« Donnez de l’or aux sots et du pouvoir aux vauriens; que les vagues de la fortune aillent et viennent; celui qui ensemence un champ, tuteure une fleur ou plante un arbre est le plus grand de tous. »
– John Greenleaf Whittier (1807-1892), poète et abolitionniste américain
De solides résultats ont été enregistrés sur le marché boursier au premier semestre de 2024. Les taux obligataires ont été volatils; le marché obligataire canadien a inscrit une légère perte depuis le début de l’année. En date de la fin juin, l’investisseur canadien représentatif détenant un portefeuille équilibré et bien diversifié affichait un rendement total d’environ 5 %.
Dans l’ensemble, le contexte macroéconomique mondial est satisfaisant, surtout si l’on tient compte de la situation de départ (inflation élevée et croissance mondiale en berne). Comme toujours, il y a des signaux contradictoires, mais la majorité d’entre eux semblent annoncer un atterrissage en douceur, ce qui est conforme à notre scénario de référence et à ce que tout le monde espérait de façon générale. Il s’agit du scénario idéal : une croissance économique ni trop forte ni trop faible qui permettrait une dissipation des perturbations causées par la COVID-19, un rééquilibrage de l’offre et de la demande, et un retour de l’inflation dans une fourchette acceptable (généralement entre 1 % et 3 %).
Compte tenu du contexte macroéconomique favorable, les principaux marchés boursiers mondiaux sont vigoureux cette année, la plupart d’entre eux affichant une progression de l’ordre de 5 % à 10 %. Les indices S&P 500 et NASDAQ sont en tête de liste et font sourciller (encore une fois), car les gains sont concentrés dans une poignée d’actions dont les valorisations ne sont pas bon marché. Selon nous, il s’agit d’un scénario optimiste.
Que les réductions de taux commencent!
La croissance économique à l’extérieur des États-Unis s’accélère. La croissance n’est pas galopante, ce qui n’est pas surprenant après près de trois ans de resserrement de la politique monétaire. À l’heure actuelle, on ne vise pas une forte croissance économique, car un tel scénario pourrait alimenter l’inflation, qui n’est pas encore tout à fait maîtrisée. Dans de nombreux pays, l’inflation est sur la bonne voie : 11 des pays du G20 affichent une inflation inférieure à 3 %. De même, plus de la moitié des 130 pays suivis par Bloomberg à l’échelle mondiale enregistrent une inflation inférieure à 3 %.
Même si la situation aux États-Unis est plus mitigée, les perspectives demeurent favorables. L’économie américaine ralentit (sans s’effondrer). L’activité dans le secteur de l’habitation ne peut pas décoller en raison des coûts hypothécaires élevés et de l’offre limitée (les faibles taux hypothécaires octroyés par le passé clouent les propriétaires américains sur place). Les consommateurs sont à bout de forces sous l’effet des coûts d’emprunt plus élevés pour les achats importants, des soldes de carte de crédit et de l’épuisement d’une grande partie de l’épargne accumulée durant la pandémie. Le taux de chômage, qui se situait à des niveaux historiquement bas, augmente graduellement. Le marché de l’emploi est en voie de trouver l’équilibre, mais la croissance des salaires demeure élevée.
Après avoir causé la panique au début de l’année, l’inflation aux États-Unis semble avoir renoué avec une tendance légèrement à la baisse. Les données mensuelles les plus récentes sur l’inflation aux États-Unis ont été surprenantes, à 0,0 %. En mai, l’inflation de base liée aux dépenses personnelles de consommation (la mesure privilégiée de la Réserve fédérale américaine) a recommencé à baisser, passant de 2,8 % auparavant à 2,6 % sur 12 mois.
Néanmoins, l’inflation élevée des deux dernières années pèse psychologiquement sur les consommateurs. Des consommateurs plus avertis, qui ne peuvent ou ne veulent pas se lancer dans des « dépenses de revanche » ou appliquer l’adage selon lequel « on ne vit qu’une seule fois », devraient favoriser une poursuite du ralentissement de l’inflation. Un scénario semblable se dessine partout dans le monde.
