« Chaque fois que je leur demande leur avis, ils me répondent d’un côté telle chose, et d’un autre côté telle autre. J’aimerais rencontrer un économiste qui ne parle pas des deux côtés de la bouche! »
Harry S. Truman
Plusieurs catégories d’actif ont inscrit des gains substantiels en janvier, faisant durer la reprise depuis les creux profonds atteints en octobre. Les marchés boursiers mondiaux ont été nombreux à afficher des gains mensuels de l’ordre de 6 % à 8 %, à commencer par les actions chinoises et les titres technologiques américains (les secteurs les plus malmenés en 2022).
Les banques centrales ont poursuivi leurs hausses des taux d’intérêt, mais les taux obligataires ont fléchi, car l’inflation a continué de reculer. Les investisseurs en obligations canadiennes ont enregistré des rendements de l’ordre de 3 % au cours du mois.
Il s’agit d’un fort rebond par rapport aux lourdes pertes du marché boursier en octobre, sans compter les taux obligataires élevés, mais les marchés se sont peut-être un peu trop emballés. Nous croyons toujours que les marchés boursiers pourront inscrire des gains en 2023. Soulignons que la rapidité et l’ampleur de la hausse de janvier représentent environ la moitié de ce que nous avions prévu pour l’ensemble de l’année (voir nos Perspectives du marché pour 2023 : La fin du tout gratuit?). Les perspectives de l’économie mondiale se sont améliorées, mais les marchés financiers sautent encore trop rapidement aux conclusions alors qu’il reste encore bien du chemin à parcourir.
L’année dernière, les marchés financiers ont été contraints de s’adapter à une nouvelle réalité, caractérisée par une inflation forte, des taux d’intérêt élevés, des liquidités moins accessibles, un ralentissement de la croissance et une intensification des tensions géopolitiques. À notre avis, le plus gros du travail a été accompli, mais il reste encore certains éléments auxquels les marchés doivent s’ajuster. Les premiers mois de 2023 devraient révéler le chemin qu’il reste à parcourir, car les marchés financiers doivent toujours composer avec l’inflation, la politique monétaire, le risque de récession et la situation politique et géopolitique.
Nos inquiétudes à l’égard de l’inflation s’estompent rapidement. De fait, certains signes semblent toujours indiquer que l’inflation aurait atteint un sommet et qu’elle est en baisse à l’échelle mondiale. Cependant, elle a augmenté de façon inattendue en Espagne et en Australie en janvier, ce qui a ébranlé les marchés et rappelé à tout le monde que les données économiques évoluent rarement en ligne droite.
Nous craignons maintenant davantage le risque que les banques centrales commettent des erreurs de jugement en fixant leur politique monétaire que nous craignons l’inflation. La Banque du Canada (BdC) a laissé entendre qu’elle suspendrait les hausses de taux, mais les autres banques centrales restent plus fermes. Si les hausses des taux d’intérêt pour juguler l’inflation sont trop fortes (même si l’inflation est en baisse à l’heure actuelle), l’économie pourrait ralentir plus qu’il est nécessaire.
Tant que la guerre en Ukraine durera, le contexte géopolitique sera une source d’inquiétude. L’autre problème majeur de 2022 a été la discorde entre la Chine et l’Occident. Il est encourageant de constater qu’en 2023, les tensions avec la Chine pourraient s’apaiser un tant soit peu (espérons qu’un ballon « égaré » ne fera pas trop reculer les choses). Pour ce qui est des marchés financiers, la politique intérieure américaine pourrait occulter les inquiétudes sur la scène géopolitique, car les deux partis doivent s’entendre sur le relèvement du plafond de la dette du gouvernement.
