« Après 30 ans d’indépendance, l’identité nationale et l’État ukrainiens ne peuvent plus être remis en question, peu importe les efforts de Poutine. »
- Tiré d’un essai dans Foreign Affairs de Maria Popova, de l’Université McGill, et d’Oxana Shevel, de l’Université Tufts.
Le 24 février, après avoir amassé d’importants effectifs militaires près de ses frontières de l’Ukraine, ce que beaucoup pensaient être une tactique de négociation du président Vladimir Poutine, la Russie a envahi l’État souverain. Une condamnation mondiale a suivi la plus grande attaque contre un État européen depuis la Seconde Guerre mondiale.
Des dizaines de pays ont imposé de sévères sanctions et les sociétés ont modifié ou interrompu leurs activités dans ce pays, ou s’en sont départi. MSCI a éliminé la Russie de son indice des marchés émergents. Fitch et Moody’s ont abaissé la cote de crédit de la Russie à la catégorie spéculative, ce qui poussera plus de capitaux à fuir les titres russes. Cette réponse mondiale unie est inédite – même la Suisse, célèbre pour sa neutralité, a pris position contre cette invasion injustifiée.
Les marchés nord-américains sont très éloignés de la Russie et y sont peu exposés. La volatilité a surtout été présente sur les marchés des produits de base comme l’énergie, les métaux et les céréales. Tout cela a alimenté l’inflation et a poussé les banques centrales à effectuer un resserrement. Le Canada a profité de la hausse des prix des produits de base, mais les marchés boursiers à l’étranger ont fortement chuté en réaction aux hausses de taux attendues et à l’assaut de la Russie contre l’Ukraine. Les obligations ont également reculé en février.
Canada – Une résilience soutenue
Même si le Canada a une exposition limitée à l’Ukraine ou à la Russie, l’incidence sur la volatilité des prix du pétrole et du gaz naturel accentue les pressions inflationnistes. En janvier, l’inflation a atteint un taux annualisé de 5,1 %, son plus haut niveau depuis 1991. L’alimentation, l’énergie et le transport ont mené le bal. La flambée des prix de l’énergie renforce généralement le dollar canadien et atténue une partie des répercussions de l’inflation. Cette fois-ci, cependant, le huard ne s’est pas apprécié, en grande partie à cause de la fermeté de la Réserve fédérale américaine et de la sécurité attrayante que présente le billet vert américain.
Notre économie a continué de faire preuve de résilience. Elle a progressé de 6,7 % au quatrième trimestre de 2021 et de 4,6 % pour l’ensemble de 2021; le PIB se situe maintenant au-dessus de son sommet précédent, atteint au quatrième trimestre de 2019. Curieusement, Statistique Canada estime que l’économie a progressé de 0,2 % en janvier, malgré des fermetures importantes liées à Omicron. Les chiffres de février seront sans doute moins élevés en raison des goulets d’étranglement persistants dans la chaîne d’approvisionnement, des retombées des manifestations des convois de camionneurs et de la hausse des prix de l’énergie.
Dans le but de freiner l’inflation, la Banque du Canada (BdC) a relevé son taux directeur de 25 points de base à 0,5 %, sa première hausse depuis 2018. On s’attend à cinq ou six hausses supplémentaires pendant le cycle. Les observateurs du marché se concentrent maintenant sur la vitesse et l’ampleur des hausses à venir, la BdC tentant de trouver un juste équilibre pour faire baisser l’inflation sans ralentir la croissance.
Malgré les importants événements mondiaux et la volatilité, l’indice S&P/TSX a clôturé le mois de février essentiellement au même niveau. Les matières premières et l’énergie se sont envolées, tandis que les technologies de l’information ont connu un revers. En raison du resserrement de la chaîne d’approvisionnement et des perturbations géopolitiques, le prix du pétrole West Texas Intermediate (WTI) a dépassé les 95 $ US le baril en février. L’or a également grimpé à cause des préoccupations inflationnistes et d’un contexte d’aversion pour le risque; il a surpassé les 1 900 $ US l’once. Le taux de l’obligation d’État à 10 ans a progressé de 10 points de base pour s’établir à 1,8 %, tandis que celui de l’obligation à 2 ans a augmenté de 20 points de base, ce qui a aplati la courbe pour refléter d’autres hausses de taux d’intérêt à court terme, mais pas nécessairement une croissance économique globale persistante.
