« Lorsque les faits changent, je change d’avis. Et vous Monsieur, que faites-vous? »
John Maynard Keynes ou Paul Samuelson (citation attribuée à ces deux économistes du XXe siècle)
Lorsque nous réfléchirons à 2023, nous repenserons immanquablement aux tragédies en Ukraine et au Moyen-Orient, qui resteront tristement gravées dans notre mémoire.
En ce qui concerne les marchés financiers, des banques de tous les échelons (régionales, mondiales et centrales) ont alimenté la volatilité cette année.
Barbie, Tay Tay, Musk, ChatGPT et des politiciens de partout dans le monde ont fait les manchettes et ont eu une incidence sur les actions, les secteurs et les régions. Cependant, rien n’a eu plus de répercussions sur le rendement que les banques centrales, en particulier la Réserve fédérale américaine (la « Fed »). Scénario inattendu qui est venu changer la donne à la fin de l’année, un large panier d’actions mondiales a augmenté de plus de 21 %, tandis que les obligations canadiennes ont rebondi avec un rendement de 6,7 %, surpassant les liquidités et les certificats de placement garanti (CPG).
L’année dernière a commencé sur une note positive, ne serait-ce que parce que la barre était basse. En décembre 2022, les banques centrales ont jeté les bases du rôle de premier plan qu’elles ont joué en 2023; elles ont sabordé les marchés en s’engageant à relever les taux d’intérêt jusqu’à ce que l’inflation et la croissance des salaires reviennent à la normale (environ 2 %), adoptant le mantra « plus élevés pendant plus longtemps ». Compte tenu du point de départ modeste des actions et des obligations, il n’a pas fallu grand-chose pour qu’elles entament l’année du bon pied.
Entrent alors en scène des banques régionales et mondiales qui sont venues compléter la distribution de banquiers qui a fait fluctuer les marchés en 2023.
Sur le plan des actifs combinés, ce fut la plus importante année de l’histoire au chapitre des faillites de banques américaines. First Republic a été la deuxième banque en importance à s’effondrer dans l’histoire des États-Unis, tandis que la Silicon Valley s’est classée au troisième rang et la Signature, au quatrième. En Europe, le géant bancaire mondial Credit Suisse a presque implosé avant une prise de contrôle d’urgence par UBS, son rival. Ces échecs, qui ont tous eu lieu en mars, ont semblé prouver la sagesse collective de Wall Street, selon laquelle les banques centrales resserrent toujours leur politique monétaire jusqu’à ce que quelque chose brise. Des effets d’entraînement généralisés sur l’ensemble du système bancaire auraient nui aux flux de crédit dans l’économie – un moyen rapide de provoquer une récession. Bien entendu, pendant la plus grande partie de 2023, pratiquement tout le monde prédisait une récession imminente (mais pas nous).
Lorsque ces failles ont fait leur apparition, les marchés ont pensé que les banques centrales abandonneraient leur rôle de lutte contre l’inflation ainsi que leur promesse de taux plus élevés pendant plus longtemps. Toutefois, plutôt que de réduire les taux pour endiguer la contagion des sorties massives de fonds bancaires, les dirigeants des banques centrales ont injecté des liquidités ciblées dans l’économie en acceptant des garanties actualisées de la part des banques à la valeur nominale. Cette solution créative a fonctionné, puisque la contamination ne s’est jamais étendue, et une remontée des actions et des obligations a suivi. Il n’est pas venu à l’idée aux marchés que les banques centrales avaient retrouvé la liberté de recentrer leurs efforts sur la lutte contre l’inflation et de reprendre leur mantra. Les marchés allaient devoir composer avec cette réalité plus tard en 2023.
Alors, elle est où ma récession?
Hors des États-Unis, la croissance économique a stagné dans la plupart des pays du monde. L’Europe et le Canada ont fait du surplace; l’Allemagne a enregistré une récession technique, tandis que seules des révisions ont permis au Canada d’en éviter une. L’économie chinoise a continué de perdre de l’élan.
Aucune grande banque centrale n’était prête à abandonner son cheval de bataille de taux plus élevés pendant plus longtemps alors que l’inflation demeurait obstinément élevée partout. C’était particulièrement vrai aux États-Unis, où se trouve la banque centrale la plus influente du monde, grâce à la monnaie la plus importante du monde. (Nous ne croyons pas que cela changera de sitôt. Avez-vous une solution de rechange viable?)
