Journaliste : « Que vaut vraiment une aubaine si le marché ne reconnaît jamais qu’il s’agit d’une aubaine? Et si le marché ne remonte jamais? »
Warren Buffett : « J’ai posé cette question à Ben Graham. Il a simplement haussé les épaules et a répondu que le marché finit toujours par se redresser. Il avait raison : à court terme, le marché est le théâtre d’un concours de popularité, et à long terme, il donne l’heure juste. »
Warren Buffett, Forbes Magazine, novembre 1974
Ce commentaire sur le monde des placements est plus qu’un moyen judicieux de communiquer notre façon de voir les choses et notre stratégie aux clients. Prendre un pas de recul par rapport à l’évolution quotidienne du marché boursier pour évaluer la situation sur un mois, un trimestre ou une année nous rappelle qu’à court terme, les marchés financiers sont le théâtre d’un concours de popularité, où les émotions des investisseurs exercent une influence démesurée. Cependant, à long terme, les marchés donnent l’heure juste en s’appuyant sur les paramètres fondamentaux des sociétés et des secteurs, comme les bénéfices, l’endettement, les actifs, les flux de trésorerie, etc.
En septembre, les actions, les obligations et les devises ont dû composer avec un tourbillon de volatilité et des replis en territoire négatif. Au cours du trimestre, cependant, de nombreux actifs de base ont inscrit des rendements beaucoup moins erratiques. Dans un grand nombre de marchés boursiers développés, les pertes ont été inférieures à 5 %, et au Canada, les obligations ont préservé le capital. Ce sont les cours des devises et des produits de base qui ont affiché la plus grande volatilité, cherchant toujours à trouver un nouvel équilibre dans un monde incertain.
La vigueur soutenue du dollar américain devient problématique. Environ 80 % du commerce mondial s’effectue en dollars américains, de sorte que l’ascension du billet vert gruge les revenus et aggrave les problèmes d’inflation pour le reste du monde. Les devises font partie intégrante du processus de rééquilibrage des économies et des marchés par suite des excès. Certains pays agissent en fonction de leurs motivations politiques et continuent de stimuler leur économie au moyen de dépenses imprudentes. Si l’objectif est de freiner l’inflation, ces mesures sont contre-productives. Le Japon et le Royaume-Uni constituent d’excellents exemples, tout comme le Canada, dans une moindre mesure.
Les marchés financiers agissent comme contrepoids à ce comportement contre-productif. Par exemple, la nouvelle première ministre du Royaume-Uni a annoncé un plan budgétaire d’envergure de réductions d’impôt non provisionnées et de dépenses; il s’agit là d’une mesure inflationniste. Les marchés ont réagi en anticipant une hausse des taux d’intérêt, ce qui a provoqué une dégringolade des marchés des changes et des obligations. La Banque d’Angleterre a alors été forcée d’acheter des obligations d’État du Royaume-Uni pour stabiliser la situation. Cela dit, la Banque d’Angleterre a recours à des mesures qui s’opposent. D’une part, elle relève les taux d’intérêt pour resserrer les conditions financières et d’autre part, elle achète des obligations, ce qui a pour effet d’assouplir les conditions financières. Reste à voir si cette approche procurera de la stabilité.
Les marchés et les économies doivent s’adapter à la réalité d’une inflation forte, de taux d’intérêt élevés, de liquidités moins accessibles, d’un ralentissement de la croissance et de l’intensification des tensions géopolitiques. Au premier semestre de 2022, de nombreux actifs et de nombreuses régions ont progressé en ce sens. Au troisième trimestre, d’autres ajustements ont été observés, tant à la hausse qu’à la baisse. Au cours des six premières semaines, certains marchés boursiers ont progressé de 7 % à 10 % (le NASDAQ a avancé de 19 % en six semaines), tandis que les titres à revenu fixe ont progressé de 3 % à 4 % en juillet seulement.
En septembre, l’euphorie s’est estompée. Les marchés boursiers ont dégringolé et bon nombre d’entre eux sont tombés sous les creux atteints plus tôt dans l’année. Les reculs comme celui de cette année suivent souvent une tendance en forme de « W » – un rebond (en juillet) survient après le recul initial. Ensuite, les marchés répètent le repli précédent (ou reculent encore plus). Ce phénomène a été fréquent par le passé et il est souvent nécessaire pour que les marchés atteignent un creux.