États-Unis – Une réaction vigoureuse contre l’envahisseur
Le président des États-Unis, Joe Biden, s’est joint aux dirigeants mondiaux en imposant de vastes sanctions visant à paralyser l’économie russe. Les États-Unis et l’Union européenne (UE) veulent couper les institutions financières russes du financement occidental et miner le soutien apporté à Vladimir Poutine en s’attaquant aux actifs de son cercle restreint de riches oligarques. Les États-Unis repositionnent une partie de leurs 90 000 militaires établis en Europe pour renforcer la défense des pays de l’OTAN qui bordent l’Ukraine. Le président Biden a maintenu que ces mouvements sont temporaires et a déclaré que les États-Unis n’entreraient dans le conflit que si un membre de l’OTAN était attaqué. Selon CBS News, Bill Browder, un financier et un activiste anticorruption, aurait déclaré : « Il y a un dicton qui dit : Nous devrions les combattre dans les banques si nous ne pouvons pas les combattre avec des chars d’assaut. »
L’économie américaine a commencé l’année 2022 avec vigueur. Même si l’inflation a atteint 7,5 % en janvier, son plus haut niveau depuis 1982, les dépenses de consommation (qui représentent les deux tiers de l’économie américaine) ont progressé de 2,1 % après avoir chuté de 0,8 % en décembre. La forte croissance des salaires dans un marché du travail qui se resserre a encouragé les clients à sortir leurs portefeuilles, ce qui a permis de compenser la réduction de l’aide gouvernementale et la hausse des prix. L’économie américaine a enregistré une croissance annualisée de 7 % au quatrième trimestre de 2021, une hausse spectaculaire par rapport au 2,3 % au troisième trimestre. Cependant, l’économie a été confrontée à d’importantes difficultés au cours des deux premiers mois de 2022 et le rythme de l’expansion devrait ralentir considérablement.
La Réserve fédérale a déclaré que la guerre ne modifiera probablement pas ses plans de resserrement de la politique monétaire du pays. Les analystes s’attendent à ce que la banque centrale relève son taux directeur de zéro lors de sa réunion de mars. Certains se demandent si l’augmentation standard d’un quart de point suffira à ralentir l’inflation galopante ou si une hausse d’un demi-point se justifie. Le marché prend maintenant en compte le fait qu’il est moins probable qu’une audacieuse hausse de 50 points de base soit la prochaine mesure de la Fed.
L’augmentation de la volatilité provoquée par la guerre en Ukraine et la hausse de l’inflation bousculent les marchés américains. L’indice S&P 500 est tombé en territoire de correction depuis le début de l’année et a chuté de 3,1 % en février. La hausse des taux est difficile pour les sociétés technologiques; l’indice composé Nasdaq a reculé de 3,4 % au cours du mois.
Europe – L’UE livrera des armes
L’UE a imposé de sévères sanctions à la Russie. L’une de ces sanctions vise à punir les banques russes en les bannissant de la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (SWIFT), un réseau de messagerie sécurisé qui permet aux banques de faciliter rapidement et en toute sécurité les virements transfrontaliers. Par conséquent, environ 70 % des banques russes connaîtront des difficultés et les banques touchées ne pourront plus effectuer la plupart des transactions financières à l’échelle mondiale.
À un moment décisif de son histoire, l’UE a accepté de financer et de livrer des armes, qui seront remises à l’armée ukrainienne. Environ 450 millions d’euros serviront à acheter des armes létales et 50 millions d’euros des fournitures comme du carburant et de l’équipement médical. De plus, les pays européens ont fermé leur espace aérien aux aéronefs russes et ont interdit l’exportation, la vente, la fourniture et le transfert d’aéronefs ou de matériel connexe à la Russie.
