« C’est une victoire lorsque les armes se taisent et que les gens prennent la parole. »
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky
La pluie est une composante normale de tout printemps, mais au printemps 2022, elle ressemble à un déluge torrentiel. En Ukraine, il n’y a pas de fin en vue aux bombardements incessants (comme pour la guerre civile sanglante qui dure depuis 16 mois en Éthiopie et de nombreux autres conflits). L’inflation progresse obstinément en touchant surtout les consommateurs les plus vulnérables. Pendant ce temps, les feux de la COVID-19 sont toujours très actifs; le BA.2, un sous-variant d’Omicron, domine à l’échelle mondiale. À Shanghai, 26 millions de personnes sont confinées en raison de la flambée des infections. Le Dr Peter Jüni, chef du conseil scientifique sur la COVID-19 de l’Ontario, a déclaré que la province était très clairement au beau milieu d’une sixième vague de pandémie. Au Canada, le nombre de cas continue d’augmenter.
L’assaut brutal de la Russie contre l’Ukraine menace de provoquer une crise humanitaire massive. L’Ukraine est connue comme le grenier à blé de l’Europe. Les deux pays sont des fournisseurs essentiels de produits alimentaires, d’énergie et d’autres produits de base. Les prix du blé, des engrais, du pétrole, du gaz et du nickel se sont envolés, pour ne donner que quelques exemples. Les producteurs de blé plantent leurs semences du printemps en mars et dépendent fortement des engrais russes. Leur capacité à semer et à fertiliser, sans parler d’exporter, est remise en question lorsque ce sont des chars d’assaut, plutôt que des tracteurs, qui labourent les champs. La hausse des prix pourrait compromettre la sécurité alimentaire, en particulier en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient.
Les banques centrales s’attaquent maintenant énergiquement à l’inflation, qui a atteint un sommet inédit depuis des décennies. En mars, la Banque du Canada (BdC) et la Réserve fédérale américaine ont relevé leurs taux d’intérêt de 25 points de base (pdb). Elles laissent entendre qu’elles augmenteront les taux de 50 pdb de plus et discutent d’un resserrement quantitatif, ce qui réduirait la taille de la position en obligations d’État de chaque banque. La volatilité a secoué les marchés boursiers et les cours obligataires se sont effondrés. Le marché obligataire canadien a reculé de 7,03 % en 2022.
Malgré une hausse rapide des taux obligataires, la courbe des taux s’est aplatie et s’est même brièvement inversée, signalant un doute sur la trajectoire de croissance à long terme de l’économie. Même s’il n’y a pas de menace imminente, les marchés s’inquiètent de voir les banques centrales réagir de façon excessive et relever les taux trop fort, trop rapidement. Les marchés commencent à craindre que les efforts visant à vaincre l’inflation ne plongent l’économie dans une récession.
Les marchés boursiers étaient un peu plus optimistes en mars et ont été en grande partie positifs pendant le mois, récupérant une partie de leurs pertes de cette année.
Canada – Maîtriser l’inflation
L’inflation a grimpé à 5,7 % en février, soit un sommet de 30 ans. Elle est en hausse par rapport aux 5,1 % de janvier et a également dépassé les 5,5 % prévus par Bloomberg selon un sondage des économistes. La demande des consommateurs reste forte et les marchés de l’emploi sont tendus, ce qui exerce des pressions à la hausse sur l’inflation. Alors qu’il s’adressait à un public d’affaires, Tiff Macklem, le gouverneur de la BdC, a confirmé l’engagement de la banque à l’égard d’une cible inflationniste de 2 % et a déclaré qu’elle agirait « avec détermination » pour contenir la flambée des prix.
La BdC a relevé son taux directeur de 25 pdb en mars. Les Études économiques de BMO prévoient maintenant une hausse de 50 pdb lors des deux prochaines réunions de la banque (en avril et en juin), suivie d’une hausse de 25 pdb en juillet. Cela fixerait les taux à 1,75 %, une forte hausse de 1,50 % par rapport à leur niveau du début de mars. Les observateurs du secteur de l’immobilier affirment que la hausse des taux commence déjà à refroidir le marché canadien de l’habitation, en surchauffe, une tendance qui pourrait se poursuivre puisque d’autres hausses sont à l’horizon.