Les taux obligataires ont grimpé pour toucher de nouveaux sommets, mais les rendements totaux sont demeurés stables. La réinitialisation hâtive à des taux de rendement plus élevés porte ses fruits, ce qui témoigne de la capacité d’autorégénération des obligations. En arriver à des taux de rendement plus élevés n’est pas une mince tâche. Une fois que vous y êtes, la douleur s’estompe, car la composante revenu des instruments à revenu fixe récompense le travail acharné accompli plus tôt. Prenons l’exemple du régime alimentaire et de l’exercice : il est difficile de les respecter, même si au bout du compte, ils vous procureront une meilleure santé.
Les messages entourant l’inflation sont contradictoires. Les prix de nombreux produits de base sont maintenant en baisse par rapport aux sommets précédents (reculs de 35 % pour le pétrole, de 75 % pour le bois d’œuvre et de 28 % pour le blé). Les coûts de la chaîne d’approvisionnement diminuent également; les tarifs de fret pour les expéditions mondiales par conteneurs ont chuté de 62 % par rapport aux sommets atteints il y a un an. En revanche, l’inflation des salaires, la hausse des loyers et l’augmentation des versements hypothécaires demeurent préoccupantes. Il ne faut pas oublier que l’inflation fait partie intégrante des bénéfices des sociétés, qui sont le moteur du cours des actions. Les coûts sont en hausse, mais les prix le sont aussi, les entreprises ayant été en mesure d’augmenter les prix (ce qu’on appelle l’inflation) pour protéger leurs marges bénéficiaires. Maintenant que les prix des produits de base reculent, une source d’inflation par les coûts s’essouffle.
Le resserrement des conditions financières par les banques centrales nord-américaines est bien entamé. Ces dernières augmentent les taux au rythme le plus rapide des dernières décennies afin de contrer une inflation inégalée depuis des dizaines d’années. Malheureusement, la fermeté de leur discours à l’égard de 2023 effraie les marchés. Reste à voir si les banques centrales doivent provoquer une récession pour juguler l’inflation. En cas de récession, nous croyons que la vigueur actuelle de l’emploi, conjuguée aux bilans sains des ménages et des entreprises, fera en sorte que cette récession sera superficielle. Si cela est le cas, les marchés boursiers en baisse de 20 % à 30 % reflètent déjà une bonne partie de ces mauvaises nouvelles.
Les attentes de croissance des bénéfices des sociétés, qui étaient à notre avis trop élevées, diminuent. Le niveau final des bénéfices constituera le test ultime pour les actions (le moment où le marché donne l’heure juste). Des signes récents montrent que la croissance des bénéfices faiblit dans certains secteurs, en particulier du côté de la production (par rapport aux services). Il s’agit du résultat inévitable et souhaité lorsque l’inflation découle en partie d’une demande trop élevée conjuguée à un manque de biens. De tels signes de faiblesse, parallèlement au ralentissement du marché de l’habitation et, tôt ou tard, à une baisse des postes vacants – et possiblement une hausse du taux de chômage – constituent la recette parfaite pour endiguer l’inflation.
Même s’il est impossible de prédire le creux, les taux obligataires et les cours boursiers ont fait des pas de géant vers l’intégration de ces réalités. En cas de récession, les taux de rendement des titres à revenu fixe devraient reculer par rapport aux niveaux actuels, et les obligations devraient comporter un potentiel de hausse, en plus du niveau de revenu qui s’est déjà amélioré. Pour de nombreux marchés boursiers qui affichent actuellement de bas niveaux, notre analyse privilégie légèrement les scénarios plus haussiers que baissiers. Les cours des actions (et certains taux obligataires) n’ont pas besoin que les conditions soient « bonnes » pour réaliser des gains; elles doivent tout simplement être « moins pires » par rapport aux attentes anémiques actuelles.
Canada – Le pays n’est pas à l’abri, mais il fait meilleure figure que plusieurs autres
En septembre, l’indice composé S&P/TSX a reculé de 4,6 % (-2,2 % pour le trimestre); le marché canadien continue de surpasser de nombreux marchés mondiaux. Le huard a été durement touché, chutant de 5 % par rapport au dollar américain pour atteindre 0,723 $ US, ou 1,383 $ CA. La dégringolade du dollar canadien aide à protéger les exportateurs du Canada et les entreprises canadiennes qui exercent leurs activités à l’échelle mondiale, car ces entreprises reçoivent des revenus en dollars américains, mais paient de nombreuses dépenses en dollars canadiens.
