« Changez avant d’y être obligé. »
- Jack Welch
Le mois d’août pourrait être le mois charnière qui conditionnera le reste de 2021. Une charnière maintient une porte sur son axe. Les événements qui se sont mis en branle au cours d’août pourraient ouvrir la porte sur les progrès dans le monde, ou la refermer sur eux.
Moins d’une semaine après le retrait complet des États-Unis et de leurs alliés d’Afghanistan, le gouvernement local s’est effondré et des dizaines de milliers de personnes ont commencé à être évacuées dans le chaos. Deux décennies de conflit, d’innombrables pertes en vies humaines et les milliers de milliards de dollars dépensés n’ont pas permis d’instaurer une liberté et une paix durables dans le pays. La situation dans la région influera sur la gestion des prochains conflits géopolitiques.
La 44e campagne électorale fédérale canadienne tire à sa fin. Selon les sondages, les libéraux et les conservateurs sont au coude à coude, tandis que le Nouveau Parti démocratique cherche à gagner des points.
Sur le plan économique, la Réserve fédérale américaine a annoncé son intention de réduire ses achats d’obligations au cours des prochains mois, ce qui était largement attendu. Elle risque toutefois de devoir en retarder la mise en œuvre compte tenu du ralentissement inattendu de la croissance de l’emploi enregistré en août.
La Chine poursuit ses réformes réglementaires dans le secteur des technologies et intensifie les contrôles pour pouvoir faire profiter davantage de citoyens de l’accroissement de la prospérité dans l’empire du Milieu. Cette évolution rapide de la situation crée de la confusion chez les investisseurs.
La COVID-19 demeure la grande inconnue à l’échelle mondiale et tous les yeux sont tournés vers le variant Delta et l’apparition de nouvelles mutations. Le nombre de cas et les hospitalisations ont bondi, notamment aux États-Unis, où les taux de vaccination restent faibles et stagnent. À l’échelle mondiale, les gouvernements mettent en place un certain nombre de mesures comme le passeport vaccinal et les interdictions de voyage. L’incertitude engendrée par les variants de la COVID-19 fait retomber l’optimisme qu’avaient pu susciter les réouvertures de cet été. Le regain de vigueur du coronavirus pèse sur les entreprises et sur les embauches. L’administration de doses de rappel dans les pays riches, alors que la majorité de la population mondiale n’est toujours pas vaccinée, soulève des questions délicates.
Malgré toutes ces incertitudes, les actions mondiales ont poursuivi leur ascension en août. La plupart des grands marchés ont fortement progressé; certains ont même atteint de nouveaux sommets. Les obligations ont encore une fois été peu performantes.
Canada – Un coup de dés
L’économie du Canada s’est repliée au deuxième trimestre, à la surprise des économistes. Elle s’est contractée de 1,1 % en rythme annualisé entre avril et juin, alors que Statistique Canada prévoyait une croissance de 2,5 %. Ce recul est en grande partie le résultat du ralentissement de la revente de logements et des exportations. Les investissements des entreprises et les dépenses publiques ont augmenté, tandis que la situation est restée stable dans d’autres domaines. Le ralentissement du marché immobilier offre un répit appréciable après l’épisode de surchauffe enregistré par le secteur. La faiblesse historique des taux d’intérêt a constitué une aubaine pour les acheteurs.
Statistique Canada estime que l’économie s’est contractée de 0,4 % en juillet, et que ce repli est essentiellement imputable aux secteurs de la fabrication, de la construction et du commerce de détail. L’activité économique en juillet est donc retombée à un niveau d’environ 2 % inférieur à celui de février 2020, soit avant la pandémie. L’inflation a bondi à 3,7 %, obligeant la Banque du Canada à trouver un équilibre entre soutien de l’économie et maîtrise de l’inflation.