Du côté des entreprises, les investissements en immobilisations sont restés résilients. La croissance des commandes de biens durables de base est positive depuis le début de l’année. Cependant, l’incertitude persistante entourant la guerre en Ukraine et la montée de l’inflation ont miné la confiance des consommateurs.
L’indice S&P/TSX a surpassé les autres grands marchés jusqu’aux derniers jours du trimestre, lorsque l’appétit pour le risque s’est redressé. L’indice a inscrit un rendement de 4,0 % en mars et de 3,8 % pour le trimestre. Malgré les efforts déployés à l’échelle mondiale pour stabiliser les principaux produits de base, les prix ont continué de subir une intense volatilité en mars. Le prix du pétrole brut West Texas Intermediate, la référence américaine, a atteint un sommet de plus de 123 $ US le baril avant de redescendre à 100 $ US en raison de l’optimisme suscité par les pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine. L’or, souvent considéré comme une valeur refuge et une protection contre l’inflation, a bondi à 2 050 $ US avant de s’établir à environ 1 938 $ US l’once. Le taux des obligations d’État à 10 ans est passé de 1,84 % à 2,41 %, tandis que celui des obligations à 2 ans est passé de 1,45 % à 2,29 %. Par conséquent, l’écart de taux est passé de 39 pdb à 12 pdb. Le taux des obligations à 10 ans a augmenté de 82 pdb cette année.
États-Unis – Renforcement de la présence en Europe
Le président Joe Biden s’est rendu en Europe pour rallier les démocraties mondiales, renforcer les alliances occidentales en faveur de l’Ukraine et imposer d’autres sanctions contre la Russie en guise de représailles après l’invasion de son voisin. Il a également annoncé que les États-Unis accueilleront jusqu’à 100 000 réfugiés ukrainiens. Les derniers mots de son discours à Varsovie ont fait écho partout dans le monde. « Pour l’amour de Dieu, cet homme ne peut pas rester au pouvoir », a-t-il dit du président russe Vladimir Poutine. La Maison-Blanche a ensuite rapidement minimisé l’importance de cette déclaration, en affirmant que l’administration Biden n’exerçait aucune pression en faveur d’un changement de régime en Russie.
En mars, le président Biden a également annoncé une proposition de budget de 5 800 milliards de dollars américains pour l’exercice 2023, qui débute le 1er octobre. Son plan réduirait le déficit de 1 000 milliards de dollars américains en dix ans et prévoit des hausses d’impôt pour les riches, ainsi que plus de financement pour la défense, l’éducation, la santé publique, le logement et la police. En vertu du nouvel impôt proposé, les 0,01 % des ménages dont la valeur dépasse 100 millions de dollars américains devraient payer un taux d’imposition minimal de 20 %, y compris sur les gains en capital non réalisés, ce qui réduirait le déficit gouvernemental d’environ 360 milliards de dollars américains au cours de la prochaine décennie. Le budget de M. Biden aurait aussi un déficit nettement inférieur à celui de l’an dernier, en partie en raison de la fin des mesures de soutien liées au coronavirus.
Même si les indices généraux restent volatils, il est important de noter que les données fondamentales des sociétés américaines demeurent solides. Au dernier trimestre de 2021, un taux impressionnant de 77 % des sociétés de l’indice S&P 500 ont déclaré un bénéfice par action supérieur aux attentes, l’un des meilleurs trimestres jamais enregistrés. Ces solides bénéfices ont contribué à faire grimper l’indice S&P 500 de 3,7 % en mars, réduisant les pertes à 4,6 % pour 2022. L’indice composé Nasdaq, à forte teneur technologique, a rebondi de 3,5 % et est maintenant en baisse de 8,9 % pour l’année, même si la Fed a déclaré en mars son intention d’être plus audacieuse. Les Études économiques de BMO s’attendent à des hausses de 50 pdb lors des deux prochaines réunions du Federal Open Market Committee, le point médian atteignant 2,35 % d’ici la fin de 2022.
