« Notre nouvelle Constitution est désormais établie et selon toute apparence, sera un document permanent, mais en ce monde, rien n’est certain, sauf la mort et les impôts. »
– Benjamin Franklin, dans une lettre adressée à Jean-Baptiste Le Roy en 1789
Les éléments positifs pour l’économie et les marchés financiers mondiaux qui se sont manifestés à la mi-avril ont continué d’avoir lieu en mai. Les pressions exercées de toutes parts contraignent l’administration américaine à changer de cap sur les tarifs douaniers douaniers et le budget. Les marchés obligataires ont fléchi et les marchés boursiers mondiaux ont affiché des gains depuis leur remontée de la fin d’avril. Au cours du mois et depuis le début de l’année, l’indice composé S&P/TSX a progressé de 5,4 % (5,9 % depuis le début de l’année), l’indice S&P 500, de 6,2 % (0,5 % depuis le début de l’année), les marchés développés internationaux (indice MSCI EAEO), de 4,0 % (15 % depuis le début de l’année), et les marchés émergents (indice MSCI Marchés émergents), de 4,0 % (7,6 % depuis le début de l’année).
De grandes et belles obligations
Le marché obligataire continue de fournir une rétroaction essentielle. Si le recul des marchés boursiers est un signe annonciateur de difficultés, la hausse des taux de rendement obligataires équivaut à un gyrophare rouge, car la hausse des coûts d’emprunt a une incidence sur les finances publiques. Alors que le projet de loi budgétaire américain baptisé « One Big Beautiful Bill » (grand et beau projet de loi) progresse dans le système, pour la deuxième fois seulement depuis la Grande Crise financière de 2008, les taux de rendement des obligations du Trésor américain à 30 ans ont atteint un sommet de 5 %. Ils ont ensuite reculé après que les politiciens ont reconnu ce qui se passait.
Plus de freins et de contrepoids
Les autres boucles de rétroaction que nous avons soulignées dans le passé ont elles aussi commencé à attirer l’attention. L’opinion publique reste mauvaise (mais moins pessimiste) et les secteurs qui souffrent des répercussions négatives des tarifs douaniers continuent de faire du lobbying. Plus importants encore, les freins et contrepoids, qui sont le fondement du système de gouvernement américain, ont commencé à se réveiller. Un tribunal de commerce américain a statué que le président Donald Trump avait outrepassé ses limites à l’égard de certains tarifs. Cependant, ces batailles juridiques ne font que commencer.
Des accords importants
Comme nous l’avons vu en avril, d’autres rétroactions ont incité l’administration américaine à modifier son programme et à ajuster ou suspendre ses politiques. Chaque jour a apporté son lot de discussions sur les accords commerciaux, notamment des rencontres étonnamment constructives entre les négociateurs chinois et américains qui ont abouti à une réduction temporaire des droits de douane. Le voyage du président Trump au Moyen-Orient s’est déroulé sans incident, tout comme la rencontre avec Mark Carney, le nouveau premier ministre du Canada, qui est le principal marché d’exportation des États-Unis. À la fin du mois, les marchés obligataires se sont stabilisés même si la rétroaction a un prix pour tous les investisseurs, pas seulement pour le gouvernement (et les emprunteurs en général). Les indices de référence des obligations américaines ont reculé de 0,72 % en mai. Au Canada, l’indice des obligations universelles FTSE Canada a fait du surplace, mais a progressé de 1,4 % pour l’année.