Dans l’espoir de pouvoir former un gouvernement libéral majoritaire et d’obtenir un troisième mandat, le premier ministre Justin Trudeau a déclenché des élections anticipées (deux ans seulement après les dernières élections) au moment où le Canada entrait dans une quatrième vague de COVID-19. Il espère que sa gestion de la pandémie et la position de chef de file mondial du Canada en matière de vaccination sauront séduire les électeurs. Son pari pourrait toutefois se retourner contre lui. Les sondages témoignent d’un resserrement marqué des intentions de vote à mi-chemin des élections.
Au Canada, le S&P/TSX a progressé de 1,63 % en août; c’est le septième mois de suite qu’il termine en hausse. Le secteur le plus performant a été celui des technologies de l’information, l’action de Shopify ayant atteint un nouveau sommet et gagné environ 20 % depuis le début de l’année. Les prix du pétrole WTI et WCS ont baissé à 68 $ US et à 56 $ US le baril respectivement, les investisseurs craignant que la hausse des cas de COVID-19 nuise à la demande. L’or a dépassé les 1 800 $ US après avoir reculé au début du mois d’août. Les taux des obligations d’État canadiennes à 10 ans ont fait du surplace : ils ont légèrement diminué, de 1,20 % à 1,18 %, le mois dernier.
États-Unis – En perte de contrôle
Il semble que la croissance ait commencé à ralentir aux États-Unis. Ce repli fait suite à une reprise aux allures de montagnes russes qui a permis à la plus grande économie du monde de revenir à ses niveaux d’avant la pandémie plus rapidement qu’aucun autre pays du G7. Les indicateurs avancés commencent par ailleurs à donner des signes de faiblesse, à mesure que les cas de COVID-19 se multiplient dans la plupart des États, en particulier parmi les personnes non vaccinées. L’indice de confiance des consommateurs de l’Université du Michigan a chuté de 81,2 en juillet à 70,3 en août, ce qui est inférieur au niveau de 71,8 enregistré en avril 2020, soit au début de la pandémie. Pour la première fois depuis le plus fort de la contagion de l’hiver dernier, les États-Unis enregistrent en moyenne 100 000 hospitalisations liées à la COVID-19 par jour, ce qui correspond à une hausse d’environ 500 % sur les deux derniers mois.
La flambée du nombre de cas recommence à peser sur les secteurs des services et du tourisme. Si la mise de place de mesures de confinement généralisé semble pour l’instant peu probable, de nombreux grands événements ont été reportés ou annulés, et certaines enseignes de restauration rapide comme McDonald’s et Taco Bell ne permettent plus de consommer à l’intérieur dans de nombreux endroits. Selon un sondage de la National Restaurant Association, trois personnes sur cinq préfèrent opter pour les repas à emporter. L’Union européenne a par ailleurs porté un coup dur aux compagnies aériennes puisqu’elle a officiellement recommandé que les portes de ses 27 pays membres soient fermées aux touristes américains.
Pendant la campagne présidentielle de 2020, Joe Biden avait promis de procéder au retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Lorsque l’armée américaine a commencé à quitter le pays en mai, les talibans ont reconquis le territoire. Lorsque Kaboul est tombée en août, des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées livrées à elles-mêmes et ont tenté de profiter du pont aérien mis en place à partir de l’aéroport international Hamid Karzai pour se faire évacuer. À la suite de ce retrait chaotique qui marque le plus grand désastre en matière de politique étrangère de la présidence de M. Biden, sa cote de confiance est tombée à un creux de 48 %. La situation a suscité de vives critiques parmi les alliés étrangers des États-Unis, dans le camp républicain et chez certains démocrates. Cette erreur de calcul et l’effondrement de l’Afghanistan ont encore exacerbé les tensions géopolitiques sur la scène internationale.
