« Tel un pont au-dessus des flots tumultueux J’apaiserai ton esprit. »
Simon and Garfunkel, Bridge Over Troubled Water
L’un des pires mois pour l’économie mondiale a aussi été l’un des meilleurs pour les investisseurs en actions. Les marchés boursiers à l’échelle mondiale ont fait fi des données économiques négatives, préférant mettre le cap sur une reprise économique postpandémique. Les actions mondiales (mesurées par l’indice de référence MSCI Monde) se sont appréciées de 11 %, distançant de 28 % le creux enregistré en mars par cet indice.
La reprise mondiale prendra différentes formes (en V, en W, en U ou en L) selon le secteur. Il se pourrait également que la reprise soit à géométrie variable : certains pays, régions, secteurs d’activité et marchés rebondiront plus rapidement que d’autres.
Des secteurs comme ceux des technologies, des services de communications et de la consommation courante devraient poursuivre leur remontée progressive. Les secteurs de la fabrication et des services connaîtront peut-être une forte relance en V une fois que les règles de distanciation sociale auront été assouplies. Il n’y aura pas de redressement rapide dans les secteurs de la restauration, des voyages et des spectacles en direct, car les consommateurs sortiront peu et retarderont leurs achats non essentiels.
En avril, les catégories d’actif à risque comme les actions et les titres de créance ont affiché une bonne tenue, les investisseurs ayant été rassurés par l’afflux de nouvelles positives. Les dirigeants des banques centrales se sont engagés à acheter des titres de créance, ce qui a desserré les contraintes de liquidités et a stimulé le rendement des obligations de catégorie investissement et à rendement élevé. Les nouvelles encourageantes au sujet de la pandémie ont dynamisé les marchés boursiers. Les essais cliniques du remdesivir, un médicament expérimental produit par Gilead Sciences, créent de l’espoir pour le traitement de la COVID-19. La distanciation physique a ralenti le taux de croissance des cas confirmés dans de nombreuses régions et les taux de mortalité ont commencé à se stabiliser.
Jusqu’aux derniers jours de négociation d’avril, les investisseurs ont été disposés à faire abstraction des perspectives incertaines publiées par les équipes de direction des sociétés. Les rapports des sociétés les plus en vue du secteur des technologies ont aussi commencé à être rendus publics ces jours-là. Le président des États-Unis, Donald Trump, a ébranlé une fois de plus la confiance des investisseurs en évoquant la possibilité d’imposer des droits tarifaires à Beijing pour punir les autorités chinoises d’avoir mal géré la pandémie.
Canada – Ne pas traverser le pont avant d’y être arrivé
Les actions canadiennes ont participé à la remontée mondiale des actions, dégageant un solide rendement de 10,5 % en avril. Ces titres ont gagné près de 32 % par rapport au creux du 23 mars, date à laquelle les actions mondiales ont été aspirées dans un plongeon historique du marché. En avril, le secteur le plus performant a été celui des matières premières; il a été propulsé par l’appréciation de 42 % des titres aurifères dans un contexte où le prix du métal jaune n’a progressé que de 7 %. Le secteur des technologies de l’information, le deuxième en importance au Canada pour son dynamisme, a tiré parti du rendement de l’action du champion poids lourd Shopify, qui a bondi de 50 % en un seul mois.
Avril fera date en raison de la chute abyssale des prix du pétrole. Le prix de référence du West Texas Intermediate (WTI) s’est enfoncé en territoire négatif à -38 $ US le baril; jamais auparavant ce produit ne s’était échangé sous la barre de zéro. Le prix du WTI est tombé en chute libre pour deux principales raisons, soit la suroffre qui a dépassé la capacité de stockage et l’écroulement de la demande à la suite des confinements attribuables au coronavirus et de l’interdiction de voyager. À la fin d’avril, cependant, le prix du pétrole s’était redressé; il a clos la dernière séance du mois en baisse d’à peine 8 %. Les réductions de production d’environ dix millions de barils par jour, ou 10 % de la production mondiale, récemment annoncées par l’OPEP+ (les pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et la Russie), ne devraient pas exercer de fortes pressions à la hausse sur les prix. D’autres réductions substantielles seront nécessaires pour arrimer la production à la demande défaillante. Étonnamment, les actions canadiennes du secteur de l’énergie se sont étoffées de près de 13 % dans l’ensemble pendant le mois, stimulées par la remontée de presque 19 % des prix du gaz naturel.
Rompant avec ses habitudes, Statistique Canada a publié des estimations rapides – ou préliminaires – du produit intérieur brut (PIB). L’organisme a prévu une contraction de 9 % pour mars, soit la baisse mensuelle la plus prononcée du PIB dans les annales. Les voyages et le tourisme, la restauration et l’hôtellerie ont fait partie des secteurs d’activité les plus durement touchés. Plus de 7,2 millions de personnes (35 % de la population active du Canada) ont demandé la Prestation canadienne d’urgence (PCU), qui consiste en paiements de 500 $ par semaine visant à accorder un soutien temporaire du revenu pendant au plus 16 semaines. La PCU aide les Canadiens à combler le manque à gagner pendant la paralysie de l’économie, mais n’empêchera pas l’érosion de la confiance des consommateurs et ne stimulera pas les dépenses.
