« Si ça saigne, ça fait la une. »
– Cet adage journalistique qui décrit la tendance des médias à accorder la priorité aux contenus sensationnels, sanglants ou violents pour capter l’attention du public.
La vague de chaleur du mois d’août s’est étendue aux marchés boursiers mondiaux. Les bonnes nouvelles l’ont emporté sur les mauvaises, et même les nouvelles négatives se sont transformées en nouvelles positives.
Cependant, si l’on se fie aux manchettes, les nouvelles négatives ont dominé le mois : des données sur l’emploi décevantes aux États-Unis et des résultats contrastés en ce qui a trait à l’inflation; un PIB canadien faible en raison de la baisse des exportations; le président américain engageant le dialogue avec les dirigeants mondiaux au sujet des conflits en cours; des turbulences à la Réserve fédérale américaine; des questions sur la fiabilité des données économiques (et les congédiements subséquents); du déploiement de troupes dans des villes américaines et le sud des Caraïbes; des prises de participation non conventionnelles du gouvernement dans des entreprises privées et des flux de profits qui ressemblent davantage à des extorsions qu’à une politique industrielle; et, bien entendu, plus de discours sur les tarifs douaniers (meubles, accord avec l’UE, peut-être pas encore conclu, tarifs douaniers imposés à l’Inde comme outil de politique étrangère).
Face à tout cela, on comprend aisément qu’il soit déroutant d’assister à la montée en flèche des marchés boursiers. Comme d’habitude, les marchés boursiers ont largement ignoré les événements décourageants, car ils n’ont pas eu d’incidence claire et immédiate sur les données fondamentales de la croissance économique, la croissance des bénéfices des sociétés et les taux d’intérêt. À l’inverse, au-delà des manchettes, un scénario positif se concrétise : une reprise de la croissance mondiale, de solides bénéfices pour les sociétés et la possibilité de coûts d’emprunt moins élevés.
Les investisseurs en obligations ont également célébré l’événement, mais avec un peu moins de fracas que les investisseurs en actions. L’indice des obligations universelles FTSE Canada a légèrement progressé de 0,4 % pour le mois.
Croissance mondiale :
Les craintes de récession s’estompent dans le rétroviseur. En effet, le ralentissement a peut-être déjà touché un creux au premier trimestre. Bien que les chocs commerciaux aient perturbé l’élan qui s’était amorcé, la plupart des économies mondiales ont enregistré une croissance économique supérieure aux attentes pour le premier semestre de 2025. La faiblesse des données globales s’explique principalement par les fluctuations des échanges commerciaux et des stocks, qui ont masqué la solide demande intérieure sous-jacente. Le Canada en est un parfait exemple. Les manchettes ont annoncé que l’économie canadienne s’était contractée de 1,6 % sur une base annualisée au deuxième trimestre, soit un recul plus important que prévu. Mais un examen plus approfondi a révélé que les dépenses des ménages ont bondi de 4,5 % et que les investissements dans le secteur résidentiel ont progressé de 6,3 %. La demande intérieure finale a progressé de 3,5 %. L’activité économique a été meilleure que prévu aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon, en France et en Espagne, tandis que l’Allemagne et l’Italie ont accusé du retard.
Le marché de l’emploi a entraîné une volatilité des marchés des capitaux au début du mois d’août, après la publication de données sur l’emploi aux États-Unis plus faibles que prévu et de fortes révisions à la baisse pour les mois précédents. Les investisseurs ont transformé les nouvelles négatives en or, convaincus que les données inciteront la Réserve fédérale américaine à reprendre la réduction du taux des fonds fédéraux. Les marchés de l’emploi sont actuellement en pleine transition. La croissance de l’emploi ralentit, mais il s’agit d’un problème à deux facettes : la demande et l’offre de main-d’œuvre. Aux États-Unis et au Canada, les deux sont en baisse. Les changements liés à l’immigration, le vieillissement de la population, la réduction des effectifs du secteur public (l’emploi dans le secteur privé revêt plus d’importance pour les marchés financiers), et la productivité pourrait signifier que moins de nouveaux emplois seront nécessaires pour maintenir le chômage à un niveau équilibré et, par conséquent, la santé des consommateurs.
