Rien jusqu’à présent n’a été résolu
Essayez d’imaginer un endroit où l’on est toujours au chaud et en sécurité
« Entrez, dit-elle, je vous mettrai à l’abri de la tempête. »
Bob Dylan, Shelter from the Storm, 1975
En avril, les marchés boursiers mondiaux ont connu des fluctuations extrêmes. Les marchés américains continuent de subir le plus gros de la volatilité. Après avoir dégringolé d’environ 10 % dans les premiers jours d’avril, les marchés boursiers mondiaux ont fortement rebondi. À la fin du mois, la plupart des marchés avaient récupéré la plus grande partie de leurs pertes du début d’avril, revenant à peu près à leurs niveaux de la fin du premier trimestre. Entre le début de l’année et le 30 avril, l’indice S&P/TSX a progressé de 0,4 %, l’indice S&P 500 a cédé 5,3 %, les marchés développés internationaux (indice MSCI EAEO) ont solidement avancé de 10,6 % et les marchés émergents (indice MSCI Marchés émergents), de seulement 3,6 %. Bien que les marchés obligataires aient fortement fluctué, ils offrent une protection aux portefeuilles depuis le début de l’année. Même les titres du Trésor américain ont inscrit des gains au cours du mois, malgré les manchettes selon lesquelles les investisseurs pourraient remettre en question la sécurité qu’ils offrent. Tout compte fait, le rendement d’un investisseur canadien représentatif, au portefeuille équilibré et bien diversifié, a reculé de 1 % à 2 % en avril, mais il demeure presque inchangé sur 12 mois.
En avril, les marchés ont connu de nombreux soubresauts. En bref, les piliers de l’économie mondiale sont en bon état à l’approche de la débâcle des droits de douane. Les consommateurs ont un emploi et dépensent; les entreprises ont un bilan solide et affichent une croissance des bénéfices dans les deux chiffres pour le premier trimestre de 2025. Les observateurs du marché craignent que tout cela puisse changer rapidement, même s’ils fondent leur anxiété non pas sur des éléments probants et tangibles, mais sur la détérioration de la confiance qui ressort des sondages menés auprès des consommateurs et des entreprises.
Il semble que l’apogée du choc tarifaire soit derrière nous, car la rhétorique sur les échanges commerciaux s’apaise de part et d’autre. L’inflation continue de diminuer, mais là encore, les sondages sur les attentes inflationnistes futures montrent une accentuation des craintes liées aux droits de douane. Les données sur le PIB américain et canadien au premier trimestre ont été faibles. Signalons qu’il s’agit de données rétrospectives. Par ailleurs, les données sur le commerce et les dépenses qui occupent une place importante dans les calculs ont été sensiblement faussées, étant donné que les entreprises et les consommateurs ont fait des pieds et des mains pour accumuler des stocks avant l’imposition des droits de douane, de sorte qu’on pourrait difficilement se fier à ces données.
Les marchés ont parlé; les politiciens les ont écouté
Au cours des trois derniers mois, nous avons été d’avis que les politiques les plus agressives de la nouvelle administration américaine n’étaient pas compatibles avec la réalisation de ses objectifs. Nous croyons aussi que ce qui est réalisable, durable et conforme aux lois de l’offre et de la demande dans un système capitaliste moderne finira par exercer son influence. Avril a été la preuve que cela se concrétise. D’importantes boucles de rétroaction fournissent des renseignements qui aident les décideurs à peaufiner les politiques qu’ils souhaitent mettre en place. Parmi ces boucles de rétroaction, mentionnons les freins et contrepoids du Congrès (le détenteur constitutionnel des instruments de revenu) et le système judiciaire. Le Congrès est resté relativement silencieux. Le système judiciaire commence à intervenir, car des douzaines d’affaires sont en cours devant les tribunaux, pour contester les décisions du président Donald Trump en matière de droits de douane, entre autres politiques. D’autres réactions importantes proviennent de l’opinion publique, qui se dégrade, et du lobbying des entreprises, qui fonctionne à la vitesse supérieure et donne des résultats sous la forme d’exceptions et de pauses dans la mise en œuvre de nouvelles politiques. Ce sont les marchés financiers américains qui fournissent aux décideurs les réactions les plus immédiates et les plus importantes.
