« Une récession se définit par… un recul important de l’activité économique qui est réparti dans l’ensemble de celle-ci et qui dure plus de quelques mois… L’expansion est l’état normal de l’économie; la plupart des récessions sont de courte durée. »
National Bureau of Economic Research, l’arbitre officiel qui fixe le début et la fin des cycles économiques aux États-Unis, nber.org
Malgré les discours sur l’inflation et la récession qui ont prédominé dans les manchettes, de nombreux marchés financiers partout dans le monde ont enregistré en juillet leur meilleur rendement mensuel en 2022. Les secteurs les plus malmenés ont enregistré les plus forts rebonds.
Du côté des actions, les secteurs des technologies et de la consommation discrétionnaire, qui ont été frappés par le passé, ont inscrit des rendements supérieurs. Les marchés boursiers américains, qui figuraient auparavant en queue de peloton, ont mené le bal. Les obligations à long terme ont surpassé celles à court terme, car les taux d’intérêt à long terme ont davantage reculé que ceux à court terme.
Le recul des taux obligataires a été une évolution majeure en juillet, malgré la hausse soutenue de l’inflation globale et les hausses de taux démesurées des banques centrales. Les taux obligataires se sont effondrés en raison des craintes grandissantes d’une récession imminente, ainsi que de la possibilité que les banques centrales suspendent leurs hausses de taux visant à lutter contre l’inflation au cours des six à neuf prochains mois. Si l’inflation ralentit quelque peu et que le nombre de chômeurs augmente, les banques centrales pourraient délaisser la lutte contre l’inflation en faveur de l’emploi et de la croissance économique.
Les mêmes grandes forces macroéconomiques continuent de stimuler les marchés financiers : l’inflation, la hausse des taux d’intérêt, les risques de récession et la situation géopolitique. Même si les médias peuvent être quelque peu hystériques lorsqu’ils traitent de récession, d’inflation et de relèvement des taux d’intérêt, il ne faut pas oublier que les marchés financiers sont de nature prospective. Les données du mois de juillet confirment que les marchés ont ajusté leurs attentes au cours des six derniers mois. Jusqu’à quel point le cours des actions et des obligations en tient compte importe (bonne ou mauvaise nouvelle). À la mi-juin, les marchés avaient grandement pris en compte les relèvements de taux d’intérêt, le ralentissement de la croissance et les risques de récession.
En réaction à la hausse des taux d’intérêt, le taux des obligations canadiennes à 10 ans a atteint 3,6 % à la mi-juin, marquant un sommet à court terme. En réaction aux craintes de récession et aux coûts d’emprunt plus élevés, les marchés boursiers ont aussi touché des creux depuis le début de l’année à la mi-juin.
Depuis, les marchés boursiers se sont redressés d’environ 7 % à 9 % vers la fin de juillet, selon des indications voulant que les scénarios illustrant la pire situation ne se concrétisent pas. À leur tour, les taux des obligations à 10 ans ont baissé sous la barre des 2,7 %, un niveau inégalé depuis le début du mois d’avril. Il existe de bonnes raisons de croire que l’inflation approche de son sommet. Les secteurs les plus vigoureux de l’économie américaine ralentissent rapidement, mais il ne s’agit pas d’un recul généralisé. D’autres secteurs demeurent sains.
Nous entendons beaucoup parler de récession, car le PIB réel des États-Unis a affiché une croissance négative lors de deux trimestres consécutifs (T1 et T2 de 2022). Pour certains observateurs, il s’agit de la définition technique stricte d’une récession. Deux facteurs principaux ont fait que l’économie américaine s’est contractée une fois l’inflation prise en compte. Tout d’abord, il y a eu une forte baisse des dépenses dans la construction et l’immobilier (ce qui contribuera à atténuer l’inflation). Deuxièmement, il y a eu un léger recul des dépenses gouvernementales (ce qui est moins préoccupant qu’un recul des dépenses du secteur privé).
Il est encourageant de constater que le tout-puissant consommateur américain, qui est la force motrice d’environ les deux tiers de l’économie américaine, a continué de magasiner. Il a toutefois dû puiser dans la tirelire pour payer des prix gonflés. Aux États-Unis, les entreprises ont dépensé de l’argent, les exportations ont bondi et les achats dans le reste du monde se sont poursuivis. Ces facteurs ne sont généralement pas aussi positifs si les États-Unis sont en récession. Bien que cette apparente contradiction ait poussé certains observateurs à qualifier la récession de simple détail technique, elle signale que l’économie américaine pourrait être plus affaiblie que prévu. Elle suggère également que l’inflation devrait ralentir et que les banques centrales pourraient être en mesure de modérer leur ardeur à l’égard des hausses de taux.
Le ralentissement de l’inflation, le nombre moindre de hausses de taux et le fait que des segments importants de l’économie américaine restent en bonne santé correspondent davantage à un scénario d’atterrissage en douceur qu’à une récession menaçante et difficile. La perspective renouvelée d’un atterrissage en douceur a propulsé les actions et les obligations, qui ont affiché un solide rendement positif en juillet, après six mois de rendement négatif. Bien que cela corrobore la conclusion selon laquelle les marchés boursiers et obligataires ont réagi de façon excessive aux événements qui se sont déroulés rapidement au premier semestre de 2022, la remontée de ce tandem ne devrait pas durer longtemps.
