« Vendre en mai et s’en aller, pour revenir en septembre à St. Leger’s Day. »
– Adage utilisé par les négociateurs de valeurs mobilières du 18e siècle au Royaume-Uni qui échappaient à la chaleur estivale de Londres pour revenir pour l’épreuve de St. Leger Stakes, la dernière course de la English Triple Crown à la mi-septembre.
Le marché boursier et le marché obligataire ont été secoués en avril, et les deux catégories d’actif se sont repliées de façon simultanée. Cependant, nous avons observé des reprises mobiles continues dans les secteurs de la fabrication et de l’habitation, ainsi qu’une croissance économique mondiale hors des États-Unis, ce qui renforce nos perspectives positives pour les marchés financiers.
Nous avons averti que les marchés boursiers étaient mûrs pour une consolidation des gains récents. Une hausse harmonieuse et ininterrompue des marchés boursiers pendant cinq mois a certainement été la bienvenue. Or, toute bonne chose a une fin. Une pause était nécessaire, ce qui est sain et bienvenu. Il faut rappeler aux investisseurs que les actifs risqués offrent des rendements supérieurs parce qu’ils sont risqués. Éliminez l’incertitude (c.-à-d. que les marchés ne font que progresser) et la complaisance fera disparaître les occasions de primes.
Les marchés financiers ont eu beaucoup à digérer en avril : l’inflation élevée et le ralentissement du PIB aux États-Unis, débats politiques animés concernant le soutien des pays occidentaux à leurs alliés, en plus de la flambée des tensions géopolitiques qui a aggravé la détresse dans un certain nombre de points chauds à l’échelle mondiale. Pour le moment, les tensions se sont apaisées; l’aide commence à affluer. À notre avis, les glissades de 3 à 5 % des marchés boursiers en avril étaient des épisodes de volatilité ordinaires. Nous sommes encouragés par le fait que les marchés ont résisté aux manchettes moroses. La réalité d’avril n’a pas été aussi évidente. Si nous examinons la situation de plus près, certaines données révèlent des aspects positifs.
Recul de l’inflation
Parmi les événements défavorables qui ont secoué les marchés, le pire a été un coupable bien connu : l’inflation aux États-Unis. Après avoir aligné des hausses-surprises en janvier et février, on ne pouvait plus passer sous silence les données élevées de mars. Ces deux mois auraient pu être considérés comme des anomalies. Or, il suffit d’un troisième mois pour qu’une tendance se dessine; l’inflation aux États-Unis demeurait bel et bien élevée.
La mesure d’inflation privilégiée par la Réserve fédérale américaine (Fed), à savoir l’inflation de base liée aux dépenses personnelles de consommation (PCE), s’établit maintenant à 2,8 % sur 12 mois. La hausse annuelle de l’indice des prix à la consommation (IPC) global est de 3,5 %. Bien que ces niveaux soient beaucoup moins préoccupants que les taux de 5,5 % et de 9 % enregistrés lorsque l’inflation a atteint un sommet, ils ne sont pas non plus assez proches de la cible de 2 % de la Fed pour justifier toutes les réductions de taux auxquelles les investisseurs s’attendent. Pour couronner le tout, la deuxième mesure clé de la Fed, l’indice des coûts d’emploi (ICE), a inscrit sa première hausse trimestrielle depuis un an. Cette hausse marque la fin d’une tendance à la baisse constante. Avec une hausse de 4,2 % sur 12 mois, l’indice demeure stable (ce qui est quand même mieux qu’une hausse). Cependant, ce niveau de 4,2 % est encore un peu trop élevé pour s’arrimer à une inflation de base à 2 %. La hausse des coûts de la main-d’oeuvre risque d’inciter les entreprises à relever leurs prix (inflation), à moins que la productivité augmente de façon substantielle pour compenser la croissance des salaires. Malheureusement, la productivité qui se maintenait bien au-delà des 3 % depuis plusieurs trimestres, a reculé au premier trimestre pour s’établir à 0,3 % à peine.