Étant donné que l’économie américaine s’est montrée plutôt résiliente et que l’inflation vient tout juste de renouer avec une tendance baissière, la Réserve fédérale américaine (la Fed) demeure réticente à amorcer un cycle de réduction des taux d’intérêt. Compte tenu des failles économiques mentionnées précédemment, nous croyons que l’inflation continuera de baisser suffisamment et que les mesures de l’activité économique aux États-Unis s’atténueront de manière satisfaisante, au point où la Fed procédera à deux réductions de taux de 0,25 point de pourcentage cette année. La première sera probablement appliquée en septembre, et la seconde, en décembre.
Le secteur manufacturier mondial tente d’atteindre le creux de la vague afin d’entamer une remontée. Pour s’accélérer, l’activité dans le secteur de l’habitation a besoin d’un répit des taux d’intérêt élevés – ce qui, selon nous, se profile à l’horizon. La consommation ralentit, mais la hausse des salaires et le niveau d’emploi alimentent des perspectives positives. Ces lueurs d’espoir dans l’économie mondiale (hors États-Unis) devraient être soutenues par la réorientation de la plupart des banques centrales – hormis la Fed – vers une réduction des taux d’intérêt. L’abaissement des taux d’un quart de point de la Banque du Canada (BdC) en juin a placé la banque centrale à l’avant- garde, aux côtés de la Banque centrale européenne ainsi que de la Suisse et de la Suède, qui ont également réduit leurs taux. Les dernières données de l’indice des prix à la consommation au Canada ont été décevantes : le taux annuel a légèrement augmenté pour atteindre 2,9 %. Cependant, si l’on ne tient pas compte des coûts des loyers et des prêts hypothécaires, l’inflation s’établit à moins de 2 %. Nous prévoyons que la BdC abaissera les taux d’intérêt à deux reprises plus tard cette année, probablement d’un quart de point en septembre et en décembre.
L’action moyenne peut encore progresser
Depuis le début de l’année, le rendement des indices S&P 500 et NASDAQ a été exceptionnel (en hausse de 14,5 % et de 18 %, respectivement). Une poignée de sociétés, principalement dans le secteur des technologies, ont publié des rendements spectaculaires qui ont fortement contribué à ce résultat. Certains experts s’inquiètent de la concentration des rendements, mais ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se produit. En effet, nous avons abordé cette question dans notre commentaire de mi-année 2023.
Nous réitérons notre point de vue de l’an dernier : historiquement, lorsque l’étoile des mégacapitalisations commence à pâlir, l’ensemble du marché s’en tire à bon compte. C’est à ce moment que les occasions se révèlent. Quelques titres se sont envolés et sont devenus très chers, mais ils laissent dans leur sillage un grand nombre d’actions qui présentent des valorisations plus attrayantes. Ce n’est pas parce que certaines multinationales mondiales établies aux États-Unis font la course en tête que d’autres marchés ne peuvent pas faire bonne figure. La preuve est que depuis que ces mêmes préoccupations ont été soulevées il y a 12 mois, la plupart des marchés boursiers mondiaux (à l’exception des indices S&P 500 et NASDAQ), y compris les indices des petites et moyennes entreprises, ont progressé de 10 % à 14 % au cours de la dernière année.
Nous entrevoyons un environnement fertile pour les actifs à risque, étant donné que les économies connaissent une stabilisation ou une reprise, que le pire de l’inflation est passé, et que l’assouplissement de la politique monétaire est amorcé ou imminent.
Fait important, récession ou non, de nombreuses sociétés ont vu leurs bénéfices chuter et ont craint une récession économique, ce qui a entraîné des rationalisations ainsi que des gains d’efficience. Au cours des dernières années, où les bénéfices des sociétés ont été modestes, les salaires, les coûts des intrants et les coûts d’emprunt ont augmenté. À mesure que la demande mondiale se stabilise (accélération à certains endroits et léger ralentissement aux États-Unis), les sociétés peuvent générer une croissance des bénéfices typique d’une reprise.
