« Je n’ai nulle part où m’enfuir, chéri, nulle part où me cacher »
Traduction libre de Nowhere to Run, Martha and the Vandellas, chanson écrite par B. Holland, L. Dozier et E. Holland Jr, Motown Records, 1965
Des refrains familiers ont dominé le deuxième trimestre : inflation élevée, interventions énergiques des banques centrales pour contenir cette inflation et volatilité des marchés des capitaux (actions, obligations, produits de base et devises) en réaction à ce contexte qui évolue rapidement. Le changement le plus important est la crainte grandissante que la hausse des taux directeurs des banques centrales soit trop élevée et trop rapide, et ce, au point de déclencher une récession.
Trois événements clés survenus au cours du trimestre ont alimenté les craintes d’une récession. Premièrement, l’inflation mondiale s’est accélérée. Deuxièmement, un sondage montre que la confiance des consommateurs américains n’a jamais été aussi faible, alors que les attentes des consommateurs en matière d’inflation à moyen terme augmentent fortement. Troisièmement, la Réserve fédérale américaine (la Fed) a relevé son taux directeur de 0,75 %, sa plus forte hausse en 28 ans.
Les investisseurs n’avaient nulle part où se réfugier. Les principaux indices (par exemple, S&P 500, Europe Stoxx 50, NASDAQ et MSCI Marchés émergents) sont tous en territoire baissier (en baisse de 20 % par rapport à leurs sommets précédents). Au Canada, l’indice composé S&P/TSX, qui était épargné jusqu’à présent grâce à la pondération marquée des actions des sociétés pétrolières et minières qu’il affiche, a également reculé.
Lorsque les investisseurs s’inquiètent de l’imminence d’une récession (le nombre de recherches sur Google du terme « récession » approche de sommets historiques), ils abandonnent souvent les actions pour profiter de la sécurité relative des obligations. Cependant, au milieu de 2022, les investisseurs du segment des obligations canadiennes ont essuyé deux trimestres consécutifs de pertes, un rare double revers de fortune survenu seulement sept fois en 40 ans. (Une baisse sur trois trimestres d’affilée n’est survenue qu’une seule fois, en 1981.) Une forte remontée a suivi chacune de ces baisses.
Nous croyons que les rajustements de prix depuis le début de l’année compensent les excès et les déséquilibres sur les marchés financiers mondiaux et qu’ils permettent de redresser les cours des actifs dans un monde postpandémique marqué par l’inflation et les tensions géopolitiques.
Pour les titres à revenu fixe, cela signifie qu’une partie du revenu est réinvestie dans l’équation pour les investisseurs. Les coupons et les obligations venant à échéance sont maintenant réinvestis à des taux de rendement plus élevés. La faiblesse des taux d’intérêt observée les années passées n’était pas souhaitable. Elle reflétait un contexte économique défavorable et des taux de rendement peu élevés qui ont pénalisé les épargnants. Jusqu’à présent, l’ajustement à la hausse des taux de rendement a été rapide et les portefeuilles de titres à revenu fixe ont été durement touchés – le recul des deux trimestres de cette année est de loin le pire jamais enregistré. Nous estimons que cet ajustement nécessaire des taux obligataires est beaucoup plus près de sa fin que de son commencement. Nous croyons également que les titres à revenu fixe demeurent un solide outil d’atténuation des risques et qu’ils sont mieux positionnés aujourd’hui. La conjoncture nous a donné raison en juin. Alors que les craintes de récession s’intensifiaient, les taux des obligations à long terme (obligations du gouvernement du Canada à 10 ans) ont atteint un sommet de 3,62 % et clôturé le mois à 3,22 %.
Si une récession éclate, ce sera parce que la demande dépasse l’offre et qu’elle doit être ralentie. À l’heure actuelle, il y a plus d’emplois que de travailleurs pour les combler, trop peu de maisons et d’automobiles à vendre et pas assez de nourriture et d’énergie pour répondre à la demande. En général, la situation est plutôt inverse lors des pires récessions.
Le taux de chômage se situe à des niveaux prépandémiques et à des creux historiques, ou presque, aux États-Unis et au Canada. Aux États-Unis, l’offre de maisons à vendre avoisine un creux historique de 2,6 mois, comparativement aux niveaux de 10 à 12 mois juste avant la crise immobilière de 2009. Aux États-Unis, les concessionnaires automobiles comptent moins de 100 000 véhicules dans leur cours, alors que le nombre habituel est 15 fois plus élevé. Les prix des maisons au Canada ont augmenté de 36 % par rapport aux niveaux observés avant la pandémie. La demande est au rendez-vous, mais pas l’abordabilité. L’augmentation des taux hypothécaires freinera la demande et, par conséquent, la hausse des prix. Il s’agit là d’un rajustement nécessaire, mais fragile. Du côté des biens, il est de plus en plus évident que les escomptes sur les prix s’accumulent à mesure que les stocks augmentent. Cela devrait apporter un soulagement bienvenu, même si l’inflation liée au logement et aux salaires devrait persister. Si une récession est nécessaire pour juguler l’inflation, des chiffres comme ceux-ci devraient donner lieu à une récession superficielle et « abondante en emplois ».