Les effets dévastateurs de l’inflation et des coûts de l’emploi élevés ont coupé court aux attentes (qui s’amenuisaient déjà) quant au nombre de réductions de taux d’intérêt que la Fed effectuera en 2024. Cet ajustement entraîne nécessairement une réévaluation des actions et des obligations : hausse des taux de rendement et baisse des cours des obligations et des actions. Pourtant, dans un contexte de croissance des bénéfices, on peut considérer la baisse des valorisations boursières comme un point positif.
Les données évoluent toujours en dents de scie. Le rapport sur l’emploi aux États-Unis publié le 3 mai a été étonnamment faible, ce qui, conjugué au ralentissement de la croissance des salaires a fait augmenter la probabilité d’atterrissage en douceur et de baisse des taux par la banque centrale. Les obligations et les actions ont commencé le mois en force.
Au début de l’année, les attentes quant aux réductions de taux de la Fed étaient beaucoup trop optimistes. Les marchés prenaient en compte jusqu’à six baisses d’un quart de point en 2024. Nous n’avons jamais été de cet avis, mais compte tenu des données récentes et du fait que les élections américaines pourraient influer sur le calendrier des baisses de taux, nous nous attendons maintenant à ce que la Fed effectue trois réductions de 0,25 % d’ici la fin de janvier 2025. Nous pourrions même avancer que les probabilités sont plus élevées d’observer plus de trois baisses et non moins. L’amélioration sur le plan des dynamiques de l’inflation et le profil de croissance plus faible au Canada pourraient encore inciter la banque centrale à baisser les taux en juin. Entre deux et trois réductions de taux sont toujours prévues pour 2024.
Nous avons de bonnes raisons de croire que la croissance économique ralentira aux États-Unis, ce qui aura pour effet d’assouplir le marché du travail, de modérer les hausses salariales et d’ouvrir la voie à des réductions de taux. En attendant, il faudra faire preuve de patience. Les banques centrales évoquent toujours des réductions de taux; la question n’est pas de savoir si elles auront lieu, mais quand elles auront lieu et quelle en sera l’ampleur. Nous ne croyons pas aux rumeurs selon lesquelles il y aurait des hausses de taux aux États-Unis – plusieurs conditions devraient être réunies pour qu’un tel scénario se produise, dont une importante reprise de l’inflation et non une simple stagnation. Par ailleurs, aucune hausse de taux n’est évoquée au Canada.
PIB – n’est pas l’acronyme de « problème intérieur brut »
En plus des piètres données aux États-Unis, le PIB a semblé plutôt faible au premier trimestre. De fait, la croissance économique a ralenti pour s’établir à 1,6 % sur une base trimestrielle annualisée, ce qui est inférieur aux prévisions consensuelles de 2,5 %. Compte tenu de l’inflation élevée et de la faiblesse de la croissance, les mêmes pessimistes que d’habitude ont évoqué un scénario redoutable de stagflation. Le président de la Fed, Jerome Powell, a écarté cette éventualité lors de la réunion de la banque centrale qui s’est tenue en mai, en disant que rien ne laissait présager un tel scénario. Les données ne permettent tout simplement pas d’en arriver à une telle conclusion.
Un élément encourageant se cache dans le rapport sur le PIB, qui indique une baisse des dépenses gouvernementales et une hausse des importations par rapport aux exportations. Les consommateurs et les entreprises, le coeur de l’économie américaine, se portent toujours bien. Si vous jugez que les données sur le PIB sont insuffisantes, laissez-moi vous présenter un deuxième argument. Compte tenu de l’ampleur des dépenses publiques et des déficits, un petit tour de vis chez l’oncle Sam est à notre avis une excellente nouvelle. Compte tenu de la vigueur du dollar américain (porté par la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis, la forte croissance du PIB et la politique monétaire orientée vers le maintien des taux d’intérêt élevés), nous devrions nous attendre à ce qu’il y ait plus d’importations et moins d’exportations. Un autre aspect positif. Des importations moins chères entraînent une baisse de l’inflation et un transfert de la demande (c.-à-d. la croissance économique) vers des partenaires commerciaux des États-Unis. Nous voulons que la croissance américaine ralentisse un peu pour atténuer l’inflation et nous voulons que la croissance du reste du monde, dont les préoccupations ont supplanté celles à l’égard de l’inflation, s’accélère. Ces conditions sont propices à un atterrissage en douceur à l’échelle mondiale.