La crise du Trésor fait tourner les têtes
À nos yeux, le fait saillant d’avril a été la réaction du marché des obligations du Trésor américain. Nous considérons qu’il s’agit de la boucle de rétroaction la plus importante jusqu’à présent. Les taux obligataires à long terme américains ont suffisamment augmenté au début du mois d’avril pour inciter les décideurs à changer d’avis. Les gouvernements ne détiennent pas d’actions, de sorte que les baisses du marché boursier sont une rétroaction indirecte. En revanche, les gouvernements empruntent de l’argent sur le marché obligataire, et les États-Unis en empruntent beaucoup. La hausse des taux obligataires a une incidence directe sur les finances publiques.
Les taux des obligations américaines à long terme ont augmenté en avril, mais pas pour des raisons principalement liées à l’inflation ou à la croissance économique, des facteurs que les investisseurs connaissent et comprennent généralement. Les taux de rendement ont augmenté en réaction aux inquiétudes entourant le statut de valeur refuge du dollar américain. Ce statut, auquel s’ajoute le rôle largement reconnu du billet vert en tant que monnaie de réserve à l’échelle mondiale, est considéré comme le « privilège exorbitant » des États-Unis. Ce privilège a été acquis au cours des décennies, voire des siècles au cours desquels les États-Unis ont été un symbole de stabilité. L’avantage pour le gouvernement des États-Unis réside dans des coûts d’emprunt moins élevés qu’ils l’auraient été autrement. La stabilité financière des États-Unis repose sur les fondements d’un système capitaliste démocratique qui fonctionne bien. Cette stabilité exige le respect des freins et contrepoids enchâssés dans la Constitution, un engagement à l’égard de la stabilité des prix (inflation peu élevée et stable) et la primauté du droit.
Lorsque l’indépendance de la banque centrale est perçue comme étant menacée, les investisseurs se tournent vers l’histoire mondiale et constatent que l’engagement à l’égard de la stabilité des prix est menacé. Les États-Unis, où la primauté du droit règne en maître, se sentent menacés lorsque l’administration envisage d’ignorer les décisions des tribunaux. Les dirigeants non élus qui éliminent des services et des programmes autorisés par le Congrès donnent l’impression que ce dernier ne joue pas le rôle de surveillance du pouvoir exécutif défini dans la Constitution.
Ce ne sont pas les politiques qui comptent, mais la méthode
Nous n’avons pas l’intention de débattre de ces questions ni de les politiser; ce qui compte, ce n’est pas notre opinion. Ce qui compte, c’est la perception qu’a le monde de ces institutions et traditions solides, qui sont au cœur des raisons pour lesquelles les États-Unis profitent de ce privilège exorbitant.
En avril, certains ont laissé entendre que cette perception pourrait s’estomper et que le rôle du billet vert dans l’économie mondiale pourrait diminuer. Selon nous, la question porte moins sur les avantages des diverses politiques que sur la solidité du système lui-même. Les gens veulent constater que, si des changements sont apportés, ils le sont dans le cadre auquel le monde entier fait confiance depuis près de 250 ans.
Le plus important, c’est que le message ait été compris
Le plus important selon nous, ce sont les mesures qui ont été prises à la suite de l’augmentation des taux obligataires américains. La réaction montre que cette boucle de rétroaction essentielle fonctionne. Les propositions de droits de douane ont été mises sur pause ou atténuées, les pourparlers en vue d’accords commerciaux se sont intensifiés et les critiques du président à l’égard de la Réserve fédérale se sont estompées (mais elles n’ont pas disparu complètement). Par ailleurs, des poursuites judiciaires sont devant les tribunaux, les membres du Congrès s’expriment régulièrement sur la question de réformes fiscales, et même le dirigeant du DOGE prévoit de retourner à son entreprise. En raison de ces changements, les taux des obligations du gouvernement américain ont sensiblement diminué.
