Le budget fédéral 2024, présenté le 16 avril dernier par la ministre des Finances Chrystia Freeland, introduit une série de mesures visant à concilier équité fiscale et stimulation de l’économie.
Ces initiatives ont été détaillées lors de l’événement tenu par BMO, avec la participation d’Emna Braham, Directrice générale de l’Institut du Québec (IDQ), Olivier Paquin, Directeur de la Planification fiscale chez BMO Gestion privée et Mario Rigante, Président régional de BMO Gestion privée, au cours duquel ils ont exploré les impacts de ces annonces sur l’économie canadienne
Mesures clés : fiscalité et investissements
Olivier Paquin souligne « Beaucoup de nouvelles mesures fiscales ont été déposées, le taux d’inclusion des gains en capital étant la mesure la plus importante au niveau des revenus du gouvernement ».
Comme le mentionne M. Paquin, la grande révélation de ce budget est sans contredit l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital, passant de 50 % à 66 %. Mise en place afin d’augmenter les revenus gouvernementaux sans pour autant freiner l’investissement privé, cette mesure stratégique offre toutefois une certaine marge de manœuvre aux contribuables puisqu'elle ne prendra effet que le 25 juin 2024. M. Paquin ajoute également que cette période d’ajustement permettra aux investisseurs de prendre des décisions éclairées, en réalisant des gains potentiels avant l’entrée en vigueur du nouveau taux.
Défis et opportunités économiques
Malgré un cadre fiscal restreint dans le budget fédéral canadien de 2024, le gouvernement a maintenu un déficit contrôlé de 40 milliards de dollars, conformément aux projections antérieures. Cette stabilité reflète une gestion prudente des finances publiques visant à préserver l’équilibre économique sans compromettre la croissance future du Canada. Mme Braham souligne l’importance de cette maîtrise du déficit pour maintenir la confiance des marchés et des investisseurs, en s’assurant que les dépenses supplémentaires, notamment celles visant à stimuler l’économie, demeurent dans les limites des capacités financières du pays. Cette approche prudente contribue également à prévenir une hausse des taux d’intérêt, évitant ainsi de freiner l’investissement privé et les dépenses de consommation.
Emna Braham analyse l’augmentation des dépenses gouvernementales, soulignant que pour l’année fiscale 2023-2024, les dépenses du gouvernement fédéral représentaient environ 16 % du PIB, un niveau qui se rapproche des sommets observés dans les années 1992 et 1993. Cette observation démontre que, malgré une période antérieure de contrôle strict, les dépenses actuelles ont significativement augmenté.
Une attention soutenue est également accordée à la gestion de la dette nationale. Le budget prévoit que la dette diminuera progressivement en pourcentage du PIB, reflétant une combinaison de croissance économique modérée, mais stable et de mesures fiscales renforcées, telles que l’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital. Cette baisse relative de la dette par rapport au PIB est un indicateur clé, démontrant que l’économie canadienne se développe à un rythme qui permet de réduire progressivement la dette nationale sans imposer de mesures d’austérité sévères.
Mme Braham termine « On est loin de l’équilibre budgétaire, mais on garde le cap vers les objectifs, c’est-à-dire de voir une réduction des niveaux de déficit pour atteindre 1 % du PIB en 2026-2027 ».
Encourager l’entrepreneuriat
Le budget fédéral canadien de 2024 introduit des mesures fiscales significatives pour stimuler l’entrepreneuriat et l’innovation partout au pays. L’exemption sur les gains en capital pour les propriétaires d’entreprises passe de 1 million à 1,25 million de dollars.
Parallèlement, un nouveau programme incitatif diminue de moitié le taux d’inclusion des gains en capital sur les ventes d’entreprises, avec un plafond qui a été élevé à 2 millions de dollars. Ce plafond sera introduit progressivement à hauteur de 200K$ par année de 2025 à 2034. Cette mesure vise à réduire le fardeau fiscal lors de ventes d’entreprise.