La question qui est de loin la plus fréquemment posée par les clients est de savoir quand et comment cette situation se conclura.
En ce qui concerne les titres à revenu fixe, nos recherches indiquent que les niveaux observés en juin pour les taux obligataires sont probablement proches du sommet à court terme. Le récent recul des taux obligataires a permis de récupérer une partie des pertes que les titres à revenu fixe ont subies en 2022. Cependant, la forte volatilité perturbe le marché obligataire, de sorte que le repli des taux obligataires en juillet pourrait constituer une réaction exagérée. Nous nous attendons à ce que la volatilité persiste et que les taux de rendement grimpent par rapport à leurs niveaux actuels.
À notre avis, le scénario le plus probable pour les marchés boursiers est que les creux de juin ont déjà tenu compte d’une multitude de relèvements de taux d’intérêt et d’une récession de faible ampleur. S’il n’y a pas de récession, les marchés boursiers devraient pouvoir se stabiliser. Si une récession mondiale plus prononcée et généralisée se produit, les marchés boursiers mettraient quelques trimestres de plus à se stabiliser et les baisses de rendement seraient de retour. Dans ce dernier scénario, les titres à revenu fixe devraient procurer un certain répit.
Il existe également un autre scénario qui, selon nous, est moins susceptible de se produire. L’inflation demeure élevée, mais l’économie recule (stagflation), créant une période difficile pour les actions et les obligations. Dans ce cas, les investisseurs devraient gérer leurs émotions et se fier à un horizon de placement à long terme.
Canada – En meilleure forme que la plupart des pays
En juillet, l’indice composé S&P/TSX a progressé de 4,4 %. Neuf des onze secteurs ont progressé, à commencer par l’industrie, la consommation discrétionnaire et les technologies de l’information (le titre de Shopify a bondi de 11 %, malgré les mises à pied). Les craintes de récession ont déclenché un repli des prix des matières premières – à l’exception du gaz naturel. Le prix du baril de West Texas Intermediate (WTI) a chuté de 6,8 % pour s’établir à 98,62 $ US.
Le taux d’inflation annuel de l’indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté, passant de 7,7 % en mai à 8,1 % en juin. La Banque du Canada a haussé son taux directeur d’un point de pourcentage entier pour le porter à 2,5 %, sa plus forte augmentation ponctuelle depuis 1998. Le Canada, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande partagent maintenant le taux le plus élevé parmi les pays développés.
Au cours du premier semestre de 2022, l’économie canadienne a surpassé l’économie américaine, qui s’est repliée de 1,25 % après l’inflation. Notre économie a progressé à un rythme moyen d’environ 3,75 %, une énorme hausse de 5 % qui reflète la réouverture tardive du Canada après les restrictions liées la COVID-19. Malgré la faiblesse des prix des matières premières, le huard a clôturé le mois de juillet à 0,782 $ US ou 1,28 $ CA, soit un gain de 0,6 %. Sur le marché obligataire, la courbe des taux canadienne s’est fortement aplatie, les taux à 2 ans passant de 3,09 % à 2,96 %. La croyance largement répandue voulant que les banques centrales fassent tout ce qu’il faut pour contrer l’inflation a entraîné une baisse plus marquée des taux de rendement à long terme; le taux des obligations à 10 ans a glissé de 3,22 % à 2,61 %.
États-Unis – Récession technique
La plus grande économie du monde a enregistré deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB réel, ce qui correspond à la définition empirique et strictement technique d’une récession que certains analystes utilisent. Il convient de noter que le National Bureau of Economic Research (NBER) cité ci-dessus n’utilise pas une définition aussi étroite. Cependant, l’économie semble ralentir, pas s’effondrer. En juillet, l’indice S&P 500 a progressé de 9,1 %, affichant son meilleur mois pour 2022. La Réserve fédérale américaine (la Fed) a fortement relevé les taux d’intérêt (hausse de 0,75 %) pour contrer l’inflation obstinément élevée. L’inflation annuelle mesurée par l’IPC aux États-Unis a atteint 9,1 % en juin. La confiance à l’idée que la Fed domptera l’inflation demeure solide. Les marchés s’attendent à ce que l’inflation redevienne inférieure à 3 % à long terme. Étant donné les signes de faiblesse que montre l’économie américaine, les observateurs du marché s’attendent à ce que la Fed commence à réduire les taux d’intérêt dès mars 2023.
La courbe des taux des obligations d’État américaines s’est fortement aplatie, et un nouveau creux de -0,24 % a été atteint à la suite de l’inversion de la courbe à 10 ans et à 2 ans. Le taux des obligations à 2 ans est passé de 2,95 % à 2,88 %, tandis que celui des obligations à 10 ans est passé de 3,01 % à 2,65 %.
