« Il faut accomplir les choses difficiles lorsqu’elles sont faciles, et les plus ardues quand elles sont encore simples.
Les difficultés (problèmes) du monde doivent être traitées lorsqu’elles sont faciles; les plus grandes difficultés du monde le doivent quand elles sont encore simples. »
Lao Tzu, Tao Te Ching, environ 400 av. J.-C.
Les marchés boursiers ont été marqués à la fois par de l’euphorie et de la peur en août. Enchantés par la baisse de l’inflation en Amérique du Nord durant les deux premières semaines, ils ont toutefois vu la situation s’inverser vers la fin du mois.
Les dirigeants des banques centrales ont annoncé sans équivoque que d’autres hausses de taux d’intérêt s’en venaient, ce qui a fait rapidement réagir les investisseurs et dégringoler les marchés.
Ce changement de cap est survenu après une courte période d’optimisme, qu’avaient favorisé des signes positifs comme l’apaisement des craintes de récession, la baisse de l’inflation en Amérique du Nord, le rebond des marchés boursiers, la diminution des prix de l’essence et la hausse des données sur l’emploi aux États-Unis.
Cependant, les banques centrales surveillaient avec inquiétude la vitesse et l’ampleur de la reprise des marchés boursiers ainsi que la descente des taux obligataires. Des marchés boursiers en pleine effervescence et des taux obligataires en baisse (c.-à-d. des coûts d’emprunt réduits) stimulent l’économie, ce qui était à l’opposé de ce dont nous avions besoin. Pour les dirigeants, il n’y avait pas assez de preuves justifiant un rajustement de leurs perspectives à l’égard des taux, qu’ils voulaient plus élevés, et pour plus longtemps. Les banques centrales, qui avaient commencé à relever les taux en mars, visaient à ralentir l’économie afin de freiner l’inflation.
Les dernières données sur la baisse de celle-ci ont mené les investisseurs en actions à penser que les banques centrales pourraient suspendre leurs hausses de taux et même envisager de les réduire en 2023. Jetant une douche froide sur les marchés, les dirigeants ont plutôt averti qu’il y avait encore du travail à faire avant que l’inflation ne soit maîtrisée. À la fin du mois, la plupart des marchés boursiers avaient effacé tous les gains enregistrés, et même plus.
L’histoire de ces deux points de vue contradictoires s’est conclue le 26 août sur point d’orgue. Jerome Powell, président de la Réserve fédérale américaine (la Fed) et dirigeant de banque centrale le plus influent du monde, a prononcé un discours ferme dans lequel il a affirmé que la Fed poursuivrait ses hausses de taux jusqu’à ce que l’inflation se rapproche beaucoup plus de sa cible de 2 %.
Toutes les banques centrales continuaient de soutenir que les hausses de taux d’intérêt en vue d’endiguer l’inflation étaient loin d’être terminées, mais c’est l’avertissement de M. Powell qui l’a bien fait comprendre. Les actions ont chuté et les taux obligataires, augmenté.
Malgré les piètres résultats des placements en actions et en obligations (pour un septième mois sur huit depuis le début de l’année), et compte tenu de l’inflation problématique et des autres incertitudes auxquelles le monde est actuellement confronté, nous voyons les événements du mois d’août comme bienvenus et nécessaires. Le fait que les données économiques s’affaiblissent, mais ne s’effondrent pas, est sain. Certains signes d’essoufflement se font sentir, notamment dans le secteur de l’habitation, mais ceux-ci sont justifiés (et même souhaitables, en fait) compte tenu de la surchauffe des prix des maisons au cours des dernières années.
D’autres indicateurs, comme les salaires, la croissance de l’emploi, les investissements des entreprises et les dépenses de consommation, se comportent bien. Voilà une bonne nouvelle. Toutefois, des marchés boursiers qui s’emballent à la moindre bonne nouvelle n’aident en rien. Ces derniers ne cessent de viser trop haut, comme à la mi-août, ou trop bas, comme en juin. Au bout du compte, les marchés financiers doivent trouver un nouvel équilibre qui tient compte du ralentissement de la croissance, de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt. Personne n’aime voir les marchés boursiers chuter. La hausse des taux d’intérêt est une bonne nouvelle pour certains (les épargnants), mais une moins bonne pour d’autres (les emprunteurs). Mais des marchés boursiers qui s’emportent posent aussi problème. Si les taux d’intérêt doivent augmenter, c’est une réalité que nous devons accepter.
L’Amérique du Nord pourrait réussir le souhaité, mais difficile, atterrissage en douceur – l’économie ralentit, mais n’est pas au point mort, et l’inflation diminue. Ce résultat semble un peu plus probable aujourd’hui qu’il y a huit semaines.
En ce qui concerne les marchés boursiers, nous voulons que les cours des actions montent en raison de l’amélioration des bénéfices des sociétés – et non parce que les banques centrales atténuent (peut-être trop tôt) l’inflation. Bien que les bénéfices des sociétés restent sur la bonne voie et que l’on s’attende à une croissance soutenue, ces prévisions reposent sur une base fragile qui n’est pas assez stable pour résister à de mauvaises nouvelles. La remontée des marchés boursiers qui a commencé à la mi-juin était trop hâtive. Une pause est normale et constructive, et un repli ou un renversement temporaire n’est pas inhabituel.