Les actions saluent l’incidence des marchés obligataires
Les investisseurs en actions n’ont pas tenu compte des taux de rendement obligataires plus élevés (ce qui n’est habituellement pas une évolution favorable au marché boursier), car ils ont compris les répercussions positives de la hausse des taux de rendement obligataires sur les choix politiques. Leur compréhension à des limites, mais pour le moment, les investisseurs célèbrent le répit tarifaire au lieu de s’inquiéter du poids des taux de rendement obligataires plus élevés. Les investisseurs pourraient considérer que les taux de rendement plus élevés sont temporaires, en espérant qu’ils reculeront une fois que le gouvernement aura reçu le message, fait adopter le projet de loi budgétaire, mis un terme aux multiples volte-face perturbatrices concernant les tarifs douaniers et fini par s’entendre sur des positions politiques tolérables pour tout le monde. Nous soulignons que tolérer n’est pas synonyme d’adopter; cet état semi-stable pourrait mettre longtemps à se mettre en place (des mois, voire plusieurs trimestres). Les priorités nationales à Washington et les priorités commerciales des capitales du monde entier devront faire l’objet de négociations et de compromis.
Remplacer les impôts par des tarifs douaniers
Même si les évolutions sur le front commercial sont moins désastreuses, la situation est loin d’être rassurante. Le marché obligataire ne se contente pas d’envoyer un signal sur les tarifs douaniers : les investisseurs en obligations sont tout aussi intéressés, si ce n’est plus, par l’issue du vote sur le budget américain. Il s’agit de trouver un équilibre entre le niveau des droits de douane, les recettes douanières et leur interaction avec l’économie. Une baisse des tarifs douaniers signifie une baisse des recettes, mais probablement moins de dommages pour les consommateurs (et donc l’économie).
Mais les réductions d’impôt ne reposent-elles pas sur le remplacement des recettes fiscales par les recettes douanières? Il existe une interaction entre tous ces facteurs : le prix multiplié par le volume, multiplié par le taux des droits de douane, et tous ces facteurs varient en fonction du taux des droits de douane. Par exemple, des droits de douane de 145 % imposés à la Chine ramèneraient les volumes de certains articles à zéro; une absence de volume commercial signifie une absence de droits de douane. Dans le même ordre d’idée, il est difficile d’imaginer qu’un tarif de 50 % sur l’acier et l’aluminium ne nuira pas à l’économie américaine. Les États-Unis ne peuvent pas assurer rapidement leur propre approvisionnement de la quantité de métaux qu’ils importent du Canada, soit environ un quart des importations d’acier et environ la moitié des importations d’aluminium. Aux États-Unis, les secteurs qui achètent ces produits de base comme intrants emploient beaucoup plus de personnes que les usines qui pourraient les produire. Il est peu probable que les recettes douanières compensent la perte de recettes fiscales et l’augmentation des prestations de chômage versées aux travailleurs mis à pied dans ces autres secteurs. Il n’est donc pas surprenant que les négociateurs de Wall Street aient inventé l’expression « TACO trade » (Trump Always Chickens Out ou Trump se dégonfle toujours). Les acteurs sur le marché commencent à ignorer de telles menaces, les considérant comme des tactiques de négociation; certains membres du cabinet de Donald Trump confirment cette position.
De retour en noir, mais pas encore tiré d’affaire
Les rendements totaux depuis le début de l’année d’un investisseur canadien typique, équilibré et bien diversifié s’établissent actuellement à environ 3,5 % en dollars canadiens. Pour que les marchés financiers réalisent d’autres gains, il faudra que la Maison-Blanche continue d’adopter un ton plus raisonnable, contrairement à l’approche « agir rapidement et bouleverser les choses » qui a culminé dans la roseraie de la Maison-Blanche le 2 avril.
Il serait naïf de croire que la voie à suivre sera harmonieuse; en effet, il reste de nombreux obstacles à surmonter. L’annulation de certains tarifs douaniers ajoute à l’incertitude, car l’administration se tourne vers d’autres méthodes pour atteindre ses objectifs. Cependant, les derniers résultats montrent que, lorsque la menace tarifaire est ramenée à un niveau raisonnable, les investisseurs croient que l’économie mondiale est suffisamment vigoureuse pour absorber le choc.