Même si l’inflation américaine reculait à un rythme raisonnable, l’économie américaine a gardé son pied sur l’accélérateur. Les goulots d’étranglement ont été en grande partie résorbés dans la chaîne d’approvisionnement, et même des grèves dans les principaux segments du transport n’ont pas pu faire dérailler cette économie résiliente.
Pour l’ensemble de 2023, la Fed a relevé son taux à quatre reprises et l’a porté à 5,5 %, un des niveaux les plus élevés du monde développé. Les autres banques centrales ont dû suivre la tendance dans un contexte d’inflation persistante. La Banque d’Angleterre a relevé son taux cinq fois pour l’établir à 5,25 %. Le Canada est arrivé au troisième rang avec trois hausses, faisant passer son taux directeur à 5 %. Malgré la faiblesse de l’économie, la Banque centrale européenne a augmenté le sien six fois pour le porter à 4,5 %. Les banques centrales ont tenu leur promesse.
Il s’est produit quelque chose d’étonnant en milieu d’année. L’inflation a baissé plus rapidement que prévu, mais les taux de rendement obligataires ont poursuivi leur progression. Comment était-ce possible? Entrent alors en scène les politiciens. Les États-Unis gèrent un important déficit budgétaire, ce qui donne à penser que les énormes besoins d’emprunt de l’oncle Sam pourraient entraîner des coûts d’emprunt plus élevés à long terme, même si l’inflation est maîtrisée. Au cas où quelqu’un aurait raté l’annonce, les agences de notation Fitch et Moody’s ont abaissé la cote des États-Unis. Fitch l’a diminuée d’un cran, la faisant passer de AAA à AA+, alors que Moody’s a revu à la baisse ses perspectives, qui sont passées de stables à négatives. Ce problème ne fait plus les manchettes, mais n’a pas disparu pour autant.
Les taux peu favorables ont plombé le marché de l’habitation et le secteur manufacturier mondial. Malgré tout, à l’échelle de la planète, les consommateurs ont continué de dépenser dans les services (remercions les « Swifties »), soutenus par de solides gains en matière d’emploi et de salaires qui surpassent maintenant l’inflation. À la fin de l’été, les marchés financiers ont collaboré avec la Fed, resserrant les conditions financières au moyen de taux de rendement obligataires à long terme plus élevés et de marchés boursiers en recul.
Du Jour de la marmotte à Boucles d’or
À la fin d’octobre, alors qu’il ne restait que deux mois à 2023, la situation était morose. Les investisseurs en obligations s’attendaient à une troisième année de pertes, une situation sans précédent. Les principaux marchés boursiers avaient dégringolé de 8 % à 10 % par rapport à leurs sommets atteints plus tôt au cours de l’année. Même le groupe des « sept merveilles » (les sept plus grandes pondérations de l’indice S&P 500, soit Apple, Microsoft, Amazon, Nvidia, Alphabet, Meta et Tesla) avait sombré. Ses actions combinées, qui avaient augmenté de près de 100 % pour l’année, avaient chuté de 11 % en deux semaines.
À ce moment-là, compte tenu du repli simultané des actions et des obligations, nombreux étaient ceux qui avaient l’impression que 2023 serait une mauvaise année, tout comme 2022, un scénario digne du Jour de la marmotte.
Pour nous, la situation nous semblait moins précaire dans l’ensemble qu’en 2022. Nous nous sommes accrochés à notre conviction de longue date que les marchés financiers étaient plus près de la fin que du début de la correction des déséquilibres provoqués par la pandémie et une décennie de taux d’intérêt extrêmement bas. La succession rapide de nouvelles pessimistes dans les médias en octobre était un signe classique pour nous que la situation était sur le point de s’améliorer.
Et c’est ce qui s’est produit. À l’échelle mondiale, l’inflation a poursuivi sa baisse plus rapide que prévu. Les marchés financiers ont commencé à entrevoir une trajectoire réaliste vers une inflation de 2 %; selon eux, les banques centrales devraient cesser de relever les taux et même commencer à les réduire en 2024.