Même si le rebond des bénéfices ne sera pas aussi spectaculaire qu’il le serait après une récession réelle, on devrait voir au moins un retour à la normale, si ce n’est une légère amélioration. La normale correspond à une croissance des bénéfices avoisinant les 10 %. Un taux dans une fourchette de 10 % à 15 % ne serait donc pas surprenant. Une croissance des bénéfices dans cette fourchette et des valorisations boursières respectables pour un large éventail de sociétés devraient contribuer à des rendements boursiers de l’ordre de 10 %. On peut certes déplorer que seule une poignée de sociétés aient stimulé le rendement, mais cela signifie corollairement que seule une poignée d’entre elles sont chères.
Cette situation se reflète dans les rendements décents, mais pas extravagants, de la plupart des marchés à l’extérieur des États-Unis. Au cours des six premiers mois de 2024, l’indice composé S&P/TSX a gagné 4,4 %. L’indice boursier européen Stoxx 50 a progressé de 8,2 %. L’indice FTSE 100 du Royaume-Uni a avancé de 5,6 %. L’indice boursier japonais Nikkei 225 a pris 18,3 % (compte tenu de la chute de 14 % du yen, ce rendement diminue considérablement pour s’établir à 3,6 % en dollars américains). L’indice MSCI Marchés émergents ($ US) a grimpé de 6,1 %. Même aux États-Unis, les indices S&P 500 et NASDAQ ont inscrit des gains dans les deux chiffres, tandis que l’indice S&P 500 équipondéré a progressé de 4,1 %, et l’indice Dow Jones des valeurs industrielles, de 3,8 %.
Les plus grandes sociétés américaines sont des franchises exceptionnelles qui génèrent une croissance des bénéfices remarquable. Or, il existe également de nombreuses occasions en dehors de ces titres. Tous ces facteurs nous amènent à surpondérer les actions.
Notre stratégie – Équilibrée, avec une préférence pour les actions
Si nous réexaminons notre scénario de référence, que nous maintenons depuis la publication de nos perspectives pour 2024 en décembre dernier, les liquidités devraient produire à la fin de l’année un rendement annualisé dans la fourchette inférieure de 4 %, sans changement par rapport à notre point de vue de décembre.
Nous avions envisagé un rendement de 6 % du marché obligataire. L’indice des obligations universelles FTSE Canada a reculé de 0,4 % cette année. Le taux de rendement courant est supérieur à 4 %, et nous entrevoyons une légère progression des cours qui pourrait générer un rendement supplémentaire de 1 %. Nous prévoyons un rendement de 3,5 % pour le second semestre, et de 4 % pour l’ensemble de l’année. Ces perspectives sont un peu moins élevées que nos prévisions initiales, mais demeurent décentes. En cas d’événement de risque entraînant une ruée vers les valeurs refuges, nos placements dans les obligations de qualité supérieure pourraient offrir une certaine stabilité, car des rendements dans une fourchette de 8 % à 10 % sont tout à fait possibles.
En ce qui concerne les marchés boursiers, nos estimations publiées en décembre tablaient sur un rendement total des actions canadiennes de 10 % à 12 % pour l’ensemble de l’année. Un rendement de 4 % a été enregistré jusqu’à présent; il reste donc à générer de 6 % à 8 %. Nous demeurons à l’aise avec nos prévisions. Cependant, pour obtenir un tel rendement, il faudra que la Fed abaisse les taux afin que la BdC puisse maintenir sa position de baisse des taux.
Dans le cas de l’indice S&P 500, la plupart des prévisions des analystes de décembre ont été mises au rancart. Notre estimation initiale s’établissait à 4 900 points, et nous étions parmi les plus optimistes. Nous l’avons révisée à la hausse pour la porter à 5 100 en janvier, puis à 5 400 en mars. Nous maintenons cette prévision pour l’instant, mais notre scénario haussier pourrait aisément nous amener à 5 600, voire 6 000 en 2025.
Étant donné que les trois grandes catégories d’actif devraient produire de solides rendements corrigés du risque, nous croyons que le moment est bien choisi pour investir, en particulier pour les investisseurs au portefeuille équilibré.
