« Être optimiste, c’est entre autres garder la tête tournée vers le soleil en mettant un pied devant l’autre. »
– Nelson Mandela
Les marchés boursiers ont enregistré des gains substantiels au premier trimestre de 2024 – bon nombre d’entre eux ayant progressé de plus de 5 % sur 12 mois. La liste des marchés qui affichent de nouveaux sommets historiques est longue. Les titres à revenu fixe ont inscrit un rendement légèrement négatif au premier trimestre, cédant une partie des gains démesurés du quatrième trimestre de 2023. Sans surprise, compte tenu de l’évolution des événements macroéconomiques.
Les principaux thèmes demeurent l’inflation, la croissance économique ainsi que les mesures adoptées par les banques centrales, le tout avec une pointe de politique et de géopolitique. Cependant, de nombreux thèmes économiques semblent s’être améliorés (pas tant que ça en ce qui concerne la politique et la géopolitique). On s’inquiète d’une exubérance excessive qui s’insinue sur le marché boursier. Des questions se posent quant aux limites du rendement supérieur des actions américaines, et quant à la direction à prendre.
Inflation – Cahoteuse, mais favorable
Dans l’ensemble, l’inflation baisse dans la plupart des économies mondiales. Aux États-Unis, elle a évolué dans la mauvaise direction et a stagné après le creux inattendu de décembre. Une légère reprise a été enregistrée sur deux mois consécutifs, en janvier et en février. Le Canada s’en est mieux tiré. On peut célébrer le fait que pour la première fois, en janvier et en février, l’inflation au Canada a enregistré sur deux mois consécutifs des données inférieures à 3 % en près de trois ans. Le meilleur étant que cette baisse a accompagné une croissance étonnamment forte du PIB en début d’année. L’économie canadienne semble avoir progressé de 1,0 % pendant les deux premiers mois de 2024, soit une croissance équivalente à celle de l’ensemble de 2023.
La lutte contre l’inflation n’est pas terminée, mais le pire est peut-être derrière nous. Aujourd’hui, la dynamique la plus inquiétante en matière d’inflation concerne les salaires et le logement, ce qui pourrait être considéré comme « moins dommageable » que le fardeau de la hausse des prix des aliments et de l’énergie. La croissance des salaires et des loyers a un bon côté. La première met de l’argent dans le portefeuille des gens, ce qui stimule la demande globale. La seconde est un coût pour les locataires, mais un revenu pour les propriétaires. Les deux sont des signaux essentiels liés aux prix qui stimulent l’offre de travailleurs et de logements. En d’autres termes, il s’agit de réactions positives vis-à-vis de l’offre.
Cependant, ces réactions ont besoin de temps pour s’épanouir; et les banques centrales le comprennent bien, puisqu’elles laissent entendre que ce type d’inflation est plus tolérable. Compte tenu des progrès importants qu’elles ont réalisés pour maîtriser l’inflation, il est peu probable que les banques centrales créent une récession pénible simplement pour éliminer les dernières décimales inflationnistes afin d’atteindre leurs cibles d’inflation de 2 %.
Les banques centrales : elles tiennent bon ou elles reculent
Maintenant que l’inflation recule et que la croissance se stabilise, la plupart des banques centrales cherchent à abaisser les taux.
Vous vous souvenez des taux plus élevés pendant longtemps? Nous avons eu les deux. La Réserve fédérale américaine (la Fed) a maintenu le taux des fonds fédéraux à 5,5 % pendant huit mois. Il s’agit de la deuxième plus longue pause de taux depuis 1990, à l’un des niveaux les plus élevés (le plus élevé étant celui de 6,5 % de 1999 à 2000). De même, la Banque du Canada (BdC) a maintenu son taux directeur à 5 % pendant huit mois, ce qui est également rare.
