« Parfois, j’ai cru jusqu’à six choses impossibles avant le petit-déjeuner. »
- Lewis Carroll, Les Aventures d’Alice au pays des merveilles
Au début des Aventures d’Alice au pays des merveilles, la jeune Alice s’endort dans un pré et rêve qu’elle suit le Lapin Blanc dans un terrier. Elle se trouve dans le pays des merveilles, où elle a des aventures bizarres parmi des créatures étranges qui vivent dans des conditions qui changent constamment et défient toute logique. Dans ce royaume absurde, elle a de la difficulté à comprendre ce qui se passe.
Rétrospectivement, en 2021, il est tout à fait excusable de s’être senti comme Alice. Comme l’explique la Reine Rouge, « on est obligé de courir tant qu’on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça. »
Voici quelques exemples :
On a eu droit à une élection fédérale à l’improviste au Canada. Lorsque le Parlement reprendra ses travaux, le nouveau gouvernement ressemblera beaucoup à l’ancien.
Beijing a soutenu que la décision de détenir les deux Michael – les Canadiens Michael Spavor et Michael Kovrig – n’avait pas été prise en représailles à l’arrestation de Meng Wanzhou, la directrice financière de Huawei, à Vancouver. Or, leur libération coïncidait quasiment à la minute près avec celle de Mme Wanzhou.
L’Afghanistan est à nouveau sous l’emprise des talibans, comme c’était le cas il y a 20 ans, avant l’invasion américaine.
Un flot ininterrompu de mésinformation sur la COVID-19, les masques et les vaccins a engendré des réalités parallèles à gauche et à droite. Les travailleurs canadiens du secteur de la santé, qui étaient des héros en 2020, subissent maintenant les attaques des manifestants antivaccins qui bloquent l’accès aux hôpitaux.
Après presque un an, les complotistes contestent encore les résultats de l’élection présidentielle américaine. En examinant les allégations non fondées de fraude électorale massive, la société du nom de Cyber Ninjas a réalisé ce qu’elle a appelé une vérification judiciaire complète, qui a confirmé que le comté de Maricopa en Arizona avait bel et bien élu Joe Biden. D’autres États ont indiqué qu’ils effectueraient également des vérifications, même s’ils avaient déjà certifié leurs résultats d’élection.
Dix mois après le début de 2021, nous ne savons toujours pas si nous traversons une période d’inflation temporaire ou plus persistante. Changeant de position, les banques centrales semblent maintenant penser qu’elles devront hausser les taux pour la contenir.
Les marchés boursiers ont finalement trébuché en septembre (historiquement le mois le plus faible de l’année), ce qui est à opposer aux huit premiers mois de 2021, lorsqu’ils avaient mis des œillères et qu’ils avaient continué leur progression.
Même s’ils ont augmenté et diminué moins fortement que la taille d’Alice, les taux et les cours des obligations n’ont cessé d’osciller. Après un repli saisissant au premier trimestre, les cours obligataires ont passé la majeure partie des deuxième et troisième trimestres à se rétablir. Cela a fait fléchir les taux (les cours et les taux évoluent en sens opposés). Cette tendance s’est de nouveau inversée à la fin de septembre, lorsque les taux ont augmenté après que la Réserve fédérale américaine a déclaré qu’elle pourrait commencer à réduire ses achats d’obligations plus tôt que prévu.
Canada – Des hauts et des bas
Au début de septembre, la Banque du Canada (BdC) a laissé son taux directeur inchangé à 0,25 %. Elle continuera d’acheter des obligations, mais à un rythme plus lent, pendant que l’économie se rétablit. Le gouverneur de la BdC, Tiff Macklem, a déclaré que notre banque centrale augmenterait les taux d’intérêt avant de cesser complètement son programme d’achat d’obligations.
Les Canadiens disposent maintenant d’une épargne excédentaire équivalant à plus de 10 % du PIB actuel. Lorsque les restrictions liées à la pandémie seront assouplies, les dépenses devraient rebondir. Les prix du gaz naturel sont à des sommets inégalés en sept ans grâce à la hausse de la demande et à la réduction de la production internationale. Les consommateurs sont déjà ébranlés par la hausse des prix de l’essence, de la nourriture et du logement. Bien que les ventes de logements aient chuté par rapport à leurs sommets de 2021, elles sont toujours en hausse d’environ 20 % comparativement à 2019. Les prix continuent de grimper, alimentés par une forte demande et une diminution des nouvelles inscriptions.
La BdC estime que l’inflation globale restera supérieure à sa fourchette idéale de 1 % à 3 % avant de redescendre à 2 % en 2022. L’augmentation des prix a eu pour effet de rétablir la tendance à la hausse du PIB nominal (qui n’est pas rajusté en fonction de l’inflation) d’avant la pandémie. La croissance réelle (qui est rajustée en fonction de l’inflation) a été faible, de sorte que le PIB réel reste inférieur d’environ 2 % au niveau qu’il avait avant la pandémie.
