Risque moral (nom) : situation dans laquelle des personnes ou des organisations ne subissent aucune conséquence de leurs mauvaises décisions, ce qui peut les inciter à prendre de plus grands risques.
Traduction libre de la définition du Cambridge Business English Dictionary
Au premier trimestre de 2023, la plupart des marchés boursiers mondiaux ont inscrit des gains (atteignant même les deux chiffres dans certains cas), tandis que le marché obligataire canadien a enregistré un rendement supérieur à 3 %. De tels gains ont pu causer une certaine surprise, étant donné les fluctuations des cours des marchés financiers mondiaux au premier trimestre.
En mars, la deuxième et la troisième plus grande faillite bancaire de l’histoire ont eu lieu aux États-Unis. En Suisse, l’emblématique Credit Suisse a été sauvée grâce à une acquisition rapide par une banque rivale. Ces faillites illustrent bien l’adage selon lequel les banques centrales resserrent la politique monétaire jusqu’au point de rupture.
Nous croyons que la situation du secteur bancaire est actuellement maîtrisée parce qu’il s’agit d’un problème de liquidité, non de solvabilité. Quelle est la différence?
La liquidité est une mesure de l’encaisse et des autres actifs d’une banque, même s’ils ne sont pas accessibles sur demande. Elle relève davantage de la simultanéité des flux de trésorerie que de la qualité des actifs d’une banque. Les banques américaines concernées détenaient un volume suffisant d’actifs de grande qualité, mais une part trop importante était immobilisée dans des obligations d’État à long terme. Elles ont été prises de court lorsque les déposants ont décidé de retirer leurs fonds immédiatement, ce qui a entraîné une panique bancaire.
La banque dont les emprunts ont une valeur supérieure à celle de ses actifs est confrontée à un problème de solvabilité, ce qui est beaucoup plus grave qu’un problème de liquidité, qui survient lorsque ses déposants veulent récupérer leur argent et qu’elle n’a pas les actifs nécessaires pour respecter cette obligation (p. ex., prêts ou prêts hypothécaires consentis à des ménages ou à des entreprises qui n’ont plus la capacité de les rembourser). Il ne s’agit pas seulement d’un problème de simultanéité : l’argent n’est simplement plus là (nous vous recommandons de regarder le classique La vie est belle dans lequel James Stewart, lauréat d’un Oscar, explique le fonctionnement des banques, ce qui permet d’éviter une panique bancaire à la Bailey Building and Loan).
La Silicon Valley Bank avait un problème de liquidité à cause de ses investissements trop importants dans des obligations d’État américaines à long terme. Elle a été contrainte de les vendre à perte (en raison de la hausse rapide des taux d’intérêt) lorsque les déposants ont voulu récupérer leur argent.
Pour éviter une crise bancaire, la banque centrale, les agences d’assurance-dépôts et le Trésor américains se sont mobilisés pour calmer le jeu. Qui plus est, pour éviter la contagion, les règles ont été modifiées afin que les banques puissent échanger leurs obligations d’État contre des liquidités à la valeur nominale. S’il y avait eu un problème de solvabilité, la qualité des actifs aurait été douteuse (comme en cas de défaut) et cette option d’échange n’aurait pas été considérée.
Compte tenu des craintes de liquidité, l’aversion pour le risque sur les marchés financiers a entraîné un afflux de capitaux dans les obligations d’État, ce qui a fait baisser les taux et grimper les cours. L’augmentation des cours des obligations d’État a facilité leur vente ou leur utilisation à titre de garantie, ce qui a permis d’éviter le scénario catastrophe. Or, c’est le contraire de ce qui se passe lors d’une crise de solvabilité, où la valeur des actifs, qui est au cœur du problème, continue de baisser.
