« Avril est le mois le plus cruel. »
T.S. Eliot, La Terre vaine
Le 1er mai, le Dr Doug Gillham, météorologue, a écrit ceci pour MétéoMédia : « Si vous êtes quelqu’un qui aspire à un temps chaud constant, le mois d’avril vous décevra presque toujours. Les variations de température et les relents de l’hiver sont typiques du mois d’avril, et cette année n’a pas fait exception. » Le mois dernier, le thermomètre a atteint plus de creux que de sommets. La majeure partie du pays, de la côte du Pacifique au sud du Québec, a connu des températures plus froides que la normale.
La situation géopolitique mondiale a semblé faire écho à la morosité du ciel gris. Les Canadiens sont plus que prêts à passer aux vents chauds du mois de mai. Le 24 février, la Russie avait prédit que son invasion de l’Ukraine serait réussie en trois jours. Or, nous en sommes maintenant au troisième mois de sa brutale agression. Malgré la résistance héroïque du peuple ukrainien, la barbarie et la cruauté sanctionnées par l’État continuent d’assaillir l’Ukraine, et la situation ne semble pas près de prendre fin.
En avril, l’inflation s’est hissée à des sommets inégalés depuis des décennies, ce qui a accentué la fermeté des banques centrales. La Banque du Canada (BdC) et la Réserve fédérale américaine (la Fed) ont laissé entendre qu’elles relèveraient énergiquement les taux d’intérêt pour le reste de l’année ainsi qu’au cours de l’année suivante, mettant ainsi résolument fin à leur « politique monétaire ultra-expansionniste ». Le pessimisme des observateurs des marchés s’est aggravé après une contraction surprise du PIB américain. Les marchés boursiers et obligataires ont dégringolé, ces deux catégories d’actif s’étant adaptées au nouveau régime. Même le S&P/TSX, qui a offert un rare rayon de soleil avec une croissance de 3,8 % au premier trimestre, a chuté rapidement et a perdu plus que les gains de cette année.
Les périodes où les actions et les obligations se comportent mal en même temps sont peu fréquentes, mais elles ne sont pas moins difficiles lorsqu’elles surviennent.
Canada – Facteurs favorables
L’invasion de l’Ukraine et la hausse persistante de l’inflation continuent de dominer les manchettes. Les prix des aliments, du carburant et des articles coûteux sont plus élevés au Canada. La reprise de l’activité commerciale à la suite de la levée des restrictions liées à la pandémie a également donné lieu à une croissance importante de l’emploi et des dépenses stimulées par la demande refoulée du commerce de détail.
Le taux d’inflation de 6,7 % en mars a été le plus élevé en plus de 30 ans. Le gouverneur de la BdC, Tiff Macklem, estime maintenant que l’inflation sera de 6 % au premier semestre de 2022 et restera élevée jusqu’à ce qu’elle revienne à sa cible de 2 % en 2024. En plus d’adopter un ton de plus en plus ferme, la BdC a relevé les taux à deux reprises au cours des deux derniers mois. La dernière hausse a été de 50 points de base à la mi-avril. On s’attend à ce que notre banque centrale prenne la même décision lors de sa réunion du 1er juin afin de continuer à faire grimper les coûts d’emprunt dans le but de contenir l’inflation (ou, du moins, pour protéger sa réputation d’agent de lutte contre l’inflation).
Bien que la plupart des économies mondiales commencent à ralentir, le Canada est resté résilient. Nous avons profité de la hausse des prix des matières premières et de la réouverture à la suite des restrictions liées à la COVID-19 qui ont persisté plus tard au Canada que dans bien d’autres régions du monde. La croissance a été plus forte que prévu, s’établissant à 1,1 % en février et affichant un taux de croissance éclair de 0,5 % en mars. Cela indique une croissance annualisée du PIB de 5,5 % au premier trimestre de 2022. Parmi les 20 secteurs suivis par Statistique Canada, 16 d’entre eux ont enregistré des hausses, ce qui est une bonne nouvelle, mais cela incite également la BdC à procéder à des hausses de taux plus énergiques. Une rumeur court à l’égard d’une hausse de 75 points de base en juin, mais le marché s’attend à une hausse plus modérée de 50 points de base.
