« Les deux guerriers les plus puissants sont la patience et le temps. »
Léon Tolstoï, Guerre et Paix
Dans le commentaire du mois dernier, nous mentionnions que le rebond des actions et des obligations en janvier était sans doute attribuable à un optimisme exagéré et hâtif. Le mois de février nous a donné raison.
De fait, les marchés boursiers et obligataires mondiaux ont démarré l’année 2023 en force, mais se sont essoufflés le mois dernier. En ce qui concerne les actions, la légère baisse de février a entamé les excellents gains enregistrés depuis le début de l’année, sans toutefois les effacer. Après avoir baissé au début de l’année, les taux de rendement des obligations ont recommencé à grimper, ce qui a exercé des pressions sur leurs cours. Les gains demeurent toutefois positifs depuis le début de l’année grâce au niveau de revenu provenant des obligations qui est maintenant décent.
Trois facteurs peuvent expliquer le revirement qui s’est produit en février : des perspectives un peu plus raisonnables que celles de janvier; un ajustement à la lumière des nouvelles données; et, maintenant, peut-être, une réaction exagérée en sens inverse. Si les perspectives étaient trop optimistes en janvier, celles de février étaient trop sombres, à notre avis. Nous nous attendons à ce que ces revirements se poursuivent. En période d’incertitude, les investisseurs ont tendance à réagir de façon exagérée aux données à court terme.
Mis à part les réactions exagérées, les nouvelles données indiquent que l’avenir demeure incertain. Il y a un mois, les investisseurs espéraient un léger ralentissement de la croissance économique et une diminution ordonnée de l’inflation. Les observateurs du marché qualifiaient un tel scénario de « désinflation parfaite ». Autrement dit, nous assisterions à un atterrissage en douceur (une diminution de l’inflation qui n’entraînerait que des difficultés économiques mineures). À l’opposé, l’atterrissage serait brutal si l’inflation persistait au point où seule une récession profonde pourrait la faire ralentir.
En février, les données ont révélé que l’inflation mondiale était plus forte que prévu (sauf au Canada), que les revenus et les dépenses des consommateurs étaient solides, que la croissance économique était supérieure aux attentes (surtout en Europe), et ce, en plus des données exceptionnelles sur l’emploi aux États-Unis et au Canada. Les taux obligataires ont réagi à ces données et ont fortement augmenté. Si l’on tient seulement compte de ces plus récentes données, les banques centrales devraient continuer de relever les taux d’intérêt pour maîtriser l’inflation.
Les données économiques étonnamment robustes de février ont incité les observateurs du marché à envisager un troisième scénario où l’atterrissage ne viendrait pas et dans lequel l’économie surchauffe et l’inflation persiste. On ignore à quoi mènerait un tel scénario. Certains suggèrent que l’atterrissage ne sera que plus difficile plus tard, à moins que des ajustements soient apportés ailleurs, ce qui est probablement vrai.
Cependant, l’absence d’atterrissage permet de gagner du temps. Même les prévisionnistes les plus pessimistes révisent leur point de vue quant au moment où une récession frappera. L’an dernier, ils ont évoqué le quatrième trimestre, puis le premier trimestre de 2023, et certains remettent maintenant cela à 2024.
Le temps peut souvent être un allié. Compte tenu de la baisse des prix des matières premières et du redressement des chaînes d’approvisionnement, la croissance des salaires est le seul sujet de préoccupation à l’échelle mondiale en matière d’inflation. Si, en l’absence d’atterrissage, l’économie progresse en deçà de son potentiel pendant un certain temps, cela donne au marché du travail le temps de s’ajuster (les travailleurs mis à pied dans un secteur trouvent un emploi ailleurs, l’immigration contribue à combler les pénuries).
Ce scénario a fait émerger un nouveau terme accrocheur : la « récession tournante ». Il s’agit d’une baisse qui touche les secteurs à tour de rôle, et non tous en même temps, tandis que certains secteurs peuvent même l’éviter. La vigueur des autres secteurs permet à l’ensemble de l’économie d’éviter la récession.