Les turbulences causées par l’inflation, le ralentissement de la croissance, la politique des banques centrales et le positionnement des marchés financiers sont provoquées par des éléments distincts et ne pourront pas toutes se résorber en même temps. Pour ce qui est du marché boursier, la reprise observée repose sur l’espoir d’une désinflation sans conséquences sur l’économie, un scénario dans lequel l’inflation et la croissance des salaires ralentissent sans trop nuire à l’économie. Dans un tel scénario, les banques centrales cesseraient de relever les taux d’intérêt, tandis que les marges et les bénéfices des sociétés stagneraient brièvement avant de remonter à la fin de 2023 et au début de 2024. La croissance des bénéfices est peu reluisante à l’heure actuelle et les marges bénéficiaires sont sous pression (ce qui peut aider à réduire l’inflation), de sorte que la voie n’est pas encore tout à fait libre.
La morosité sera palpable au sein de l’économie. Il est tout à fait possible d’éviter une récession, mais il ne faut pas espérer une croissance fracassante. Ce contexte, conjugué à l’inflation persistante et à la politique monétaire restrictive, n’est pas un terreau exceptionnellement fertile pour les actions. Comme d’habitude, le marché boursier devance les données à court terme. Cela ne signifie pas que la remontée boursière est totalement ou en bonne partie injustifiée. Cela veut simplement dire qu’il ne serait pas étonnant selon nous de voir les marchés boursiers se replier brièvement.
Les signaux envoyés par les marchés obligataires sont plus mitigés, car ceux-ci font fi des banques centrales qui menacent de maintenir les conditions monétaires serrées. La baisse des taux obligataires nous donne le temps de souffler. Nous sommes heureux de voir les taux de rendement diminuer grâce à la baisse de l’inflation. On veut toutefois éviter une baisse des taux attribuable à un ralentissement rapide de l’économie. Pour le moment, il est difficile de déterminer si la diminution des taux est positive du fait d’une baisse de l’inflation, ou plutôt un signal annonciateur d’une récession imminente.
Les cours des actions et des obligations ont évolué dans la bonne direction en janvier, mais peut-être de façon exagérée à court terme.
Canada – En pause
En janvier, l’indice composé S&P/TSX a progressé de 7,1 %, un résultat solide, mais moins exceptionnel que bon nombre de ses homologues à l’échelle mondiale. Ce retard est compréhensible, étant donné l’excellente performance des actions canadiennes en 2022.
La BdC a relevé ses taux d’intérêt de 0,25 % pour les porter à 4,5 %, une décision largement attendue. Il s’agit de la plus petite hausse depuis le début du cycle de relèvement des taux en mars dernier. Le gouverneur de la BdC, Tiff Macklem, a déclaré que la Banque « suspendrait » les hausses de taux pour évaluer si l’inflation continue de ralentir. Nous appuyons cette décision courageuse, compte tenu de la vigueur récente de l’emploi, de la croissance du PIB supérieure aux attentes et de la croissance soutenue des salaires. Les taux de rendement des obligations canadiennes ont reculé, tout comme ceux des obligations mondiales. Malgré l’attitude conciliante de la BdC, le marché obligataire canadien (qui a également été l’un des plus performants à l’échelle mondiale en 2022) a surpassé les indices de référence américains et européens. Pour le mois, l’indice des obligations universelles FTSE Canada a progressé de 3,1 %. Le taux des obligations canadiennes à 2 ans est passé de 4,05 % à 3,75 %, tandis que celui des obligations à 10 ans est passé de 3,30 % à 2,91 %.
Même si les craintes d’une récession mondiale s’apaisent et que la réouverture de la Chine s’accélère, les prix du pétrole ont peu changé. Le prix du baril de pétrole West Texas Intermediate a fléchi de 1,7 % pour s’établir à 78,87 $ US. Notre dollar s’est apprécié de 1,9 %, passant à 0,752 $ US, soit 1,33 $ CA par dollar américain. La vigueur du huard est remarquable vu la baisse des prix du pétrole, l’attitude plus conciliante de la BdC et l’élargissement de l’écart entre les taux obligataires américain et canadien en faveur du billet vert au cours du mois. Ces mouvements affaiblissent généralement le huard. Il s’agit d’un signe de la vigueur sous-jacente d’un actif lorsque son cours monte dans un contexte qui lui est défavorable. Nous nous attendons à ce que le huard s’apprécie encore de quelques cents en 2023.