Pour compléter ces nouvelles économiques positives, les investissements des entreprises sont en plein essor (grâce à l’IA et aux besoins connexes en électricité et en stockage des données), et les gouvernements sont prêts à stimuler la croissance économique au moyen de mesures de relance budgétaires.
La réduction des effectifs dans le secteur public (le rythme d’expansion a été frénétique au cours des dernières années) crée un frein budgétaire. Cependant, les gouvernements sont toujours prêts à dépenser des sommes colossales. Historiquement, une augmentation des dépenses publiques se traduisait par un service public plus dense. Aujourd’hui, la société et les responsables politiques sont peu enclins à augmenter les effectifs publics. Une plus grande partie des dépenses publiques ira au secteur privé : place aux capitalistes!
Soit dit en passant, il semble que le gouvernement américain souhaite lui aussi devenir capitaliste, puisqu’il prend des participations dans des sociétés privées. De telles initiatives ne sont pas nouvelles; le 19e siècle a été marqué par une pléthore de participations étatiques et fédérales dans des entreprises privées. Avec l’évolution et la modernisation de l’économie, ces pratiques sont heureusement tombées en désuétude, éliminant du même coup le gaspillage, la corruption, la mauvaise affectation du et les conflits d’intérêts qui allaient de pair.
Croissance des bénéfices
Les sociétés génèrent une croissance des bénéfices. En atteignant de nouveaux sommets historiques, les marchés se prononcent sur une question clé : si les bénéfices peuvent rester solides malgré toute l’incertitude, à quel point les choses pourraient-elles s’améliorer si les obstacles se dissipent? Que se produirait-il si les prochains trimestres s’accompagnaient d’une meilleure croissance, d’une diminution de l’incertitude liée aux tarifs douaniers et d’une baisse de l’insécurité? Les marchés boursiers ne sont pas peu chers, mais la croissance des bénéfices porte ses fruits. Il ne faut pas oublier que les ratios cours-bénéfice prévisionnels de l’indice S&P 500, de l’indice composé S&P/TSX, de l’indice EuroStoxx 600 et de l’indice MSCI Marchés émergents sont actuellement inférieurs à leurs sommets atteints plus tôt dans l’année.
En août, l’indice S&P 500 a progressé de 1,9 %. La croissance globale des bénéfices au deuxième trimestre s’est établie à 12 %, soit le troisième trimestre consécutif de croissance à deux chiffres. Pour ceux qui s’inquiètent qu’une poignée de grandes sociétés soit à l’origine de cet élan, plus de 100 sociétés ont enregistré une croissance des bénéfices de plus de 20 %, et 81 % des sociétés ont dépassé les estimations des analystes.
Au Canada, l’indice composé S&P/TSX a été le meilleur marché développé en août, avec un rendement exceptionnel de 4,8 %, et demeure l’un des meilleurs marchés depuis le début de l’année. Le S&P/TSX a profité d’un rattrapage notable de sa valorisation par rapport aux États-Unis et il tient ses promesses. La croissance des bénéfices au deuxième trimestre a été de 9 %,attribuable à la vigueur des sociétés aurifères (la croissance des bénéfices du secteur des matières premières a été de 50 %). Les services financiers (le plus important secteur de l’indice) ont écrasé les attentes et affiché une croissance des bénéfices de 12 %, soit le double des attentes.
Des réductions de taux s’en viennent
Les médias traitent en long et en large des péripéties qui se produisent à la Réserve fédérale américaine (Fed), notamment les démissions, les congédiements (peut-être) et les nouvelles nominations subséquentes. Les investisseurs ont laissé ces détails aux universitaires et sont allés droit au but : ils estiment que des réductions de taux sont probables, les déclarations du président de la Fed, Jerome Powell, laissant peu de doute sur une reprise de l’assouplissement monétaire en septembre. Les baisses de taux s’accompagneront d’une diminution des coûts d’emprunt et de la liquidité, ainsi que des avantages économiques qui en découlent.