Nous observons des signes indiquant qu’un tel scénario se concrétise : les mises à pied sont en hausse, les secteurs de l’habitation et de la fabrication sont malmenés et l’épargne des personnes au revenu inférieur à la moyenne s’épuise. De plus, les conditions financières se resserrent (flambée des taux hypothécaires, par exemple), les banques réduisent leurs prêts et les consommateurs ont de plus en plus souvent recours à leurs cartes de crédit.
Du côté positif, le taux de participation de la population active augmente aux États-Unis et au Canada, tandis que la croissance des salaires, bien qu’elle demeure robuste, continue de ralentir. Ces deux éléments sont très importants lorsque le principal problème est le manque de main-d’œuvre et la hausse des salaires. De plus, les bilans des consommateurs et des entreprises demeurent sains dans l’ensemble et procurent une protection en cas de repli. Les entreprises qui avaient de la difficulté à embaucher ont peut-être tendance à garder des travailleurs, ce qui met également l’économie à l’abri du traditionnel scénario de récession.
À notre avis, les probabilités favorisent toujours des résultats souhaitables ou du moins acceptables pour les investisseurs : un atterrissage en douceur, aucun atterrissage ou une récession tournante.
Canada – Réalisme
En février, l’indice composé S&P/TSX a reculé de 2,6 %, mais il a progressé d’un solide 4,3 % sur 12 mois. La Banque du Canada (BdC) a relevé ses taux de 4,25 % depuis mars dernier, de sorte qu’il n’est pas surprenant que l’économie ait stagné à la fin de 2022. Le marché de l’habitation demeure morose et les entreprises réduisent leurs dépenses en capital, mais l’emploi, les dépenses des ménages et les revenus restent solides. Les perspectives sont donc floues dans l’ensemble.
L’inflation a diminué pour un troisième mois, passant de 6,3 % en décembre à 5,9 % en janvier. Il s’agit d’un rare cas à l’échelle mondiale où le taux d’inflation a été inférieur aux prévisions des économistes. Les données soutiennent la décision de la BdC de suspendre ses hausses de taux pour l’instant. Cependant, malgré les preuves et les efforts de la BdC pour défendre publiquement sa décision, les taux de rendement du marché obligataire ont augmenté parallèlement à l’évolution de la situation aux États-Unis et aux craintes que le taux de financement à un jour doive être rehaussé au deuxième semestre de 2023.
L’indice des obligations universelles FTSE Canada a reculé de 2 % pour le mois, mais il demeure en hausse de 1 % pour l’année. Le taux des obligations canadiennes à 2 ans est passé de 3,75 % à 4,20 % et celui des obligations à 10 ans est passé de 2,91 % à 3,33 %. Le prix du baril de pétrole West Texas Intermediate a fléchi de 2,3 % pour s’établir à 77,05 $ US. Notre dollar a cédé ses gains acquis plus tôt dans l’année, en baisse de 2,5 % pour s’établir à 0,733 $ US, soit 1,365 $ CA par dollar US.
États-Unis – Détermination
En février, la déception provoquée par la vigueur et la trajectoire de l’inflation aux États-Unis a été le principal élément à l’origine des mouvements sur les marchés boursiers et obligataires aux États-Unis et dans le monde. L’inflation qui s’est révélée coriace a plombé les attentes à l’égard de la future politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed). Les taux obligataires ont augmenté et les cours boursiers ont chuté.
En février, l’indice S&P 500 a fléchi de 2,6 %, mais il demeure en hausse de 3,4 % pour l’année. Le taux des obligations du gouvernement des États-Unis à 2 ans est passé de 4,20 % à 4,82 % et celui des obligations à 10 ans est passé de 3,51 % à 3,92 %. L’inflation annualisée selon l’indice des prix à la consommation (IPC) aux États-Unis a baissé de 6,5 % à 6,4 %, sans atteindre le taux de 6,2 % prévu. D’autres mesures de l’inflation ont également été décevantes.