La courbe des taux des obligations canadiennes s’est légèrement redressée ce mois-ci. Le taux des obligations d’État à 2 ans est passé de 2,27 % à 2,62 %, et celui des obligations d’État à 10 ans est passé de 2,4 % à 2,85 %. Par conséquent, l’écart entre le taux à 2 ans et le taux à 10 ans s’est élargi, passant de 13 points de base à 22 points de base.
Après un premier trimestre vigoureux, l’indice S&P/TSX a cédé ses gains et reculé de 5,4 % en avril. Ce repli a été motivé par la crainte que des hausses de taux énergiques au Canada et aux États-Unis aient une incidence négative sur les bénéfices des sociétés et réduisent la valeur des flux de trésorerie futurs des sociétés axées sur la croissance. Les prix du pétrole sont demeurés volatils : le baril de West Texas Intermediate s’est négocié entre 95 $ US et environ 110 $ US, s’établissant à 104 $ US à la fin du mois.
États-Unis – Hausse du baromètre de l’inflation
De façon inattendue, la plus grande économie du monde s’est contractée à un taux annualisé de 1,4 % au premier trimestre. Ce taux de croissance négatif a marqué un brusque renversement à la suite du quatrième trimestre de 2021, qui s’est avéré être son meilleur rendement depuis 1984. La contraction était très inférieure à l’estimation du Dow Jones d’un gain de 1 % pour le trimestre. Les prix ont monté en flèche en avril et l’inflation a atteint 8,5 %. Les placements privés et les dépenses publiques ont aussi chuté rapidement. En même temps, les importations ont augmenté grâce au rétablissement des stocks par les détaillants. Les dépenses militaires ont chuté de 8,5 %, entraînant une baisse d’un tiers du PIB final. Le bon côté des choses, c’est que les dépenses de consommation importantes, qui représentent les deux tiers du PIB américain, ont progressé de 2,7 % malgré les pressions inflationnistes. Les ménages américains disposent de liquidités et vont de l’avant avec leur frénésie d’achats.
Même si la contraction a été une surprise et que la croissance économique ralentit manifestement, le point de départ est élevé, et on ne s’attend pas à ce que les États-Unis entrent en récession. Cependant, la croissance sera mise à rude épreuve, car la Fed a adopté une position ferme visant à contrer la hausse de l’inflation. Étant donné que les États-Unis sont aux prises avec la pire inflation en quatre décennies, on croit généralement que la Fed devancera ses hausses de taux. Autrement dit, les marchés s’attendaient à ce que la Fed relève ses taux de 50 points de base lors de sa réunion du 4 mai (ce qu’elle a fait, ce qui représente la plus forte hausse de taux en 22 ans). Il en sera probablement de même pour la réunion de juin, avant qu’elle ne ralentisse à des hausses de 25 points de base par la suite. La Fed commencera également à réduire son bilan de près de 9 000 milliards de dollars américains. Elle compte réduire ses avoirs en titres, comme il est indiqué dans le procès-verbal de sa réunion de mars.
En avril, le président Joe Biden a demandé au Congrès 33 milliards de dollars américains pour soutenir l’Ukraine, une hausse spectaculaire du financement américain. Le projet de loi de M. Biden permettrait également aux autorités américaines de saisir plus d’actifs d’oligarques russes et d’affecter ces fonds directement à l’Ukraine.
Les marchés boursiers américains restent embourbés dans un début d’année historiquement médiocre – l’indice S&P 500 a reculé de 8,7 % en avril. L’indice composé Nasdaq, à forte teneur technologique, a clôturé son pire mois depuis 2008 en baisse de 13,2 %.
Europe – Confiance affaiblie
L’économie de la zone euro a connu une croissance anémique de 0,2 % au cours des trois premiers mois de 2022. La hausse des prix, la guerre en Ukraine et les difficultés persistantes de la chaîne d’approvisionnement ont miné la confiance des consommateurs, ce qui s’est traduit par une baisse des dépenses dans toute la région. L’inflation continue d’être exacerbée par la hausse des coûts de l’énergie et des aliments découlant de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’inflation est passée de 7,4 % en mars à 7,5 % en avril.