Perspectives des marchés boursiers
Malgré les baisses enregistrées en avril, les gains en pourcentage que tous les grands indices boursiers que nous suivons ont inscrit depuis le début de l’année demeurent supérieurs à 5 % (à l’exception des petites et moyennes capitalisations américaines, en particulier l’indice Russell 2000).
Les actions ont profité de nombreux facteurs positifs. À la fin du mois, les tensions géopolitiques s’étaient quelque peu apaisées. À l’extérieur des États-Unis, l’inflation continue de baisser, tandis que la croissance économique continue de progresser. L’Europe et la Chine ont publié des données économiques supérieures aux attentes, ce qui a retenu l’attention des investisseurs grâce à leur bonne performance. En Europe, après des années au cours desquelles seuls les plus grands pays poussaient à la roue, il est encourageant de voir les pays périphériques commencer enfin à contribuer généreusement à la croissance de l’Europe.
En avril, l’indice composé S&P/TSX, l’indice S&P 500 et l’indice EuroStoxx 50 ont reculé respectivement de 2 %, de 4,2 % et de 3,2 %, alors que l’indice FTSE 100 du Royaume-Uni a progressé de 2,4 %. L’indice MSCI Chine a finalement réussi à reprendre des forces pour rebondir de 6,4 % pour le mois. L’indice japonais Nikkei s’est replié de 5 %, tandis que l’indice MSCI Marchés émergents (en $ US) a tout juste avancé de 0,3 %.
La croissance des bénéfices à la rescousse
Les bénéfices des sociétés revêtent la plus haute importance pour les investisseurs. La croissance des bénéfices au premier trimestre de 2024 est meilleure que prévu, ce qui contribue à contrebalancer les baisses du marché boursier. La croissance des bénéfices est au centre de nos perspectives et de notre positionnement qui fait la part belle aux actions. La robustesse des bénéfices en avril a été très encourageante.
L’accélération de la croissance des bénéfices se propage également à d’autres marchés et surpasse les prévisions des analystes aux États-Unis, en Europe, au Japon et au Canada. Aux États-Unis, ce ne sont plus seulement les plus grandes sociétés qui enregistrent de solides bénéfices. L’accélération de la croissance mondiale et la confiance des consommateurs aux États-Unis font grimper à nouveau les prix des matières premières (à l’exception du pétrole, qui a reculé durant le mois malgré les tensions au Moyen-Orient). La composante des matières premières de l’indice S&P/TSX en a profité (et produit un rendement légèrement positif pour les actions canadiennes à petite capitalisation). Bien que notre indice ait reculé au cours du mois, il ne s’est replié que de 3,6 % du sommet à son creux, comparativement à 5,5 % pour l’indice S&P 500.
Depuis plusieurs mois, les attentes exagérées, les évaluations trop élevées et la complaisance des investisseurs nous préoccupent. Les événements d’avril ont atténué ces éléments dans une certaine mesure, ce qui, selon nous, est une bonne chose pour les marchés boursiers. Pour le moment, il est impossible de savoir si cette correction est terminée ou si d’autres faiblesses se profilent à l’horizon. Cependant, nous continuons de penser que le contexte est favorable aux actions pour le reste de l’année. Ces éléments positifs n’ont rien d’anecdotique, bien au contraire : il s’agit de changements fondamentaux que nous espérons voir et qui sont nécessaires pour prolonger le cycle. À ce stade-ci, il semble que le mois d’avril n’est rien de plus qu’une pause bienvenue après une robuste remontée de cinq mois des actions mondiales.
Perspectives du marché obligataire
Les obligations ont éprouvé des difficultés en avril, mais le rebond des taux de rendement qui ont renoué avec leurs sommets d’octobre 2023 les rend plus attrayantes. En avril, l’indice des obligations universelles FTSE Canada a glissé de 2 %. Il s’agit d’un recul de 3,2 % jusqu’ici cette année, mais il affiche toujours des gains de 3,5 % sur six mois, ce qui est conforme à nos attentes.