L’inflation de base liée aux dépenses personnelles de consommation aux États-Unis (inflation de base des DPC), une mesure clé que la Fed surveille de près, a augmenté d’une année à l’autre. Ce nouveau portrait a anéanti l’espoir de voir prochainement la Fed cesser ses hausses de taux. Selon le consensus des analystes à l’heure actuelle, les taux d’intérêt atteindront probablement un sommet de 5,4 % et il n’y aura pas de réduction en 2023.
La bonne nouvelle : le marché obligataire, qui faisait auparavant fi de la détermination de la Fed, est maintenant parfaitement en phase avec les prévisions de cette dernière. Cela nous rappelle que si les attentes peuvent changer à un tel point et aussi rapidement, elles peuvent certainement changer à nouveau. La Fed tiendra compte de deux données à venir sur l’inflation et d’un rapport sur l’emploi avant sa prochaine réunion du 22 mars à l’issue de laquelle elle prendra une décision sur les taux.
Europe – Confirmation
Les marchés boursiers européens continuent de dégager des rendements supérieurs en monnaie locale. Les chiffres montrent que la zone euro a réussi à éviter une profonde récession et que les perspectives à court terme s’améliorent grâce à la résilience des consommateurs européens. Bien qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle pour l’économie, cela n’est pas de bon augure pour l’inflation européenne qui demeure obstinément élevée. On ne s’attendait pas vraiment à ce que la Banque centrale européenne cesse de relever les taux d’intérêt prochainement, de sorte que le marché obligataire n’a pas considéré qu’il s’agissait d’un changement de cap, mais a plutôt conclu que les taux continueraient d’augmenter. Les taux de rendement des obligations européennes ont grimpé, tout comme ceux des obligations mondiales.
En février, les indices boursiers Euro STOXX 50 en Europe, DAX en Allemagne et FTSE 100 au Royaume-Uni ont inscrit des gains de 1,8 %, de 1,6 % et de 1,4 %, respectivement.
Asie – Renaissance
L’économie chinoise reprend de la vigueur. Malgré l’accroissement des tensions géopolitiques entourant l’incident du ballon et la diminution de la population, les répercussions à court terme sont positives pour les chaînes d’approvisionnement et la croissance à l’échelle mondiale. Le découplage de la Chine et de l’Occident est bien réel, mais pas universel. Des changements s’opèrent dans des secteurs d’importance stratégique, mais les grands détaillants ainsi que les constructeurs d’aéronefs et d’automobiles occidentaux considèrent toujours l’énorme marché du pays comme un pari prometteur à long terme.
Les sanctions occidentales contre les entités chinoises continuent de prendre de l’ampleur, l’application de médias sociaux chinoise TikTok étant la plus récente cible de l’Occident. Pendant ce temps, le gouvernement chinois envoie des signaux erratiques : il courtise les entreprises et les investisseurs occidentaux, tout en exhortant les sociétés d’État à diminuer progressivement leur recours aux quatre plus grands cabinets comptables internationaux. Les craintes géopolitiques ont pesé lourdement sur le rendement en février. L’indice des actions MSCI Chine a reculé de 10,2 %, effaçant le gain de janvier.
Les marchés boursiers et obligataires japonais ont été calmes en février. Avec la nomination d’un nouveau gouverneur à la tête de sa banque centrale, le Japon semble prêt à maintenir sa politique monétaire ultra-expansionniste. En février, l’indice des actions japonaises Nikkei 225 a légèrement progressé de 0,4 %.
Notre stratégie – L’équilibre
Notre stratégie de répartition des éléments d’actif demeure bien équilibrée et comporte une légère surpondération des actions et sous-pondération des titres à revenu fixe.
Ce qui s’est passé en février met en évidence la précarité de la situation des marchés boursiers. Un contexte économique plus favorable soutient les bénéfices des sociétés, mais la hausse des taux obligataires pèse sur le cours des actions via les valorisations. Il est encourageant de constater la résilience des marchés boursiers malgré la crainte grandissante que les banques centrales soient forcées de relever les taux encore plus. Nous demeurons optimistes quant aux actions.