La hausse des marchés boursiers, qui tiennent maintenant compte de réductions de taux en 2023, ne cadre pas avec les conséquences négatives sur la croissance des bénéfices des sociétés d’une économie si lente que les banques centrales seraient en mode « réduction de taux ». La croissance des bénéfices est le moteur de la croissance du cours des actions. Celles-ci ne devraient pas saluer aussi fortement des réductions de taux d’intérêt – car ces diminutions ne seront possibles que si les dirigeants des banques centrales voient l’économie ralentir, ce qui signifie une croissance moindre des bénéfices des sociétés.
Les taux obligataires, qui n’ont pas été aussi surpris par le discours ferme du président de la Fed, ont augmenté tout au long du mois. À notre avis, des taux de rendement inférieurs à 3 % à n’importe quelle échéance sur le marché obligataire ne correspondent pas à la réalité. Les hausses de taux semblent maîtriser l’inflation, mais celle-ci se situe toujours au-dessus de 7 % en Amérique du Nord (et à des niveaux plus élevés en Europe). À l’heure actuelle, toutes les échéances de plus de six mois de la courbe des taux au Canada et aux États-Unis s’établissent au-dessus de 3 %. Le taux des obligations du Canada à 2 ans est de 3,65 % et celui des obligations américaines à 2 ans, de 3,5 %, ce qui, une fois de plus, harmonise davantage le marché obligataire avec l’intention annoncée des banques centrales de continuer à relever les taux.
Canada – Tient bon, mais ralentit
En août, l’indice composé S&P/TSX a reculé de 1,8 %, mais surpassé de nombreux marchés mondiaux. Trois des onze secteurs ont progressé, à commencer par les soins de santé et la consommation discrétionnaire, tandis que les technologies de l’information ont tiré de l’arrière. Les services financiers ont plombé l’indice de référence, perdant 2,3 % en raison des bénéfices contrastés des banques canadiennes. Les titres des sociétés énergétiques ont mieux résisté que les prix du pétrole, qui ont baissé. Le secteur de l’énergie a perdu 1,8 % et le prix du pétrole West Texas Intermediate a atteint son plus bas niveau depuis mars, clôturant le mois en inscrivant une perte de 9,2 %, à 89,55 $ US le baril.
Parmi les bonnes nouvelles, mentionnons le taux d’inflation annualisé de l’indice des prix à la consommation (IPC) en juillet, qui est passé de 8,1 % (juin) à 7,6 % (juillet). Cependant, le marché canadien de l’habitation ralentit. Par rapport à son sommet de février 2022, le volume des ventes de logements a plongé de 30 %; à l’échelle nationale, les prix des logements ont baissé de 6 %. Les taux des prêts hypothécaires à taux fixe de cinq ans ont grimpé au-dessus de 5 %. Le PIB réel du Canada au deuxième trimestre s’est établi à 3,3 %, ce qui est inférieur de 1 % aux attentes. Les dépenses de consommation des ménages ont bondi de 16,3 %.
Le huard a clôturé le mois d’août en baisse de 1,2 %, s’établissant à 0,762 $ US (1 $ US équivaudrait donc à 1,31 $ CA). Les taux obligataires canadiens ont augmenté et la courbe des taux reste inversée. Le taux des obligations à 2 ans est passé de 2,96 % à 3,65 %, tandis que celui des obligations à 10 ans, de 2,61 % à 3,12 %.
États-Unis – Des sentiments mitigés, mais avec une note d’optimisme
En août, l’indice S&P 500 a reculé de 4,2 %. Les secteurs de l’énergie et des services publics ont été les seuls à gagner du terrain. Ceux fortement pondérés des technologies de l’information et des soins de santé ont enregistré les plus grandes pertes, reculant chacun d’environ 6 %. Les taux des obligations d’État américaines ont augmenté et la courbe est demeurée inversée, signe inquiétant d’une faible croissance à venir. Le taux des obligations à 2 ans est passé de 2,88 % à 3,49 %, tandis que celui des obligations à 10 ans, de 2,65 % à 3,19 %.
En juillet, le taux d’inflation annualisé de l’IPC a ralenti, passant de 9,1 % (juin) à 8,5 % (juillet). Les dépenses de consommation des ménages tiennent le coup, la devise des consommateurs américains étant actuellement de dépenser, mais sans faire de folies. La baisse de l’inflation a été une bonne nouvelle qui s’est ajoutée à la hausse de l’emploi, aux investissements soutenus des entreprises et à un plus grand nombre d’emplois disponibles. Le marché de l’habitation ralentit et certains signaux avertisseurs sont de mauvais augure pour les perspectives de croissance. Malgré tout, les conditions actuelles n’appuient pas la conclusion que les États-Unis sont (ou étaient, au cours des deux derniers trimestres) en récession. Autre mesure de l’activité économique, le revenu intérieur brut réel (RIB) affiche une croissance de 1,8 % et de 1,4 % au premier et au deuxième trimestres, respectivement, comparativement à des baisses de -1,6 % et de -0,6 % enregistrées par le PIB, mesure plus largement suivie.