Un tel choc bancaire a ramené la stabilité financière (la tâche fondamentale de toutes les banques centrales) en tête de liste de leurs priorités, même si elles continuent aussi de s’affairer à contenir l’inflation et à rétablir la stabilité des prix. Les risques de contagion à plus grande échelle sont probablement contenus, mais nous nous attendons à un certain resserrement du crédit au sein de l’économie. Comme nous l’avons déjà mentionné, les marchés financiers s’adaptent à la forte inflation, aux taux d’intérêt élevés, aux liquidités moins accessibles, au ralentissement de la croissance et à l’intensification des tensions géopolitiques. Nous continuons de croire que de nombreux progrès ont été accomplis sur ces fronts. Même si l’inflation baisse, l’économie et le système financier sont devenus plus vulnérables. À notre avis, les banques centrales nord-américaines doivent cesser de relever les taux d’intérêt.
Cette crise du système financier aura peut-être secoué suffisamment les banques centrales pour les inciter à adopter une approche plus attentiste à l’égard des hausses de taux. Le rendement positif des actions et des obligations en mars donne à penser que les marchés financiers croient que les banques centrales ont compris ce message. En fait, les cours actuels du marché obligataire laissent présager que d’ici décembre le taux des fonds fédéraux sera plus proche des 4 % que des 5 % en vigueur.
Canada – Une pause appropriée
En mars, l’indice composé S&P/TSX a reculé de 0,6 %, mais il affiche toujours une progression de 3,7 % sur 12 mois. La Banque du Canada (BdC) a relevé le taux du financement à un jour à 4,5 % en janvier et a laissé entendre qu’elle attendrait de voir les effets des hausses de taux cumulatives sur le contrôle de l’inflation. La BdC a été la première grande banque centrale à commencer à relever les taux et la première à faire une pause; on peut donc la considérer comme étant la plus habile. Une pause semble appropriée, puisque l’économie envoie des signaux contradictoires. Le marché canadien de l’habitation demeure morose et les entreprises réduisent leurs investissements en capital. En revanche, l’emploi, les dépenses des ménages et les revenus restent solides.
Le taux d’inflation au Canada est l’un des plus bas du G20. Le taux d’inflation annualisé selon l’indice des prix à la consommation (IPC) a diminué pour un quatrième mois et est passé de 5,9 % en janvier à 5,2 % en février. Cependant, les dépenses publiques extravagantes et les déficits sans fin à un moment où nous avons dépassé le plein emploi ne serviront à rien.
Les turbulences bancaires à l’échelle mondiale ont pesé sur les taux de rendement des obligations canadiennes, ce qui a fait grimper les cours obligataires et l’indice des obligations universelles FTSE Canada qui a avancé de 2,2 % en mars (en hausse de 3,2 % sur 12 mois). Le taux des obligations canadiennes à 2 ans est passé de 4,20 % à 3,73 %, tandis que celui des obligations à 10 ans est passé de 3,33 % à 2,90 %. Les craintes grandissantes de récession mondiale ont pesé sur les prix du pétrole. Le prix du baril de pétrole West Texas Intermediate a reculé de 1,8 % en mars et de 5,7 % sur 12 mois pour s’établir à 75,67 $ US. Le huard a fluctué dans une fourchette allant de 0,72 à 0,75 $ US au premier trimestre. Le mois dernier, il a progressé de 1 % pour s’établir à 0,740 $ US, soit 1,352 $ CA par dollar américain.
États-Unis – Une pause possible
La volatilité observée en 2023 a été causée en grande partie par la Réserve fédérale américaine (Fed). Les propos de la banque centrale ont été tantôt conciliants, tantôt fermes, ce qui a provoqué d’importants remous sur le marché obligataire. Les marchés boursiers ont célébré l’endiguement rapide des turbulences dans le secteur bancaire.
Ils espèrent que les difficultés des banques convaincront la Fed de cesser les hausses de taux plus tôt que prévu. Cependant, dans une perspective plus large, les problèmes du secteur bancaire ne sont pas bons pour l’économie. Les prévisions de bénéfices des sociétés ont été révisées à la baisse pour tenir compte d’une certaine faiblesse de l’économie, même si l’on ne sait pas trop à quel point la situation se détériorera.
