Les entrepreneurs prospères font beaucoup de choses bien – ventes, développement de produits, mise en œuvre de grandes idées –, mais bon nombre d’entre eux n’épargnent pas suffisamment pour leur propre retraite et ne pensent pas suffisamment à la planification de leur patrimoine personnel et familial. Ce n’est pas surprenant : comme tous les propriétaires d’entreprise le savent, la plupart du temps, ils passent leur temps à penser à leur entreprise et bon nombre d’entre eux n’ont pas une stratégie de gestion de patrimoine aussi précise que leur stratégie d’affaires.
Mais même si cette réalité semble encore lointaine, à un moment donné, vous devrez ralentir, ce qui signifie que vous devrez avoir suffisamment d’argent pour financer votre vie après le travail. « Les propriétaires d’entreprise ne passent pas suffisamment de temps à examiner leur situation personnelle », affirme John Paniccia, vice-président et directeur général national, Services-conseils aux entreprises et planification de la relève à BMO Gestion privée.
Que pouvez-vous faire maintenant pour vous assurer de vous constituer un pécule? Voici quelques idées.
Utiliser des comptes de placement traditionnels
Nous savons tous que les régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et les comptes d’épargne libre d’impôt (CELI) sont des éléments clés de la planification de la retraite, mais ils ne sont peut-être pas la priorité des propriétaires d’entreprise qui préfèrent mettre leurs fonds excédentaires directement dans leur entreprise. « De nombreux propriétaires d’entreprise estiment que la meilleure façon d’accroître le rendement du capital investi est de réinvestir leur argent dans leur entreprise », explique M. Paniccia.
Toutefois, ces instruments à l’abri de l’impôt devraient être le point de départ de tout plan de retraite, car ils offrent des rendements composés au fil du temps. « Les gains réalisés dans le CELI sont entièrement à l’abri de l’impôt, tout comme l’exonération pour résidence principale et l’exonération cumulative des gains en capital sur la vente d’actions de sociétés privées, tandis que les REER ont l’avantage d’être une stratégie efficace de report de l’impôt », explique M. Paniccia. Vous devrez retirer de l’argent de l’entreprise pour provisionner ces comptes personnels – et l’accumulation de droits de cotisation à un REER est liée au revenu personnel annuel –, de sorte qu’il pourrait y avoir des répercussions fiscales à prendre en considération selon la combinaison de ces comptes que vous utilisez. « Ce sont vos premières stratégies de base courantes », explique-t-il.
Établir un régime de retraite individuel
Il existe également des façons d’épargner en vue de la retraite au sein de la société, souligne M. Paniccia. Par exemple, les entrepreneurs peuvent établir un régime de retraite individuel (RRI), un régime à prestations déterminées spécialement conçu pour les propriétaires d’entreprise constituée en société. Contrairement aux régimes à cotisations déterminées, où la valeur du compte peut fluctuer en fonction des marchés, un régime à prestations déterminées vous donnera un montant fixe pour la vie.
L’un des principaux avantages d’un RRI est qu’il permet d’y investir plus qu’un REER. Par exemple, dans le cas d’un REER, peu importe le revenu que vous gagnez, vous ne pouvez verser que 18 % de votre revenu dans le compte, jusqu’à concurrence du maximum annuel. Avec un RRI, ceux qui ont 45 ans – l’âge recommandé pour ouvrir un RRI – peuvent cotiser jusqu’à 21 % de leur revenu. Et ce montant augmente avec l’âge. À 65 ans, par exemple, vous pouvez verser 29 % de votre revenu.
L’autre avantage important est que toutes les cotisations et tous les frais administratifs sont déductibles d’impôt pour l’entreprise. « Les clients utilisent le RRI tant que les flux de trésorerie sont là pour le soutenir, affirme M. Paniccia. Il s’agit d’une solide stratégie pour financer la retraite dans les bonnes circonstances. »
Élaborer une stratégie de retraite axée sur l’assurance pour les entreprises
Si vous êtes un propriétaire d’entreprise, une grande partie de votre valeur nette est probablement liée à votre entreprise. Même si vous avez optimisé les possibilités d’abri fiscal offertes par les REER et les CELI, il existe d’autres options qui offrent la souplesse nécessaire pour accéder aux fonds accumulés dans votre entreprise et qui peuvent contribuer à financer votre retraite.
Envisagez une stratégie de retraite axée sur l’assurance pour les entreprises, qui vous permet d’accéder à des fonds à partir d’une police d’assurance vie permanente achetée par votre entreprise. Il s’agit d’une initiative très sophistiquée qui peut vous donner un accès libre d’impôt à ces fonds avant votre décès et qui procure également un avantage non imposable à votre succession. Compte tenu de la nature complexe de cette approche, vous devriez parler à un conseiller fiscal pour en savoir plus sur son fonctionnement.