États-Unis – La pression se maintient
En janvier, l’indice S&P 500 a avancé de 6,2 %, accusant du retard par rapport à de nombreux autres marchés. Deux autres grands indices de référence d’actions américaines ont mené le bal. L’indice NASDAQ s’est relevé et a réussi à grimper de 10,7 %. L’indice de référence des petites et moyennes capitalisations américaines, l’indice Russell 2000, a bondi de 9,7 %. En 2022, ces deux indices ont tiré de l’arrière comparativement à la plupart des marchés. Cela met en lumière un phénomène récurrent en janvier : ce sont les secteurs les plus malmenés en 2022 qui ont enregistré les plus importantes remontées. En janvier, la performance supérieure des secteurs spéculatifs du marché (un panier d’actions en vogue a inscrit un bond de 25 % et le Bitcoin a progressé de 38 %) est un signe malheureux que la ferveur spéculative qui a miné les marchés avant le balayage de l’année dernière existe toujours. En 2023, nous nous attendons à ce que les sociétés qui présentent de solides paramètres fondamentaux (excellents produits, bonne gestion, conscience des coûts, plus grande part de marché) soient récompensées, tandis que les sociétés plus faibles seront forcées de s’adapter.
Les taux de rendement des obligations d’État américaines ont fléchi en janvier, alors que le taux d’inflation annualisé selon l’indice des prix à la consommation (IPC) a continué de baisser, passant de 7,1 % à 6,5 %. Le taux des obligations américaines à 2 ans est passé de 4,43 % à 4,20 %, tandis que celui des obligations à 10 ans est passé de 3,87 % à 3,51 %. Le 1er février, la Réserve fédérale américaine (Fed) a relevé son taux directeur de 0,25 % et annoncé d’autres hausses de taux. Les investisseurs ont été rassurés par l’optimisme du président de la Fed, Jerome Powell, à l’égard de l’économie, et les marchés financiers ont réagi comme s’ils croyaient à une feinte de la Fed. Les observateurs des marchés surveilleront attentivement tout indice qui pourrait révéler le raisonnement de la banque centrale avant sa prochaine réunion, le 22 mars.
Europe – Travail en vue, mais moins que prévu
Les marchés boursiers européens surpassent la plupart de leurs homologues à l’échelle mondiale depuis la fin de 2022. Ils regroupent de nombreuses entreprises axées sur les exportations, et généralement, ils sont plus exposés à la Chine que les sociétés nord-américaines. C’est pourquoi ils ont profité de l’amélioration des perspectives mondiales, en particulier en Chine. De plus, les prix de l’énergie ont reculé et les stocks de gaz naturel en Europe ont augmenté grâce aux importations urgentes de GNL et à l’hiver plus doux jusqu’à présent. Les économies européennes résistent mieux que prévu, et l’inflation dans la zone euro atteint également un pic, mais de façon variable d’un pays à l’autre. La Banque centrale européenne, qui a été à la traîne en matière de resserrement, a relevé les taux de 0,5 % le 2 février et s’est engagée à poursuivre sur cette voie. Pourtant, ici comme ailleurs, les prévisions quant aux sommets que les taux atteindront diminuent rapidement.
En janvier, les indices boursiers Euro STOXX 50 en Europe, DAX en Allemagne et FTSE 100 au Royaume-Uni ont inscrit des gains de 9,8 %, de 8,7 % et de 4,3 %, respectivement.
Asie – Changement de cap
L’évolution de la situation politique continue de stimuler les marchés boursiers asiatiques. Au cours des deux dernières années, la Chine a mis en œuvre plusieurs programmes défavorables aux investisseurs : politique zéro COVID; limitation des excès dans le secteur de l’immobilier; répression contre les sociétés de technologie et d’éducation; et discours chauvin à l’égard de l’Occident. Les positions les plus sévères ont coïncidé avec l’important calendrier politique de 2022. Après que le président Xi Jinping se soit proclamé chef suprême pour le reste de sa vie lors du Congrès national qui a lieu tous les cinq ans, la Chine a rapidement changé de position sur chacun de ces fronts. Ce changement est positif pour la croissance mondiale et favorisera, espérons-le, les relations sino-américaines. Les actions chinoises se sont envolées, comme en témoigne l’indice des actions MSCI Chine qui a progressé de 12,3 % en janvier, affichant un rebond de plus de 50 % depuis le creux d’octobre.