Nous avons dit que les choses peuvent revenir sur la bonne voie. Malgré la volatilité observée jusqu’à présent en 2025, il n’y a pour l’instant pas de trou profond duquel s’extirper. Au début de l’année, nos perspectives des marchés financiers pour 2025 étaient optimistes. Plus rapidement le monde pourra parvenir à une compréhension fiable des règles du jeu en matière de commerce, moindres seront les dommages causés et meilleurs seront les résultats pour les marchés financiers.
La macroéconomie, en particulier les politiques commerciales, monétaires et budgétaires des grandes économies, continue d’influer considérablement sur les résultats des marchés financiers. Cependant, les particularités régionales, sectorielles et des sociétés ont toujours de l’importance. Dans le contexte actuel, la gestion active des placements peut briller.
La politique monétaire varie entre les États-Unis, qui demeurent restrictifs pour le moment, et la plupart des autres pays, qui sont plus empressés d’assouplir leurs mesures. Tous les gouvernements devraient continuer de dépenser beaucoup d’argent. Cette situation présente des occasions de placement dans les secteurs de la défense, les infrastructures et les secteurs clés ciblés par les politiques industrielles gouvernementales bonifiées. La croissance des bénéfices des sociétés est solide et meilleure que prévu, ce qui montre que les sociétés (et, par extension, les consommateurs) sont en position de force par rapport à ce choc commercial.
Nous croyons que les politiques les plus énergiques du nouveau gouvernement américain ne sont pas arrimées à l’atteinte de ses objectifs, une réalité qui devient évidente pour les personnes clés. Les États-Unis doivent emprunter de l’argent sur le marché obligataire. En fait, l’économie américaine est profondément tributaire du marché obligataire. Des mesures administratives ont des conséquences négatives sur le marché obligataire qui, à leur tour, motivent le changement. L’approche antérieure de cette administration a fait craindre une incapacité à appréhender cette réalité, un trouble qui pourrait malencontreusement précipiter l’économie dans l’abîme. C’est une bonne nouvelle que les décideurs se rendent compte aujourd’hui que les politiques devront être acceptables pour les investisseurs en obligations. Nous nous attendons à une volatilité des marchés au fil du cycle mesures/conséquences/réactions. Néanmoins, nous restons optimistes et pensons que les boucles de rétroaction tempéreront les actions d’une manière qui permet au monde de digérer et de s’adapter, et aux marchés financiers de tenir bon.
Notre stratégie – Équilibrée, avec encore une préférence pour les actions après avoir encaissé des profits
Notre engagement en faveur de la diversification est notre crédo; il nous permet de rester patients face à l’incertitude et aux tensions émotionnelles. Nos portefeuilles bien équilibrés et bien diversifiés affichent de bons rendements dans le contexte de la récente volatilité. Cela prouve une fois de plus que notre approche résiste à l’épreuve du temps et à toutes sortes de circonstances.
Face à l’incertitude ou à une menace perçue, nous, les humains, retrouvons souvent notre instinct de lutte ou de fuite. Dans ce cas, la meilleure décision pour un investisseur bien équilibré et bien diversifié a été de ne rien faire, compte tenu des va-et-vient incompréhensibles des derniers mois. Nos activités de négociation ont été limitées et n’ont jamais été réactionnaires ou dictées par la panique.
En mai, les marchés financiers ont évolué d’une manière plus unidirectionnelle. Heureusement, cette évolution a été favorable pour les actions, ce qui nous donne l’occasion d’évaluer là où la poussière est retombée. Guidés par notre processus et notre rigueur, nous avons modifié la composition de l’actif des portefeuilles lorsque l’occasion s’est présentée. Ces modifications sont adaptées à la situation de chaque client. Nous avons négocié un grand nombre de portefeuilles afin d’encaisser des profits dans des secteurs qui ont généré de solides rendements relatifs, notamment les actions canadiennes, internationales et des marchés émergents. Le produit de ces ventes a été réinvesti dans diverses solutions de titres à revenu fixe, ce qui a globalement permis d’atténuer les risques de notre positionnement.
