« Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques. »
― Mark Twain, 1907, citation attribuée à Benjamin Disraeli, premier ministre britannique au 19e siècle
En septembre, les actions et les obligations ont reculé, renforçant ainsi sa réputation de mois difficile pour les investisseurs. Depuis 1950, l’anxiété était justifiée. Cette année, le mois de septembre a été à l’image du troisième trimestre, à savoir décevant.
Les gains fulgurants des marchés boursiers en juillet semblent être un souvenir lointain, mais précieux. La faiblesse du mois d’août s’est aggravée en septembre et a plombé le trimestre. Durant l’ensemble du troisième trimestre, le marché obligataire a été aux prises avec des difficultés qui ont culminé avec un recul trimestriel de 3,9 % pour l’indice des obligations universelles FTSE Canada. Le gain de 2,5 % enregistré au cours du premier semestre de cette année s’est transformé en une baisse de 1,5 % depuis le début de l’année. Cependant, certains segments du marché obligataire affichent des rendements positifs. Les obligations de sociétés canadiennes de catégorie investissement et à rendement élevé ont progressé de 0,7 % et de 4 %, respectivement, depuis le début de l’année. Nos portefeuilles détiennent des positions dans ces actifs.
Les baisses simultanées des actions et des obligations rappellent désagréablement l’année 2022. Or, il pourrait être utile de prendre un certain recul. L’ampleur de la baisse est en fait beaucoup moins importante – elle n’est que sur un trimestre, et la situation globale est moins précaire qu’elle ne l’était en 2022. Les gains depuis le début de l’année dans la plupart des marchés boursiers (y compris les dividendes réinvestis) demeurent positifs sur le plan du rendement total.
Récapitulation du marché boursier régional
L’indice S&P 500 a plongé de 4,9 % en septembre, en baisse de 3,7 % au troisième trimestre, mais il demeure en hausse de 11,7 % pour l’année. L’indice boursier européen Stoxx 50 a glissé de 2,9 % en septembre et de 5,1 % au troisième trimestre, mais il conserve des gains de 10 % pour l’année. L’indice boursier japonais Nikkei 225 a reculé de 2,4 % en septembre et de 4 % au troisième trimestre, mais il maintient une progression de 22,1 % pour l’année. Le Canada est à la traîne au chapitre du rendement pour l’année, mais l’indice composé S&P/TSX a surpassé l’indice S&P 500 en septembre et au troisième trimestre. Il a retraité de 3,7 % au cours du mois et de 3,1 % au troisième trimestre, mais il demeure en hausse de 0,8 % depuis le début de l’année. Lorsqu’on tient compte des dividendes, le rendement total pour l’année en cours grimpe à 3,4 %.
De nombreux clients rongent leur frein, car ils croient que les actions canadiennes accusent du retard. Or, il est important de prendre du recul et d’examiner la situation dans son ensemble. Depuis janvier 2022, moment où la plupart des marchés boursiers atteignaient des sommets historiques, l’indice S&P 500, l’indice composé S&P/TSX et l’indice MSCI EAEO (actions internationales des pays développés, à l’exclusion des États-Unis et du Canada) progressent à peu près au même rythme sur le plan du rendement total, comme en témoigne la valeur d’un montant de 100 $ CA qui aurait été investi dans l’un ou l’autre de ces indices au début de 2022 et qui se situe désormais entre 97 $ et 99 $. Si l’on est généreux, de tels rendements peuvent être qualifiés de nuls. Ils sont toutefois meilleurs que ce que l’on craignait, compte tenu des excès et des déséquilibres avec lesquels l’économie et les marchés ont été obligés de composer.