Le travail de la Fed est devenu plus délicat. Son objectif principal est de veiller à la stabilité du système financier, notamment la stabilité des prix (l’inflation), une condition considérée comme préalable à long terme pour atteindre cet objectif. Bien que l’inflation annualisée selon l’IPC aux États-Unis ait reculé de 6,4 % à 6,0 % (la mesure de l’inflation privilégiée par la Fed), l’inflation de base, qui est fondée sur les dépenses de consommation personnelles (DCP), ne baisse pas aussi rapidement. Au beau milieu des turbulences bancaires de mars, la Fed a néanmoins choisi de relever son taux d’un quart de point. Le président de la Fed, Jerome Powell, a déclaré qu’il pourrait être approprié de raffermir quelque peu la politique monétaire, insistant toutefois sur les termes « pourrait » et « quelque peu ». Nous pensons que la Fed veut bien cesser de relever les taux, mais qu’elle devra poursuivre la hausse si la croissance des salaires et de l’inflation ne ralentit pas.
En mars, l’indice S&P 500 a avancé de 3,5 %, en hausse de 7 % sur 12 mois. Le taux des obligations du gouvernement des États-Unis à 2 ans a reculé de 4,82 % à 4,03 % et celui des obligations à 10 ans est passé de 3,92 % à 3,47 %.
Europe – Pas encore de pause
Les marchés boursiers européens ont été parmi les plus performants au premier trimestre. Les difficultés éprouvées par Credit Suisse et dans une moindre mesure, par la Deutsche Bank, ont secoué les marchés, mais le mariage forcé qui a été conclu à la hâte entre Credit Suisse et UBS, sa rivale, a rapidement fait rebondir les marchés. À l’instar de ce qui s’est passé chez les banques américaines en déroute, ce sont les décisions de gestion de Credit Suisse et de la Deutsche Bank et non pas des problèmes généralisés dans le secteur bancaire qui leur ont causé des difficultés. Les deux banques européennes sont aux prises avec des scandales depuis de nombreuses années.
Les marchés boursiers ont salué les données économiques meilleures qu’on ne le craignait et les prix de l’énergie ont continué de baisser. L’IPC de la zone euro est passé de 8,5 % à 6,9 % en mars. L’inflation de base a grimpé d’un dixième de point pour atteindre 5,7 %, un sommet historique, signe que la Banque centrale européenne a encore du travail à faire. Cependant, la panique causée par Credit Suisse montre que la stabilité financière doit aussi devenir une priorité. Le Royaume-Uni fait figure d’exception en raison du taux d’inflation qui y est très élevé (10,4 % sur 12 mois en février), mais son économie se montre beaucoup plus résiliente que prévu. Certains anticipent maintenant une croissance pour 2023.
En mars (et pour le trimestre), les indices boursiers Euro STOXX 50 en Europe, DAX en Allemagne et FTSE 100 au Royaume-Uni ont inscrit des rendements de 1,8 % (13,7 %), de 1,7 % (12,3 %) et de -3,1 % (2,4 %), respectivement.
Asie – Impossible de mettre sur pause ce qui n’a pas été commencé
La réouverture de la Chine continue de progresser, malgré la décélération du secteur manufacturier attribuable au ralentissement de la croissance mondiale. Le secteur des services a rebondi à titre d’indicateur clé de l’économie (indice PMI du secteur non manufacturier), en atteignant un sommet de 12 ans. Les tensions géopolitiques ont plané sur le trimestre. La surenchère de sanctions contre les sociétés technologiques se poursuit comme en témoignent les manchettes sur TikTok, propriété chinoise, et Micron Technology, une société américaine. La politique monétaire en Asie tranche nettement par rapport à celle du reste du monde. L’inflation anémique en Chine ouvre la porte à des mesures de relance monétaires et budgétaires. Au Japon, même si les faibles taux d’inflation repartent lentement à la hausse, le pays maintient sa politique monétaire ultra-expansionniste.