Qu’en est-il de l’indépendance de la Fed?
Les raisons qui motivent les réductions de taux d’intérêt sont importantes. Les théoriciens du complot soutiennent que les pressions politiques motivent ces baisses de taux, ce qui mettrait en péril l’indépendance de la Fed et pourrait entraîner une hausse de l’inflation.
Pour les actions, le potentiel de baisse réside dans la hausse des taux d’intérêt et des taux obligataires. Pourtant, ce qu’il faut retenir, c’est qu’une banque centrale politiquement responsable laissera l’inflation grimper et maintiendra les taux bas. Cependant, les actions constituent une excellente couverture contre l’inflation; de ce fait, le marché boursier peut ne pas tenir compte d’un régime d’inflation légèrement plus élevé. En fait, il pourrait même accueillir favorablement une inflation plus élevée, car elle peut augmenter le pouvoir de fixation des prix des entreprises. Si c’est le cas, il est logique d’investir dans les actions. Nous apprécions les actions à long terme pour de nombreuses raisons; celle-ci figure sur la liste.
Outre une inflation plus élevée (soyons clairs, nous parlons d’une inflation supérieure à 2 %, mais toujours d’un chiffre qui commence par un trois, et non de la flambée de 8 % de 2022), il pourrait y avoir des conséquences à long terme liées à l’indépendance compromise de la Fed. Le dollar américain pourrait se déprécier au fil du temps et les taux obligataires à long terme pourraient augmenter.
L’indice du dollar américain n’a pas beaucoup varié par rapport à la fin d’avril; les taux des obligations d’État à 10 ans ont fondu en août, tandis que les taux des obligations à 30 ans ont fait du surplace. Il n’y a donc aucune preuve que les conséquences négatives se font sentir ici et maintenant; les investisseurs en actions ont considéré cet élément comme une réussite et ont mis l’accent sur l’assouplissement de la Fed.
Le temps est venu de réduire les taux – voient-ils une faiblesse?
Les pessimistes peuvent affirmer que les taux baissent parce que l’économie est faible, ce qui serait une mauvaise chose. La politique de la Fed est actuellement restrictive, car l’inflation demeure quelque peu tenace. Cependant, l’inflation est un indicateur témoin, et tout porte à croire que les répercussions tarifaires seront moins graves que prévu. À cela s’ajoutent les effets déflationnistes de la baisse des prix du pétrole, de la modération des coûts du logement et de la croissance des salaires. Dans l’ensemble, la balance des risques indique que si la Fed abaisse son taux directeur par rapport à ses niveaux restrictifs, ce sera pour des raisons légitimes et non pour de mauvaises raisons.
En résumé, les marchés boursiers mondiaux ont grimpé en flèche en raison de l’embellie des perspectives de croissance, de la solidité de la saison des bénéfices et de l’assouplissement des conditions financières.
Notre stratégie : équilibrée, avec une préférence pour les actions; nous avons de nouveau encaissé des profits
Tous les marchés boursiers se sont bien comportés tout au long du printemps et de l’été. Après avoir encaissé des profits en février et en mai, nous avons une fois de plus été contraints de contrôler notre budget de risque. Maintenant que nous avons laissé nos gagnants continuer sur leur lancée pendant plusieurs mois, les opérations récentes alignent notre répartition de l’actif sur la surpondération souhaitée des actions canadiennes et américaines et la sous-pondération des titres à revenu fixe.