La Banque du Canada (BdC) a adopté de nouvelles mesures d’assouplissement quantitatif (AQ), annonçant deux programmes destinés à faciliter l’achat d’obligations provinciales et de sociétés. Les taux d’intérêt obligataires ont continué de fléchir sur toute la courbe des taux alors que l’ébranlement des prix du pétrole assombrissait les perspectives déjà défavorables de l’économie canadienne. Malgré la baisse des taux d’intérêt, le huard a grimpé de trois cents par rapport aux creux de mars. Son raffermissement serait attribuable à la faiblesse du dollar américain, qui a subi un délestage lorsque les actifs à risque ont été plus prisés en avril. Le billet vert est généralement considéré comme une monnaie refuge en période de volatilité exacerbée du marché. Nous nous attendons à ce que le dollar canadien se maintienne à son niveau actuel si la volatilité subsiste.
La presse a fait état de la nomination de Tiff Macklem à titre de nouveau gouverneur de la BdC pour succéder à Stephen Poloz, dont le mandat s’achèvera en juin. M. Macklem a été premier sous-gouverneur de l’ancien gouverneur Mark Carney et était l’un des candidats favoris à ce poste. À sa première conférence de presse, Tiff Macklem a exprimé son aversion pour les taux d’intérêt négatifs, signe que la BdC ne modifiera pas sensiblement la trajectoire actuelle de la politique monétaire.
États-Unis – Brûler les ponts
Les dépenses de consommation, qui sont la force motrice de l’économie américaine puisqu’elles représentent plus des deux tiers du PIB des États-Unis, ont accusé la baisse mensuelle la plus accentuée dans les annales, glissant de 7,5 % en mars. Les mesures qui ont incité les consommateurs à resserrer les cordons de leur bourse sont pour l’essentiel encore présentes, ce qui préfigure une autre importante contraction des dépenses de consommation en avril. Ce recul brutal a nui à l’économie américaine, amputant le PIB de 4,8 % au premier trimestre. Les répercussions de la pandémie ont amené plus de 30 millions d’Américains à présenter des demandes d’assurance-emploi. Les consommateurs, dont la confiance a été ébranlée en avril, ont épargné davantage et ont reporté leurs gros achats.
La Réserve fédérale américaine (Fed) a maintenu son appui indéfectible à l’économie, a annoncé l’élargissement de son programme d’assouplissement quantitatif et a laissé les taux d’intérêt à leurs niveaux historiquement bas. Le président de la Fed, Jerome Powell, a reconnu l’importance de redémarrer rapidement l’activité économique pour restaurer la confiance des consommateurs. Comme la Fed a réduit les taux d’intérêt trois fois en mars, les abaissant à près de zéro, les achats d’actifs représenteront une pièce maîtresse de son ambitieuse politique monétaire. Les taux d’intérêt aux États-Unis ont été relativement inchangés pendant le mois.
Les actions américaines ont poursuivi leur redressement, les investisseurs ayant renoué avec la confiance en raison de l’appui sans précédent des politiques du gouvernement des États-Unis et des dirigeants de la banque centrale. L’indice S&P500 a rebondi de 12,7 % en avril, soit un gain de plus de 30 % par rapport aux creux enregistrés le 23 mars. Les secteurs forts de l’économie américaine ont été ceux de l’énergie et de la consommation discrétionnaire, qui ont aussi fait partie des plus malmenés par les récentes ventes massives de titres causées par la COVID-19. La période de publication des bénéfices battait son plein en avril pour de nombreuses sociétés américaines. Apple a dépassé les estimations de bénéfices pour le premier trimestre, mais a refusé de fournir des projections pour le deuxième trimestre. Amazon a déclaré que la croissance des revenus au titre des commandes des consommateurs confinés serait contrebalancée par les coûts associés à la pandémie.
Europe et Royaume-Uni – Il coulera beaucoup d’eau sous les ponts
Au premier trimestre, l’économie de la zone euro a accusé le recul le plus rapide de son histoire, se repliant de 3,8 % après la mise en confinement généralisée imposée par l’état d’urgence sanitaire. Les économies de l’Italie, de la France et de l’Espagne ont subi d’importantes contractions.
La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a lancé une mise en garde selon laquelle la croissance économique de la zone euro pourrait chuter de 5 à 12 % cette année. Mme Lagarde a déclaré que la BCE était entièrement disposée à renforcer les mesures de soutien d’urgence et à utiliser tous les outils à sa disposition pour contrer ce repli. Les actions européennes se sont redressées de 6 % en avril, accusant un décalage par rapport aux marchés boursiers mondiaux.