Thèmes économiques
Dans l’ensemble, la grande question pour l’économie est toujours de savoir si le ralentissement délibéré de la croissance visant à juguler l’inflation donnera lieu à un atterrissage en douceur, à un atterrissage brutal ou à rien du tout (l’économie surchauffe et l’inflation persiste). On ne sait toujours pas. Lorsque les autorités monétaires freinent délibérément l’économie afin de contenir l’inflation, elles cherchent à faire diminuer le taux de croissance de l’économie. À mesure que les taux de croissance se rapprochent de zéro, comme lorsqu’un avion se rapproche du sol au moment de son atterrissage, les turbulences s’accentuent. Elles sont causées par les vents de travers et les courants ascendants qui sont plus présents qu’en haute altitude. Nous traversons actuellement une période de turbulences sur les marchés, qui sont malmenés par d’importants obstacles et des vents défavorables.
Les obstacles connus sont la hausse des coûts d’emprunt et l’épuisement de l’épargne des ménages, facteurs qui entravent la croissance économique. Mais la croissance varie d’une région à l’autre. L’économie américaine semble résiliente, mais n’est pas à l’abri. Au Canada, la croissance ralentit, tandis qu’elle stagne en Europe et qu’elle ne décolle pas en Chine. Les vents défavorables sont les perturbations liées à la main-d’œuvre et la hausse des prix du pétrole. Aux États-Unis, il faut aussi tenir compte des turbulences associées au financement du gouvernement et à la reprise du remboursement des prêts étudiants.
Depuis le début, nous sommes de ceux qui croient à un atterrissage en douceur. Cependant, nous sommes de plus en plus préoccupés par les obstacles et les vents défavorables qui se présentent. Pourtant, la catastrophe peut toujours être évitée. Les banques centrales ont des options à leur disposition. Si la croissance ralentit et que les turbulences donnent lieu à un atterrissage cahoteux, nous croyons que la situation ne durerait pas longtemps, car les banques centrales changeraient soudainement de cap et commenceraient à réduire les taux. Le meilleur scénario est un recul continu et ordonné de l’inflation. Or, les deux scénarios sont plausibles : l’inflation reprend une tendance à la baisse ou demeure obstinément élevée. Seul le temps nous permettra de le savoir.
Perspectives du marché des titres à revenu fixe
Seuls trois scénarios sont possibles pour le marché obligataire : les taux de rendement augmentent, ils restent stables ou ils baissent. Jusqu’à présent, les taux de rendement ont augmenté, ce qui a été douloureux. Au troisième trimestre, les taux obligataires ont augmenté de façon considérable. Les taux des obligations canadiennes à 10 ans sont passés de 3,27 % à 4,02 % et ceux des obligations américaines à 10 ans sont passés de 3,84 % à 4,57 %. L’augmentation au troisième trimestre a été davantage attribuable à une hausse des taux de rendement réels qu’à l’inflation. Les taux de rendement réels fluctuent pour diverses raisons, mais l’une d’entre elles est leur corrélation étroite avec la croissance économique réelle.
Sur ce plan, les États-Unis sont au volant et tous les autres pays sont sur la banquette arrière. La croissance aux États-Unis demeure forte et l’inflation se comporte mieux que dans la plupart des autres pays. Un autre facteur qui a une incidence importante sur les taux de rendement réels est l’offre et la demande d’obligations d’État. Encore une fois, les États-Unis mènent le bal. La plupart des gouvernements occidentaux sont aux prises avec d’importants déficits, mais le déficit budgétaire aux États-Unis gonfle à vue d’œil (les tractations au sujet du plafond de la dette n’aident en rien la situation). Ces deux facteurs (l’un étant favorable et l’autre non) exercent des pressions à la hausse sur les taux. Comme les taux obligataires américains sont plus élevés, de façon générale, le reste du monde doit malheureusement emboîter le pas. Cependant, les banques centrales semblent très près de mettre fin à leurs cycles de hausse des taux d’intérêt (les banques centrales du Canada, des États-Unis et du Royaume-Uni ont toutes fait une pause en septembre), et l’inflation est bien en deçà de ses sommets. Nous estimons que la hausse des taux obligataires tire à sa fin.
Si les taux de rendement restent stables (plus élevés plus longtemps que prévu), les obligations généreront un revenu plus élevé plus longtemps, ce qui est positif pour les investisseurs en obligations. Si les taux de rendement devaient reculer, il serait aussi difficile d’obtenir des taux de rendement plus élevés que si l’on comprimait un ressort qui émet de l’énergie. Ainsi, la hausse des cours obligataires générerait des gains en capital pour les investisseurs.