Nous estimons que les conditions sont propices à ce que les actions surpassent les titres à revenu fixe. Néanmoins, compte tenu de la vigueur de la récente remontée du marché boursier, un excès d’exubérance constitue un risque. Les valorisations constituent un obstacle (mais un mauvais outil pour choisir le moment d’investir); le risque d’inflation demeure, tout comme la perspective d’une déception en ce qui a trait à la croissance économique, la croissance des bénéfices, les marges et les répercussions tarifaires. Nos perspectives sont optimistes, mais réalistes, compte tenu de la vigueur des actions.
Nous sommes conscients du risque de hausse des taux obligataires. Cependant, nous estimons que la hausse des taux obligataires est limitée, sinon elle remettrait en cause l’appétit pour le risque. Les taux des obligations canadiennes sont bien loin de leurs creux enregistrés depuis l’année dernière, tandis que ceux des obligations américaines demeurent dans une fourchette limitée.
Compte tenu de tous ces éléments, il est prudent de maintenir une répartition de l’actif légèrement surpondérée en actions et sous-pondérée en titres à revenu fixe. Ces modifications de la répartition de l’actif d’un portefeuille donné sont adaptées à la situation de chaque client. Cependant, nous avons négocié certains portefeuilles afin d’encaisser des profits dans des secteurs affichant un rendement relatif élevé, principalement les actions canadiennes et américaines. Nous avons notamment réduit certaines de nos positions dans les petites et moyennes entreprises. Le mois dernier, nous avions dit que ces positions aux États-Unis exigeaient de la patience; au cours du mois, ces actifs ont enregistré une hausse respectable, supérieure à 5 %.
Comme les rendements des titres à revenu fixe de base ont été modestes depuis le début de l’année, nous avons réinvesti le produit de la vente d’actions dans diverses solutions de titres à revenu fixe. À titre de référence, le revenu d’intérêts produit par notre solution bien diversifiée de titres à revenu fixe de base demeure autour de 4 % sur une base annualisée.
Le mot de la fin – Les apparences sont parfois trompeuses.
« Comment se fait-il que mes placements se portent si bien cette année? », voilà une question que l’on nous pose fréquemment. Par le passé, nous avons rappelé à nos clients qu’il est toujours difficile de ne pas laisser ses émotions guider ses décisions de placement. Cette année a été marquée par une grande incertitude; il est toujours difficile de distinguer les effets négatifs à court terme des changements fondamentaux à long terme. C’est particulièrement difficile lorsque l’ampleur des changements potentiels atteint les niveaux que les investisseurs mondiaux ont dû affronter en 2025.
Gardez à l’esprit que ce que les médias choisissent de mettre en avant n’est pas nécessairement ce qui intéresse les marchés financiers. Et ce qui passe pour des nouvelles de nos jours n’est pas exactement du reportage impartial à la Walter Cronkite. Les médias ne sont pas là pour vous aider à atteindre vos objectifs financiers. Leur objectif est de gagner de l’argent (et cette activité est perturbée et menacée à bien des égards). Pour atteindre leur objectif, ils doivent attirer l’attention (les regards et les clics). « Si ça saigne, ça fait la une » est une ancienne formule dont les origines remontent à la presse à sensation des années 1890. Toutes sortes de réseaux et médias sociaux traditionnels et non traditionnels attisent nos peurs et perpétuent la polarisation. Les manchettes accrocheuses et les exagérations sensationnalistes peuvent rendre difficile la formation d’opinions propices à des décisions de placement rationnelles et objectives. À BMO, nous reconnaissons que les préjugés sont omniprésents. Pour contrer ce phénomène, nos ressources comprennent un éventail diversifié de sources de données et d’analyses. Nous débattons vigoureusement nos points de vue et nos opinions et sommes fiers de compter parmi nous certains des plus brillants esprits mondiaux qui façonnent nos perspectives du marché et fournissent des analyses qui guident nos décisions de placement.
« Ne croyez pas à tout ce que vous entendez » est un adage qui précède « Si ça saigne, ça fait la une ». Faire une pause pour réfléchir de façon critique, en plus d’avoir des entretiens réguliers avec votre conseiller en placement de BMO Gestion privée, peut vous aider à garder les choses en perspective.