Même le variant Delta et l’ouragan Ida n’ont pas réussi à déstabiliser les actions, qui ont continué à bien résister. Soutenu par les excellents résultats des entreprises, l’indice S&P 500 s’est inscrit en hausse pour le septième mois de suite et a gagné 2,9 % en août. Le président de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell a également donné un coup de pouce aux actions à l’occasion de la conférence annuelle sur la politique économique de Jackson Hole (au Wyoming). Il a indiqué que la banque centrale commencerait probablement à réduire ses achats d’obligations avant la fin de 2021, tout en ajoutant qu’il y avait encore « beaucoup de chemin à faire » avant que la Fed songe à relever les taux. Bien que l’inflation se maintienne au-dessus de la cible de 2 % de la Fed, les investisseurs ont été soulagés d’apprendre que les taux d’intérêt resteraient près de zéro jusqu’à ce que l’économie approche du plein emploi.
Europe – La reprise peut se poursuivre
Après un départ plutôt lent, le programme de vaccination a pris de la vitesse en Europe. Ces progrès en matière de vaccination, combinés à la bonne orientation persistante des indices des directeurs d’achats, laissent entrevoir une amélioration des perspectives de croissance des entreprises. La réouverture de l’économie en est encore à ses débuts et la reprise pourrait rattraper le temps perdu au cours des prochains mois.
En revanche, l’inflation dans la zone euro dépasse les attentes de la plupart des économistes; elle est passée de 2,2 % en juillet à 3 %, soit son plus haut niveau des 10 dernières années. Cette hausse des prix à la consommation est en grande partie imputable aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Les analystes et la Banque centrale européenne (BCE) estiment que la situation est temporaire. S’il est peu probable que la banque centrale relève les taux, l’inflation pourrait la pousser à réduire son Programme d’achats d’urgence face à la pandémie de 1 850 milliards d’euros.
Les élections allemandes auront lieu dans moins d’un mois. Les sondages montrent que la course est ouverte, même si le bloc conservateur composé de la CDU et de la CSU et dirigé par la chancelière Angela Merkel reste en tête. L’austérité, qui était autrefois le maître mot dans la région, n’occupe pas une place importante dans le programme des candidats. On peut donc s’attendre à des mesures de relance budgétaire. Une coalition plus à gauche pourrait opter pour un resserrement de la réglementation sur les marchés du travail, des services et de l’habitation, ce qui pourrait entraîner un ralentissement de la croissance de l’Allemagne.
Les marchés boursiers se sont montrés optimistes. Les indices STOXX 50, FTSE 100 et DAX ont progressé de 2,6 %, 2,1 % et 1,9 % respectivement.
Chine – Des changements en profondeur
Jusqu’à maintenant, la Chine mène la reprise mondiale et a renoué avec ses niveaux économiques d’avant la pandémie. Sa croissance semble toutefois ralentir. En juillet, la production manufacturière et les ventes au détail ont augmenté de 6,4 % et de 8,5 % respectivement sur 12 mois; si ces chiffres sont solides, ils sont largement inférieurs aux prévisions (de 7,8 % et 11,5 % respectivement). Les entreprises ont dû composer avec des coûts plus élevés et des problèmes d’approvisionnement, avec le rétablissement de mesures de restriction destinées à lutter contre la COVID-19 et leurs répercussions sur la production manufacturière, et avec les retombées des inondations survenues dans le centre de la Chine. L’indice provisoire des directeurs d’achats s’est établi à 49,2 en août, soit son pire résultat depuis avril 2000. Il a donc baissé par rapport aux 50,3 enregistrés en juillet (50 constituant le seuil entre expansion et contraction), ce qui témoigne d’un ralentissement.