Christine Lagarde, chef de la Banque centrale européenne, a déclaré : « Ce que nous savons, c’est que l’économie de la zone euro sera pénalisée par l’intermédiaire de deux principaux canaux, soit les prix de l’énergie et la confiance ou l’incertitude, mais pas par le commerce, qui est limité entre la Russie et la zone euro. La persistance de l’incertitude freinera sans doute la consommation et les investissements et entravera la croissance. »
L’Union européenne élabore des plans pour réduire sa dépendance au gaz russe, mais la guerre en Ukraine rend la croissance encore plus incertaine. La Commission européenne (CE) estime que la croissance économique en février sera de 4,0 % pour les 19 pays de la zone euro, une baisse par rapport aux prévisions de 4,3 % de novembre. La CE estime que la croissance a été freinée par la COVID-19, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et l’inflation alimentée par les prix de l’énergie.
Les tensions géopolitiques ont étouffé les marchés en février. Les indices Euro Stoxx 50, FTSE 100 et DAX ont reculé de 7,1 %, de 1,0 % et de 7,4 % respectivement.
Chine – Une croissance qui ralentit
La Chine a l’intention d’accroître ses réductions d’impôt et d’augmenter ses paiements aux gouvernements locaux afin de compenser le ralentissement de la croissance. Le ministre des Finances, Liu Kun, a déclaré : « Cette année, le gouvernement central augmentera considérablement la taille des paiements de transfert, en particulier les paiements de transfert généraux, et il continuera de privilégier les régions en difficulté et les zones sous-développées. »
Ces efforts visent à soutenir une économie qui s’essouffle et qui a commencé à perdre de la vigueur au milieu de 2021 à cause des problèmes d’endettement dans le secteur de l’immobilier et des restrictions liées à la COVID-19 qui ont freiné les dépenses de consommation. L’ampleur exacte des réductions d’impôt ainsi que de l’émission d’une obligation spéciale pour 2022 sera dévoilée lors de la session annuelle du Congrès populaire national ce mois-ci.
En février, le Hang Seng a inscrit un rendement négatif de 7,6 % après que les sanctions de l’Occident contre la Russie ont fait bondir les prix des produits de base. L’indice composé de Shanghai a inscrit un rendement légèrement positif de 1,0 %.
Japon – La crise présente des risques
La production manufacturière japonaise a reculé de 1,3 % en janvier, reflet de la difficulté du secteur automobile à composer avec les suspensions de production dans la foulée d’un tsunami d’infections à la COVID-19. La production a baissé pour un deuxième mois consécutif, après avoir chuté de 1,0 % en décembre. Les ventes au détail ont également reculé de 1,9 % (donnée désaisonnalisée) en janvier. La crise en Ukraine menace sérieusement la production et l’économie dans son ensemble au Japon. La poursuite du conflit pourrait déclencher une pénurie mondiale de produits de base et d’énergie.
La Banque du Japon a déclaré qu’il était trop tôt pour commencer à resserrer sa politique monétaire et à retirer l’énorme programme de relance, étant donné le faible niveau d’inflation du pays.
Le Nikkei a chuté de 2,0 % en février, les investisseurs se concentrant sur la guerre en Ukraine.
Notre stratégie
La vigueur des prix des produits de base, qui ont été stimulés par l’invasion russe non provoquée, a permis aux actions canadiennes d’enregistrer des rendements nettement supérieurs à ceux des obligations et des actions mondiales. Par conséquent, certains de nos portefeuilles surpondèrent maintenant les actions canadiennes. Nous croyons qu’il existe de solides facteurs favorables à court terme pour notre marché boursier. La volatilité des marchés fait en sorte qu’il serait imprudent d’effectuer un rééquilibrage précipité.
Notre décision relative à la répartition de l’actif consiste à surpondérer les actions américaines, ce qui se reflète dans la plupart des portefeuilles des clients. Compte tenu de leur récente sous-performance, les actions américaines sont maintenant encore plus attrayantes selon nous.
Le mot de la fin
Nos pensées accompagnent le peuple ukrainien, les 1,4 million de Canadiens d’origine ukrainienne et tous ceux qui, partout dans le monde, sont touchés par la tragique invasion en cours.
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