L’inflation fait partie du processus de correction des déséquilibres entre l’offre et la demande. Lorsque les prix montent, les consommateurs modifient leur comportement d’achat et les capitaux canalisent les ressources vers les secteurs où l’offre est faible. Ces ajustements fonctionnent. La production de pétrole de schiste aux États-Unis augmente, et l’OPEP parle d’augmenter sa production. Le Canada devrait augmenter ses récoltes de céréales et d’oléagineux de 33 % par rapport à 2021. Les prix des produits de base sont déjà en baisse par rapport à leurs pics provoqués par la guerre; les prix du pétrole, du blé, du cuivre et du bois d’œuvre sont tous inférieurs à leurs sommets atteints plus tôt cette année. Lorsque l’on tente de maîtriser la demande, il est bon d’entrevoir des signes de ralentissement économique. Malheureusement, ces mêmes indicateurs laissent croire que l’économie pourrait se diriger vers une récession de faible ampleur.
À l’approche de 2022, les marchés boursiers ont fait face à trois grands problèmes.
L’exubérance et la prise de risques excessifs devaient être contenues. Ce fut mission accomplie, en raison du recul des actions en vogue (GameStop, AMC, BlackBerry), du FNB ARK Innovation et des cryptomonnaies, qui se sont tous repliés d’environ 70 %.
Les valorisations boursières, qui sont sensibles aux taux obligataires en vigueur, devaient être révisées, car les taux obligataires mondiaux ont augmenté. Tous les grands marchés se négocient maintenant à des ratios cours/bénéfice inférieurs à leur moyenne sur 10 ans, ce qui représente une amélioration importante.
Parallèlement, le couperet pourrait tomber en ce qui concerne les bénéfices liés aux valorisations des actions (ratios cours-bénéfice). Jusqu’à présent, les estimations des bénéfices des sociétés n’ont pas été rajustées à la baisse pour tenir compte de la diminution des bénéfices dans un contexte de ralentissement de la croissance (ou de récession), conjugué à la hausse des coûts. La situation continue d’évoluer à cet égard.
Canada – Toujours en mode croissance
En juin, l’indice composé S&P/TSX a reculé de -9,0 %. Les 11 secteurs ont tous reculé – même les anciennes grandes sociétés de l’énergie et des matières premières. Les craintes de récession ont entraîné un recul des prix des matières premières qui ont bondi après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
La Banque du Canada a augmenté son taux directeur de 50 points de base pour le porter à 1,5 %. En mai, le taux d’inflation annuel de l’indice des prix à la consommation (IPC) a grimpé à 7,7 %, de sorte que d’autres hausses de taux sont à venir. L’économie canadienne a progressé de 0,3 % en avril, un début positif au deuxième trimestre. Le baril de West Texas Intermediate s’est négocié dans une fourchette comprise entre 104,27 $ US et 122,11 $ US en juin. Le cours de l’or s’est négocié près de son creux depuis le début de l’année, tout juste au-dessus de 1 800 $ US l’once. La robustesse du billet vert et la baisse des prix du pétrole ont pénalisé le huard, qui a clôturé le mois de juin à 0,78 $ US ou 1,29 $ CA. Sur le marché obligataire, la courbe des taux canadienne s’est redressée en grande partie de manière parallèle; le taux à 2 ans est passé de 2,66 % à 3,09 %, tandis que le taux à 10 ans est passé de 2,89 % à 3,22 %.
États-Unis – Signes de ralentissement
Bien que la plus grande économie du monde continue de montrer des signes de croissance, les données du deuxième trimestre ont témoigné du fait que le rythme de l’expansion a commencé à ralentir. Ayant bien entamé l’un des cycles de hausses de taux les plus ambitieux de son histoire, la Fed cherche à lutter contre un taux d’inflation selon l’IPC qui se situe à un sommet de 40 ans (8,6 % sur 12 mois en mai). Le marché de l’habitation ralentit, car les taux hypothécaires fixes à 30 ans sont en moyenne de 5,6 %, contre 2,99 % en juin 2021. Sur une note positive, la mesure de l’inflation que privilégie la Fed (le déflateur des dépenses de consommation de base) a reculé pour un troisième mois de suite. Cependant, comme l’inflation est en hausse de 4,7 % sur 12 mois, il semble certain que la banque centrale continuera d’augmenter ses taux cette année. Il est encourageant de constater que la confiance à l’idée que la Fed maîtrisera l’inflation demeure solide. Les attentes inflationnistes ont commencé à baisser, et les marchés anticipent maintenant des baisses de taux dès mai 2023.
Les taux de rendement des obligations d’État américaines ont augmenté sur l’ensemble de la courbe, tandis que ceux des obligations américaines ont frôlé l’inversion. Ce signal avertisseur alimente les craintes que l’économie américaine frôle la récession. Il ne s’agit toutefois pas de notre scénario de base. Le taux des obligations à 2 ans est passé de 2,56 % à 2,95 %, tandis que celui des obligations à 10 ans est passé de 2,84 % à 3,01 %. L’indice S&P 500 a connu son pire début d’année depuis 1970, reculant de 20,6 % au cours des six premiers mois de 2022.