Nous pensons que la Fed réduira ses taux de 0,25 % en juillet, puis qu’elle procédera à deux autres réductions d’un quart de point plus tard en 2024. Les données canadiennes sur l’inflation pourraient permettre à la BdC de réduire plus rapidement ses taux, mais le marché de l’habitation du printemps pourrait entrer en jeu : si les prix s’envolent, les réductions pourraient être retardées. À notre avis, la BdC se comportera comme la Fed et procédera à trois réductions de 0,25 %, à compter de juillet.
Perspectives des marchés boursiers
La plupart des marchés mondiaux ont inscrit des gains au premier trimestre. L’indice composé S&P/TSX a progressé de 5,8 %, l’indice S&P 500 de 10,2 %, l’indice EuroStoxx 600 de 7 %, l’indice japonais Nikkei de 20,6 %, l’indice chinois CSI 300 de 3,1 % et l’indice MSCI Marchés émergents ($ US) de 1,6 %.
Si les marchés boursiers se sont redressés à la fin de 2023 en prévision d’une baisse des taux obligataires, pourquoi les actions continuent-elles de se redresser dans un contexte de hausse de ces taux en 2024? La question est de savoir si les taux obligataires progressent à cause de la croissance ou de l’inflation. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, si nous faisons face à une dynamique inflationniste « moins mauvaise », cela signifie qu’il y a du travail à faire (hausse de l’offre, embauche de travailleurs, construction de maisons) pour que la croissance économique puisse être supérieure à la moyenne. Dans ce contexte, et dans la mesure du raisonnable, l’inflation peut aussi être un peu supérieure à la moyenne. Par le passé, les économies caractérisées par un marché de l’emploi tendu et une forte croissance des salaires ont généré une productivité supérieure. Une productivité plus élevée est au coeur du capitalisme et nourrit tout le monde : les actionnaires, les employés, le gouvernement et la société.
Pour les investisseurs en actions, la croissance des bénéfices est la pierre angulaire, le facteur crucial pour déterminer la valorisation d’une société et l’impulsion derrière la hausse du cours des actions, des dividendes et de la croissance des dividendes.
Les bénéfices ne concernent pas seulement la croissance économique : les coûts et l’efficience sont importants. Au cours des deux dernières années, les sociétés ont craint une récession. Elles ont donc agi comme si elle avait commencé, même si ce n’était pas le cas. En période de récession, les sociétés se serrent la ceinture; l’instinct du capitalisme privilégie d’abord la survie, et ensuite le plaisir. Après deux ans de contrôle des coûts, de hausse du coût d’emprunt, de crainte de récession et de perturbation des chaînes d’approvisionnement, les sociétés sont prêtes à récolter le fruit de leurs efforts, et le soleil se lève (si l’on met de côté l’éclipse solaire). Pendant cinq trimestres, les marges bénéficiaires ont chuté pendant qu’elles se normalisaient après la flambée de la demande post-COVID (inflation cupide). Beaucoup s’inquiétaient de voir leur baisse se poursuivre. À la place, puisque les sociétés se sont serré la ceinture, leurs marges bénéficiaires ont rebondi au cours des trois derniers trimestres.
L’avenir semble prometteur : les sondages sur les perspectives des entreprises, leur confiance et leurs intentions en matière de dépenses s’améliorent. Grâce à une inflation stable et à de bonnes marges bénéficiaires, une croissance économique solide ou mieux permet d’alimenter la croissance des bénéfices. Les sociétés sont prêtes à briller.
À cela nous pouvons ajouter l’attrait des gains de productivité prévus au moyen de l’intelligence artificielle (IA). Même si les avantages de l’IA ne se sont pas encore entièrement matérialisés, l’enthousiasme alimente l’exubérance. Dans certains secteurs, cette exubérance peut être exagérée ou prématurée, mais historiquement, c’est de cette façon que toutes les nouvelles technologies ont été conçues et éprouvées avant de finalement faire progresser les intérêts de l’humanité. Dans l’immédiat, nous observons des investissements dans l’innovation et la technologie. Bien que l’on en soit encore aux premiers pas de l’IA, la mise en oeuvre numérique, la robotique et l’infonuagique sont toutes intégrées à notre réalité.