Que nous réserve l’avenir?
L’avenir est marqué d’incertitude. Il reste à voir dans quelle mesure les changements que l’administration américaine souhaite apporter deviendront une réalité durable, et selon quel échéancier. Une fois que les choses seront devenues plus claires, nous pourrons commencer à évaluer le temps qu’il faudra aux entreprises et aux consommateurs aux États-Unis et partout dans le monde pour réagir et s’adapter au nouveau contexte.
Nous constatons que ces boucles de rétroaction importantes commencent à réagir plus vigoureusement, ce qui est un excellent signe. Au cours des prochains mois, nous devrons peut-être supporter d’autres réactions sous la forme de la volatilité des marchés financiers, à mesure que d’autres rajustements seront apportés aux politiques. Nous demeurons convaincus que le capitalisme sera en mesure de se transformer et de s’adapter. Pour ces raisons et pour d’autres, nous restons des participants actifs et désireux de participer aux marchés financiers, en contrôlant ce que nous pouvons contrôler, à savoir nos émotions et notre comportement. Comme toujours, nous examinerons attentivement les dynamiques en constante évolution afin de comprendre à la fois les risques et les occasions.
Notre stratégie – Équilibrée, avec encore une préférence pour les actions, et une orientation plus neutre
Nos portefeuilles sont bien équilibrés et tous, y compris nos portefeuilles entièrement composés d’actions ou axés sur les actions, sont bien diversifiés. Au cours du marché haussier des deux dernières années et demie, nous avons réduit la pondération des actions en élaguant régulièrement nos placements en actions pour acheter des obligations. Dans de nombreux portefeuilles, cette situation a été observée pas plus tard qu’à la mi-février. Les titres à revenu fixe canadiens dans leur ensemble, même s’ils ont légèrement reculé de 0,7 % en avril, ont progressé de 1,4 % pour l’année et continuent d’apporter une certaine stabilité aux portefeuilles équilibrés.
De plus, tout au long du marché haussier, nous avons rééquilibré à plusieurs reprises les pondérations des actions régionales, là encore pas plus tard qu’en novembre et à la mi-février. Le maintien rigoureux de la pondération des actions canadiennes et des actions internationales porte ses fruits depuis le début de l’année.
Garder le cap n’est pas de l’inaction
Compte tenu des turbulences actuelles, dans un contexte où les courants et les vents changent rapidement, effectuent souvent des virages à 180 degrés et sont soumis à des facteurs imprévisibles, nous choisissons de limiter nos activités de négociation. Il ne fait pas confondre cette patience avec la paralysie alimentée par la peur ou l’incertitude; nous poursuivons nos activités et utilisons une démarche fondée sur un processus itératif rigoureux, qui a résisté à l’épreuve du temps.
Au début d’avril, nous avons mis en œuvre une partie d’un changement structurel évolutif dans certaines de nos solutions. Compte tenu de la volatilité des marchés à ce moment, nous avons dû prendre une décision à l’égard de ces opérations prévues depuis longtemps. Devions-nous aller de l’avant ou annuler ces opérations ? Nous avons décidé d’aller de l’avant. Les opérations se sont révélées fortuites, à court terme. Il s’agissait d’un résultat heureux, mais ce n’était pas la motivation. Cette décision s’inscrivait dans le cadre de notre engagement durable à l’égard d’une orientation avant-gardiste. Nous nous sommes posé la question suivante : sommes-nous convaincus que nos clients s’en porteront mieux à l’avenir si nous faisons cela aujourd’hui ? Nous avons répondu par l’affirmative. Nous ne racontons pas cela pour nous vanter, car nous ne serons jamais parfaits, mais pour donner un exemple concret de la façon dont nous élaborons des stratégies et agissons pour le compte de notre clientèle dans un contexte de volatilité sur les marchés. Nos décisions ne sont pas des suppositions; elles ne sont pas le fruit de réactions instinctives. Tout ce que nous faisons s’appuie sur un examen approfondi, en misant sur le vaste éventail d’experts à notre disposition (c’est l’avantage d’être une division d’élite d’un fournisseur mondial de services financiers primé, qui nous permet de tirer parti d’une expertise approfondie).
