires sur les élections américaines dans l’article d’Info-Patrimoine de BMO « La politique et votre portefeuille », à l’adresse https://apercus-gestionprivee.bmo.com/fr/.
George Leonard avait raison : la prédiction la plus sûre est que nous serons probablement surpris. Pour le moment, rien n’indique que ces surprises seront particulièrement bonnes ou mauvaises. Comme beaucoup de choses, elles sont discrètes et encourageantes.
Adressez-vous à votre directeur de compte BMO si vous avez des questions ou si vous souhaitez discuter de votre portefeuille.