Les taux de rendement des obligations américaines tracent la voie à suivre. Maintenant que les investisseurs s’attendent à un nombre inférieur de réductions de taux de la Fed, les taux de rendement des obligations américaines et, par extension, les taux des obligations mondiales, ont grimpé jusqu’au trois quarts environ de leurs sommets d’octobre 2023 (qui ne s’étaient pas vus depuis dix ans). Sauf aux États-Unis, les banques centrales ont le feu vert pour réduire les taux dans les prochains mois, y compris au Canada. Le 1er mai, la Fed a répété qu’elle incluait toujours des réductions de taux dans son scénario de référence pour 2024.
Les titres à revenu fixe procurent des rendements sous forme de revenu ou de gains en capital. Les taux de rendement des obligations canadiennes se situent entre 3,8 % et 4,9 %, ce qui signifie que le revenu est au rendez-vous, et que les taux de rendement peuvent encore baisser, ce qui alimentera la progression des cours. Selon nous, les taux de rendement des obligations canadiennes se situeront en avril près du haut de la fourchette que nous prévoyons pour 2024.
Notre stratégie – Équilibrée avec surpondération des actions
Si l’inflation demeure élevée en raison d’une croissance plus vigoureuse aux États-Unis et dans le monde, les actions seront plus attrayantes que les obligations. Ainsi, nous continuons de surpondérer les actions, surtout les actions canadiennes et américaines. Nous accordons une pondération neutre aux marchés développés internationaux (Europe et Japon) et nous sous-pondérons les marchés boursiers émergents.
Nous maintenons la sous-pondération des titres à revenu fixe. Dans cette composante, nous investissons massivement dans des titres de créance de sociétés de catégorie investissement de grande qualité et nous sous-pondérons les obligations à rendement élevé moins bien cotées. Cette position nous a bien servis jusqu’à présent en 2024, compte tenu de la hausse des taux. Nous sommes plus optimistes à l’égard des titres à revenu fixe à ce stade-ci que nous l’étions au début de l’année.
En avril, nous avons eu la preuve que notre approche bien diversifiée demeure prudente. Les actions américaines dégagent des rendements supérieurs depuis un certain temps. En avril, nos positions dans les actions canadiennes, internationales et des marchés émergents ont offert un meilleur rendement que nos placements dans les actions américaines.
L’une des raisons pour lesquelles nous surpondérons les actions américaines est l’avantage que procure l’exposition aux devises. Cet avantage nous a bien servi en avril. L’indice S&P 500 a reculé de 4,2 % en dollars américains, mais la vigueur du billet vert par rapport au huard a fait fondre ce recul de presque la moitié pour s’établir à 2,6 %.
Le mot de la fin – Mieux vaut éviter de « vendre en mai et s’en aller »
En raison de notre approche de placement fondamentale à long terme, nous appuyons nos stratégies de négociation sur des recherches complexes et une expérience du marché. Cependant, le printemps est arrivé, ce qui amènera inévitablement certains investisseurs à se demander s’ils devraient suivre le vieil adage et vendre leurs placements en actions ce mois-ci pour revenir sur le marché en septembre. Nous rappelons aux clients que la meilleure stratégie consiste à garder ses placements au lieu de prendre des décisions en fonction d’une légende urbaine.
Une recherche rapide dans Google permettra de trouver une avalanche de données qui viendront réfuter cette théorie pour un grand nombre de périodes et de marchés, y compris l’indice Dow Jones, l’indice S&P 500, sans oublier le marché boursier du Royaume-Uni, où ces combines ont commencé il y a près de 250 ans. Même si une certaine saisonnalité des rendements du marché montre que les actions se comportent mieux entre novembre et avril qu’entre mai et octobre, il n’en demeure pas moins que le rendement varie considérablement d’une année à l’autre. La conclusion à laquelle on arrive invariablement est qu’il vaut mieux conserver ses placements. Aussi tentant que cela puisse être, ne vous fiez pas aux vieux adages. Faites plutôt confiance à la manne de données historiques, adoptez une approche bien diversifiée et restez sur les marchés.
Veuillez communiquer avec votre conseiller en placement si vous avez des questions ou si vous souhaitez discuter de vos placements.
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