Les taux obligataires baissent de deux façons, dont l’une est bonne et l’autre mauvaise. La bonne se produit lorsque l’inflation recule, ce qui permet aux banques centrales de baisser légèrement les taux d’intérêt, ce qui a pour effet de faire baisser les taux obligataires, une situation gagnante pour tous. La mauvaise survient lorsque l’économie se détériore et que les banques centrales réduisent rapidement les taux d’intérêt pour éviter une hausse du chômage et une récession. Dans ce cas, ce sont les investisseurs en obligations qui s’en sortent gagnants, contrairement à l’économie qui perd à court terme. La victoire contre l’inflation serait une bonne nouvelle.
Au cours des épisodes précédents d’ajustement sur les marchés des capitaux, il manquait une chose que nous avons aujourd’hui : les liquidités et les obligations offrent un rendement d’environ 5 %. Pour ce qui est de l’avenir, deux des trois scénarios sont positifs pour les obligations.
Perspectives du marché boursier
S’il faut que les taux d’intérêt restent élevés plus longtemps, cela entraînera probablement un ralentissement de la croissance économique à long terme (en supposant que l’économie évite une récession). Lorsque la croissance économique est faible, les investisseurs craignent que tout choc ou toute erreur entraîne une contraction de l’économie. Une économie en contraction nuit aux bénéfices des sociétés (la tarte se rétrécit). Les bénéfices des sociétés sont également minés par les éléments qui pèsent sur les marges bénéficiaires (dans quelle mesure les sociétés peuvent les compresser). Les entreprises font actuellement face à des coûts d’emprunt, de main-d’œuvre et d’énergie plus élevés. Les marges bénéficiaires ont diminué, mais cela a en partie entraîné une baisse de l’inflation.
Même si les bénéfices des sociétés sont meilleurs que prévu, leur croissance est au point mort depuis cinq trimestres (on s’attendait à bien pire). Il s’agit de leur quatrième recul depuis 2009. De tels reculs font partie intégrante du cycle économique et finissent par passer. Les périodes précédentes au cours desquelles les bénéfices et les rendements boursiers se sont contractés ou ont stagné ont duré de quatre à sept trimestres et ont été marquées par une volatilité accrue dans tous les cas. Comme la période dure depuis cinq trimestres, nous avons dépassé les périodes plus courtes et nous sommes plus qu’à mi-chemin des plus longues.
Même en cas de légère récession, les actions pourraient bien s’en tirer si les investisseurs considèrent la victoire contre l’inflation comme un signal d’action.
Il reste encore du travail à faire pour surmonter divers obstacles, mais les marchés boursiers et obligataires laissent présager une embellie. L’inflation sera presque maîtrisée, les entreprises et les ménages seront bien placés pour profiter de la baisse des coûts d’emprunt et de l’assouplissement des hausses de prix. Il s’agit d’un contexte favorable aux actions, surtout lorsqu’il est accompagné d’évaluations boursières généralement raisonnables, comme c’est le cas actuellement. Comme l’on prévoit une croissance des bénéfices d’environ 10 % en 2024 en Amérique du Nord, les marchés boursiers peuvent encore progresser au cours de la prochaine année. Les baisses de septembre soutiennent nos prévisions de rendement.
Notre stratégie – L’équilibre, avec une préférence pour les actions
Il est extrêmement difficile de prévoir la trajectoire de l’inflation. Quiconque refuse d’admettre que la croissance et l’inflation peuvent prendre diverses trajectoires risque de se retrouver en eaux troubles. Si l’on reprend l’analogie du transport aérien, les turbulences constituent un irritant pour tout le monde, y compris les pilotes et l’équipage, mais elles sont aussi normales. En période de turbulences, il est impératif de rester vigilant et en plein contrôle, les yeux rivés sur les commandes et les deux mains sur le manche. Pour nous, cela signifie que nous devons nous en tenir à notre stratégie qui consiste à maintenir l’équilibre et une bonne diversification, en surveillant de près les risques et les occasions. Nous maintenons la composition des portefeuilles dans des cibles à moyen terme acceptables et relativement près de nos indices de référence stratégiques.