On dit que les actions ne sont pas bon marché. Mais dans ce contexte, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’elles le soient. Cependant, leurs prix ne sont pas aussi exagérés que certains le pensent. Les indices boursiers de référence au Canada, en Europe et en Chine, une version équipondérée de l’indice S&P 500, et l’indice Russell 2000 des petites sociétés américaines se négocient tous sous leur moyenne sur 10 ans du ratio cours-bénéfice moyen sur 12 mois. Auparavant surtout stimulée par une poignée de sociétés américaines à très grande capitalisation, la remontée du marché boursier s’étend à plus de régions du monde et de segments du marché.
On a beaucoup parlé de l’augmentation de plus de 25 % de l’indice S&P 500 depuis son creux d’octobre dernier. En fait, d’autres grands indices boursiers, dont ceux de l’Allemagne, du Japon et de Taïwan, ont aussi progressé de plus de 25 %. Le rebond ne s’est pas non plus limité aux grandes sociétés. L’indice Russell 2000, l’indice des petites capitalisations américaines, fait également partie du club des plus de 25 %. Le Canada reste relativement à la traîne, mais un rendement de 18 % par rapport au creux d’octobre ne fait pas trop pitié.
Nous rappelons aux investisseurs que les marchés boursiers trébuchent. Les investisseurs expérimentés savent que des corrections boursières de l’ordre de 10 % surviennent généralement tous les 8 à 18 mois. Après des gains substantiels et continus depuis octobre, une certaine consolidation pourrait être de mise.
Même si les gains boursiers enregistrés après le mois d’octobre sont impressionnants, ils ne sont pas sans précédent. Les progrès technologiques des années 1920 – automobile, avion, radio, chaîne de production, réfrigération et plus encore – ont fortement contribué à un rendement du marché boursier de plus de 20 % sur cinq ans pendant cette décennie. La révolution Internet des années 1990 a vu la progression la plus spectaculaire de l’indice S&P 500 : cinq années consécutives de rendements annuels supérieurs à 20 %.
C’est l’air du temps en ce début de 2024. Les prix à la consommation continueront d’augmenter, mais beaucoup moins qu’avant, et les gens bénéficient de hausses de salaire. Dans les pays où la productivité progresse (la productivité est particulièrement résiliente aux États-Unis), la hausse des salaires n’est pas un problème : elle stimule la demande, mais pas l’inflation. À l’échelle mondiale, la croissance économique est de solide (États-Unis et Inde) à acceptable, mais en amélioration (et meilleure que prévu) à peu près partout ailleurs. Les cours boursiers peuvent progresser avec des taux obligataires plus élevés lorsque ces taux augmentent en raison d’une croissance plus robuste. Dans ce cadre, les taux obligataires se stabiliseraient à des niveaux modérés et les actions établiraient de nouveaux records. Si la croissance économique est meilleure que prévu, la croissance des bénéfices devrait l’être aussi, ce qui nous permet de rester optimistes quant aux perspectives des actions.
Perspectives du marché obligataire
Les obligations ont fait face à des obstacles au premier trimestre à cause de la vigueur de la croissance économique, de résultats contrastés en matière d’inflation et de la possibilité d’un nombre inférieur de réductions de taux par les banques centrales en 2024. Le rendement total de -1,2 % de l’indice des obligations universelles FTSE Canada au premier trimestre de 2024 devrait être comparé au rendement démesuré de 8,3 % du quatrième trimestre de 2023. Le rendement total combiné sur six mois est un excellent 6,5 %. Nous ne pensons pas que les titres à revenu fixe reproduiront ce rendement exceptionnel (et nous ne le souhaitons pas non plus, car cela signifie probablement que quelque chose a mal tourné dans l’économie). Cependant, des taux obligataires aux niveaux actuels nous semblent raisonnables. Ils continuent d’offrir un revenu décent et une protection en cas de baisse si l’économie devait s’essouffler.