Europe – Pénuries de gaz
La Russie a sabré les flux de gaz vers l’Europe par l’intermédiaire de l’important pipeline Nord Stream 1, transformant ainsi encore plus l’approvisionnement énergétique essentiel en arme. L’objectif du Kremlin est de faire pression sur les pays européens pour qu’ils cessent de soutenir l’Ukraine. La flambée des prix du gaz naturel, l’inflation et la diminution de l’offre ont une incidence négative sur les consommateurs, les entreprises et les gouvernements, qui se démènent pour trouver des sources d’énergie de remplacement.
Le retour des touristes a stimulé l’économie de la zone euro au deuxième trimestre. Elle a connu une croissance annualisée du PIB solide et étonnante de 2,8 %, malgré la flambée des coûts de l’énergie. Après un taux d’inflation record (8,9 % en juillet), la Banque centrale européenne a relevé ses taux d’intérêt pour la première fois en 11 ans. La hausse de 0,5 % met fin, pour le moment, à l’ère historique des taux d’intérêt négatifs. L’indice de référence des taux des obligations allemandes à 10 ans a suivi la baisse des taux des obligations mondiales, passant de 1,34 % à 0,82 %. En juillet, les indices boursiers Euro STOXX 50 en Europe, DAX en Allemagne et FTSE 100 au Royaume-Uni ont affiché de solides gains de 7,3 %, 5,5 % et 3,5 %, respectivement.
Asie – Une triste nouvelle
Des ondes de choc se sont propagées un peu partout dans le monde après l’assassinat de l’ancien premier ministre japonais Shinzo Abe par un tireur isolé. Après sa démission pour des raisons de santé, le premier ministre japonais qui est resté le plus longtemps en poste a continué de diriger la plus grande faction du Parti libéral-démocrate au pouvoir.
En juin, l’inflation de base au Japon a augmenté de 2,2 %. Le gouvernement et la banque centrale sont résolument en faveur d’une croissance plus soutenue et d’une politique monétaire expansionniste, malgré les répercussions négatives sur le yen. Bien que l’affaiblissement du yen limite le pouvoir d’achat collectif du pays, il aide l’important secteur des exportations manufacturières. En juillet, l’indice Nikkei 225 a progressé de 5,3 %.
Le rebond de la Chine demeure fragile en raison des futurs confinements liés à la COVID-19. Bien que les activités manufacturières et les exportations se soient redressées rapidement, les confinements ont touché tous les secteurs. La croissance du PIB au deuxième trimestre a chuté à 0,4 %, menaçant la cible de croissance annuelle de 5,5 % de Beijing. Le gouvernement continue de soutenir la croissance, ayant récemment injecté 150 milliards de dollars américains dans les infrastructures. En juillet, l’indice MSCI China Equity a reculé de 10 %.
Notre stratégie
Notre répartition de l’actif demeure proche de celle de nos indices de référence stratégiques à long terme, hormis quelques ajustements tactiques prudents. Même si nous sous-pondérons les titres à revenu fixe (obligations), nous maintenons nos positions. Nous croyons que les obligations constitueront un outil d’atténuation des risques en cas de récession. Le rendement de juillet le confirme. Nous continuons de réinvestir les obligations venant à échéance et le revenu d’intérêt à des taux de rendement maintenant plus élevés.
Nous maintenons une légère surpondération des actions, avec une préférence pour l’Amérique du Nord, car elles ont historiquement mieux résisté à l’inflation que les autres catégories d’actif. Les valorisations des actions sont légèrement attrayantes, surtout si la croissance des bénéfices des sociétés demeure positive. Jusqu’à présent, à l’échelle mondiale, la croissance des bénéfices des sociétés a été résiliente, car elles transmettent les hausses de prix. La hausse des prix par les sociétés constitue la définition de l’inflation des biens et services.
Nous continuons de surveiller de près les portefeuilles afin de repérer les occasions, mais nous demeurons convaincus que notre positionnement actuel est approprié en cette période tumultueuse.
Le mot de la fin
L’inflation et les récessions sont des éléments difficiles, mais nécessaires du capitalisme. Les récessions aident à assainir le système des excès. À l’heure actuelle, peu d’excès ont lieu, ce qui explique pourquoi nous ne prévoyons pas une récession profonde.
La hausse des prix est la solution. Lorsque les prix montent, les consommateurs et les entreprises modifient leur comportement. Ils trouvent des solutions de rechange moins chères, ou ils passent tout simplement leur tour. Lorsque la demande baisse, les prix gèlent ou diminuent. La hausse des prix favorise également la production et l’activité. Par exemple, lorsque le prix du pétrole augmente, l’offre augmente; lorsque les salaires augmentent, plus de gens veulent travailler.
Alors que le monde est aux prises avec des pénuries d’offres dans certains secteurs, ces goulots d’étranglement se résorbent d’eux-mêmes. Même les prix des matières premières (le pétrole, le blé, le bois d’œuvre et le maïs, mais pas le gaz naturel) ont en grande partie reculé à des niveaux observés avant l’éclatement des hostilités en Ukraine. La demande sous-jacente demeure robuste. Cela vient étayer notre prédiction selon laquelle nous ne connaîtrons probablement pas de récession, ou au pire nous connaîtrons une récession superficielle.
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