En mars (et pour le trimestre), l’indice des actions MSCI Chine et l’indice Nikkei 225 ont progressé de 4,5 % (5,3 %) et de 2,2 % (7,5 %), respectivement.
Notre stratégie – L’équilibre
Notre stratégie de répartition des éléments d’actif demeure bien équilibrée et comporte une légère surpondération des actions et sous-pondération des titres à revenu fixe.
La volatilité du marché des titres à revenu fixe reste élevée. Nos placements bien diversifiés dans les obligations procurent un excellent rendement courant. Le revenu des coupons et le produit des obligations venant à échéance sont réinvestis à des taux de rendement plus élevés.
Les investisseurs qui ont un portefeuille d’obligations équilibré et des placements en actions bien diversifiés ont été bien servis par la récente volatilité.
Au cours du trimestre, les opérations visaient des thèmes précis. Puisque la situation de chaque client est unique, il n’était pas nécessaire d’exécuter des opérations dans tous les comptes. Dans l’ensemble, les activités de négociation ont permis de rapprocher la pondération de nos portefeuilles de celle de nos indices de référence stratégiques, et d’accroître la diversification – les écarts de pondération trop grands ne sont jamais payants en période de volatilité.
Plus précisément, nous avons allégé la pondération des sociétés technologiques américaines à très grande capitalisation en tirant parti de leur récente vigueur. Grâce à ces opérations et à la réduction, lorsque nécessaire, d’autres positions dans des sociétés américaines à grande capitalisation, la pondération des actions américaines est maintenant neutre. Pour compenser ces ventes, nous avons acheté des actions internationales de marchés développés, portant la pondération de cette catégorie d’actif à neutre. En raison de ces effets combinés, le marché boursier canadien est désormais surpondéré, tandis que les marchés américains, internationaux et émergents affichent des pondérations neutres.
Le dernier mot – Risque moral
Le risque moral est une situation qui encourage la prise de risques excessifs, car l’on s’attend à un plan de sauvetage, peu importe les circonstances. Il est difficile de sauver une grande banque sans accroître le risque moral dans l’ensemble.
Le système bancaire repose sur une confiance fragile. Au fil des siècles, le système a évolué de façon à combiner une saine gestion (réputation et image de marque) avec une réglementation et une surveillance efficaces et des mesures de sécurité adéquates (assurance des déposants).
Aux États-Unis, la réglementation des banques est politique et a changé à maintes reprises au cours des 25 dernières années. Le système bancaire repose davantage sur la prémisse que le capitalisme et la concurrence mèneront à de bons résultats. Le débat servira maintenant à trouver un équilibre entre le capitalisme, la réglementation et les garanties. Ces priorités ont généralement des objectifs contraires. Vous pouvez laisser le système s’autoréglementer (capitalisme et concurrence) de façon à ce que les graves conséquences (plusieurs paniques bancaires à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle) mettent tout le monde au pas. Ou vous pouvez l’encadrer davantage, comme un service public réglementé.
Notre système canadien compte un petit nombre de très grandes banques, ce qui fait en sorte que les enjeux sont très élevés pour tous. En revanche, il fait l’objet d’une étroite surveillance, ce qui est possible puisqu’il y a si peu de banques. Lorsqu’on le compare à certains pairs internationaux, le système canadien a beau être qualifié de monotone, aucune banque n’a fait faillite depuis 100 ans. Il ne faut pas confondre prudence avec monotonie.
Après 2009, on croyait que les plus grandes banques américaines étaient trop grandes pour faire faillite, contrairement aux milliers de petites banques. Or, ce qui s’est passé récemment indique qu’on ne laissera pas tomber celles-ci non plus. Si ce sont les contribuables qui doivent payer la note, coûte que coûte, nous nous retrouverons dans une situation de risque moral où une prise de risque imprudente n’entraîne aucune ou peu de conséquences. Dans de telles circonstances, même si cela va à l’encontre de nos instincts libertariens et capitalistes, le seul choix qui nous reste est de tolérer un système dans lequel les gouvernements jouent un rôle plus important.
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