Après avoir été lui-même gravement atteint par la COVID-19, le premier ministre britannique, Boris Johnson, a repris ses fonctions et s’est attelé à la sortie de crise de l’économie. Le gouvernement de la Grande-Bretagne a été abondamment critiqué pour avoir retardé les tests de dépistage massif et s’être abstenu d’ordonner des mesures de confinement pendant la phase initiale de la pandémie. Le Royaume-Uni est en voie de devenir l’une des nations les plus endeuillées de la région, car les décès liés à la COVID-19 dépassent maintenant ceux de l’Italie et de l’Espagne. Les pourparlers avec l’Union européenne (UE) entourant le Brexit ont récemment repris tout en le Parlement s’est fermement engagé à conclure un nouvel accord commercial d’ici à la fin de l’année.
Chine – Le chemin le moins fréquenté
La Chine ayant émergé de son propre confinement, l’indice composé de Shanghai a rebondi par rapport aux creux enregistrés en mars et a gagné 4 % en avril. Bien que le rebond réalisé par les actions chinoises ait été timide comparativement aux gains enregistrés dans la plupart des autres marchés, la vente massive de titres chinois en mars a été moins brutale. Le marché boursier chinois (dont le rendement est mesuré par l’indice composé de Shanghai) reste l’un des plus dynamiques cette année.
Pendant que les pays développés passaient avril en quarantaine, la Chine tentait de redémarrer l’activité économique nationale après une paralysie de deux mois, pendant laquelle l’économie a été mise en pause la majeure partie du premier trimestre. Le PIB chinois a fortement reculé, cédant 6,8 %.
Même si l’ordre de confinement est levé, le PIB devrait de nouveau se contracter au deuxième trimestre. Malgré une reprise assez robuste des secteurs industriel et manufacturier, de nombreux citoyens continuent de craindre la COVID-19 et le rythme de la reprise des dépenses de consommation est lent. De plus, un grand nombre de pays n’ont imposé des confinements qu’au début de mars. L’économie centrée sur les exportations de la Chine n’a pas encore été frappée de plein fouet par la défection de la demande mondiale.
Sur une note positive, le pays a pour une large part évité une deuxième vague d’infections après que l’économie a amorcé sa réouverture en avril.
Japon – Un pont trop loin
Les investisseurs en actions japonaises ont pu se réjouir du bond de 6,8 % de l’indice Nikkei en avril; ces titres ont néanmoins été à la remorque des marchés nord-américains.
Le premier ministre, Shinzo Abe, a finalement lâché prise et a déclaré l’état d’urgence national le 16 avril. Son hésitation avait été motivée par la crainte que des mesures de confinement précarisent l’économie nippone déjà fragilisée.
Pour amortir les conséquences économiques, le gouvernement a adopté un programme de stimulation de mille milliards de dollars américains, dans le cadre duquel des paiements directs d’environ 935 dollars américains seront accordés à chaque citoyen japonais.
Notre stratégie
Un facteur de marché déterminant, la pandémie de COVID-19, demeure la principale source d’incertitude.
Les nouvelles du front sanitaire sont encourageantes. Les cas sont en baisse dans certaines des régions les plus durement touchées en Europe et en Amérique du Nord. En Chine, en Australie et en Nouvelle-Zélande, il n’y a presque plus de nouveaux cas. Les urgences des hôpitaux ne semblent pas engorgées. Dans les régions où les courbes s’aplatissent, les gouvernements assouplissent les règles de distanciation sociale qui ont provoqué de graves paralysies de l’économie. Il y a des espoirs de reprise.
Des nouvelles rassurantes contribuent à atténuer l’incertitude qui plombait nos perspectives relatives aux catégories d’actif. La crainte d’une deuxième vague d’éclosions après le déconfinement des économies et la forme inconnue que prendra la reprise économique sont maintenant les enjeux les plus préoccupants. Le ralentissement actuel pourrait fort bien se prolonger jusqu’au troisième trimestre. Les estimations actuelles des bénéfices pour l’année passent sous silence.
Le brouillard se dissipe, mais on ne sait pas encore ce que sera la prochaine étape de ce parcours. On soupçonne que la reprise est imminente dans de nombreux segments de l’économie, mais que la route sera longue dans d’autres secteurs. D’ici à ce qu’on puisse mieux discerner ce que l’avenir nous réserve, l’adoption d’une répartition neutre de l’actif reste justifiée.
Le mot de la fin
La volatilité causée par la pandémie de COVID-19 s’est en grande partie résorbée et nombreuses sont les nouvelles positives, tant sanitaires que financières. Les gouvernements et les banques centrales sont intervenus pour amortir les chocs économiques provoqués par le coronavirus et soutenir les particuliers et les économies en difficulté. Dans l’attente de jours meilleurs, c’est l’avenir qui nous dira si le colmatage a été efficace.
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