Cette atténuation des risques ne signifie pas que nous sommes défensifs ou inquiets.
Elle reflète simplement le fait que le contexte a changé, tout comme les prix de divers actifs, et que de nombreux obstacles doivent être surmontés pour aller de l’avant.
Nous prévoyons maintenant de surpondérer légèrement les actions, en privilégiant le Canada, suivi des États-Unis. Nous avons ramené notre exposition aux marchés internationaux et émergents à un niveau neutre. Nous sous-pondérons les titres à revenu fixe, mais un peu moins qu’avant, avec un mélange bien diversifié d’obligations d’État, d’obligations de sociétés de catégorie investissement et d’obligations de sociétés à rendement élevé, ainsi que de billets structurés personnalisés, axés sur le revenu, conçus par les partenaires de premier plan de BMO Marchés des capitaux spécialisés dans ces actifs.
Le mot de la fin – Réflexions sur la voie raisonnable à suivre
Deux thèmes macroéconomiques dominent les manchettes : les tarifs douaniers et les déficits publics. Leur évolution et leur situation dans six mois ou un an seront déterminantes. Cela ne concerne pas seulement les États-Unis. La situation budgétaire en Europe, au Japon, au Canada et ailleurs ainsi que les représailles tarifaires (ou les tarifs réciproques) sont également importants. Bien que tout cela semble insurmontable, il y a un chemin.
Il est concevable que les gouvernements redéfinissent leurs priorités en matière de dépenses et mettent l’accent sur les investissements visant à améliorer la productivité, de sorte que les taux de rendement obligataires restent maîtrisés (un taux inférieur à 5 % est un seuil clé pour les taux des obligations américaines à 10 ans). Les représailles tarifaires, dont beaucoup ont été tempérées jusqu’à présent (l’Europe et le Japon ont très peu réagi, le Mexique n’a rien fait, le Canada a reculé), demeurent raisonnables et pourraient même disparaître dans le cadre d’un véritable accord de réciprocité (vous laissez tomber les vôtres; je laisse tomber le mien).
Pour les États-Unis, où les répercussions des droits de douane et les dépenses publiques sont les plus graves, il faut s’attendre à un certain niveau de droits de douane, et donc de recettes douanières, à ce stade. Bien que ce ne soit pas l’approche politique que nous recommandons (ni celle de la plupart des économistes), un taux moyen de droits de douane de moins de 15 % générerait des recettes importants, et les économies américaine et mondiale pourraient s’adapter. Les fluctuations de change atténueront une partie des répercussions (ce qui pourrait être interprété comme une absorption du coût par les étrangers). En fin de compte, ce sont les consommateurs américains qui en feront les frais (les remontrances de Trump demandant à Walmart « d’absorber les tarifs douaniers » sont la preuve qu’il comprend que quelqu’un doit payer). Un tarif de 10 % à 15 % sur les seuls produits importés s’apparente à une taxe fédérale sur les ventes inférieure à 10 %, quelque chose qui existe dans tous les pays du G20 à l’exception des États-Unis.
Les tarifs douaniers sont inefficaces; ils engendrent de l’incertitude parce qu’ils peuvent varier et invitent à des représailles. Ils sont vulnérables aux dérogations spéciales et il est tentant de les utiliser comme une arme (même au pays). Fondamentalement, les tarifs douaniers faussent la répartition du capital. Il semble politiquement impossible de percevoir une taxe fédérale sur les ventes aux États-Unis. Par conséquent, un niveau tarifaire raisonnable permettrait de concilier l’équilibre du déficit budgétaire des États-Unis et le maintien de l’économie mondiale sur la bonne voie, tout en permettant aux Américains et au reste d’entre nous de continuer à travailler pour payer la note.
Finalement, rien n’est certain, à part la mort et les impôts, une vérité qui perdure plus de deux siècles après l’observation de Benjamin Franklin.