En septembre, les libéraux, sous la direction du premier ministre Justin Trudeau, ont remporté suffisamment de circonscriptions pour former un deuxième gouvernement minoritaire. Après une campagne de 36 jours, chaque parti conserve finalement presque le même nombre de sièges.
Le marché boursier canadien a reculé de 2,21 % en septembre, mais il a terminé le troisième trimestre en hausse, enregistrant un léger gain de 0,18 %. Les taux obligataires ont inscrit une forte progression de 35 points de base en septembre. Les marchés boursiers et obligataires n’ont pas aimé que la Fed laisse entendre qu’elle pourrait réduire ses achats d’obligations et relever les taux d’intérêt plus tôt. À près de 75 $ US le baril, le prix du pétrole WTI s’approche d’un sommet en trois ans. Les producteurs de gaz naturel font des bénéfices exceptionnels. Les prix nord-américains ont augmenté d’environ 115 % au cours de l’année et la hausse a atteint environ 500 % en Europe.
États-Unis – Les différentes options en cours d’examen
La plus grande économie du monde a poursuivi sa remontée au troisième trimestre, mais le variant Delta, plus contagieux, annihile les progrès. Le marché du travail a créé moins d’emplois que prévu en août et les dépenses dans les secteurs du voyage et de l’hébergement ont ralenti.
Le président de la Fed, Jerome Powell, a déclaré que la décision de réduire le programme d’achat d’obligations pourrait être prise en novembre. Le programme prendra probablement fin « vers le milieu de l’année prochaine », si la reprise se poursuit. M. Powell affirme depuis longtemps que les taux d’intérêt seraient relevés seulement lorsque l’inflation dépasserait sa cible de 2 % et que l’économie atteindrait un taux d’emploi maximal. L’inflation s’établit à 5,3 %, son plus haut niveau en près de 13 ans, et le taux de chômage, à 5,2 %, est plus élevé qu’avant la pandémie. Malgré tout, des hausses de taux sont clairement envisageables en 2022.
Les taux de vaccination plafonnent, surtout dans le Sud. Dans 18 États, moins de la moitié de la population est entièrement inoculée. Actuellement, les personnes non vaccinées représentent 80 % des hospitalisations dues à la COVID-19. Le CDC recommande maintenant des injections de rappel pour certains segments de la population et un vaccin pour les enfants sera vraisemblablement approuvé très bientôt à titre de mesure d’urgence.
En septembre, les relations sino-américaines se sont refroidies après que le président Biden a annoncé que les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie avaient conclu un pacte de sécurité trilatéral. En réaction à la présence croissante de la Chine dans la mer de Chine méridionale, les trois pays forgeront une entente pour la construction d’une nouvelle catégorie de sous-marins à propulsion nucléaire. Beijing considérait cela comme un acte d’agression, mais les relations se sont réchauffées lorsque l’administration Biden a retiré sa demande d’extradition de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou. Beijing a ensuite libéré les deux Michael canadiens dans ce qui ressemblait à un échange d’otages à l’ancienne. Il s’agissait d’une décision pragmatique, car le président Biden souhaite que le président Xi Jinping appuie un accord mondial sur le climat lors de la prochaine conférence des Nations Unies sur les changements climatiques à Glasgow.
Les actions américaines ont continué de manifester une remarquable résistance. Bien que l’indice S&P 500 ait reculé de 4,65 % en septembre, les bénéfices solides des sociétés ont fait grimper les rendements de 0,58 % au troisième trimestre. Nous nous attendons à une hausse de la volatilité au quatrième trimestre, alors que la politique monétaire risque de se resserrer et que l’escalade des cas de COVID-19 à l’échelle mondiale perturbera de nouveau les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Europe – À la recherche d’une nouvelle voie
« Qui es-tu? » demande la Chenille à Alice, qui ne sait plus trop qui elle est.
L’Allemagne, qui est depuis longtemps le pivot et le moteur économique de l’UE, se prépare à poursuivre son chemin sans la chancelière Angela Merkel, leader européen de facto. Celle-ci n’a pas cherché à obtenir un cinquième mandat aux élections nationales de septembre. Son parti de centre droit, l’Union chrétienne-démocrate (CDU), a été devancé par les sociaux-démocrates (SPD) de centre gauche, sous la direction d’Olaf Scholz, alors que les candidats de droite enregistraient leurs pires résultats depuis la Seconde Guerre mondiale. Cependant, on ne sait pas trop qui composera le gouvernement, car six partis se disputent le pouvoir, et il faudra du temps pour savoir lesquels parviendront à former une coalition gagnante.
Les électeurs ont choisi d’effectuer un virage à gauche, en s’écartant d’un programme conservateur. On pourrait assister à des dépenses gouvernementales modérément plus élevées, à une hausse des impôts et à des engagements en matière de durabilité.
Le développement économique de l’UE a discrètement surpassé la croissance aux États-Unis et en Chine au troisième trimestre. Comme 70 % des adultes de l’UE sont entièrement vaccinés, l’emploi et les investissements devraient poursuivre leur redressement. Cependant, l’incertitude entourant le variant Delta et les goulots d’étranglement dans l’approvisionnement mondial, dont la montée en flèche des prix de l’énergie, freine l’optimisme à l’approche de l’hiver. Les données de l’indice des directeurs d’achats (PMI) ont été inférieures aux attentes, mais elles ont conservé leur tendance à la hausse.