Ne figez pas
Les décisions que nous prenons en votre nom ne représentent qu’une partie de votre réussite en matière de placement. Les choix que vous faites revêtent une importance cruciale. En situation de peur et d’incertitude, les gens ont tendance à se « figer ». Cependant, le temps n’attend pas; vos flux de trésorerie, vos besoins, vos objectifs et votre tolérance au risque évoluent. Il est possible que votre situation ne nécessite pas qu’on y apporte des rajustements. Mais si vous êtes en train d’apporter des changements à vos placements en fonction de votre situation, ne laissez pas l’incertitude vous retenir. N’attendez pas pour agir; communiquez avec votre conseiller de Gestion privée pour déterminer quelle est la meilleure voie à suivre. Une approche méthodique et réfléchie peut être mise en œuvre dans un délai adapté à vos besoins. En règle générale, la meilleure chose à faire est de rester calme et d’aller de l’avant.
Le mot de la fin – y a-t-il un abri ?
Dans le contexte actuel, nous croyons que le meilleur abri consiste à s’appuyer sur notre cadre de répartition stratégique de l’actif. Bien que chaque situation soit unique, la répartition de l’actif combine deux volets : la répartition stratégique de l’actif, qui convient à votre situation personnelle et qui est déterminée avec l’aide de votre conseiller en placement de BMO Gestion privée, et les orientations tactiques qui permettent de s’écarter de cette répartition.
La répartition stratégique de l’actif est la variable la plus importante pour déterminer le succès d’une personne en matière de placement. Nos répartitions stratégiques de l’actif s’appuient sur une combinaison des meilleurs principes et sur des recherches qui ont résisté à l’épreuve du temps. Les déviations tactiques par rapport à la répartition stratégique de l’actif sont bien documentées, éclairées par des experts et notre expérience. La répartition tactique de l’actif vise à améliorer les rendements, à réduire le risque ou, idéalement, une combinaison des deux.
Si l’on utilise l’analogie du voilier, la répartition stratégique de l’actif est la construction du navire et des voiles, et la déviation tactique correspond à la façon dont les voiles sont orientées. Vous avez besoin du bateau pour rester à flot et des voiles pour vous propulser. Les rajustements apportés aux voiles par le capitaine sont des manœuvres tactiques pour profiter un peu du vent (améliorer le rendement) ou s’écarter des rochers et des hauts-fonds (réduire le risque).
À l’heure actuelle, nous sommes confrontés à un coup de vent. La mer est agitée et les vents tournent rapidement dans des directions imprévisibles. Dans ce contexte, un bon capitaine doit fermer les écoutilles. Ce n’est pas le moment de prendre le vent, étant donné qu’il est trop inconstant. Ce n’est pas non plus le moment de modifier le parcours. Déjà engagé sur une bonne trajectoire, loin des hauts-fonds et des rochers, un bon capitaine garde les deux mains à la barre et maintient le cap. Voilà ce que nous faisons. Compte tenu de la quantité importante de renseignements à prendre en compte, le rythme et la fréquence des réunions et de la collaboration entre nos experts sont élevés. Nous avons une confiance extrême dans notre navire et nos voiles; ils tiendront le coup.
Comme toujours, nous surveillons notre répartition de l’actif, qui est naturellement malmenée par les fluctuations quotidiennes et intrajournalières du marché. À l’instar d’un bon capitaine qui n’ajuste pas la barre de façon irrégulière à chaque vague, nous faisons preuve de patience tout en veillant à rester sur une trajectoire prudente. Lorsque Bob Dylan dit que rien jusqu’à présent n’a été résolu et parle de l’endroit où l’on est toujours au chaud et en sécurité, nous pensons à la répartition stratégique de l’actif. « Entrez, dit- elle, je vous mettrai à l’abri de la tempête ».
Veuillez communiquer avec votre conseiller en placement si vous avez des questions ou si vous souhaitez discuter de vos placements.