Le huard s’est déprécié en grande partie parce qu’il est étroitement lié aux taux d’intérêt et aux prix du pétrole. Le taux des obligations canadiennes à 2 ans est passé de 3,65 % à 3,89 %, tandis que celui des obligations à 10 ans, de 3,12 % à 3,32 %. Toutefois, au cours des dernières semaines, les taux obligataires au Canada ont chuté et sont désormais inférieurs aux taux de leurs homologues américains. Les mesures et le discours de la Banque du Canada (BdC) ont été plus énergiques que du côté de la Réserve fédérale américaine (Fed), mais la Fed affiche désormais une position plus ferme. De plus, les signes récents de faiblesse de l’emploi, du marché de l’habitation et des dépenses de consommation au Canada pourraient convaincre la BdC d’être moins ferme que la Fed. La baisse du prix du pétrole a pesé sur le dollar canadien, car le prix du baril de West Texas Intermediate a chuté de 12 % pour s’établir à 79,55 $ US en raison des craintes grandissantes de récession mondiale.
États-Unis – Du positif et du négatif
En septembre, l’indice S&P 500 a reculé de 9,3 % (-5,3 % pour le trimestre). Les taux des obligations d’État américaines ont atteint des sommets inégalés en plus de dix ans. Le taux de rendement des obligations à 2 ans est passé de 3,49 % à 4,28 %, tandis que celui des obligations à 10 ans a progressé de 3,19 % à 3,83 %. La vigueur du dollar américain a réduit de moitié le recul de l’indice S&P 500 en dollars canadiens (-4,6 %), une des nombreuses raisons pour lesquelles nous continuons de privilégier les actions américaines.
Le taux d’inflation annualisé selon l’indice des prix à la consommation (IPC) est passé de 8,5 % en août à 8,3 % en septembre. D’une part, l’inflation de base s’est accélérée de façon inattendue, passant de 5,9 % à 6,3 %, ce qui laisse croire aux investisseurs que ni l’inflation ni le resserrement monétaire des banques centrales n’ont atteint leur apogée. Les marchés attendent avec impatience d’entendre les banques centrales parler de la fin du resserrement; ces espoirs ont déclenché la remontée des actions et des obligations en juillet. Cependant, la hausse des cours des actions et des obligations entraîne un assouplissement des conditions financières, ce qui est à l’opposé des objectifs de lutte contre l’inflation des banques centrales. Les dirigeants des banques centrales n’ont d’autre choix que de tenir des propos fermes. Selon les perspectives médianes de la Fed pour 2023, le taux cible de la banque centrale atteindra un pic de 4,6 %, ce qui a fait baisser les actions et augmenter les taux obligataires.
Europe – Vers une récession
L’Europe est aux prises avec une forte inflation, le conflit en Ukraine, une faible productivité et des tensions politiques. Nous entrevoyons peu de catalyseurs susceptibles de permettre aux actions européennes de connaître un rebond durable. Comparativement à la situation en Amérique du Nord, l’économie européenne est moins bien positionnée pour faire face aux hausses de taux nécessaires pour endiguer la montée de l’inflation. Les probabilités d’une récession y sont plus élevées.
Les actions européennes et japonaises sont fortement exposées aux exportations vers la Chine, ce qui pourrait s’avérer un facteur positif, même si l’évolution décevante de la situation en Chine risque de ralentir la reprise. L’euro et le yen subissent des pressions à la baisse, étant donné que la politique monétaire et les perspectives de croissance de ces pays accusent un retard par rapport à celles de l’Amérique du Nord; nous croyons qu’il est peu probable que l’une ou l’autre de ces monnaies gagne beaucoup de terrain.