Les estimations de bénéfices ont été révisées à la hausse, mais cela ne s’est pas traduit par des rendements boursiers solides. En septembre, les indices Euro Stoxx 50, FTSE 100 et DAX ont reculé de 3,37 %, de 0,19 % et de 3,63 % respectivement. Pour le trimestre, les indices Euro Stoxx 50, FTSE 100 et DAX ont inscrit des rendements respectifs de -0,08 %, de 1,94 % et de -1,74 %.
Japon – Un changement au sommet
Au Japon, le parti ministériel a élu Fumio Kishida pour remplacer l’impopulaire Yoshihide Suga et prendre la direction du Parti libéral-démocrate au pouvoir. M. Kishida fait face à des défis économiques et démographiques tout en s’efforçant de contenir la propagation de la COVID-19.
Le PIB a progressé à un rythme annualisé de 1,9 % au deuxième trimestre, surpassant les prévisions antérieures. Les dépenses en immobilisations fermes ont aidé à compenser la faiblesse du secteur des services liée à la pandémie. Malgré cette reprise, la croissance du PIB reste négative pour 2021 à cause d’une chute abrupte de 4 % au premier trimestre. En juillet, le PIB a progressé de 0,6 %, les dépenses en immobilisations des entreprises ayant suffi à compenser la contraction de 0,7 % de la consommation des ménages.
Le Nikkei s’est redressé de 5,41 % en septembre, performance qui a contribué à un rendement de 2,90 % au troisième trimestre.
Chine – Signes de ralentissement
En septembre, les investisseurs craignaient qu’Evergrande, l’un des plus grands promoteurs immobiliers de Chine, soit en défaut de paiement sur une dette de 300 milliards de dollars américains. Les marchés ont décroché, estimant que le secteur immobilier chinois représentait un risque important pour la reprise mondiale. L’an dernier, Beijing a pris des mesures pour freiner la progression des prix des logements et la réduction de l’effet de levier dans le bilan des entreprises, ce qui a affaibli le marché immobilier. La situation d’Evergrande a aggravé les inquiétudes à l’égard de l’empire du Milieu, car la croissance économique chinoise montrait déjà des signes de ralentissement.
En août, l’indice PMI des services a chuté sous la barre des 50 pour la première fois depuis avril 2020 (50 est le niveau limite qui distingue une expansion d’une contraction), puis a rebondi en septembre. L’indice PMI du secteur manufacturier s’est replié en septembre, atteignant son plus bas niveau depuis février 2020. En Chine, l’alimentation en électricité est maintenant dans une situation critique, à cause des pénuries de charbon, de la forte demande de l’industrie et du durcissement des normes d’émission. Le rationnement de l’électricité a entraîné la fermeture d’usines et des réductions de production. Bien que le pays ait relativement bien réussi à contenir la COVID-19, les entreprises ont souffert des restrictions liées à la pandémie et de la crainte des regroupements parmi la population. Les économistes veulent que Beijing adopte une position plus expansionniste après que le gouvernement a retiré son soutien parce que le pays s’était rapidement remis de la pandémie.
En septembre, l’indice Hang Seng a reculé de 4,71 % et l’indice composé de Shanghai a progressé de 0,77 % au cours du mois, clôturant respectivement le troisième trimestre avec une perte de 13,88 % et un gain de 0,44 %.
Notre stratégie
Les risques et la hausse des taux à l’échelle mondiale ont entraîné une légère correction boursière à la fin du mois de septembre, en particulier parmi les titres technologiques de grande valeur. Les cours obligataires ont également reculé après que la Fed a préparé la voie à une réduction de ses achats d’obligations et à un relèvement des taux d’intérêt.
En raison de la forte surperformance des marchés boursiers cette année, les pondérations se sont rapprochées de la limite supérieure de la fourchette autorisée dans certains de nos portefeuilles. Pour remédier à cette situation, nous avons réduit l’exposition à différentes catégories d’actions et augmenté en conséquence l’exposition aux titres à revenu fixe.
Dans l’ensemble, nous maintenons la surpondération des actions américaines, qui est compensée par une sous-pondération des obligations.
Le mot de la fin
Ce trimestre, on a certainement assisté à de nouveaux événements et à de nouvelles tendances qui auraient été difficiles à imaginer il y a peu de temps. Pour ce qui est de l’avenir, les négociations sur le plafond de la dette aux États-Unis et le programme « Build Back Better » du président Biden auront certainement une résonance spectaculaire.
Les Aventures d’Alice au pays des merveilles demeure l’un des livres pour enfants les plus populaires au monde 150 ans après sa publication, en partie parce qu’il montre de nombreuses façons comment la vie peut frustrer les attentes et défier l’interprétation. Nous avons hâte de relever les défis qui se présenteront au quatrième trimestre.
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