L’économie américaine a été le seul bastion d’une forte croissance, mais celle-ci semble ralentir (sans s’effondrer). S’il s’agit habituellement d’une situation non souhaitable, elle ouvre toutefois la porte à l’aide dont le monde a besoin à la suite de la hausse des taux d’intérêt, en jetant les bases d’un adoucissement de ton de la part de la Fed. À la surprise générale, c’est exactement ce qu’a fait la Fed lors de sa réunion de décembre. Elle a admis ce que les marchés avaient commencé à croire des semaines plus tôt : 2024 serait l’année du changement de cap où l’on passerait des hausses de taux aux réductions de taux. La Fed prêterait maintenant attention non seulement à l’inflation, mais aussi à la croissance économique. Nous nous attendons à ce que toutes les autres grandes banques centrales emboîtent le pas.
Tout cela a stimulé la remontée des actions et des obligations depuis les creux d’octobre. Ces fortes hausses de fin d’année ont poussé de nombreux prévisionnistes des marchés à réviser leurs perspectives pour 2024 publiées en novembre. Ce fut un retour à la planche à dessin pour tout le monde, nous compris.
Marchés financiers et prix des principaux actifs – Récapitulatif
L’année a été mouvementée pour à peu près tout. L’indice composé S&P/TSX a progressé de 8,1 %. L’indice boursier européen Stoxx 50 s’est hissé de 19,2 %. L’indice boursier japonais Nikkei 225 a pris 28,2 %. Ce rendement, après ajustement en fonction d’un yen japonais fortement dévalué, baisse toutefois considérablement pour s’établir à 19,3 % en dollars américains.
Au sein des marchés émergents, l’indice des actions MSCI China a reculé de 13,2 %, mais l’indice MSCI Marchés émergents hors Chine ($ US) a progressé de 20 %. L’indice de référence combiné MSCI Marchés émergents ($ US) a donc inscrit un gain de 7 %.
En ce qui a trait aux actions américaines, les sept merveilles sont les grandes vedettes. Un panier équipondéré de ces supernovas technologiques a inscrit une hausse annuelle de 107 %. Cependant, ce même panier d’actions a chuté de 45 % en 2022, inscrivant un rendement annualisé beaucoup plus modeste de 6,2 % sur deux ans. L’indice S&P 500 s’est hissé de 24,2 %, tandis que l’indice composé NASDAQ (qui pondère fortement les sept merveilles) a pris 43,4 % (mais après, nous le rappelons, avoir cédé 33 % en 2022). Une version équipondérée de l’indice S&P 500 a progressé de 11,6 %, tandis que l’indice Dow Jones a atteint un nouveau sommet historique avec un rendement de 13,7 %.
Les obligations ont inscrit des rendements positifs, ce qui a surpris bon nombre d’investisseurs. L’indice des obligations universelles FTSE Canada a enregistré un rendement total de 6,7 %. Les indices élargis d’obligations1 américaines, européennes, japonaises et des marchés émergents ont respectivement pris 5,5 %, 7,5 %, 0,5 % et 9,1 %.
Le prix du pétrole, qui a souffert des événements géopolitiques, du ralentissement de la croissance mondiale, des restrictions de l’offre de l’OPEP+, ainsi que des guerres au Moyen-Orient et en Ukraine, a varié entre 66 $ US et 93 $ US le baril, clôturant l’année à 71,65 $ US, une baisse de 10,7 % sur 12 mois. Notre huard a oscillé entre 0,763 $ US et 0,721 $ US, concluant l’année à 0,755 $ US ou 1,324 $ CA, soit une hausse de 2,3 %.
Notre stratégie – Équilibrée avec surpondération des actions
Notre stratégie de répartition des éléments d’actif comportait une surpondération des actions et une souspondération des titres à revenu fixe dans notre cadre équilibré.
Étant donné que chaque situation de client est unique, nos décisions de répartition des éléments d’actifs n’ont pas à s’appliquer à tous les comptes. Vous trouverez ci-dessous un aperçu des principales activités de négociation pour nos portefeuilles les plus représentatifs.
Au premier trimestre, nous avons allégé la pondération des sociétés technologiques américaines à très grande capitalisation en tirant parti de leur vigueur. Nous avons acheté des actions internationales des marchés développés pour compenser ces ventes, ramenant la pondération à un niveau neutre. De plus, dans les portefeuilles qui offrent une exposition, nous avons remplacé certaines positions en actions de sociétés canadiennes et américaines à grande capitalisation par des actions à petite et à moyenne capitalisation.
Au troisième trimestre, nous avons remplacé certaines de nos positions en obligations. Nous avons acheté des obligations à moyen terme (allongement de la duration) afin de profiter des taux de rendement plus élevés disponibles. Nous pouvions ainsi également enregistrer des gains supérieurs si les taux de rendement obligataires devaient baisser.