Europe – Les difficultés persistent
Le taux d’inflation dans l’Union européenne et au Royaume-Uni est l’un des plus élevés des pays développés – de nombreux pays affichent une inflation globale annuelle se situant entre 8 % et 10 %. La Banque centrale européenne (BCE) adopte une approche plus lente pour relever les taux d’intérêt, car le risque de récession est plus élevé en raison du ralentissement de la croissance et des incertitudes géopolitiques élevées.
Les consommateurs en ressentent les contrecoups, et les politiciens mettent en place des mesures de soutien. Les gouvernements mettent en œuvre divers programmes de subventions pour aider à supporter les hausses du coût de la vie. La confiance des consommateurs et les indicateurs prospectifs de l’activité des entreprises laissent entrevoir un ralentissement de la croissance, mais la situation est moins grave que prévu. Les taux des obligations européennes n’attendent pas l’intervention de la BCE; ils ont augmenté en même temps que les taux obligataires mondiaux. L’indice de référence des taux des obligations allemandes à 10 ans est passé d’un terrain négatif au premier trimestre de 2022 à un niveau aussi élevé que 1,76 %, avant de revenir à 1,23 % à la fin de juin. Pour le mois, les indices STOXX 50 en Europe, DAX en Allemagne et FTSE 100 au Royaume-Uni ont reculé de -8,8 %, de -11,2 % et de -5,8 %, respectivement.
Asie – Il est difficile de nager à contre-courant
Maintenant que la Chine est en train de mettre fin aux confinements causés par la COVID-19, les indicateurs laissent entrevoir une modeste reprise. La banque centrale chinoise se démarque de ses pairs à l’échelle mondiale dans le cadre de ses politiques visant à stimuler l’économie. Les autorités ont laissé entendre qu’elles assoupliraient les règles de quarantaine de la politique zéro COVID du pays afin de trouver un meilleur équilibre entre le contrôle de la pandémie et la croissance économique. En juin, les marchés boursiers chinois ont mené le bal à l’échelle mondiale. L’indice composé chinois Shanghai et l’indice Hang Seng de Hong Kong ont progressé de 6,7 % et de 2,1 %, respectivement.
La Banque du Japon a également maintenu ses politiques expansionnistes, qui ont fait tomber le yen à un creux de 20 ans par rapport au dollar américain. Il n’est pas clair si les autorités japonaises auront la détermination et la capacité de repousser la hausse des taux obligataires mondiaux. La faiblesse du yen profite aux exportateurs japonais.
En juin, l’indice Nikkei 225 a affiché un rendement relatif supérieur en monnaie locale (‑3,25 %). Pour les investisseurs canadiens, le chiffre de juin correspond à -7,8 % en dollars canadiens, car le yen a perdu beaucoup de valeur.
Notre stratégie
Notre répartition de l’actif demeure proche de celle de nos indices de référence stratégiques à long terme, hormis quelques ajustements tactiques prudents. Le revenu des coupons et les titres venant à échéance dans nos portefeuilles d’obligations sont réinvestis à des taux de rendement plus élevés. Nous croyons que nos positions obligataires offriront un certain niveau de sécurité si une récession se poursuit.
Nous maintenons une légère surpondération des actions – les actions ont historiquement mieux résisté à l’inflation que les autres catégories d’actif. Nous avons rééquilibré ces portefeuilles lorsque les fluctuations du marché ont fait dévier la répartition de l’actif de nos cibles. Plus précisément, dans les portefeuilles d’actions, nous avons acheté des actions des marchés émergents afin de maintenir une répartition plus proche des pondérations souhaitées.
Nous privilégions les actions canadiennes et américaines. Les sociétés liées aux produits de base au Canada se portent bien dans un contexte inflationniste. Par le passé, les marchés boursiers américains ont offert une sécurité relative dans un contexte de faible croissance mondiale.
Le mot de la fin
Les marchés baissiers sont effrayants. Il est également frustrant de constater qu’à l’heure actuelle, les obligations n’offrent pas la stabilité qu’elles procurent généralement aux portefeuilles. Cependant, lorsqu’une récession semble poindre à l’horizon, les investisseurs avisés composent avec ce contexte, au lieu de le contourner. Il n’y a vraiment nulle part où se cacher. L’histoire a prouvé que c’est un casse-tête que d’essayer d’anticiper les marchés financiers en effectuant des entrées et des sorties de fonds importantes.
En quoi consiste le fait de composer avec une récession? Conservez un bon équilibre, gardez la tête froide et souvenez-vous que la diversification porte ses fruits. Le temps est votre allié; n’oubliez pas votre horizon de placement. Par nature, les marchés peuvent être volatils. Si votre situation a tellement changé que vous ne pouvez plus supporter le niveau actuel de volatilité, songez à réévaluer votre profil – et non la volatilité en soi.
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