Envisager d’établir une société de portefeuille
Une autre stratégie consiste à établir une société de portefeuille qui est propriétaire de la société exploitante, puis à investir les fonds générés par l’entreprise qui ne sont pas requis pour soutenir les activités par l’intermédiaire de la société de portefeuille. Voici comment cela fonctionne : l’argent qui n’est pas utilisé pour exploiter votre entreprise peut constituer un dividende pour la société de portefeuille à l’abri de l’impôt. (Et cet argent serait déjà imposé à un taux d’imposition des entreprises inférieur à celui d’un revenu gagné personnellement.) Vous investiriez ces fonds dans des actions et des obligations ou dans tout autre placement que vous souhaitez, et vous pourriez les verser et les recevoir sous forme de dividendes imposables à votre discrétion. Vous pouvez contrôler la fréquence de ces paiements pour gérer l’impôt sur le revenu des particuliers que vous devrez payer lorsque vous retirerez ces fonds.
Le recours à une société de portefeuille au lieu de simplement investir dans la société exploitante présente certains avantages, explique M. Paniccia. Tout d’abord, cela permet de protéger vos actifs de retraite contre tout litige auquel la société exploitante pourrait être exposée et qui pourrait mettre ces actifs à risque. Deuxièmement, cela permet d’éliminer les éléments d’actifs en surplus de l’entreprise, ce qui vous aide à respecter les critères d’exonération cumulative des gains en capital lorsque vous vendez les actions de votre entreprise privée.
La limite actuelle de l’exonération cumulative des gains en capital sur la vente d’actions de sociétés privées est de 1 016 836 $, mais grâce au budget fédéral de 2024 de cette année, la limite passera à 1,25 M$ après le 25 juin 2024. Les chiffres sont également indexés à l’inflation. Toutefois, même si ces gains peuvent être transférés à l’extérieur de votre société à l’abri de l’impôt, la majorité de ces actifs doivent avoir été utilisés dans le cadre des activités de l’entreprise. Si vous accumulez trop d’actifs passifs, vous pourriez ne pas bénéficier de l’exemption.
Tirer parti de l’efficience fiscale
Plusieurs stratégies de retrait fiscalement avantageuses d’une société privée peuvent également être envisagées. Comme pour toutes les stratégies de retraite et de fiscalité, il est préférable de parler à votre conseiller fiscal avant d’agir, mais voici quelques stratégies pour les propriétaires d’entreprise :
Réduction du capital libéré – essentiellement, il s’agit du montant initialement versé pour l’acquisition d’actions, plus ou moins certains rajustements prévus dans la Loi de l’impôt sur le revenu. Le capital libéré se rattache à une catégorie d’actions, et non à un actionnaire. Le capital libéré peut être versé à un actionnaire à l’abri de l’impôt, et tout montant versé à un actionnaire en sus du capital libéré serait considéré comme un dividende réputé.
Vous pourriez également tirer parti des prêts aux actionnaires, qui sont des fonds après impôt prêtés à votre société. Le montant du prêt peut être remboursé à un actionnaire libre d’impôt.
Il est également important de poser des questions à votre conseiller au sujet des dividendes en capital, qui sont des dividendes libres d’impôt versés par des sociétés privées à un actionnaire résident du Canada. Il s’agit d’un compte d’impôt théorique qui comprend la partie non imposable des gains ou pertes en capital nets et d’autres montants (p. ex., le produit d’une assurance vie). « Il s’agit d’un outil courant utilisé pour retirer efficacement des fonds de l’entreprise d’une manière fiscalement avantageuse », souligne-t-il.
Vendre votre entreprise
Bien qu’il soit important d’investir dans des actions et des obligations, dans un REER, un RRI ou une société de portefeuille, votre actif le plus important sera probablement votre entreprise. De nombreux entrepreneurs financent leur retraite grâce à la vente de leur entreprise, mais pour ce faire, vous devez commencer à vous préparer à votre départ dès aujourd’hui.
M. Paniccia conseille de planifier votre départ au moins trois à cinq ans avant la vente de votre entreprise pour maximiser l’écart d’acquisition et la valeur transférables sur le plan commercial afin d’obtenir le prix le plus élevé sur le marché. « Il est essentiel d’établir votre plan de sortie tôt pour réussir », souligne-t-il.
De nombreux propriétaires ont de la difficulté à créer une organisation qui peut fonctionner avec succès en leur absence. Pour y parvenir, vous devrez peut-être atténuer les risques liés à l’entreprise en mettant en place une équipe de direction capable de gérer les ventes et les opérations afin d’assurer la continuité des activités avant votre départ. « Cela se traduira par un multiple de sortie plus élevé et pourrait également permettre d’obtenir une contrepartie en espèces plus élevée pour la vente de l’entreprise », explique-t-il.
Au bout du compte, vous devrez réfléchir à ce que vous ferez pendant vos vieux jours, et pour certains, cela signifie quitter l’entreprise et profiter de la retraite. Mais pour ce faire, vous devez commencer à épargner. « Les entrepreneurs prospères voient leurs entreprises comme leur héritage, explique M. Paniccia. Une partie de notre rôle consiste à les informer et à avoir des discussions avec eux au début du processus – souvent des années auparavant –, afin d’assurer une planification parallèle pour atteindre les objectifs personnels et d’affaires bien avant tout transfert d’entreprise. »