Le président Xi Jinping souhaite que la Chine accède à une « prospérité commune ». L’objectif est d’atténuer les inégalités et de réduire l’écart de richesse colossal entre ses citoyens les plus riches et les plus pauvres. Pour réduire les inégalités, Pékin entend mettre en place des changements rigoureusement contrôlés. La culture brutale du « 996 » (soit celle du travail de 9 h à 9 h, six jours sur sept) est maintenant illégale. Son interdiction fait suite à la lutte contre les entreprises monopolistiques du secteur des technologies, qui étaient les principales bénéficiaires du système du « 996 ». Elle s’inscrit dans la foulée d’un projet visant à interdire aux entreprises disposant de grandes quantités de données sur leurs clients de s’inscrire en bourse aux États-Unis. Le 31 août, la Chine a adopté de nouvelles règles visant à interdire aux moins de 18 ans de jouer à des jeux vidéo plus de trois heures par semaine. Ces changements auront un énorme impact sur les médias et sur le secteur des technologies, qui regroupe bon nombre des plus grandes entreprises chinoises, comme le géant du jeu en ligne Tencent.
L’indice composé de Shanghai a progressé de 4,3 % en août, malgré un ralentissement de la croissance. L’indice Hang Seng de Hong Kong a reculé de 0,3 % en août, dans le sillage de géants chinois de la technologie comme Tencent, Meituan et Alibaba, qui ne sont pas cotés à la bourse de Shanghai.
Japon – À la merci des aléas de la COVID
L’économie japonaise a progressé à un taux annualisé de 1,3 % d’avril à juin, et s’est donc redressée beaucoup plus fortement que ce à quoi les économistes s’attendaient après le recul de 3,9 % enregistré au premier trimestre. Les dépenses des entreprises ont progressé. Les dépenses de consommation sont restées anémiques, en raison notamment des fluctuations des restrictions destinées à lutter contre la COVID-19. Le PIB du Japon est maintenant d’environ 1,5 % inférieur à son niveau d’avant la pandémie.
À la mi-août, le premier ministre Yoshihide Suga a prolongé l’état d’urgence et l’a étendu à sept nouvelles préfectures dans le but d’endiguer la flambée de cas qui engorge les hôpitaux. Les prévisions de croissance pour la troisième économie mondiale ont été ramenées de 5,2 % à 1,4 % pour le troisième trimestre. Le pays n’amorcera probablement pas sa reprise avant le quatrième trimestre.
Après avoir fortement chuté en juillet, le Nikkei 225 a gagné 3 % en août.
Notre stratégie
La surpondération du très performant marché boursier américain et la sous-pondération du marché stagnant des obligations ont fortement contribué au rendement. Les actions ont été favorisées par l’ampleur des bénéfices des entreprises, par l’existence de politiques économiques avantageuses et par l’optimisme entourant les perspectives à long terme. Certains facteurs comme les problèmes d’approvisionnement et les vagues successives de COVID-19 ont poussé le service des Études économiques de BMO à réduire ses prévisions de croissance du PIB canadien à la fois pour le troisième trimestre (de 6,0 % à 5,0 %) et pour le quatrième (de 5,0 % à 4,0 %).
La supériorité persistante de certaines grandes entreprises aux niveaux de valorisation élevés comme Shopify se traduit par une augmentation de la concentration du portefeuille dans certains des principaux titres des indices nord-américains.
Notre positionnement tactique reste selon nous adéquat, mais, du fait de la supériorité persistante des marchés boursiers, certains de nos portefeuilles se rapprochent de la pondération maximale autorisée.
Le mot de la fin
Les phénomènes comme les grands feux de forêt, les ouragans, les inondations et la sécheresse deviennent monnaie courante en raison des changements climatiques. Outre ces événements météorologiques extrêmes, il nous faut composer avec les turbulences géopolitiques, l’alternance d’épisodes de croissance et de contraction de l’économie, la pandémie et la façon d’y répondre, ainsi qu’avec le climat acrimonieux opposant les électeurs de gauche et de droite.
On ignore encore largement de quoi le dernier trimestre de 2021 sera fait : les variables sont nombreuses et la situation évolue rapidement. Cependant, jusqu’à maintenant, les marchés boursiers ont apparemment choisi l’optimisme. Ils sont à l’affût d’occasions, ce qui permettra à la porte de rester ouverte sur la reprise mondiale.
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