Notre stratégie – Équilibrée, avec une préférence pour les actions
Nous continuons de surpondérer les actions, surtout les actions canadiennes et américaines. Nous accordons une pondération neutre aux marchés développés internationaux (Europe et Japon) et nous sous-pondérons les marchés boursiers émergents.
Nous maintenons la sous-pondération des titres à revenu fixe. Dans cette composante, nous investissons massivement dans des titres de créance de sociétés de catégorie investissement de grande qualité et nous sous-pondérons les obligations à rendement élevé moins bien cotées.
Étant donné que les actions américaines ont inscrit un rendement supérieur, nos pondérations relatives des actions régionales ont évolué. Nous utilisons plusieurs stratégies. Nous laissons les titres américains gagnants progresser un peu plus, tout en veillant à ce que notre exposition aux secteurs les plus coûteux du marché américain reste raisonnable. Dans les cas où le déséquilibre contrevient à notre tolérance, nous procédons à un rééquilibrage.
Nous continuons de voir une bonne valeur dans les actions canadiennes, qui sont plus sensibles aux taux d’intérêt et à la croissance mondiale. Les obstacles découlant du ralentissement de la croissance et de la hausse des taux ces dernières années semblent s’estomper, car l’économie mondiale se redresse et les banques centrales réfléchissent aux baisses des taux d’intérêt. Les anciennes difficultés du Canada devraient devenir des facteurs favorables.
Le mot de la fin – L’exception américaine
Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, le rendement des actions américaines a dépassé les attentes. Une amélioration du contexte nous a incités à relever notre cible de l’indice S&P 500 à deux reprises au cours des quatre derniers mois, la faisant passer de 4 900 à 5 100, puis à 5 400. Même s’il ne s’agit pas encore d’une décision officielle, nous avons un scénario de hausse qui pointe à 5 600.
La surperformance du marché boursier et la taille même du marché américain ont été qualifiées d’exceptionnalisme américain. Nous ne considérons pas cela comme un exceptionnalisme américain, mais plutôt comme un exceptionnalisme mondial, qui s’est installé dans la région la plus favorable disponible.
Les sept magnifiques (Apple, Microsoft, Nvidia, Alphabet, Amazon, Meta et Tesla), ainsi que de nombreuses autres sociétés qui composent l’indice S&P 500, ne sont pas uniquement des sociétés américaines : ce sont des sociétés mondiales qui sont basées aux États-Unis. Songez au fait que quatre des sept chefs de la direction des sept magnifiques ne sont pas nés aux États-Unis (deux en Inde, un en Taïwan et un en Afrique du Sud). Pour les personnes riches et talentueuses, l’Amérique du Nord – et les États-Unis en particulier – est un endroit attrayant où vivre. Elles sont généralement attirées par le beau temps, les impôts relativement faibles et de nombreuses façons de dépenser son argent.
Au-delà de cela, malgré tout ce que les États-Unis sont et ne sont pas en ce moment, ils offrent largement ce dont les sociétés ont besoin pour prospérer. Ajoutez-y un accès au bassin de capitaux le plus profond du monde (les plus grands marchés boursiers et obligataires) dans la monnaie la plus acceptée du monde, en anglais, la principale langue d’affaires la plus parlée au monde. Ils offrent une infrastructure solide, physique et sociale (démocratie, système juridique de confiance, santé), qui soutient la croissance, la productivité et l’innovation. Des études supérieures de calibre mondial donnent accès à de la main-d’oeuvre, qui doit être de plus en plus hautement spécialisée.
Les États-Unis ne sont pas le seul endroit où les entreprises peuvent prospérer, et ce n’est pas parce que d’autres pays ne sont pas attrayants ou que les États-Unis sont parfaits, loin de là. Cependant, le fait qu’un si grand nombre des plus grandes sociétés du monde choisissent de s’établir aux États-Unis – et dans l’indice S&P 500 – ne devrait pas nous surprendre autant.
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