Compte tenu de la hausse des taux de rendement des obligations à moyen terme, nous avons modifié certaines de nos positions obligataires pour tirer parti de ces fluctuations (allongement de la duration). Les taux de rendement des obligations à court terme demeurent un peu plus généreux, mais pas autant qu’ils l’étaient plus tôt cette année. L’achat de certaines obligations à long terme permet de cristalliser les taux de rendement plus élevés qui sont offerts aujourd’hui et qui pourraient être moindres plus tard. De plus, les obligations à long terme généreront des gains supérieurs en cas de baisse des taux d’intérêt. Ces changements sont effectués de façon mesurée et graduelle.
Dans l’ensemble, dans nos portefeuilles représentatifs les plus généraux, nous continuons de surpondérer les actions, en particulier les actions canadiennes et américaines. Nous accordons une pondération neutre aux marchés développés internationaux (Europe et Japon) et aux marchés émergents.
Le mot de la fin – L’inflation n’a jamais baissé en ligne droite
L’inflation a nettement diminué au cours de la dernière année. Au Canada et aux États-Unis, elle a atteint un sommet de 8 % à 9 % et est tombée à environ 3 % ou 4 %. Les mois à venir seront cahoteux pour le Canada; la faible inflation de l’automne dernier a déjà préparé le terrain. Après l’un des cycles de hausses des taux d’intérêt les plus musclés de l’histoire, les banques centrales doivent maintenant faire preuve de patience.
En août et en septembre, la tendance baissière de certaines mesures d’inflation a stagné, ce qui a retenu une attention démesurée des observateurs du marché. Il ne faut pas oublier que l’inflation n’est pas la maladie en soi, mais bien un symptôme et une partie du remède. L’inflation se produit lorsqu’il y a trop d’argent pour trop peu de biens et de services. Les prix élevés font partie de la solution aux prix élevés, car ils entraînent une diminution de la demande et un accroissement de l’offre, créant ainsi un nouvel équilibre.
La citation rendue célèbre par Mark Twain sous-entend que les statistiques sont volontairement déformées, un péché présenté comme étant pire que le mensonge. En fait, les statistiques ne sont que des chiffres sujets à interprétation dans le prisme des biais humains, conscients et inconscients. Il faut blâmer l’interprétation et non les statistiques.
Pour mesurer l’inflation, il faut suivre les prix de nombreux biens et services. Si l’on examine l’inflation sous divers angles, le fait de supprimer certains éléments et d’essayer d’uniformiser les données n’est pas trompeur; il s’agit d’une façon rationnelle de traiter une statistique aussi cruciale, mais volatile. En plus de ces mesures objectives de l’inflation, vous pouvez demander aux gens ce qu’ils pensent des prix. Les préjugés sont encore plus présents dans le discours public. Les mesures de lutte contre l’inflation sont également souvent manipulées par les politiciens qui jouent le grand jeu et les médias qui veulent faire passer un message. C’est peut-être pire que de mentir.
D’une façon ou d’une autre, l’inflation sera maîtrisée. Nous pensons que cela peut se produire plus rapidement que ce qui est présagé à l’heure actuelle. En revanche, la maîtrise de l’inflation pourrait tout simplement prendre plus de temps. Cela n’entraînerait pas nécessairement une catastrophe ni même des pertes de placement massives. Les investisseurs peuvent réaliser des gains en période d’inflation, mais c’est un peu plus difficile. Après l’inflation, les rendements (réels) pourraient être plus faibles pendant un certain temps, mais ce n’est pas une évidence non plus. L’inflation est complexe. Les statistiques sont peut-être brutes, mais nous devons travailler avec ce que nous avons. Cela ne les fait pas mentir pour autant.
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