Europe – Le casse-tête du carburant
En mars, la Banque centrale européenne (BCE) a déclaré qu’elle cesserait d’injecter des capitaux dans les marchés financiers cet été, ce qui ouvrirait ainsi la voie à des hausses de taux d’intérêt. Chris Williamson, économiste en chef de S&P Global, a déclaré que les entreprises se préparent à une croissance économique plus faible et qu’elles s’attendent à un effondrement de la production future en mars, puisque les entreprises sont de plus en plus préoccupées par l’impact de la guerre sur une économie qui a encore du mal à retrouver son équilibre après la pandémie. L’inflation était de 5,8 % en février et devrait encore augmenter, alors que la BCE préférerait qu’elle atteigne 2,0 %.
Les économies européennes pourraient connaître une pénurie de diesel, parce que l’Union européenne interdit les importations de pétrole russe. La Russie est le plus important fournisseur de diesel en Europe, où elle représente environ 50 % de l’offre. Le deuxième fournisseur en importance, l’Arabie saoudite, représente environ 12 % des importations. L’offre de remplacement, le cas échéant, est assortie de prix plus élevés. Les substituts pourraient provenir des États-Unis (qui devraient afficher un surplus net de 1,1 million de barils par jour) ou du Moyen-Orient. Cependant, il faudra du temps pour augmenter les flux en provenance de ces régions.
En mars, les indices Euro Stoxx 50, FTSE 100 et DAX ont enregistré des rendements respectifs de 0,4 %, 1,4 % et -0,3 %. Pour le trimestre, ils ont inscrit des rendements de -8,9 %, 2,9 % et -9,3 %, respectivement.
Chine – Le retour des confinements
Au cours de la première moitié de février, de nombreuses usines ont fermé pendant les festivités du Nouvel An lunaire et la demande d’énergie a donc diminué. Cependant, le conflit ukrainien et les pénuries d’approvisionnement subséquentes ont fait bondir les prix des produits de base. La Chine importe 70 % de son pétrole et 40 % de son gaz de l’étranger. L’indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de 0,9 % en février; le gouvernement a maintenu sa cible de l’IPC à environ 3,0 % pour 2022. Cette année, la banque centrale chinoise prévoit verser plus de 1 000 milliards de yuans de profits au gouvernement central pour soutenir les dépenses budgétaires.
La détermination de Beijing à contenir les éclosions d’Omicron témoigne de sa volonté de faire de la croissance une priorité secondaire. Shanghai, la plaque tournante financière de la Chine et la plus grande ville du pays, est soumise à un confinement strict afin de contenir une éclosion de coronavirus, conformément à la politique « zéro Covid dynamique » du pays. Le président Xi Jinping vise à réduire au minimum l’incidence des contrôles de COVID-19 sur les entreprises et les résidents.
L’activité manufacturière et celle liée aux services en Chine se sont contractées en mars, par rapport à février, la première baisse en tandem depuis la grande éclosion de COVID-19 dans le pays en 2020. Les données officielles étaient inférieures à 50, un niveau qui indique une contraction.
En mars, l’indice Hang Seng et l’indice composé de Shanghai ont inscrit des rendements négatifs de 2,8 % et de 6,1 %, respectivement. Pour le trimestre, ils ont reculé de 5,7 % et de 10,7 %, respectivement.
Japon – Des efforts pour relancer l’économie
Fumio Kishida, le premier ministre du Japon, a ordonné à ses ministres d’élaborer un nouveau programme de dépenses d’ici la fin avril afin d’atténuer le choc économique provoqué par la hausse des prix des produits de base, de l’énergie et des céréales qui a touché les ménages après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. M. Kishida a déclaré aux journalistes que pour relancer l’économie japonaise, le gouvernement devait mettre en œuvre de solides mesures afin de contrer l’augmentation des prix du pétrole, des matières premières et des (autres) produits.
La guerre en Ukraine et la faiblesse du yen ont fait grimper le coût des importations au Japon. Le parti de coalition du premier ministre, le Komeito, a proposé un train de mesures qui étendraient les subventions aux secteurs touchés par la hausse des coûts du carburant, réduirait la taxe sur l’essence et contrebalancerait la hausse des prix des céréales. Les dépenses supplémentaires augmenteront la dette publique déjà colossale du Japon et signifieront que l’économie sera à la traîne des autres pays développés en ce qui concerne l’abandon des mesures de relance liées à la pandémie.