La Banque du Japon a pris les marchés de court en décembre, permettant au taux des obligations d’État à 10 ans de monter pour s’établir à 0,5 %, mais elle n’a pas été en mesure de resserrer davantage sa politique monétaire. En janvier, l’indice des actions japonaises Nikkei 225 a progressé de 4,7 %, un rendement moindre que la plupart des marchés mondiaux.
Notre stratégie – L’équilibre
Notre stratégie de répartition des éléments d’actif demeure bien équilibrée et comporte une légère surpondération des actions et sous-pondération des titres à revenu fixe. La correction de l’année dernière, qui a fait mal aux actions et aux obligations, est une source d’occasions. Nous croyons que les actions et les obligations peuvent générer des rendements dans bon nombre de marchés mondiaux.
Compte tenu des gains enregistrés en janvier, nous estimons que les actions pourraient encore avancer d’environ 5 % d’ici la fin de 2023. Dans nos portefeuilles d’obligations, nous réinvestissons le revenu des coupons et les titres arrivant à échéance afin d’obtenir des taux de rendement plus élevés. En cas de récession, nous croyons que nos obligations procureront un niveau de protection.
Sur le plan géographique, nous continuons de privilégier l’Amérique du Nord dans la composante d’actions. Les paramètres fondamentaux des actions autres que nord-américaines se sont toutefois améliorés; ces marchés ont affiché des rendements supérieurs dernièrement. Leurs pondérations ont augmenté et nous préférons les maintenir.
Le dernier mot – Des délais longs et variables
Le plaidoyer de Harry Truman pour trouver un économiste qui ne parle pas des deux côtés de la bouche est une façon de se moquer de ce groupe reconnu pour présenter une multitude de scénarios souvent contradictoires. La question au cœur du débat de 2023 en est un exemple classique. Les marchés financiers évaluent la probabilité de trois scénarios : un atterrissage en douceur (l’inflation recule rapidement, la récession est évitée), une légère récession ou un atterrissage brutal (une récession sévère est nécessaire pour juguler l’inflation). L’équipe Études économiques de BMO attribue une probabilité de 85 % aux deux premiers scénarios, ce qui laisse une probabilité de 15 % au troisième scénario (une récession sévère), alors qu’elle était de 25 % il y a trois mois. Le total combiné de 85 % est encourageant pour les actions et les obligations. Les cours commencent à prendre en compte ces perspectives plus optimistes.
La probabilité d’un atterrissage brutal augmente si les dirigeants des banques centrales relèvent les taux de façon exagérée. On dit souvent que les effets de la politique monétaire se transmettent à l’économie dans des délais « longs et variables ». C’est en 1961 que Milton Friedman, économiste récipiendaire du prix Nobel, a inventé cette expression qui signifie que la politique monétaire a des répercussions incertaines et à retardement. Toutefois, des études plus récentes (y compris les propres travaux de la Fed) indiquent que les répercussions sont beaucoup plus courtes et moins variables qu’il y a 60 ans.
Ce qui nous empêche actuellement de dormir, c’est le fait que les dirigeants des banques centrales sont humains et faillibles. Si ces dirigeants fondent véritablement leurs décisions, comme ils le prétendent, sur les données et que ces dernières continuent d’évoluer dans la bonne direction, il est à espérer que leur orgueil, ou leur volonté de rétablir leur crédibilité, ne vienne pas brouiller leur jugement sur la politique monétaire qui est appropriée. Remplaçons l’expression « longs et variables » par « la patience est une vertu ».
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