Le budget prévoit également les fiducies collectives des employés, encourageant ceux-ci à acquérir des parts de l’entreprise dans laquelle ils œuvrent. Olivier Paquin soulève « C’est quelque chose qu’on voit beaucoup du côté américain et qu’on ne voyait pas du tout au Canada ». Cette nouvelle mesure facilitera la succession structurée des entreprises, en offrant une solution particulièrement adaptée dans un contexte démographique où de nombreux entrepreneurs de la génération des baby-boomers envisagent la retraite.
Ces initiatives offriront aux propriétaires la possibilité de planifier leur succession plus facilement et d’encourager les entrepreneurs actuels à sécuriser leur avenir financier ou à réorienter leurs activités. De plus, ces nouvelles mesures permettront d’inspirer une nouvelle génération à prendre la relève d’entreprises existantes.
Impacts sur le marché et la croissance
Le secteur immobilier canadien a également reçu une attention particulière dans le budget fédéral, avec la mise en place d’initiatives pour stimuler l’offre et la demande de logements. Des modifications sont donc apportées au Régime d’accession à la propriété (RAP), un programme qui permet aux Canadiens d’utiliser leurs régimes enregistrés d’épargnes-retraites (REER) pour l’achat d’une première propriété sans pénalité fiscale immédiate.
Auparavant, un individu pouvait retirer jusqu’à 35 000 $ de son REER pour acheter ou construire une maison. Le budget de 2024 envisage d’augmenter ce montant à 60 000 $, ce qui représente une hausse substantielle destinée à rendre l’accès à la propriété plus abordable pour les premiers acheteurs, en particulier dans un contexte de hausse continue des prix de l’immobilier. « Auparavant, le remboursement sur 15 ans débutait deux ans après le moment du retrait. On propose maintenant de commencer à rembourser cinq ans après le retrait », ajoute Olivier Paquin.
Éléments de risque et préoccupations
Le budget fédéral souligne deux préoccupations majeures : le service de la dette et les pressions des transferts fédéraux en santé. L’augmentation des coûts du service de la dette, exacerbée par la montée des taux d’intérêt, suscite des inquiétudes sur la capacité du gouvernement à gérer efficacement ses finances.
Emna Braham identifie également les risques associés à l’expansion de programmes sociaux tels que l’assurance médicament, dont les coûts pourraient escalader si ces programmes sont étendus. Parallèlement, les demandes accrues des provinces pour plus de transferts fédéraux en santé pourraient significativement gonfler les dépenses publiques. Ces éléments soulignent l’impératif d’une gestion fiscale prudente pour maintenir la stabilité économique du Canada tout en répondant adéquatement aux besoins en santé des provinces.
Mme Braham rappelle toutefois que, bien qu’il y ait plusieurs facteurs de risques liés à la hausse des dépenses, « les mesures qui ont le plus d’impact financier visent tout de même à augmenter le potentiel économique du Canada ».
De son côté, Olivier Paquin aborde les préoccupations du secteur caritatif dans le budget de 2024, en notant que les mesures de l’impôt minimum de remplacement avaient initialement causé une certaine inquiétude parmi les organismes de bienfaisance et de philanthropie. Ceux-ci craignaient que les changements fiscaux aient des répercussions sur le niveau des dons en raison des nouvelles règles qui accordaient moins d’avantages fiscaux. Suite à des représentations intensives du secteur caritatif, le gouvernement a ajusté ces mesures en augmentant l’inclusion du crédit d’impôt pour dons de 50 % à 80 % dans le calcul de l’impôt minimum, apportant ainsi un certain soulagement aux organisations touchées.
Réflexions pour l’avenir
Cette analyse du budget dénote l’importance pour le Canada d’adopter une gestion prudente et une planification stratégique qui favorisent la croissance économique tout en contrôlant efficacement la dette publique. Malgré les nombreux défis, l’optimisme demeure, soutenu par l’engagement résolu du gouvernement à stimuler l’économie et à maintenir une stabilité financière à long terme.