Europe – Des nuages sombres
La Russie continue de restreindre l’approvisionnement de gaz naturel en l’Europe. Sur une note positive, le restockage de gaz naturel sur le continent est bien en avance sur le calendrier, de sorte que l’hiver à venir pourrait être gérable. Les prix de l’électricité et du gaz naturel montent. Les prix à la production en Allemagne (une mesure semblable aux prix à la consommation, mais pour les usines) ont bondi de manière ahurissante de 37,2 % sur 12 mois.
Certaines perspectives défavorables pour l’Europe se reflètent déjà dans les prix des actifs européens. Les actions européennes à grande capitalisation sont moins chères que les actions américaines et canadiennes et offrent des rendements en dividendes élevés. En fait, l’escompte par rapport aux actions américaines est le plus élevé depuis au moins 1987. L’euro a atteint la parité avec le dollar américain en août, du jamais vu depuis sa création en 2002. Par rapport au dollar canadien, l’euro se situe à un creux de dix ans.
Les taux obligataires européens ont suivi leurs équivalents mondiaux; l’inflation record fait pression sur la Banque centrale européenne pour qu’elle relève les taux d’intérêt. L’indice de référence des taux des obligations d’État allemandes à 10 ans est passé de 0,82 % à 1,54 %. En août, les indices boursiers Euro STOXX 50 en Europe, DAX en Allemagne et FTSE 100 au Royaume-Uni ont affiché des pertes de 5,2 %, 4,8 % et 1,9 %, respectivement.
Asie – Croissance lente, mesures de relance accrues
Les prévisions de croissance de l’économie chinoise sont à la baisse, mais la machine à exporter va toujours à pleine vitesse. Le secteur de l’immobilier est dans la tourmente et les politiques de tolérance zéro à l’égard de la COVID-19 demeurent un obstacle. La sécheresse cause aussi des problèmes, et les tensions géopolitiques sont au centre des préoccupations. Néanmoins, les marchés boursiers de la région ont mieux fait que les marchés occidentaux, la Chine ayant renforcé ses mesures de relance. Beijing a abaissé divers taux d’intérêt clés et annoncé d’autres mesures budgétaires pour stimuler l’économie. En août, l’indice boursier japonais Nikkei 225 a progressé de 1 %, tandis que l’indice MSCI China Equity a gagné 0,1 %.
Notre stratégie
Étant donné les nombreuses forces qui pèsent sur l’économie mondiale et l’oscillation rapide des marchés de capitaux qui en résulte, notre message demeure clair : la voie la plus prudente consiste à conserver un portefeuille diversifié et bien équilibré. Il faut donc rester raisonnablement près des indices de référence stratégiques, hormis quelques ajustements tactiques prudents. Le revenu des coupons et les titres venant à échéance dans nos portefeuilles d’obligations sont réinvestis à des taux de rendement plus élevés. Nous croyons que nos positions obligataires offriront un certain niveau de sécurité si une récession s'installe.
Nous maintenons une légère surpondération des actions – les actions ont historiquement mieux résisté à l’inflation que les autres catégories d’actif. Dans les portefeuilles où cela était approprié et nécessaire, les activités de négociation en août visaient à maintenir une surpondération de 3 % des actions nord-américaines. Les sociétés liées aux produits de base au Canada se portent bien dans un contexte inflationniste. Par le passé, les marchés boursiers américains ont offert une sécurité relative dans les périodes de faible croissance mondiale.
Le mot de la fin
Dans son discours, le président de la Fed, Jerome Powell, a insisté sur le fait que le chemin le plus sûr à long terme était de maîtriser l’inflation tôt et rapidement. Cela fait écho à la pensée de Lao Tzu (qui signifie « ancien maître »), un philosophe chinois à qui l’on doit l’ouvrage Tao Te Ching. Il y a plus de 2 400 ans, il a écrit : « Il faut accomplir les choses difficiles lorsqu’elles sont faciles. »
M. Powell a souligné les multiples tentatives infructueuses des années 1970 et 1980 visant à réduire l’inflation avant qu’une longue période de politique monétaire très restrictive ne soit finalement nécessaire pour enfin accomplir le travail.
Aujourd’hui, certains observateurs des marchés supposent que l’inflation a déjà atteint un sommet. En réalité, l’inflation globale en Amérique du Nord est de plus de 7 % et ce chiffre doit diminuer. Ce n’est que lorsque nous y arriverons que nous pourrons raisonnablement parler d’un assouplissement des taux par les banques centrales.
Il est possible que les banques centrales marquent une pause à 3,5 % environ pour voir comment l’économie réagit aux hausses de taux déjà en vigueur. Cette interruption pourrait donner le temps à l’inflation de continuer à baisser pour se rapprocher des taux d’intérêt. Cependant, cesser de relever les taux de façon prématurée pose un risque. Plus l’inflation persiste, plus le problème devient important. Comme l’a observé Lao Tzu, « les plus grandes difficultés du monde doivent être traitées quand elles sont encore simples ».
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