Les investisseurs ont certes connu des heures sombres depuis le début de l’année : les marchés boursiers et obligataires accusent tous deux des replis dans les deux chiffres, ce qui est extrêmement rare. Malgré tout ce que le portrait d’ensemble peut avoir de décourageant, on constate d’importants écarts de rendements entre les différents pays, les secteurs et les styles d’actions. Le S&P/TSX affiche par exemple un repli beaucoup moins prononcé (-14 %) que celui du Nasdaq (-33 %) et du S&P 500 (-25 %); le secteur canadien de l’énergie est même en forte hausse cette année (+47 %) et les actions de valeur devancent massivement les actions dites de croissance.
Le point à retenir, c’est qu’il y a et qu’il y aura toujours des endroits où se réfugier et que les investisseurs doivent se montrer sélectifs dans leurs choix de placements. Par exemple, dans le contexte actuel, nous continuons de mettre l’accent sur les entreprises de qualité dotées d’importants avantages concurrentiels qui leur confèrent suffisamment de pouvoir de fixation des prix pour compenser l’augmentation de leurs propres coûts et préserver leurs marges bénéficiaires. Nous recommandons fortement aux investisseurs de porter une attention particulière aux niveaux de valorisation (d’éviter les actions trop chères), dans la mesure où les actions de croissance à valorisation élevée sont notoirement sensibles à la hausse des taux d’intérêt. Nous prônons certes un positionnement défensif depuis le début de l’année, mais nous sommes convaincus que l’affaiblissement actuel du marché donnera lieu à d’extraordinaires occasions d’achat dans certains secteurs malmenés dans un avenir pas trop lointain.
La peur de perdre de l’argent est une émotion légitimement puissante. Toutefois, l’histoire montre sans l’ombre d’un doute que l’investisseur qui décide de liquider ses placements à la suite d’un repli majeur sera perdant à long terme. Si l’on se fie à ce que plus de cent ans d’histoire économique ont pu nous enseigner, les marchés peuvent certes connaître d’intenses fluctuations au cours d’une année donnée, mais plus la période est longue, plus la volatilité diminue. Le graphique ci-dessous montre ainsi que, depuis 1960, le S&P/TSX n’a jamais enregistré de rendement négatif en glissement sur 7, 10, 20 ou 30 ans.
Le recul affiché par les actifs financiers depuis le début de l’année est clairement attribuable à l’inflation, à la hausse corollaire des taux d’intérêt et à la baisse de régime de l’économie. Après avoir cruellement tardé à reconnaître l’ampleur de la menace inflationniste, les banques centrales des États-Unis et du Canada risquent à présent de commettre une nouvelle erreur de politique monétaire et de relever les taux trop et trop vite et ainsi de provoquer un douloureux « atterrissage en catastrophe » de l’économie. Mais avant de sacrifier leurs placements, les investisseurs doivent prendre la mesure du chemin parcouru en termes de niveaux de valorisation (qui étaient très hauts pour les obligations, les habitations et pour un certain nombre d’actions, mais sont aujourd’hui beaucoup plus raisonnables) et, surtout, de ce qui nous attend au cours des prochaines années. Donc, à quel point le ralentissement est-il désormais intégré aux cours des actions? Beaucoup, à notre avis. Il est important de se souvenir que le marché boursier anticipe l’évolution de l’économie bien avant qu’elle se produise. Par ailleurs, historiquement, les récessions relativement modestes comme celles du début des années 1980 et des années 1990 se traduisent par un repli total d’environ 20 %, du sommet au creux. Certaines récessions plus graves comme celle qui avait suivi le choc pétrolier de 1973 à 1975 ont, bien sûr, donné lieu à des replis plus marqués; mais plusieurs éléments (la résilience du marché nord-américain de l’emploi, qui alimente la consommation, et l’excellente situation financière des entreprises, pour n’en citer que deux) nous poussent à penser que le ralentissement actuel sera probablement beaucoup moins prononcé que celui des années 1970 ou que celui qui avait accompagné la crise financière de 2008.
Il convient également de s’interroger sur la quantité de resserrement monétaire et d’inflation anticipée par les marchés des titres à revenu fixe. Encore une fois, elle est selon nous importante. Le marché s’attend à de nouveaux relèvements de taux de 1,00 % à 1,50 % (Canada et États-Unis), mais, plus important encore, face à la rapidité des hausses de taux, les anticipations inflationnistes à long-terme ont diminué pour se rapprocher de la cible de 2 %. Cela indique clairement que les marchés sont convaincus que les efforts massifs déployés par les banques centrales pour combattre l’inflation finiront bel et bien par enrayer les hausses de prix.
Analyse technique
Notre analyste technique Russ Visch observe que, malgré toute la pression à laquelle les marchés boursiers ont été soumis ces dernières semaines, nos modèles d’anticipation à court et à moyen terme commencent à montrer que le marché baissier cyclique actuel tire peut-être à sa fin. Les oscillateurs d’ampleur du marché à court terme ont, par exemple, récemment atteint des niveaux de survente que l’on n’avait pas observés depuis des décennies, et les indicateurs de confiance traduisent un degré de pessimisme qui ne se présente que rarement, et seulement lors d’importants creux de marchés baissiers.
Notre indicateur de confiance composé, qui regroupe un certain nombre d’enquêtes de conjoncture différentes, est retombé la semaine dernière à son niveau le plus bas (et donc le plus pessimiste) depuis le creux de la crise du crédit de mars 2009. Les indicateurs de confiance reposent sur la « théorie de l’opinion contraire », selon laquelle, dans les extrêmes, la foule a tendance à faire les mauvais choix. Heureusement, c’est quelque chose que l’on peut également un peu quantifier. Pour trouver un tel niveau de pessimisme parmi les investisseurs, il faut remonter au creux de la crise du crédit en 2009 et à celui de la pandémie en 2020. Le S&P 500 avait alors gagné 77,2 % en moyenne au cours des 12 mois suivants et 110,7 % au cours des 24 mois suivants. Autre élément important à noter : le début d’année difficile que nous avons connu n’a pas eu d’effet majeur sur le marché haussier structurel dans lequel nous évoluons depuis plus de huit ans maintenant. L’indice Dow Jones progresse clairement par cycles de 32 ans depuis plus d’une centaine d’années. Si le cycle actuel continue à tenir bon, les actions devraient rester clairement orientées à la hausse jusqu’à la fin de la décennie (en d’autres termes, le marché baissier cyclique actuel constituera la meilleure occasion d’achat que l’on ait connue depuis le plus fort de la pandémie en mars 2020).
Les marchés pourraient rester volatils pendant quelque temps et il n’est pas exclu qu’ils perdent encore du terrain. La clé, dans ce contexte, sera de continuer à faire preuve de rigueur à l’égard des prix payés et de conserver un portefeuille bien diversifié, composé de liquidités, d’obligations et d’actions de grande qualité.
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