Le yen a touché un creux de six ans par rapport au dollar américain en raison de la politique conciliante de la Banque du Japon.
Le Nikkei a progressé de 5,8 % en mars et inscrit un rendement de 2,5 % pour le trimestre.
Notre stratégie
L’incertitude est actuellement le thème prévalent puisque les risques géopolitiques et économiques ne manquent pas. Dans un contexte comme celui-ci, des portefeuilles diversifiés et une perspective à long terme sont essentiels pour maintenir le cap.
Dans ce cadre plus large, nous apportons des ajustements tactiques aux portefeuilles afin de les positionner en fonction du contexte de marché actuel. Compte tenu de la confusion liée à la guerre en Ukraine, de l’inflation et des prochaines décisions des banques centrales, nous croyons qu’il est approprié de réduire légèrement le risque de portefeuille, en particulier celui provenant des actions, puisqu’elles ont connu un certain rebond. Nous ajusterons les portefeuilles des clients pour éliminer notre nette surpondération des actions américaines, en privilégiant une légère surpondération des actions nord-américaines, ainsi que des sous-pondérations appropriées pour les titres à revenu fixe. Même si, dans l’ensemble, nous continuons de privilégier les actions, nous croyons qu’il est prudent de réduire légèrement nos pondérations.
Puisque la BdC et la Fed amorcent le processus de resserrement, les obligations continueront sans doute d’éprouver des difficultés. Par conséquent, nous préférons privilégier les liquidités, les titres à revenu fixe à duration plus courte et l’exposition aux placements non traditionnels à court terme.
Le mot de la fin
Le printemps est traditionnellement un temps d’espoir et de renouveau. Même si nous faisons face à des défis importants, il y a lieu d’être optimiste. Le peuple ukrainien défend vaillamment sa patrie en temps de guerre et les sanctions de l’Occident continueront de drainer les ressources russes. La croissance de l’économie et de l’emploi reste solide, tout comme les bénéfices des sociétés, ce qui donne un coup de pouce au marché boursier. Surtout, après deux années complètes de COVID-19, nous pouvons avancer prudemment en passant d’une pandémie à une endémie, et peut-être même à la vie que nous connaissions auparavant.
Les renseignements contenus dans la présente publication sont fondés sur des sources comme les rapports des émetteurs, les services statistiques et les communications d’entreprise.
Nous les estimons fiables sans toutefois en garantir l’exactitude ni l’exhaustivité. Les opinions exprimées dans cette publication sont purement ponctuelles et peuvent changer en tout temps. BMO Gestion privée n’est pas responsable des pertes pouvant découler de l’utilisation du présent commentaire ou de son contenu. Les informations, opinions, prévisions, projections et autres éléments contenus dans le document ne doivent pas être considérés comme une offre de vente, une sollicitation ou une offre d’achat de produits ou de services qui y sont mentionnés (y compris de marchandises, de titres ou autres instruments financiers), et ces informations, opinions, prévisions, projections et autres éléments ne doivent pas être considérés comme un conseil en matière de placement ou de fiscalité, ou comme une recommandation quant à la conclusion d’une quelconque opération, ni comme une assurance ou une garantie en ce qui concerne les résultats d’une quelconque opération.
Vous ne devriez pas agir sur la foi des renseignements de cette publication, ni vous y fier sans avoir obtenu les conseils d’un professionnel compétent.
BMO Gestion privée est un nom commercial qui désigne la Banque de Montréal et certaines de ses sociétés affiliées qui offrent des produits et des services de gestion de patrimoine. Les produits et les services ne sont pas tous offerts par toutes les entités juridiques au sein de BMO Gestion privée. Les services bancaires sont offerts par la Banque de Montréal. Les services de gestion de placements, de planification de patrimoine, de planification fiscale et de planification philanthropique sont offerts par l’entremise de BMO Nesbitt Burns Inc. et de BMO Gestion privée de placements inc. Les services successoraux et fiduciaires ainsi que les services de garde de valeurs sont offerts par la Société de fiducie BMO. Les entités juridiques de BMO Gestion privée n’offrent pas de conseils fiscaux.
MD Marque de commerce déposée de la Banque de Montréal, utilisée sous licence.