Les taux obligataires augmentent lorsque la croissance semble plus forte et que l’inflation reste élevée, ce qui a donné lieu à un ajustement plus important des obligations en février. Après avoir constaté avec étonnement l’ampleur de la baisse des taux en janvier, nous jugeons maintenant que les cours du marché obligataire sont plus appropriés, compte tenu du contexte actuel. Nos portefeuilles d’obligations continuent d’offrir de solides taux de rendement et de profiter du réinvestissement du revenu d’intérêt et des titres arrivant à échéance dans des titres à rendement plus élevé. En cas de récession, nous croyons que nos obligations procureront un niveau de protection.
Sur le plan géographique, nous continuons de privilégier l’Amérique du Nord dans la composante d’actions. Les paramètres fondamentaux des actions autres que nord-américaines se sont toutefois améliorés; ces marchés continuent d’afficher des rendements supérieurs, et nous nous ajustons en conséquence.
Le dernier mot – Des fluctuations spectaculaires
Le contexte actuel est caractérisé par de fortes fluctuations de l’humeur du marché, de nombreuses prévisions bâclées et des données économiques saisissantes. Par exemple, selon les statistiques gouvernementales sur la main-d’œuvre, un demi-million de nouveaux emplois ont été créés aux États-Unis et 150 000 au Canada en janvier. En un mois – vraiment? Il s’agit de données désaisonnalisées et celles de janvier sont particulièrement reconnues pour être décalées; la situation est encore pire en cette période postpandémique. Sans la désaisonnalisation, les États-Unis ont plutôt perdu 2,5 millions d’emplois et le Canada, 125 000.
Ce n’est qu’un exemple qui montre que nous ne sommes pas dans un cycle économique normal. L’économie mondiale n’avait pas connu une situation pareille à celle des trois dernières années depuis la Deuxième Guerre mondiale et les années qui ont suivi. Les gouvernements ont dépensé massivement afin de lutter contre les effets dévastateurs de la COVID-19 sur l’économie et les soins de santé, des perturbations sans précédent ont bouleversé les chaînes d’approvisionnement et la main-d’œuvre, la demande refoulée des consommateurs a été libérée et la guerre dure depuis un an en Ukraine.
Les fluctuations spectaculaires des marchés financiers reflètent l’incertitude de la conjoncture économique mondiale. Le moindre changement entraîne une hypervigilance sur les marchés financiers en période de ralentissement de la croissance mondiale, de diminution des marges bénéficiaires, de flambée de l’inflation, de relèvement des taux d’intérêt par les banques centrales et de vives tensions géopolitiques.
Les humains sont impatients, et les marchés financiers sont la somme de leurs décisions. Notre aversion à l’incertitude nous amène à faire des prévisions. Cependant, compte tenu des nombreux facteurs inusités et perturbateurs qui sont en jeu, il n’est pas prudent de réagir de façon exagérée à chaque nouvelle statistique publiée.
Notre scénario de référence, selon lequel l’économie s’en sortirait bien, était très en vogue en janvier. À peine un mois plus tard, certains observateurs du marché voient les choses d’un tout autre œil. Les marchés du travail s’ajustent – il est encourageant de constater que la majorité des emplois créés l’ont été dans les secteurs où les pénuries sont les plus graves. Nos placements sont équilibrés depuis longtemps dans nos portefeuilles. Ils sont solides, car l’ingéniosité de la diversification nous aide à composer avec cette période au cours de laquelle l’économie mondiale s’ajuste et se remet des chocs extraordinaires des dernières années.
Les mois de janvier et de février nous ont montré deux trajectoires différentes. L’histoire n’est pas terminée. Nous surveillons la situation de près, mais sans réagir de façon exagérée, sachant qu’un mois n’est pas représentatif d’une tendance. Comme Léon Tolstoï l’a mentionné dans Guerre et Paix, le temps et la patience sont les deux guerriers les plus puissants.
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