Notre positionnement en matière de répartition de l’actif et nos activités de négociation reflètent la situation qui a évolué davantage dans le sens de nos perspectives des marchés financiers publiées en décembre que de tout autre scénario. Nous surpondérons les actions, en particulier celles du Canada et des États-Unis. Nous accordons une pondération neutre aux marchés développés internationaux (Europe et Japon) et nous sous-pondérons les marchés boursiers émergents. Dans la composante des titres à revenu fixe, nous surpondérons les obligations de sociétés de catégorie investissement et sous-pondérons les emprunteurs de qualité inférieure dans le segment des titres à rendement élevé.
Dans les portefeuilles où les fluctuations du marché ont poussé les pondérations boursières au-delà de notre tolérance au risque, nous avons réalisé des gains dans le cadre de notre processus rigoureux et bien équilibré. Le produit de la réduction de ces positions a été réinvesti dans des liquidités et des titres à revenu fixe, ce qui a permis de tirer parti des solides revenus disponibles et d’assurer un certain niveau de protection en cas de détérioration de la conjoncture pour quelque raison que ce soit.
Le mot de la fin : sommes-nous dans une bulle?
On documente les bulles (toujours après coup) depuis des centaines d’années. La première vérifiée (mais probablement pas la réelle première) a été la tulipomanie hollandaise dans les années 1630. De temps à autre, des bulles se forment sur les marchés boursiers (comme c’est le cas pour d’autres actifs); c’est simplement la nature de l’économie. La question ne devrait pas être de savoir si nous sommes dans une bulle, mais plutôt de savoir ce qu’il faut y faire.
Les marchés boursiers réagissent aux découvertes, aux innovations et aux outils d’amélioration de la productivité comme ils l’ont toujours fait, et comme la société l’escompte. Les nouvelles idées nécessitent des fonds, et ceux qui prennent des risques pour les lancer doivent être récompensés. Comme le dit Whittier : « Que les vagues de la fortune aillent et viennent; celui qui ensemence un champ, tuteure une fleur ou plante un arbre est le plus grand de tous. »
Toutes les innovations (les chemins de fer, l’électricité, le moteur à combustion, la télévision, Internet, l’intelligence artificielle, etc.) ont été accompagnées de rendements spectaculaires. Il est très difficile de déterminer qui seront les gagnants dans les premiers jours, et même à mi-parcours. Les entreprises qui se mettent de la partie au fil du temps (comme les concurrents, la chaîne d’approvisionnement et les distributeurs) doivent faire l’objet d’un examen approfondi. Voilà le rôle du capitalisme, et les marchés boursiers sont le théâtre où tout se joue.
Il n’y a aucun problème pour les investisseurs qui détiennent un portefeuille diversifié et bien équilibré. Les investisseurs peuvent faire des choix et décider d’éviter les secteurs qui pourraient être en ébullition; ce n’est pas l’ensemble du marché qui est dans une bulle. Aujourd’hui, on peut constituer des portefeuilles composés de liquidités et d’obligations, ainsi que d’actions de bonnes sociétés bien gérées aux solides antécédents qui versent des dividendes et dont les cours augmentent modérément au fil du temps. C’est pourquoi nous affirmons qu’il s’agit d’une période favorable pour les investisseurs. Cette option fondamentale et équilibrée n’a jamais semblé aussi attrayante depuis au moins dix ans.
Cela dit, la plupart des investisseurs peuvent tirer parti des découvertes et des innovations. Le fait de comprendre que les bulles font partie des placements permet aux investisseurs avisés d’ajuster leur comportement et de choisir des portefeuilles qui offrent une exposition bien diversifiée aux secteurs effervescents. Plutôt que d’essayer d’anticiper le marché, il est préférable de réduire des positions et d’encaisser des profits tout au long du processus.
Toutes les bulles se terminent inévitablement par quelques déceptions. En conservant une approche rigoureuse et en effectuant un rééquilibrage périodique tout au long de la bulle, vous saisirez une partie des occasions et limiterez les dégâts lorsque la bulle finira par éclater.
Veuillez communiquer avec votre conseiller en placement si vous avez des questions ou si vous souhaitez discuter de vos placements.
Vous pouvez lire mon récent entretien avec The Globe and Mail pour en savoir plus sur la situation actuelle du marché, accessible sur le site web de BMO Gestion privée.
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