Les taux obligataires européens ont suivi la hausse de leurs équivalents mondiaux; l’inflation record pourrait forcer la Banque centrale européenne à relever les taux d’intérêt de manière plus vigoureuse. Les importantes réductions d’impôt et les dépenses annoncées par la nouvelle première ministre du Royaume-Uni ont provoqué la chute de la livre sterling qui est maintenant à parité avec le dollar américain, un creux historique. En septembre, les indices boursiers Euro STOXX 50 en Europe, DAX en Allemagne et FTSE 100 au Royaume-Uni ont affiché des pertes de 5,7 %, 5,6 % et 5,4 %, respectivement.
Asie – Des efforts infructueux
L’économie chinoise réagit aux mesures de relance et les exportations demeurent vigoureuses. Pourtant, la confiance des investisseurs (le concours de popularité dans l’exemple de Warren Buffett) demeure très faible, car l’incertitude plane sur plusieurs fronts. Des mesures de confinement en lien avec la COVID-19 peuvent être mises en place à tout moment. La crise immobilière persiste malgré les mesures de plus en plus désespérées prises par Beijing pour soutenir le secteur. Le prochain Congrès du Parti communiste chinois, tenu deux fois par décennie, pourrait donner lieu à d’importants changements sur le plan des politiques.
Des problèmes de change affligent la Chine et le Japon. Le yuan est à son plus bas niveau depuis 2008. Malgré les efforts déployés par le Japon pour soutenir le yen, il se situe à un creux de 20 ans. En septembre, l’indice boursier japonais Nikkei 225 a reculé de 7,7 %, tandis que l’indice MSCI China Equity a perdu 14,7 %.
Notre stratégie – Plus défensive
Nos portefeuilles sont conçus pour répondre aux divers besoins des investisseurs et résister aux tempêtes. Un bon équilibre et une diversification adéquate constituent le meilleur positionnement pour gérer n’importe quel résultat.
Dans les portefeuilles équilibrés, nous avons augmenté l’exposition aux obligations, dont la sous-pondération est maintenant moins importante. Nous sommes d’avis que les taux obligataires se situent maintenant très près (et même au-dessus dans certains cas) des niveaux nécessaires pour refléter la croissance, l’inflation et les interventions futures des banques centrales. De plus, nous réinvestissons le revenu des coupons et les titres venant à échéance dans nos portefeuilles d’obligations à des taux de rendement plus élevés. Nous croyons que nos positions obligataires offriront un certain niveau de sécurité si une récession s’installe.
Nous continuons de surpondérer légèrement les actions et avons modifié notre répartition géographique. Nous avons établi une sous-pondération des marchés développés internationaux (principalement l’Europe et le Japon). À moyen terme, les perspectives d’un rebond et de gains soutenus sur ces marchés ne sont pas aussi reluisantes que celles des actions nord-américaines.
Nous maintenons la surpondération des actions nord-américaines. Les sociétés liées aux produits de base au Canada se portent bien dans un contexte inflationniste. Par le passé, les marchés boursiers et le dollar américains ont procuré une sécurité relative dans les périodes de faible croissance mondiale.
Le mot de la fin – Conserver ses placements
Ce conseil qu’on ne cesse de répéter, « conserver ses placements », peut donner l’impression d’un autre cliché financier. Mais l’histoire montre qu’il s’agit peut-être du conseil le plus important pour faire croître votre capital à long terme, dans les bonnes comme dans les mauvaises périodes.
Les craintes de récession et d’inflation persisteront, et nous nous attendons à ce que la volatilité se poursuive. Les obstacles sur les marchés finiront par s’atténuer, comme ce fut le cas lors de tous les cycles économiques passés. On parle en effet de cycle économique, et non de ligne droite économique. Les émotions et les comportements des investisseurs suivent aussi un cycle. Nous ne devons pas tomber dans le piège classique des décisions d’achat à prix élevé et de vente à bas prix fondées sur des réactions émotives à court terme.
L’horizon temporel est important. Plus vous conservez vos placements longtemps, plus vous aurez la certitude d’être en mesure de générer un rendement positif. Les marchés peuvent connaître une mauvaise journée, une mauvaise semaine, un mauvais mois ou même une mauvaise année, mais l’histoire montre que vous êtes beaucoup moins susceptible de subir des pertes sur de longues périodes, plus particulièrement en ce qui concerne les portefeuilles bien diversifiés. Adoptez l’attitude de Warren Buffett parce que « … le marché finit toujours par se redresser. À long terme, le marché vous donnera l’heure juste. »
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