Les dirigeants de la Banque centrale européenne ont confirmé leur intention d’amorcer un resserrement quantitatif au troisième trimestre. Ils ont récemment laissé entendre qu’une hausse de taux pourrait être décrétée dès le mois de juillet.
En avril, l’Allemagne a indiqué qu’elle appuyait une interdiction graduelle des importations de pétrole russe. Le pays dépend de la Russie pour environ le tiers de ses importations de pétrole et a déjà résisté à un embargo. Bien que les prix du pétrole aient été très volatils depuis le début des attaques russes, une interdiction coordonnée de l’UE pourrait déclencher une autre remontée des prix.
Les actions européennes n’ont généralement pas été épargnées par la déroute boursière mondiale au cours du mois, mais ont mieux fait que bien d’autres. Les indices Eurostoxx 50, FTSE 100 et DAX ont inscrit des rendements respectifs de -2,6 %, 0,8 % et -2,2 %.
Chine – Un refuge en place
Contrairement à la tendance de réouverture dans la plupart des économies développées, la Chine s’accroche résolument à sa politique « zéro cas » de COVID-19. Au début de la pandémie, cette approche a contribué à limiter avec succès la propagation du coronavirus. Cependant, cette stratégie place maintenant l’empire du Milieu dans une position relativement désavantageuse, tout en ayant une incidence importante sur son économie, ce qui a des répercussions sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Au premier trimestre, avant l’entrée en vigueur complète du confinement de 25 millions de personnes à Shanghai, l’économie chinoise a enregistré une croissance supérieure aux attentes de 4,8 %, soit une hausse par rapport à la croissance de 4 % du trimestre précédent. Les ventes au détail ont diminué et l’activité manufacturière a augmenté, mais à un rythme plus lent qu’avant. Les restrictions draconiennes imposées à la plus grande ville chinoise et plaque tournante financière mondiale auront une incidence négative considérable sur la croissance au deuxième trimestre. Les mesures de confinement sévères en réponse à la COVID-19 font des ravages sur l’économie.
Naturellement, les actions ont été volatiles en avril. L’indice composé de Shanghai a reculé de 6,3 % et l’indice Hang Seng, de 4,1 %.
Japon – Un parapluie économique
Contrairement au contexte de resserrement en Occident, le Japon continue d’apporter un soutien monétaire important à son économie, même si la hausse des prix des matières premières commence à causer de l’inflation. L’engagement du gouverneur de la Banque du Japon, Haruhiko Kuroda, à maintenir les taux d’intérêt à un bas niveau a déclenché une liquidation du yen, qui a touché son plus bas niveau en 20 ans. M. Kuroda a défendu sa position en disant qu’elle serait positive pour l’économie japonaise, laquelle est axée sur les exportations.
Les mesures de soutien budgétaire du premier ministre japonais Fumio Kishida comprennent des dépenses de 6 200 milliards de yens (48,2 milliards de dollars américains). L’accent sera mis sur les subventions pour l’essence, ainsi que sur les prêts à faible taux, afin d’atténuer les pressions sur les consommateurs et les entreprises qui sont causées par la hausse des coûts de l’électricité, des aliments et d’autres articles.
En mars, la production manufacturière japonaise a augmenté de 0,3 %, grâce à la forte demande mondiale de puces de haute technologie.
Comme la plupart des autres indices mondiaux, l’indice Nikkei 225 a fortement reculé, avec une baisse de 3,5 % en avril.
Le mot de la fin
Le mois d’avril a été désagréable, froid et pluvieux. Le ciel gris surplombait les paysages naturels, géopolitiques et de placement.
L’inflation est très élevée et doit être maîtrisée. La hausse rapide des taux d’intérêt continuera de créer de la volatilité.
Pourtant, il y a de bonnes raisons de croire qu’une amélioration est possible. Les bilans des consommateurs sont très sains, tout comme les bénéfices des sociétés. Les marchés boursiers et obligataires ont reculé rapidement et considérablement. Les cours des obligations et des actions sont maintenant généralement plus bas et plus attrayants pour les investisseurs, offrant une meilleure valeur qu’au début de l’année.
Le Dr Gillham de MétéoMédia souligne que même si le printemps a mis notre patience à rude épreuve jusqu’à présent, nous avons la promesse d’un mois de mai plus chaud.
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