En octobre, nous avons réduit notre exposition aux obligations à rendement élevé (prêts à des sociétés dont la cote de crédit est inférieure) et réinvesti le produit de la vente dans des obligations de sociétés, provinciales et d’État de meilleure qualité.
À la suite de la réunion du 13 décembre de la Fed, les taux de rendement des obligations nord-américaines ont chuté et les cours ont augmenté. Nous avons saisi l’occasion pour cristalliser les gains découlant de l’allongement de la duration entrepris en septembre. Nous ne nous attendions pas à ce que cette opération porte ses fruits si rapidement, et nous estimions que les taux obligataires représentaient la juste valeur et qu’ils seraient peut-être surévalués à court terme.
Nous continuons de surpondérer les marchés boursiers nord-américains, de maintenir une pondération neutre des marchés développés internationaux et de sous-pondérer légèrement les marchés émergents. Les actions offrent une couverture contre l’inflation et sont toujours tributaires de la croissance – deux scénarios qui nous semblent plus probables qu’une récession. Dans un scénario plus morose, la croissance et l’inflation diminuent trop. Si cela se produit, nous nous attendons à ce que les taux de rendement des obligations baissent encore plus bas que leurs récents niveaux et à ce que nos positions en titres à revenu fixe procurent une certaine stabilité aux portefeuilles.
Le mot de la fin – Une mise à jour de nos perspectives pour 2024
Pour connaître notre point de vue global sur ce qui se passera en 2024, consultez nos Perspectives des marchés financiers pour 2024 : De nombreux progrès ont été réalisés et des bases solides ont été jetées. Ce qui suit en est une mise à jour.
Lorsque nous choisissons une voie, notre but est de rester objectifs. Nous prenons souvent des mesures décisives, mais nous savons que l’orgueil ne paie pas. Nous sommes ouverts aux occasions, et nous allons de l’avant en nous efforçant de faire preuve de souplesse dans nos choix afin d’éviter les écueils du dogmatisme. Comme Keynes et Samuelson, lorsque les faits changent, nous changeons d’avis.
Nous demeurons optimistes à l’égard des perspectives de placement. De solides bases sont jetées pour un retour continu à la normale, un contexte où les investisseurs sont récompensés dans l’ensemble des profils de risque. Cependant, compte tenu de la remontée des actions et des obligations, nous estimons que certains des rendements prévus pour 2024 ont commencé à se matérialiser à la fin de 2023. Nous réitérons notre cible de 23 000 pour l’indice composé S&P/TSX à la fin de 2024 (un gain sur 12 mois de 10 %) et faisons passer notre cible de 4 900 à 5 100 pour l’indice S&P 500 (un gain de 7 %). Nous entrevoyons un risque de hausse pour ces cibles, car les estimations initiales de 2025 prévoient une croissance de 10 % à 12 % des bénéfices. Comme ce qui s’est passé à la fin de 2023, les marchés peuvent refléter à l’avance ce qui va se passer dans la prochaine année.
Nous réduisons nos prévisions pour les taux de rendement des obligations canadiennes et les rendements du marché obligataire. Nous prévoyons que les taux d’intérêt disponibles sur les soldes de trésorerie seront de l’ordre de 3,75 % d’ici la fin de 2024. Notre estimation pour la fin de 2024 prévoit un taux de rendement de 3,5 % pour les obligations canadiennes à 2 ans et de 3,25 % pour les obligations canadiennes à 10 ans, ainsi qu’un potentiel de rendement total pour l’ensemble du marché canadien des titres à revenu fixe d’environ 4 %.
Nous tenons à vous remercier du fond du coeur pour la confiance que vous nous accordez et qui nous donne le privilège de travailler en votre nom. Notre responsabilité envers vous demeure une priorité.
Nos meilleurs voeux à vous et à vos proches pour 2024.
Veuillez communiquer avec votre conseiller en placement si vous avez des questions ou si vous souhaitez discuter de vos placements.
1Les indices obligataires sont l’indice Bloomberg U.S. Aggregate Bond, l’indice Bloomberg Emerging Markets Aggregate Bond ($ US), l’indice Bloomberg Pan-European Aggregate Bond et l’indice Bloomberg Japanese Aggregate Bond. Rendements au 31 décembre 2023.
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